Un écho du passé
Note de l’auteur en réponses aux nombreux messages reçus ici ou ailleurs ^^: Je n’ai, certe, qu’un seul oisillon blessé mais cela m’a « coincée » de mars à juillet et psychologiquement bien déboussolée. Ce chapitre n’est pas complet car il manque une partie que je voulais exploiter dès à présent. Mais tant pis, je préfère vous donner un chapitre court, que de vous laisser croire que je manque de respect aux lecteurs en abandonnant ma fic.
PS: c'est la première et dernière fois que je cède ainsi car au final, personne n'en sort gagnant.
PSbis: j'espère ne plus vous décevoir et vous donner rapidement la suite...
Bonne lecture. ^^
Chapitre quatorze
… Rien ne va plus !
Qu’il en soit ainsi… ces mots tournent en boucle dans l’esprit de l’agent Reid. Il aurait tant aimé agir avec la rage et la haine comme carburant, mais seules la peine, la douleur et la lassitude avaient motivé ses actes. Spencer tente d’oublier le regard de satisfaction de Leland lorsqu’il était devenu, lui l’agneau doux et innocent, le bourreau. Lorsqu’il avait sans retenue planté la lame dans la vieille carne du professeur. La peau semblait si fine qu’il s’était attendu à peu de résistance. Pourtant elle avait été comme un filet de sécurité, accompagnant la lame dans sa progression tout en essayant de la retenir. Spencer avait ressenti le corps réclamer pitié alors que l’esprit s’abreuvait autant de la souffrance du tortionnaire que de la victime. Leland avait savouré cet instant avec un plaisir croissant à mesure que l’acier pénétrait sa chair. Spencer réprime un frisson en repensant au bruit de la dague ripant sur l’os avant de glisser vers la jointure plus facile à sectionner. Leland avait crié et, Dieu lui pardonne, Spencer avait aimé cette supplique. Encore maintenant et sans doute jusqu’à la fin de ses jours, ce plaisir interdit hantera ses rêves comme une promesse pour une place bien chaude en Enfer. Spencer regarde la lame sanglante qui git à ses pieds. L’Enfer, il y est déjà alors qu’importe ses sentiments, qu’importent ses actes tant que ceux-ci sont motivés par le désir de n’entraîner dans sa chute que sa frêle personne. Et peut-être, si Dieu le tien encore un peu en estime… peut-être pourrait-il envisager de s’adjoindre un compagnon de route en la personne de Leland ? Après tout, n’est-ce pas là son désir le plus cher ? Rester auprès de Spencer ? Qu’il en soit ainsi !
***
Nevada, 7 juin… tard dans la soirée
Trop de policiers. Trop de bruits.
Des lumières psychédéliques s’élèvent au-dessus de la maison calcinée. Cool le shoot ! Il se laisse tomber sur la pelouse encore humectée par la rosée tardive de ce début d’été. Le temps est comme les hommes, déréglés… et comme eux il n’en fait qu’à sa tête ces dernières années ! Le junkie soupire. La vie est bien curieuse et se joue méchamment de lui. Le flic était sympa, c’est dommage. Et puis il aurait sans doute eu une chouette récompense…
Noyé quelque part dans les limbes stupéfiants des produits illicites, il promène son regard sur les nuages qui recouvrent notre globe, insouciants, naïfs ou tout simplement à mille lieux des tracasseries ridicules du genre humain. L’un ressemble à une pulpeuse sirène, un autre à une pipe à eau… cool, le ciel a de l’humour.
-C’est toi qui faisait signe à Derek hier soir ?
La brune s’est interposée entre ses rêvasseries et une réalité sans goût, quoique plus acide parfois.
-Mouais, p’t’être bien. T’es qui ?
