Les belles histoires du Père Makarof, ou Fairy Tail en trente-et-un mots

Chapitre 19 : SOS Chaussette disparue

1305 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/11/2020 12:32

SOS Chaussette disparue




À Lamia Scale, tout le monde connaissait l’histoire tragique de Toby et de sa chaussette disparue.


Selon ses propres dires, après l’avoir perdue, il avait passé trois mois dans des recherches intenses afin de la retrouver, recherches qui s’étaient malheureusement soldées par un échec cuisant, et, à l’arrivée des Grands Jeux Inter-Magiques, il n’avait toujours pas récupéré le précieux vêtement, à son plus grand désespoir. Beaucoup s’étaient demandé pourquoi il se mettait dans de tels états pour une simple fabrication en laine – un présent de sa famille décédée, peut-être, pour peu qu’on pût considérer le fait d’offrir un tel objet comme un cadeau. Beaucoup avaient également remarqué la chaussette blanche qu’il portait en pendentif autour du cou, mais personne n’avait osé lui faire remarquer que c’était peut-être celle qu’il cherchait depuis tout ce temps. Passer trois mois à rechercher quelque chose attaché depuis le début autour de son cou ? C’était absurde et inimaginable.


Il se trouva qu’en fait, cette chaussette que Toby trimballait en collier partout avec lui était effectivement celle qui avait disparu et qu’il souhaitait tant retrouver, et cela, on l’apprit lorsque ce fut son tour de participer à l’une des épreuves des Grands Jeux Inter-Magiques.


Malheureusement, son adversaire lors du duel détruisit sans aucun scrupule les émouvantes retrouvailles entre la chaussette et son propriétaire, en la déchirant juste sous ses yeux, par pure cruauté, au grand choc de tout le monde. Malgré les nombreuses marques de soutien de la part de ses camarades, Toby ne s’en remit jamais complètement. Lors de son retour à Lamia Scale, il créa à l’aide de pierres et de morceaux de bois une petite tombe de fortune pour sa chaussette disparue, et passa ses soirées à pleurer et à organiser des veillées funèbres, au point d’en insupporter ses voisins de chambre, et plus largement, tous les autres membres, qui ne trouvèrent la paix que lorsque ce cirque ridicule cessa enfin, des semaines après la fin des Grands Jeux et la disparition – définitive, cette fois – de la fameuse chaussette.


Voilà pourquoi, lorsqu’un beau matin, vers la toute fin de l’année, Toby mit sa chambre sens dessus dessous en criant, au bord des larmes, qu’il avait encore perdu une chaussette, ce fut le branle-bas de combat général dans tout Lamia Scale pour retrouver le vêtement. Aucun membre ne voulait subir à nouveau les oraisons mortuaires et les sanglots du mage, ayant tous déjà été suffisamment éprouvés la dernière fois que c’était arrivé.


–        Tu es sûr d’avoir bien rangé cette chaussette ? demanda Cherrya, en posant les mains sur ses hanches, pensive. Tu l’as peut-être mise à laver et elle s’est perdue dans la machine ? Ou quelqu’un l’a confondue avec la sienne et l’a peut-être prise par erreur ?

–        Je… Je vais aller voir…

–        Ce n’est pas la peine, intervint Yūka, les mains derrière le dos et l’air solennel. Wendy s’en occupe déjà, elle est dans la buanderie. Va donc lui donner un coup de main, Cherrya. Et assure-toi que Maître Ohba ne sache rien de cette histoire, ou elle va encore faire tourner tout le monde dans les airs avec sa magie de télékinésie, termina-t-il en déglutissant lentement, visiblement effrayé à la perspective d’un tel sort.


Sa camarade n’avait pas besoin de plus de détails ; elle acquiesça et quitta le hall, de bonne humeur à la perspective de retrouver son amie qui avait rejoint leurs rangs depuis la dissolution de sa guilde.


Yūka, pour sa part, se retourna vers le membre restant, un air toujours aussi stoïque marquant ses traits.


–        Quant à toi, Toby, je te conseille de te calmer et de retourner ranger ta chambre ; tu retrouveras peut-être ce que tu cherches.


Il tentait de garder une expression neutre, mais il était aisé de deviner qu’il en avait plus qu’assez du comportement simplet de son partenaire et des problèmes qu’il causait, même si c’était souvent malgré lui. Il n’empêchait que parfois, une certaine dose de volonté s’avérait nécessaire pour supporter ce coéquipier qui portait toujours un masque rappelant la tête d’un chien – quelle idée farfelue !


Au moment où celui-ci s’apprêtait justement à regagner les dortoirs, ce fut Léon qui débarqua dans le hall commun, un léger mélange d’inquiétude et d’irritation marquant son visage d’ordinaire peu expressif.


–        Bonjour, Toby, Yūka. L’un de vous pourrait-il m’expliquer ce que signifie tout ce remue-ménage ? Le maître va finir par se mettre en colère si ce manège ridicule ne s’arrête pas, et il est hors de question que je donne à Grey la satisfaction d’avoir été renvoyé.


–        C’est que… j’ai perdu une précieuse chaussette, et je n’arrive plus à la retrouver… gémit Toby, en regardant ses pieds, prêt à se mettre à pleurer.


Il était complètement abattu ; depuis de nombreuses années qu’il le connaissait, Léon avait cru qu’il finirait par s’habituer à ses frasques et à ses loufoqueries, mais à chaque fois qu’il pensait que son équipier ne pouvait pas être plus bizarre, voilà qu’il trouvait une nouvelle manière de tomber encore plus bas dans l’étrangeté. Il était fidèle, il n’y avait aucun problème là-dessus, mais parfois il manquait de maturité et de réflexion, exactement comme aujourd’hui. D’ailleurs, il était grand temps de mettre un terme à ce malentendu – car oui, tout ceci n’était qu’un malentendu.


–        Toby, ta chaussette n’a pas « disparu », soupira Léon en secouant la tête. Je l’ai suspendue à côté de celle des autres, comme on le fait chaque année à Noël, pour pouvoir mettre des cadeaux dedans, expliqua-t-il en désignant lesdites chaussettes d’un mouvement de tête, et son interlocuteur tourna son regard dans la direction indiquée.


C’était une tradition, à Lamia Scale, d’accrocher une chaussette avec son nom dessus pour que les autres membres pussent y glisser à l’occasion des confiseries, bonbons, chocolats et autres bricoles pour le vingt-cinq décembre. Depuis le drame des Grands Jeux Inter-Magiques, le simple nom de « chaussette » était devenu tabou, pour Toby, alors son équipier avait voulu lui épargner toute peine en s’occupant lui-même de suspendre l’habit et d’écrire le nom de son propriétaire dessus.


Il n’avait pas pensé que cela créerait un tel drame au sein de sa guilde. Il s’était apparemment trompé.


–        Wouf ! Ma chaussette ! Je l’ai retrouvée !! aboya son malheureux détenteur, se précipitant dessus comme la pauvreté sur le monde, et profondément ému par ces retrouvailles qu’il n’espérait plus.


Léon et Yūka échangèrent un regard désabusé. Décidément, Toby avait une fâcheuse tendance à ne pas remarquer ce qui se trouvait pourtant juste sous son nez.

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