Un écho du passé
Chapitre dix
Everything is broken
Broken cutters, broken saws,Broken buckles, broken laws,Broken bodies, broken bones,Broken voices on broken phones.Take a deep breath, feel like you're chokin' Everything is broken.Every time you leave and go off someplaceThings fall to pieces in my face- Pourquoi avez-vous demandé une autopsie de votre femme monsieur Dempsey ?
Les agents Morgan et Prentiss sont installés sur le vieux canapé. Un peu partout sur la commode, sur le rebord de la cheminée, ou même sur la table basse, trônent des photographies du couple Dempsey. L’homme a transformé sa maison en mausolée à la mémoire de son ex-femme. Il fait face aux deux agents du FBI, mais ne les regarde pas. Sa tête est entre ses mains, cachée, soutenue.
- Parce que ma femme allait très bien, n’avait pas d’antécédents cardiaques et rien ne me permet de croire que sa mort soit naturelle.
-Et qu’est-ce qui vous permet de croire le contraire ?
Monsieur Dempsey relève la tête, montrant pour la première fois son regard et l’expression de haine qui y brûle. Il fixe Derek avec intensité. Ses mots sont contrôlés mais la rage semble proche de l’implosion.
-Parce qu’il l’a tué. Je le sais.
-Et… Il, c’est… ?
-Leland ! Le premier mari de ma femme. Mais je suppose que si vous êtes ici, ce n’est pas pour m’entendre me plaindre. Je sais que l’autopsie de ma femme n’a rien démontré de concluant. Pourquoi êtes-vous là ?
-Monsieur Dempsey, nous ignorons si la mort de votre femme est accidentelle ou non. Mais nous enquêtons effectivement sur monsieur Leland. Acceptez-vous de répondre à quelques questions sur les relations qu’ils entretenaient durant leur vie commune ?
-Exécrables ! Voila comment étaient leurs relations. Birgit… c’est, enfin, c’était ma femme. Birgit m’a toujours dit qu’il lui faisait peur. Au début de leur relation, cela allait encore. Birgit est issue d’une famille militaire, et pour ses parents, la voir épouser un futur officier, c’était ce que l’on pouvait rêver de mieux pour elle. Et au début, ils étaient heureux, mais à son retour du Golfe… Ils sont venus s’installer ici, dans la maison du père de Leland. Vous savez qu’il est mort ici, dans cette maison, quelque part. Birgit en parlait souvent. Elle disait qu’il était… je parle du père, vous me suivez ?
Prentiss pose une main compatissante sur le genou de monsieur Dempsey. Ses idées partent un peu en tout sens mais les enquêteurs ont l’habitude de ce genre de chose. Ils prennent les informations, les trient et en tirent le meilleur. Il est parfois utile de bousculer un peu les témoins pour qu’ils forcent davantage leur mémoire, mais monsieur Dempsey est une victime, non un suspect et le brusquer risquerait davantage de le braquer contre ce qu’il vit déjà comme une injustice non reconnue par l’Etat. Beaucoup de gens associent, pas forcément à tord, FBI et Etat, imaginant qu’à travers ses agents, c’est Big Brother qui pénètre chez eux. La prudence et la douceur sont parfois nécessaires, surtout avec les personnes de la génération de monsieur Dempsey.
-Nous vous suivons parfaitement monsieur Dempsey. Prenez votre temps.
-Elle disait qu’il était tantôt comme son propre père, très autoritaire, limite brutal parfois, et tantôt comme sa mère, maternant, doux et prévenant. Birgit adorait monsieur Leland et son fils lui ressemblait beaucoup avant la guerre. Je l’ai un peu connu enfant. Il n’était pas très sociable, mais plutôt gentil. Il était orphelin de mère vous savez. Enfin… Puis dès qu’ils se sont installés ici les choses ont vraiment changé. Birgit pensait que la mort de son père, sa découverte au retour du Golfe et la guerre elle-même avait fait de son mari un autre homme.
-Il était violent ?