Prentiss tend sa carte, la postant bien devant le junkie dont la tête dodeline de droite à gauche comme s’il cherchait à récupérer le fils de ses pensées, évanescente illusion d’une coopération neuronale perdue dans les strates d’un cerveau rongé tant par la drogue que par l’alcool. Un coup de pied, certes un peu brusque, mais salutaire, met fin au trip et donne de l’assise au regard jusque-là fuyant.
-Agent Prentiss. F.B.I
Emily insiste sur les initiales comme on enfonce des clous. Bien encrer la notion d’autorité pour moins avoir à s’en servir. Une fois certaine que le junkie est tout à son écoute, Emily peut continuer sur un ton plus doux, presqu’amical.
-Mon collègue m’a parlée de vous. Vous auriez des informations importantes pour lui, pour nous. Est-ce exacte ?
-L’est pas mort ?! Ben dites-donc, ce n’est pas de la camelote vos gilets pare-balles ! Mouais, j’avais des trucs… sais plus. T’as vu ces nuages, sont extra non ?
-Oui, extra ! Qu’est-ce que tu voulais dire à mon ami ?
Le junkie abandonne son ciel prometteur pour se plonger dans le regard bien plus impénétrable de Prentiss.
-Un collègue ou… un ami ?
-Ce n’est pas le propos mais disons… un ami qui m’est très cher. J’aimerai qu’il n’ait pas enduré tout cela pour rien.
-Et l’autre ?
-Quel autre ?
-L’autre type que vous rechercher, le fantôme… c’est juste un pote aussi ?
Prentiss prend le parti de jouer le jeu du junkie. Après tout, elle n’a plus rien à perdre et ce type est leur unique espoir. C’est dire à quel point celui-ci est mince !
-Cela dépend. De qui parles-tu ?
-Ben le vieux, c’lui que votre copain recherchait.
-Leland ? Hum… non pas vraiment, mais il est le seul lien que nous ayons pour retrouver un autre de nos collègues… et ami.
-Vot’ copain, le black du FBI, il m’a dit de le prévenir si je savais quelque chose et justement j’crois bien tenir un truc.
« Le truc », nous y voilà ! L’agent Prentiss connait ce genre d’histoire par cœur. Les « indics », surtout lorsqu’ils sont camés jusqu’à la moelle, aiment se faire désirer et tourner autour du pot. D’autant plus qu’ils perdent généralement le fil de leurs pensées dans le dédale incohérent de non-réflexions qui polluent leur esprit. Prentiss se remémore sa discussion avec Derek et la façon dont celui-ci avait perçu le junkie lors de leur première rencontre.
-Un type qui navigue entre deux eaux, l’une tumultueuse où drogue et art s’entremêlent joyeusement et l’autre plus calme mais terne, triste, presque mélancolique.
-Et tu penses qu’il a de réelles informations ou qu’il cherche à obtenir de nous une quelconque reconnaissance ?
-Un peu des deux mon général ! Il semblait réellement connaître Leland. Tout du moins de vue. Et puis toute information est bonne à prendre n’est-ce pas ?
- Mieux vaut-il une mauvaise information qu’aucune ? Je ne sais pas, Derek. Et si cela nous éloigne de Reid en nous mettant sur une fausse piste ?
-Mieux vaut faire quelque chose que de se tourner les pouces. J’enrage de laisser s’écouler le sablier du temps en regardant l’échéance approcher sans agir.
Prentiss se remémore la tête de Derek en découvrant deux tubulures profondément ancrées dans son système sanguin, quelques millimètres de plâtre résineux bloquant son bras gauche et autant de bandage faisant de lui une élégante momie… Seules les deux ravissantes infirmières qui bourdonnaient autour de son sarcophage aseptisé de coton blanc semblaient lui faire momentanément oublier sa condition de blessé. Du moins lorsque Cléopâtre, a.k.a Garcia, consent à lui laisser l’occasion de poser ses yeux loin de son illustre visage encadré de rose, de vert et d’une pointe de bleu. « Un peu de couleur pour parfumer la morosité hospitalière ». Pénélope a parfois d’étranges idées et de bien plus étranges manières de les exprimer !
