Insanity.

Kayli marchait difficilement à travers l’épaisse jungle. Ses mouvements étant réduits à cause des menottes, elle avait trébuché environ sept fois en entraînant Vaas dans ses mouvements maladroits.

Le groupe s’arrêta enfin une fois arrivé à un petit camp avec un baraquement principal entouré de longues murailles et des barbelés. Vaas poussa Kaily devant lui et la força à entrer dans le cabanon. Il était rempli de multiples cartes représentant l’île. Vaas sortit une clé de sa poche, l’attacha à une espèce de chaîne faite en corde et la mit autour du cou de Kaily.

-          Les choix, c’est quelque chose qui dirige notre vie. T’as déjà fait des choix ? Des choix importants, je veux dire, moi oui. J’adore faire des choix,  dit Vaas.

Il s’approcha de Kaily et passa une main dans ses cheveux bruns trempés par le trajet jusqu’au camp. Vaas mit son nez contre celui de Kaily en glissant sa main jusqu’à la corde qui lui servait de collier. Il remonta la clé et la posa contre les lèvres de Kaily.

-          Fais un choix, murmura Vaas.

Kaily hésita un instant puis porta sa main sur la clé, le geste tremblant. Sa main frôla celle de Vaas. Il recula à un mètre et laissa Kaily retirer le collier de son cou. Elle le tritura doucement puis avança sa main vers les menottes en ne lâchant pas Vaas du regard, s’attendant à une entourloupe.

-          Dommage hermana, dit-il en défaisant les menottes.

Le pirate posa un bras sur l’épaule de Kaily. Il sortit avec elle sous le bras. Les hommes de Vaas étaient tous éparpillés dans le camp. Ils se tournèrent tous à la vue de leur chef.

-          Elle a fait son choix amigos,  cria Vaas à la foule.

Sur ces mots, les pirates restèrent muets.  Vaas se mit derrière Kaily et passa ses bras autour des hanches de la jeune fille.

-          Aller, dis-leur !

-          Je t’emmerde, se débattit Kaily.

Vaas eut un rire nerveux, il reprit son calme presque aussitôt. Il sortit une vieille dague en fer de sa poche arrière et la plaqua sous la gorge de Kaily.

-          Dis-leur, répéta Vaas.

-          Leur dire quoi putain ? avait réussi à prononcer Kaily malgré la pression de l’arme sur sa gorge.

-          Ce que tu as choisis.

-          De me barrer de cette putain d’île à la con, cria Kaily.

Vaas baissa la dague et retenu Kaily par le poignet. Elle essaya de le repousser, sans succès, provoquant quelques rires discrets des sbires de Vaas.

-          Tu m’aimes pas ? demanda Vaas en penchant la tête sur la gauche.

-          Au contraire j’adore les terroristes qui prennent des gens en otage sur une île déserte comme s’ils allaient faire du shopping, répondit Kaily en dévisageant Vaas.

-          J’adore cette femme, dit Vaas à l’adresse de ses hommes.

Il lâcha le poignet de Kaily. Elle ne bougea pas, attendant quelque chose. Vaas leva l’index en l’air comme s’il avait eu une idée, ricana bêtement et détacha le tissu rouge qui enroulait son bras gauche.

-          Donne-moi ton bras, dit-il gentiment.

Kaily jeta un œil derrière elle, les pirates observaient la scène comme s’il s’agissait d’une pièce de théâtre. N’ayant pas d’autres choix, elle tendit son bras à Vaas. Il la remercia. Il caressa du dos de sa main de haut en bas l’avant-bras de Kaily et planta violemment une seringue. Kaily n’eut pas le temps de réagir qu’il injectait le liquide froid dans ses veines. Elle parvint enfin à crier, ce qui fit sourire son ravisseur. Il enroula le tissu sur le trou de l’injection faite par l’aiguille et fit un nœud pour le faire tenir.

-          Dis-toi, hermana, que c’est mon île, je la connais par cœur.  Si tu te barres, moi ou un de tes hommes finira par te trouver, et si ce n’est pas le cas, on retrouvera ton corps parce que t’auras pas survécu dans cette foutue jungle !

Aussitôt, Kaily se sentit tournoyer, la voix de Vaas ne semblait plus qu’un faible écho. Elle finit par s’écrouler à terre.

Une pièce blanche se dessina peu à peu autour de Kaily. Elle ne parvenait pas à bouger, elle ne respirait pas, mais n’en avait pas besoin pour autant. Elle sentait tout son bras gauche enflammé, elle le serra  instinctivement contre sa poitrine. Une dizaine de secondes plus tard, la douleur se fit moins présente. Elle réussit à se lever et à marcher dans la pièce d’un blanc aveuglant. Elle était silencieuse, presque apaisante et semblait infinie. Puis des murs se formèrent autour de Kaily et se rapprochèrent. Ils formeraient alors une pièce d’environ 4m².