-Non mais il exerçait sur elle une très forte pression qu’elle ne supportait pas. Nous… nous nous sommes fréquenté à cette période-là. Juste un peu, quelques sorties. Puis un jour, Birgit a rompu tout contact, prétextant vouloir rester fidèle à son époux et regrettant notre amourette. Je n’y ai jamais cru. Après plusieurs mois de silence, elle est revenue me voir, affolée, bouleversée, et m’a demandé de l’héberger le temps de son divorce. Elle avait très peur. J’ignore ce qui s’est passé, elle refusait d’en parler. Depuis ce jour nous ne nous sommes plus quittés. Enfin, jusqu’à…
-Monsieur Dempsey, ce que je vais vous dire va peut-être vous choquer, mais ma question est très importante pour l’enquête. Vous comprenez ?
-Oui, je comprends. Allez-y.
-Bien. Savez-vous si votre femme a été enceinte ?
-Hein ? Je…
Monsieur Dempsey se lève, fait quelques pas vers la cuisine et y disparait. Derek et Emily prennent le parti de le laisser un peu respirer. L’attente est de courte durée. L’homme endeuillé revient, un verre au fluide ambré dans la main. Il le secoue doucement, faisant s’entrechoquer deux glaçons, puis s’installe face aux agents. D’un geste brusque Dempsey boit une généreuse gorgée, puis sans quitter des yeux le vénérable whisky, cherchant peut-être à s’y noyer un peu, il reprend son souffle et la discussion.
-Je ne lui ai jamais posé de question à ce sujet mais oui, je pense qu’elle était enceinte et que c’était la cause de notre rupture. Je l’ai accepté à l’époque car flirter avec une femme malheureuse est une chose, courtiser une femme enceinte d’un autre homme en est une autre. Quand elle est revenue vers moi, six mois plus tard, elle aussi avait changé. Pendant longtemps elle se cachait sous d’infâmes robes et il a fallu beaucoup de temps avant qu’elle accepte de nouveau d’être… aimée. Je me suis dit que Leland lui avait fait du mal et qu’elle avait peur des hommes mais je pense qu’elle venait d’accoucher, prématurément, seule, chez-elle.
-Qu’est-ce qui vous fait croire cela ?
-Un jour je lui ai demandé de fonder une famille, d’avoir des enfants. Elle a fait une crise de nerfs, magistrale. J’ai été obligé d’appeler son médecin de famille. Il lui a fait une piqûre, elle a dormi et on n’a plus jamais évoqué la chose. J’ignore ce qui c’est passé dans cette maison, mais je peux vous montrer une chose… suivez-moi.
Dempsey se lève et sans attendre les enquêteurs, file vers la cave. Celle-ci est fermée par un gros cadenas rouillé. Dempsey le tortille puis l’ouvre sans mal.
-C’est tellement abîmé qu’une clé est inutile. Ma pauvre Birgit a toujours voulu que ce lieu soit clôt. Elle ignorait qu’un simple tour de main suffisait à l’ouvrir.
-Elle n’allait jamais dans la cave ?
-Non. Elle disait que la mort y régnait. Je pensais qu’elle parlait de monsieur Leland, mais maintenant…
-Monsieur Dempsey, accepteriez-vous que nous jetions un œil ?
-Vous pouvez même retourner la terre et détruire cette demeure et ses annexes si le cœur vous en dit.
Morgan allume sa torche pour complémenter un éclairage succinct et peu efficace. Pendant qu’il descend les quelques marches conduisant au sous-sol, Prentiss raccompagne monsieur Dempsey au salon.
-Je prendrai bien une tasse de café. Puis-je ?
-Oui, il y en a à la cuisine.
Emily laisse quelques instants monsieur Dempsey mais continue l’interrogatoire de la cuisine, mine de rien, comme une discussion entre deux convives.
-Vous parliez d’annexes à la maison. De quoi s’agit-il ?
-En fait, à son divorce, Leland a laissé, bien à regret, cette maison à ma femme. Mais il a conservé la grange et la maison des domestiques. Cette demeure appartenait à sa famille maternelle. C’est l’unique chose dont il a hérité de sa mère puis de son père. Les deux locaux ont été transformés en logements locatifs par Leland. Ainsi, même si je ne l’ai jamais revu depuis le divorce de ma femme, j’avais tout de même l’étrange sensation d’être observé, épié. Birgit aussi. C’est pour cela que nos volets étaient souvent fermés et nos rideaux occlusifs. Même des années après, il nous hantait. Peu avant sa mort, Birgit m’a dit l’avoir croisé devant l’ancienne grange. Il lui a fait peur.
