Un écho du passé
Sur le chemin avec Charon
Chapitre six
Mama, take this badge off of me
I can't use it anymore.
It's gettin' dark, too dark for me to see
I feel like I'm knockin' on heaven's door.
I can't use it anymore.
It's gettin' dark, too dark for me to see
I feel like I'm knockin' on heaven's door.
Knock, knock, knockin' on heaven's door
Knock, knock, knockin' on heaven's door
Knock, knock, knockin' on heaven's door
Reid ne sait plus depuis combien de temps il oscille ainsi entre plusieurs états. De rares moments de lucidité lui rappellent sa triste situation, mais la plupart du temps il erre dans un monde imaginaire peuplé d’êtres aussi sympathiques qu’un démon de Dean Koontz ou de Stefen King… de douces peluches, en comparaison au monstre humain qui lui susurre des mots doux à l’oreille.
- Tends-moi ta main Spencer. Allez viens mon enfant.
Les mots sont réconfortants dans la tourmente physique et psychique qui l’engouffre inlassablement vers son pire cauchemar. A chaque nouvelle perte de connaissance, le docteur Reid sait qu’il s’approche du point de non retour qui signera son arrêt de mort… dans le meilleur des cas ! La peur du handicap intellectuel le submerge avec tant de violence qu’il en vient à espérer une fin plus définitive. Cette simple pensée le renvoie inexorablement à un souvenir proche et douloureux où le laisser-aller avait été sa seule bouée de secours. Le laisser-aller… et la drogue qui en s’instillant dans ses veines, y avait crée un enclos de béatitude. Spencer aimerait tant y retourner. « Ce n’est pas de ta faute » avait dit Gideon. Oui, bien… s’il le dit. N’empêche…
Les pensées de Reid se formulent de façons de plus en plus légères et enfantines. Il n’arrive plus à verbaliser correctement ce qui lui vient à l’esprit. Son côté scientifique lui annonce que cela est dû au monoxyde de carbone qui perturbe méchamment ses connections synaptiques et empêche son cerveau de fonctionner correctement. Mais son côté hypochondriaque et hyper fragile d’humain en manque terrible d’assurance, se délecte en imaginant la déliquescence prochaine de son magnifique potentiel intellectuel et de sa remarquable mémoire. Spencer voudrait que cela cesse, voudrait que cela se termine vite, mais à chaque fois qu’il perd connaissance, il voit dans un dernier brouillard la main de Leland qui approche un masque à oxygène. Alors qu’il se laisse aller vers un évanouissement salvateur, il sait que le réveil est proche et sera de plus en plus douloureux ! Cette pensée l’obsède alors que les derniers mots de Leland se greffent dans son esprit « mon enfant ».
La nuit l’enveloppe de son épaisse noirceur. « Epaisse noirceur », Spencer pensait que c’était une tournure linguistique, une jolie phrase pour écrivain. Mais il n’en est rien. Plus il avance et plus le noir l’enlace et ralentit sa démarche. Pourtant il lui faut avancer. Il ignore ce qui l’attend au bout de cette pénible marche mais il doit y aller, cela il en a la certitude ! Au loin une voix l’attire. Une voix masculine qu’il n’a pas entendue depuis son enfance. Spencer lève la main pour essuyer une larme qui coule sur sa joue mais son mouvement est impossible. La nébuleuse noire envahit absolument tout, jusqu’à sa cavité buccale. L’asphyxie le gagne et avec elle la panique. Soudain ses bras reprennent leur autonomie et commence à brasser l’air autour de lui. La nébuleuse a entièrement disparue à l’intérieur du docteur Reid. Ses larmes deviennent aussi noires que ses idées. Puis tout disparaît.
Spencer Reid, l’agent du FBI est allongé à l’arrière de la Dodge. Malgré un masque qui lui procure un fort pourcentage d’oxygène, les odeurs de son environnement bousculent ses sens. Les émanations de la fumée évidemment, mais aussi celle de la sueur, de la peur à l’état pur, et de toutes sortes de résidus organiques en provenance de son corps meurtri. Un corps devenu un ennemi qui depuis peu, a repris son indépendance. Cet état de faiblesse extrême, associé au dégoût qu’il s’inspire en cet instant de souffrance, achève de briser sa résistance.