Kaily chercha une sortie sans résultats. Elle sentit un jet d’eau couler le long de son dos. La pièce se remplissait peu à peu d’eau salée, lui arrivant bientôt jusqu’au genou.

-          Survis hermana, résonna une faible voix familière.

L’eau monta de plus en plus rapidement, ne laissant plus d’air à Kaily. Elle était submergée. A cours d’oxygène, Kaily se laissa redescendre.

Soudainement, elle rouvrit les yeux. Elle porta ses deux mains à sa gorge, elle était sous l’eau. Elle sombrait de plus en plus dans l’océan, ses pieds étant ligotés à une lourde roche. Kaily tenta de nager vers le haut, sans succès, le poids du rocher l’attirait vers le fond. Le sel attaquait ses yeux et elle finit par les fermer.

La jeune femme toussa à plusieurs reprises, crachant l’eau qui avait inondé ses poumons. Une femme d’une vingtaine d’année était penchée au-dessus d’elle. Elle avait les cheveux courts, rasés d’un côté. Ils étaient entre le rouge et le brun selon sa position par rapport au soleil. Un piercing apparent sur l’arcade lui donnait un air rebelle.

-          Qui es-tu ? demanda-t-elle en la retenant sur le sable brûlant.

-          Je peux poser la même question, répondit Kaily.

-          Je viens de te sauver la vie.

Elle avait un accent espagnol que l’on entendait très distinctement. Elle mélangeait tout un tas de liquides dans une fiole tout en fixant Kaily. Elle imbiba le tissu rouge de Vaas du liquide finale et le remit à sa place.

-          Ca va faire disparaître les effets de la drogue, expliqua l’inconnue.

-          La drogue ? paniqua Kaily.

-          Je m’appelle Moana.

-          Kaily.

Moana la dévisagea pendant un court instant et rangea  sa fiole vide dans une sacoche qu’elle porta sur son épaule. Elle aida Kaily à se mettre debout et l’invita à la suivre. Cette fois, le chemin fut plus agréable, elles passèrent sur des routes naturelles bordées par plusieurs ruisseaux et de temps en temps des cascades. Le bruit de l’eau rappela à Kaily à quel point elle avait soif.

-          Qu’est-ce que tu fais sur l’île ? demanda Moana.

-          Je suis en vacances, mentit-elle.

Elle ne voulait pas affoler Moana, elles venaient à peine de se rencontrer. Et elle pouvait être une complice de Vaas, raconter son histoire pourrait lui apporter encore plus de problèmes.

-          Et je peux savoir ce qu’une touriste fait les jambes liées au fond de l’eau ?

Moana semblait soupçonner quelque chose. Kaily se contenta de faire sourde oreille.

L’étrangère semblait connaître tous les secrets de l’île. Après une demi-heure de marche éprouvante, les deux femmes se retrouvèrent face à une gigantesque cascade qui faisait presque autant de bruit qu’un avion au décollage.

Moana traîna Kaily par le bras qui était fascinée par la magnifique chute d’eau. Elle longea une paroi à la droite de la cascade où l’eau ne tombait pas et entra dans une gigantesque grotte. Au fur et  à mesure où elle s’enfonçait dans la grotte, Kaily découvrit des tentes, des feux de camp.  Un vieil homme qui semblait être centenaire s’approcha. Elle aperçut Moana s’incliner. Elle l’imita timidement, provoquant un  gloussement de la part de sa sauveuse.

-          Pas la peine, chuchota Moana.

Le vieil homme scruta Kaily de haut en bas. Le trajet jusqu’à la cascade lui avait permis de se sécher. Les cheveux secs et emmêlés par l’eau salée retombaient fébrilement sur ses épaules. Son débardeur était presque autant déchiré que son jean et ses baskets usées étaient encore mouillées.  Seul le tissu rouge autour de son bras semblait propre et intacte, dégageant à la fois un parfum de plante et l’odeur de Vaas que Kaily reconnaissait facilement.

L’homme fit un geste de la main à Moana après avoir longuement fixé le bras de Kaily. Elle sembla comprendre puisqu’elle l’emporta vers une  caravane installée au fond de la grotte. Elle lui tendit un sac remplit de vêtements, de nourriture et de boissons. Kaily s’empressa d’ouvrir une bouteille d’eau et de la vider. Elle s’essuya le visage d’un revers de manche.

-          Il sait qui tu es, il te testera, te poussera au bout de tes limites. Prouve-lui qu’il a tort, que tu es plus forte que lui. Manipule-le, donne-lui toutes les raisons de t’aimer et te détester, et tues-le. Tu as survécu à son test.

-          Plus forte que qui ?

-          Que Vaas.