-Vous savez pourquoi ?
-Il lui a dit que bientôt il aurait enfin ce à quoi il aspirait le plus.
-D’après vous il parlait de quoi ?
-Je l’ignore mais Birgit n’est plus sorti pendant une semaine et… Et la suivante, elle est morte.
***
-Il est malin n’est-ce pas ?
Spencer ne répond pas. Leland est face aux écrans, tournant le dos à Spencer. Ce dernier le regarde fixement, se demandant pourquoi il ne l’a pas tué alors qu’il en avait l’occasion. Pourquoi n’a-t-il pas utilisé la tubulure de sa perfusion pour l’étrangler ? C’est souple et résistant, parfait pour ceinturer une petite gorge si tentante. Le latex se serait enfoncé dans la peau vieillit du professeur, atteignant sans mal les carotides, les obstruant. Et avec un peu de force et de chance, la trachée n’aurait pas appréciée non plus… Quel étrange lien le lie encore à son bourreau ? Spencer n’a pas besoin de s’exprimer verbalement pour faire exploser ses sentiments. Ses émotions sont des charbons ardents prêts à tout incendier. Leland ne s’y trompe pas. Il connaît si bien son petit protégé qu’il anticipe ses pensées, ses désirs et ses haines. Leland ouvre un tiroir et en sort un instrument lourd, à l’aspect assez semblable à un gros pistolet à eau d’enfant. Il le pose sur le bureau et le caresse des doigts. Cela fait longtemps qu’il imagine son utilisation, longtemps qu’il attend ce moment, comme une révélation. Avec un soupir de résignation, il n’est pas encore temps, Leland repousse l’engin et extirpe du tiroir un second révolver, celui-ci bien réel et bien fonctionnel. Leland le prend bien en main puis se poste face à Spencer qu’il met en joue. Ses intentions ne sont pas de tirer, pas encore, mais simplement d’amener Spencer dans ses dessins.
-Tu peux hurler, tu peux crier Spencer, il ne t’entendra pas. Ce ne sont pas tes lamentations qui traverseront les murs de béton qui te séparent de lui.
Lui, c’est Derek Morgan. Depuis quelques minutes les imagent présentent l’agent du FBI fouillant de sa torche la vieille cave des Leland. Spencer suit le regard du vieux professeur qui tombe sur un mur borgne où s’entassent de vieilles caisses. Un schéma se dessine dans le cerveau du docteur Reid. La maison avait un sous-sol total dont une partie fut transformée en cave et l’autre en abri antiatomique. De l’autre côté d’un de ses murs, il y a un agent du FBI en quête de preuves, en quête d’éléments. Et Spencer compte bien lui en donner, des éléments ! Le rire de Leland interrompt ses réflexions.
-Tu peux hurler Spencer, de simples cris ne pourront jamais l’atteindre.
-Des cris certainement…
Le regard de Spencer laisse peu de doutes sur ses intentions. Des cris, certainement, mais une déflagration, peut-être. Spencer canalise toute son énergie, ses dernières réserves retranchées dans des recoins de son corps, tout est mobilisé dans un but ultime. Spencer bondit vers Leland et son arme. Pour une fois Leland est pris au dépourvu. Il attendait cette action évidemment, mais pas si tôt, pas avec tant de force et… de courage. Décidément Spencer est bien plus vif d’esprit, même fragilisé et affaibli, qu’il ne l’imaginait. La surprise est bonne mais la conséquence fort désastreuse. Leland se voit contraint d’agir et son reflexe premier est d’enfoncer la gâchette libérant ainsi le projectile. Ce dernier, propulsé à grande vitesse, traverse la cuisse de l’agent Reid s’en s’y attarder puis vient se figer dans le mur de derrière. Spencer s’étale au sol, une main sur la jambe. Avec une grimace de douleur, il se rétablit légèrement en prenant appui sur sa main droite, puis dans un petit rire torturé, Spencer plonge son regard dans celui de Leland. Commence alors une diatribe aux mots un peu cassés, mal maitrisés parfois, mais au débit toujours aussi rapide et au ton tellement rayonnant qu’ils lui donnent une ampleur triomphale.