Lorsque la main de Leland se pose sur son masque, au travers d’un voile de larme Spencer ne distingue qu’une apparition fantomatique semblant vouloir se lover en lui. Une boule se noue dans son estomac avec tant d’acharnement qu’elle attire à elle toutes matières et toute vie. Spencer à la sensation de se consumer de l’intérieur, comme un trou noir qui ne tardera pas à restituer toute son énergie en une effroyable implosion. L’appréhension dépasse tout ce qu’elle avait été auparavant. Une agitation incroyable, compte tenue de sa faiblesse, l’envahit. Il secoue la tête de droite à gauche, comme pour éjecter l’ombre qui telle une sangsue s’accroche à lui et lui vole non son sang mais son oxygène. La lutte est perdue d’avance. Spencer se sent redevenir l’enfant qu’il était, absolument incapable de maîtriser un corps aux allures de « Marfan », un pantin désarticulé guidé par les actes raisonnés d’un esprit devenu adulte avant l’heure. En cet instant Reid veut fuir cette responsabilité qui l’assaille depuis si longtemps.
Alors que l’oxygène s’éloigne de ses voies respiratoires et que l’ombre noire s’approche davantage de lui, Spencer ne peut s’empêcher de lever la tête vers la silhouette. Dans ses fantasmes et ses rêves qui s’entremêlent, il aimerait que cet homme soit celui qu’il attend depuis son enfance. Celui qui se cache de l’autre côté de la nébuleuse. Un être qui fait vibrer son âme avec autant d’amour que de haine. Deux sentiments tout aussi niés et refoulés l’un que l’autre. Deux sentiments qui finalement ne sont pas si éloignés qu’il y paraît ; surtout alors que la vie vous échappe. La tête du docteur Reid repose inerte sur le sol encrassé du véhicule. Tout son corps semble attendre passivement. Seuls ses yeux tournés vers la silhouette implorent un geste d’amour.
-Tue-moi !
L’homme ne répond pas. Il passe ses doigts dans la chevelure de Spencer puis s’éloigne doucement, devenant une trouble silhouette. Leland retourne dans son compartiment sécurisé, laissant Spencer seul face à son calvaire. Reid croit voir les effluves de la mort danser autour de la forme qui s’estompe sous leurs drapés. La fumée semble prendre vie dans le délire de Reid. La forme disparaît pour être remplacée par son absence et le terrible sentiment d’abandon qui s’y associe. Pris de désespoir, Spencer se met à hurler. Mais ce qui devait être un cri n’est qu’un simple murmure entre deux spasmes.
-Non, ne m’abandonne pas. Pas encore… Papa !
Aussitôt la fraîcheur et les lumières tamisées de la nuit envahissent l’habitacle du véhicule. Leland a coupé le moteur et ouvert la lunette arrière du 4X4. L’air, avec son contingent d’oxygène, reprend ses droits dans les poumons et la circulation sanguine de l’agent. Spencer n’a que peu conscience de la situation. Tout juste perçoit-il le latex du masque que son vieux mentor lui accroche sur le visage.
-Voilà, avec ça, tu iras rapidement beaucoup mieux.
Leland prend Spencer dans ses bras, défait la paire de menottes qui entravait sa liberté puis colle son visage contre celui de l’agent.
-Je t’aime spencer. Douze ans… l’attente a été longue mais elle m’a permis de comprendre combien mon amour pour toi était pur.
Spencer éclate alors en sanglot, comme un petit enfant, laissant sa tête tomber sur les genoux de son persécuteur. Le sommeil l’accueille et pour la première fois depuis que cette longue journée a débuté, Spencer sait que son repos ne sera pas interrompu par la douleur… du moins pas trop vite. Le sommeil le gagne et il s’y plonge avec plaisir. Leland regarde son petit protégé s’endormir d’épuisement. Délicatement il pose un baiser sur son front, repousse une mèche rebelle puis approche ses lèvres et glisse une parole comme une prière.
-Dors mon petit. Je te sens vidé, mais tu ne l’es pas encore assez. Lorsque j’en aurai fini avec toi, tu ne seras plus qu’un réceptacle pour mon amour. Dors mon petit !