-Et bien maintenant agent Morgan, tu es bel et bien devenu spectateur de ce temps que nous voulions maîtriser.
-Qu’est-ce que tu racontes ? Eh, la fliquette, tu m’écoutes ? Parce que mon truc c’est comme un Kysscool, y’a un super deuxième effet. Si t’as de quoi aligner, j’te jure que tu vas avoir un good trip.
Prentiss sort une liasse préparée en prévision de cette rencontre, compte soigneusement chaque billet puis remet le petit tas vert dans sa poche. Le regard de l’indic passe brutalement de la gourmandise à la stupéfaction.
-Ecoute mon gars. J’ai un pote qui a disparu et un autre qui est à l’hosto donc tu alignes d’abord tes infos et ensuite on verra si les quelques billets verts que j’ai là, ont envie de te payer ta prochaine ligne.
- Ok, ne te fâche pas. Le type, le Leland, comme tu l’nommes, ben je l’ai vu juste avant l’explosion et il était plutôt excité.
-« Juste avant », ça signifie quoi exactement ? Quelques heures ?
-Nan même pas une heure. Il regardait la maison et rigolait mais ses yeux étaient tout sauf rieurs, ils étaient… waouh… effrayants !
-Bien, montre-moi l’endroit exact où tu l’as vu et mes « Lincoln » passeront dans ta poche.
-Si tes billets font quelques petits, j’te fais découvrir la fraîcheur mentholée du Kissccool. Le type, je l’ai revu ce matin et il tenait quelque chose, un colis je crois. Mais le plus intéressant c’est qu’il avait un bandage à la main et ça, ben il ne l’avait pas lors de l’explosion. Pourtant, malgré cette blessure, son regard était encore plus…
-Effrayant ?
-Disjoncté !
Emily jette les billets en l’air, consciente que ceux-ci n’auront pas le temps d’atteindre le sol avant de disparaître avec leur nouveau propriétaire. Sans plus de considération pour le junkie, l’agent part fouiner vers la zone indiquée, le cellulaire collé à l’oreille et la main prête à dégainer si le besoin se faisait sentir. Un regard vers le ciel confirme son pressentiment. Dans moins d’une heure la nuit sera bien noire et les recherches, en plus d’être compliquées, seront peu discrètes sous les faisceaux des lampes torches. L’imprudence n’est pas son fort, mais l’agent préfère exploiter ces quelques minutes de clarté en solitaire. La vie de Reid n’est pas en danger immédiat mais qu’en est-il de sa santé mentale ? Sans plus attendre, l’agent Emily Prentiss avance vers l’îlot de maisonnettes où Leland aurait été vu.
A quelques mètres de là, l’homme la fixe avec haine et envie. Morgan et maintenant Prentiss… oui décidément, Dieu œuvre pour lui.
***
Elle se contente de l’effleurer, comme une onde électrostatique qui hérisse la pilosité d’un derme aux sens aiguisés, déclenchant un processus minime mais qui se diffuse dans tout le corps en grandissant exponentiellement. Elle vient, se rappelle à son bon souvenir puis disparait, juste le temps nécessaire pour que la phase de latence tende au repos, au soulagement du corps. Suffisamment, mais pas assez pour que cela lui procure l’apaisement tant désiré. Par instant, Spencer oublie qu’elle est là. Antalgiques, fuite psychologique ou signe d’une démence inéluctable, qu’importe l’origine de cette amnésie physique, elle est la bienvenue et il l’accueil avec tendresse. Parfois Spencer tend même les mains vers elle, comme si elle était de chair, comme s’il pouvait s’en abreuver. Il l’appelle avec gourmandise, feignant d’ignorer son côté éphémère. Un désir presque honteux. La gourmandise n’est-elle pas un pêcher capital ? Quand la douleur est trop forte, tous les capteurs de son corps explosent, saturent et la souffrance le submerge tel un tsunami qui ne laisse aucune trace. Qu’il serait agréable qu’il en soit toujours ainsi, comme lorsque la balle avait pénétré sa cuisse. La douleur avait été telle, qu’il avait perdu le fil du temps et de son corps. Comme il avait été doux de se laisser aller si intégralement. Malheureusement Leland en avait décidé autrement et jouait habillement des antalgiques et anesthésiques pour endormir sa douleur sans jamais totalement la faire disparaître. Spencer sent que la situation lui échappe de plus en plus, son bourreau ayant réussi à la fois à maîtriser sa souffrance physique et psychologique.