-Le Desert Eagle est très caractéristique. Savez-vous que les cartouches 50 Action Express ont une vélocité de 1400 pieds par seconde ? Tout cela n’a pas grande importance quand il s’agit simplement d’atteindre sa proie, mais cela en a davantage quand l’on sait que cela détermine, avec la quantité de poudre, la sonorité d’une détonation. Si vous vouliez être plus discret, il aurait été judicieux d’investir dans un canon plus long. Vous n’avez pas pensé à tout professeur.
Spencer ignore si son action atteindra son objectif, mais il a gagné la satisfaction de surprendre Leland, et cela lui redonne un peu d’espoir. Le regard de Spencer se porte vers Derek Morgan. Sur l’écran celui-ci semble interloqué. Il cherche visiblement l’origine du son perçu, léger, étouffé mais réel. Derek regarde autour de lui puis fonce vers l’escalier, vers la sortie, vers Prentiss qu’il imagine soudain en danger. Le danger est bien présent, mais il n’est pas au-dessus de sa tête, il n’est qu’à quelques mètres sur sa gauche, quelques mètres qui le séparent d’un Spencer Reid que tout semble abandonner. Voyant Derek quitter la cave, Spencer laisse s’échapper ses ultimes ressources. Même s’il tente de garder au fond de lui le plaisir de son éphémère victoire, Spencer ne peut plus lutter contre la douleur qui compte bien reprendre ses droits. Elle s’était faite petite, sourde et pernicieuse, maintenant elle explose au bord externe de sa cuisse droite pour s’insinuer tout le long de sa jambe et irradier tant que possible dans le dos et les reins de sa victime.
De son côté, Leland tente de cacher sa déconvenue et sa surprise. Spencer l’a bien eu mais en fin de compte, cela ne change pas grand-chose à la donne. Il reste maître du jeu et Spencer, l’outsider, devra compter avec sa petite main. Quelques secondes suffisent à Leland pour redevenir maître de ses émotions. Affichant un grand sourire, il s’approche de Spencer qui gît sur le sol, gémissant silencieusement. Son visage est comme de la cire, luisant et marbré. Une pellicule de sueur le recouvre et suinte sur sa peau au rythme des frissons qui ébranlent son corps. Leland pose un genou à terre et examine la blessure qu’il a bien involontairement été obligé d’infliger à Spencer. Il éprouve un étrange sentiment paradoxal de plaisir et de révolte. Il ne comptait pas utiliser son arme de façon aussi directe. Admettre que Reid l’a conduit hors de ses plans est impossible, Leland préfère croire qu’il a juste précipité l’inévitable… La preuve n’est-elle pas la jouissance qu’il éprouve à regarder son enfant impuissant dépendre de son bon-vouloir ? D’une main compatissante, il repousse une mèche de cheveux et caresse le visage frémissant de Spencer.
-Tu as vraiment été idiot, mais c’était bien tenté. Peut-être que ton ami Morgan aurait pu comprendre, s’il avait eu vent de l’existence de ce lieu. Mais ce secret est entre mon père, toi et moi. Tu vois, il est bien gardé ! Pour l’agent Morgan, il s’agit au mieux d’un son lointain mal analysé et au pire d’une illusion de son esprit. Regarde, ils quittent déjà la maison. Ils t’abandonnent mon petit, et malheureusement je vais devoir en faire autant.
Leland se relève, retourne vers le petit bureau et saisit l’étrange engin qu’il avait laissé là en attente d’usage. Spencer ne voit pas ce que prépare son bourreau et d’une certaine façon, il en a cure. La douleur de sa cuisse est assez supportable, en comparaison du sentiment d’échec qui l’oppresse. Il a joué son dernier atout, pour reprendre les métaphores de Leland, et il a perdu. Pourtant il est certain, à la réaction de Derek, que celui-ci a parfaitement reconnu le son d’une arme. Mais il a baissé les bras et laissé le paraître l’emporter sur son instinct d’agent du FBI. Spencer a la désagréable impression que la fin n’a jamais été aussi proche. La fièvre qui l’assaille n’est sans doute pas étrangère à ses divagations pessimistes. Quoique d’un regard de profiler, Spencer Reid, a d’autres raisons de s’inquiéter ! Leland va s’en aller. Il ne le laissera surement pas sans s’assurer de son inoffensivité. Spencer ne se sent pas particulièrement dangereux en l’état, mais cela ne suffira certainement pas à Leland comme garantie. Sur ces sombres pensées, le présent se rappelle à Spencer sous la forme d’un sermon, prémices incontestable d’un futur plus sombre encore que ses pensées.