***
La nuit est tombée sur la grande rue de Baker City. Les quatre horloges de la tour qui domine le Geiser Grand Hotel indiquent déjà 2H12. La ville est endormie, seules quelques fenêtres de l’hôtel illuminent la grande avenue. De l’autre côté des vitres et drapeaux aux couleurs de l’Amérique, se trouvent les chambres occupées par les agents du FBI, où chacun à sa façon revit la journée passée, imaginant ce qu’elle aurait pu être et ce que sera la journée du lendemain…
Gideon leur a pourtant demandé de dormir, de trouver un peu de repos de corps et d’esprit avant d’attaquer avec énergie le 2 juin… et peut-être les dix jours à venir ! Qu’importe les ordres, il leur est impossible de dormir alors que leur ami est la victime d’un tueur en série.
Dans une chambre un peu en retrait, Emily Prentiss fait les cent pas. Dernière arrivée, elle se sent parfois un peu à l’écart. Elle était d’ailleurs assignée à la paperasse lorsque Reid et JJ se sont retrouvés « au front ». Est-ce qu’elle aurait pu voir venir le danger ? Aurait-elle agit différemment de JJ ? Ces questions ne cessent de tourner dans sa tête, les réponses aussi. Le comble étant qu’à chaque réponse s’associe une conséquence fort désagréable. Qu’aurait-elle fait de plus ? Rien assurément. Cette situation dramatique s’était déjà produite précédemment… et Emily s’était sentie rejetée. D’abord par JJ qui la trouvait trop « insensible », trop « endurcie », puis par Reid bien plus tard. Quitte à ce que l’histoire se répète, Prentiss aimerait qu’elle soit identique…surtout dans sa fin ! Emily aime croire que la vie peut parfois être aussi simple. On ferme les yeux, on imagine le monde et celui-ci se façonne selon notre bon vouloir. Une manière pour elle de s’évader et de se dire que demain peut être mieux. Mais en éteignant la lumière et en fermant les yeux, Emily imagine Reid enfant. Un gamin bien loin des maisons de diplomate qui furent son lot quotidien… rien d’étonnant à ce que Spencer donne envie d’être aimer. Tout en lui, de ce qu’il est et de ce qu’il fut, tend à éveiller la tendresse, même chez les plus endurcies…
Même chez les pires psychopathes !
De son côté Morgan n’est pas plus serein. Tout comme Emily, il s’en veut, se reprochant de n’avoir pas plus tôt fait le rapprochement. Lui qui habituellement taquine Reid dès les premières minutes d’enquête sur sa ressemblance avec le sujet : son côté maniaque, son asociabilité plus ou moins latente, son intelligence au service du crime… Si seulement il avait joué cette carte de l’humour, ils auraient tous tilté dès la première boutade ! A quelques heures près, ils auraient pu comprendre, anticiper et éviter d’apporter Reid sur un plateau d’argent à son bourreau !
Leland… Morgan sent monter en lui une haine qu’il croyait d’un autre temps. Derek se souvient de celui qui avait été pour lui un mentor, de l’homme à qui il vouait une confiance sans limite avant d’être trahi. Mais Derek n’avait pas été brisé. Il avait su résister. Pourvu qu’il en soit de même pour Spencer !
-Tiens le coup mon grand ! Je te retrouverai.
L’agent spécial Morgan verbalise sa promesse avec une hargne qui traverse la cloison trop fine du vieil hôtel. Quelques centimètres au-delà du lit sur lequel il tourne et se retourne, se trouve la chambre de Gideon. Celui-ci n’entend rien d’autre qu’un bourdonnement fortement atténué par des boules en cire naturelle. Survivre dans une équipe d’agents enquêtant sur les pires crapules des Etats-Unis d’Amérique nécessite quelques impératifs de vie auxquels il ne faut jamais déroger : respirer, manger, dormir. Cela peut paraître une évidence mais il n’en est rien.
Dormir… Aaron tire doucement le rideau qui le sépare du monde extérieur. Son regard se porte sur le ciel à peine éclairé par une petite lune anémique. Il lui avait fallu beaucoup de patience, de tendresse et l’aide d’une bonne dose d’anxiolytique pour calmer Jennifer et l’amener au sommeil. Aaron regarde une photo froissée par une vie trop vagabonde. Sa femme et son fils y sourient de bon cœur. Comment prendre soin de son équipe et être présent pour eux, alors qu’il n’arrive pas à l’être pour sa famille ? Hotch laisse l’image lui échapper des mains… quelle est sa vraie famille ? La question est là finalement. Celle qu’il chérit tendrement mais qu’il éloigne chaque jour davantage de son quotidien trop noir, trop… personnel ? Ou celle qui partage avec lui ses joies mais aussi ses peines, ouvertement, simplement…sincèrement ?