-Hotch, que dois-je faire ?
L’agent se tourne vers l’hallucination qui se penche au-dessus de lui. Il tend ses mains bandées qui passent au-travers sans déformer l’image. Hotch ricane silencieusement. Ses lèvres ne bougent pas mais l’intonation ironique de son propos est perceptible pour l’esprit tourmenté de Spencer.
-Tu es un profiler Spencer ! Alors profile Leland et endors sa méfiance en faisant exactement ce qu’il attend de toi.
-Ce qu’il attend de moi, c’est un fils à aimer et à tuer.
-Précisément !
- Je ne veux lui donner ni l’un, ni l’autre ! Que je sois réellement sa marionnette ou que je le lui laisse croire, quelle différence ? Il aura obtenu ce qu’il désire.
-Ton intégrité tu conserveras. Le pouvoir en toi tu garderas.
-Pourquoi me parlez-vous comme Yoda ? Et… Hotch, où allez-vous ?
La silhouette se nimbe de vert puis son visage s’illumine d’un étrange sourire aux allures de critters. Spencer qui avait maintenu ses mains dans l’image rassurante de son chef tente maintenant de les extirper de la masse, la déformant au grès de ses gestes, faisant naître un être aux improbables formes. Mais loin de se dissiper, celle-ci s’épaissit et s’approche au plus près de son corps. Dans de larges mouvements frénétiques, Spencer essaye d’éloigner l’hallucination qui se love contre sa peau, déclenchant une réaction épidermique aussi brutale qu’inattendue. De violents spasmes secouent le corps martyrisé de Spencer avant de le laisser épuisé, trempé de sueur et de larmes. Ereinté, les yeux clos, l’agent tente de relativiser cette crise épileptique… ce n’est pas la première fois qu’il est sujet à ce mal. Dans d’autres circonstances, assez similaires finalement, elle avait faillit lui couter la vie. Spencer laisse échapper un rire sourd, à peine audible. Leland aurait été déçu de le retrouver mort, le privant bêtement de son grand final. Lentement, avec appréhension, Spencer ouvre ses yeux. Sa vue est brouillée par ses larmes mais l’hallucination semble avoir disparu, du moins jusqu’au moment où un mouvement suspect attire son regard vers le sol où trône encore l’instrument de son méfait. Avec une rapidité déconcertante, la masse nuageuse se glisse sur le sol de sa prison, ignorant le couteau et contournant les rares obstacles qui se présentent, pour plonger brutalement dans la baignoire qui avait été son premier contact avec sa geôle. Le nuage verdâtre y remplit tout l’espace, tourbillonne puis se met à bouillonner, devenant au grès des petites explosions, un magma rouge écarlate. Spencer est pétrifié d’angoisse. Combien de temps une hallucination peut-elle perdurer ? Sa respiration qui s’était accélérée à la vue d’Aaron-Casper s’interrompt lorsque celui-ci disparait par le siphon, ne laissant sur la faïence qu’un filet rouge sang. Au loin, un rire accompagne la disparition de l’ami, devenu sage d’une lointaine galaxie puis monstre d’X-files. Un rire qui pénètre la chair de l’agent Reid, comblant l’absence engendrée par l’apnée.