-Je dois y aller Spencer. Je suis navré mon petit, mais je ne peux pas te faire confiance. Je sais que tu tenterais l’impossible pour t’échapper.
Leland retourne Spencer sur le dos et éloigne ses mains de son corps. Le jeune homme n’oppose pas la moindre résistance. Il ne peut retenir un petit cri aigue lorsque Leland pose un pied sur son poignet gauche, déjà bien malmené, puis son autre pied sur son poignet droit. Maintenu ainsi, le docteur Reid se sait particulièrement vulnérable. Une position humiliante de soumission qu’il ne peut malheureusement pas rompre malgré ses faibles mouvements de résistance.
-Sais-tu que tu te trouves exactement là où mon père a souffert, cloué au sol par la douleur et un corps qui l’avait abandonné. Mais moi je ne t’abandonnerai pas mon petit Spencer. Non, Bosco sera toujours là pour toi. Tu seras Lui, mais ta fin sera autre et sera mienne.
Leland se met à terre, la tête de Reid coincée entre ses genoux fléchis, et les poignets de l’agent entravés sous la pression de ses chevilles. Doucement il se penche en avant et pose ses lèvres sur le front fiévreux de sa victime.
-Pardonne-moi.
Ces mots s’accompagnent d’une curieuse sensation métallique sur la main droite de l’agent. Spencer comprend rapidement qu’un instrument y a été apposé. Il tente sans succès de détourner ses yeux de ceux de son bourreau, espérant ne plus y être liés au moment où la douleur apparaîtra. Chaque action de Leland entraîne une réaction des plus désagréables pour Spencer, et tous laissent à croire que le dit-engin ne va pas simplement lui caresser la paume de la main. Une seconde s’écoule, mais une multitude d’information s’échange dans le regard des deux hommes. Soudain Spencer comprend de quoi il s’agit. Pris de panique il commence à se cabrer comme un cheval sauvage. Maigres efforts sans réel résultat, autre que d’exacerber le contact physique entre le bourreau et la proie, un contact répugnant et malsain. Spencer voudrait crier, demander grâce, si cela était utile, mais il sait que cela aussi ne ferrait qu’amplifier la satisfaction de Leland. Aussi serre-t-il les dents, espérant pouvoir se contenir le moment venu.
-Je suis désolé Spencer.
Pour toute réponse un petit chuintement, fugace, le cri de la machine. Le hurlement de Spencer, pénétrant, tragique et pitoyable. Un second chuintement et le cri se décuple puis disparaît avec la conscience malmené et troublé de Spencer. Leland se redresse et regarde le filet de sang qui s’écoule loin de la main meurtrie de sa victime. D’un petit bond il libère sa proie devenue insignifiante puis retourne vers les étagères de bricolage. Un rapide regard pour Spencer qui gît inerte, là où quelques années auparavant, il avait découvert son père. Une larme roule sur sa joue. Sa vision se trouble momentanément quand se superposent l’image de son père, vêtements déchirés, peau décharnée et celle de Spencer, dénudé en partie… si fragile, si attendrissant. Qu’il est difficile de ne pas se jeter sur lui pour le prendre dans ses bras et le réconforter. Mais son père était resté ainsi plusieurs jours avant de mourir, Spencer pourrait sans doute le supporter quelques heures ! Leland se détourne de l’objet tant convoité, range le pistolet à clous, éteint la lumière, plongeant le blockhaus dans l’obscurité, amplifiant par ce geste les gémissements d’un Spencer encore légèrement présent.
-Moi aussi j’avais peur du noir. Je reviens le plus vite possible Spencer, mais j’ai une promesse à tenir.
Leland se dirige vers la sortie de secours qu’il avait dû initier avant de s’isoler de sa maison. Spencer aperçoit juste un petit rayon de lumière fugace puis quelques mots qui le cueillent brutalement, l’extrayant de force d’une torpeur qu’il appréciait particulièrement. Des mots qui le projettent dans une douleur bien plus infinie que celle du corps.
-Tu ne voudrais pas que je déçoive l’agent Hotchner n’est-ce pas ?