***
2 juin
Quelque part….
Etrange sensation. Celle d’un corps en apesanteur, léger mais coincé, cloîtré dans un environnement restreint. Un petit goût de Paradis dans un avant poste de l’Enfer ?
Avant même d’ouvrir les yeux ou de s’ouvrir tout simplement au présent, le docteur Spencer Reid commence par s’auto-analyser. Tel un logiciel de Pénélope Garcia, l’agent commence une minutieuse et méthodique étude de son intégrité.
Première certitude, son corps est totalement immergé dans un liquide, probablement de l’eau. De cette constatation découle une interrogation stressante... peut-il sortir de cette eau et respirer ? … et une conclusion, comme une urgence… quelque soit la réponse à ces doutes, il est grand temps de quitter son apnée interrogative !
Comme un diablotin sortant de sa boîte, la tête de Spencer émerge hors de l’eau. Une inspiration profonde soulage ses poumons meurtris par la fumée inhalée précédemment. Sans oser davantage ouvrir ses yeux sur ce qu’il devine être sa nouvelle prison, Spencer tente de profiter des rares sensations de bien-être qu’il perçoit… l’air frais, propulsé par un climatiseur dont le ronron discret rythme un silence étrangement rassurant et le parfum doux, légèrement piquant d’un agrume tout juste épluché. Une odeur qui navigue quelque part entre l’orange, le pamplemousse et la tomate verte.
Lentement, sans bousculer ses sens qu’il sait être fragiles, Spencer entrouvre les yeux. La luminosité ambiante est importante, presque violente dans sa blancheur aseptisée. Reid est assis dans une baignoire tout juste assez grande pour qu’il s’y allonge, les jambes repliées sur lui, tel un embryon dans sa gangue de liquide amniotique. Une nouvelle naissance ? La symbolique est flagrante, autant que sa nudité exacerbée par une peau hérissée de chair de poule. Reid n’ose pas porter trop loin son regard. Moins il en voit, plus il espère rester dans l’ignorance de ce qui l’attend. Cette attitude visant à nier la réalité est loin d’être la plus professionnelle, mais qu’importe. Si le docteur Reid, spécialiste en pas mal de choses et plus spécifiquement en comportement humain, a conscience de la stupidité de son attitude, Spencer l’enfant, lui, veut croire en la pensée magique, celle qui dit que ce qu’il ne voit pas n’existe pas ! Ha si seulement !
***
Après tant d’années à imaginer cet instant, il avait craint d’être déçu. Pourtant tout avait été parfait, dans les moindres détails, jusque dans sa rencontre fortuite devant l’école. Leland se remémore leur première année ensemble. C’était il y a douze ans exactement.
Douze… la date anniversaire était capitale pour le vieux professeur mais ce n’était qu’en découvrant Spencer qu’il avait réalisé l’importance de ce nombre. Spencer avait douze ans, l’intelligence et le raisonnement d’un adulte, mais une maturité affective proche du néant. Lorsque Leland avait lu le dossier de l’enfant Reid qui allait intégrer sa classe de terminale, auprès d’adolescents turbulents, insolents et n’ayant aucun état d’âme, il avait cru au sempiternel petit génie de la classe. Ha quelle erreur !
Quand Spencer était entré, traînant la patte, non par crainte, mais parce qu’il avait le nez coincé entre deux pages d’un vieil ouvrage poussiéreux, Leland avait su que cet enfant était différent. Et quand enfin Spencer avait daigné lever la tête et regarder son professeur, celui-ci avait manqué un battement de cœur. C’était lui l’enfant tant désiré, celui qu’il n’avait pas eu… ou si peu de temps.
Rapidement une complicité née d’une affinité commune pour la lecture, en particulier moyenâgeuse, les avait amenés à se retrouver régulièrement à la bibliothèque de l’école. Madame Reid était totalement absente et Spencer évitait toute discussion sur sa famille. Il aimait profondément sa mère, cela était évident, mais il avait scindé sa vie en deux. D’un côté sa famille qui se limitait à une mère malade et à un père disparu dans la nature. D’un autre côté une vie sociale et scolaire truffée de non-dits et de faux semblants. Depuis longtemps Spencer était devenu le chef de famille par défaut, gérant l’administratif comme un adulte. Un pied dans un monde réel, mais cruel et sans pitié, l’autre dans un univers d’amour, où l’imaginaire et la fantaisie régnaient en maîtres. A sa façon, le jeune Spencer Reid vivait dans une dualité proche d’une schizophrénie induite par sa délicate situation. Sauf que… Du haut de ses douze petites années, Spencer se demandait déjà quelle était la part de l’induit et celle de la génétique. Une épée de Damoclès qu’il fallait gérer comme tout le reste ! Vivre avec, vivre sans, tel était le quotidien de Spencer Reid. Un quotidien dans lequel le professeur Leland avait osé insinuer.
Les premières semaines avaient été difficiles car Spencer ne se laissait pas approcher, au sens propre comme au sens figuré. Il rendait des devoirs toujours impeccables, bien au-delà des espérances de son professeur. C’était un bon élève, excellent même, mais il gardait toujours une distance, comme un cocon de sécurité, entre lui et le monde extérieur. Pourtant un jour, le professeur avait enfin eu l’occasion de garder Spencer rien que pour lui.
Au sortir d’un examen important, l’un de ses étudiants avait discrètement arrachée la copie des mains de Spencer pour la froisser, la déchirer puis la jeter dans la poubelle. C’était une blague malheureusement fort fréquente, les élèves pariant sur la capacité du jeune Reid à rebondir et à rendre en un temps record un devoir lui octroyant malgré tout un maximum de points. Ce petit jeu d’imbéciles était connu des professeurs mais à dire vraie, ceux-ci étaient sans aucun doute tout aussi crétins que leurs élèves ! Leland n’avait pas plus que les autres réagit, mais ses motivations différaient légèrement. Comme ses élèves, il aimait voir comment Reid se sortait de toutes ces situations laborieuses, mais plus que tout il aimait le voir ainsi mis au banc de la société, de sa classe et de tous les adultes pouvant faire office d’autorité. Il voulait s’assurer la pleine et entière gestion de ce rôle lorsque le moment serait venu. En l’occurrence ce soir-là fut le meilleur moment…et jusqu’à présent le meilleur souvenir du vieux professeur.
La sonnerie marquant la fin des cours avait retenti peu après le rapt du fameux devoir et toute la classe, excepté Spencer, avait rendu sa copie avant de s’éclipser en riant. L’enfant n’avait pas osé se lever, cherchant comment se sortir de ce guêpier. Mais Leland avait simplement posé un chronomètre sur la page blanche de Reid.
-Je te donne exactement quinze minutes.
Spencer l’avait alors gratifié d’un magnifique sourire. C’était bien la première fois qu’il voyait ce gamin heureux. Un quart d’heure, ce n’était pas du luxe, ni de la charité pour un devoir qui devait prendre au moins deux heures ! Spencer n’aurait jamais accepté d’être favorisé mais ces quinze malheureuses minutes lui offrait à la fois un salut et un défi à relever pour narguer la dizaine de paires d’yeux qui était agglutinée à la fenêtre de la classe. Ces minutes furent comme les préliminaires d’une union. Leland passait et repassait derrière spencer, s’approchant mine de rien, et posant parfois une main sur son épaule. Le jeune garçon, totalement absorbé par sa tâche, ne s’en offusquait pas, laissant le professeur grappiller lentement quelques millimètres d’intimité. A la fin du temps imparti, Spencer avait tendu son devoir, très fier de lui. Leland l’avait pris avant de s’asseoir aux côtés de Reid pour le corriger aussitôt. Cela avait pris du temps…beaucoup de temps durant lequel Leland avait entamé une conversation anodine, de celle qui liait insidieusement les individus. Lorsque Spencer Reid avait quitté l’école, il faisait nuit noire. Spencer ce soir-là s’était couché avec le sentiment agréable d’avoir trouvé un allié. Leland ne s’était pas endormi. L’excitation était à son comble et il n’avait aucune envie de la sentir retomber.
En regardant Spencer émerger hors de la baignoire, les cheveux ruisselant d’eau, Leland sent son excitation renaître avec autant d’intensité. Il prend le devoir tendrement conservé durant ces longues années et y glisse le nez pour inspirer profondément. Spencer…
-Spencer, lève-toi et habille-toi. Nous avons tant à faire et si peu de temps… Allez dépêche-toi !
http://fr.youtube.com/watch?v=1GNearEuncU