La Traque

Chapitre 4

Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:06

Chapitre 4

Les rues défilaient sous ses yeux, dans une procession monotone et lassante. Les badauds se promenaient paisiblement et s'arrêtaient devant les vitrines des magasins, sans savoir que le monstre qui troublait leur quiétude se trouvait à quelques mètres d'eux, dans un énorme SUV, accompagné par des agents du FBI. Un sourire absent flotta un instant sur les lèvres de Spencer : si tous ces gens savaient que l'appel des forces de l'ordre avait ramené de force la bête dans cette ville, comment réagiraient-ils… ? Cette mère qui tenait son enfant par la main serait-elle sortie de chez elle ? Cet homme en costume aurait-il osé quitter son bureau pour chercher son journal auprès de ce vendeur qui exposait sa marchandise au coin d'une rue ?

Un sentiment de toute puissance montait en lui, au fur et mesure qu'il observait toutes ces personnes qui croisaient son chemin sans arriver à voir qui il était réellement… A savoir, un être capable de décider de leur vie. Bien évidemment, il ne s'attaquait qu'aux personnes qui l'avaient fait souffrir, mais il savait pertinemment qu'il lui suffirait de laisser s'exprimer ses pulsions les plus sombres, pour massacrer la femme comme l'enfant, l'homme comme le vendeur.

S'il était terrifié par ce manque d'humanité, par cette cruauté et par cette froideur, il ne pouvait pas les nier… Il les acceptait puisque de toute manière, il ne pouvait pas se battre contre le mal qui l'avait envahi. Seul, il ne pouvait rien faire contre ses instincts…

Reid lança un bref regard à JJ qui était assise à côté de lui. Préoccupée, elle tapait à toute vitesse sur les touches de son téléphone portable, sans dire un mot… Elle non plus, ne se doutait pas de ce qu'il pourrait lui faire. Un frisson parcourut son dos et le dégoût lui retourna l'estomac : non, il ne ferait jamais du mal à ses amis, à ses collègues. Jamais. Le jeune homme secoua un peu la tête pour chasser les images qui inondaient son esprit et se concentra plutôt sur l'avenir.

Sa confiance revenait.

Le choc passé, la perspective de s'en sortir lui paraissait envisageable : la chute n'était pas inévitable. Son esprit vif avait rapidement élaboré un plan pour se délester de tous soupçons, quoi que trouve Garcia… Si ce dernier point l'effrayait légèrement –que pouvait-il avoir raté, laissé derrière lui ?-, il se remontait le moral en pensant à Brandon, à sa magnifique maison bordée d'arbres, à sa femme ravissante et à ce bonheur qu'il allait lui arracher.

Reid sentit le véhicule freiner et remarqua un bâtiment massif, clair et trop moderne à son goût, percé de grandes fenêtres sombres, se profiler dans son champ de vision. Une enseigne en pierre annonçait « Richmond Police Department » en lettres capitales. Tout se finirait-il ici, dans quelques minutes, heures ou jours ou allait-il ressortir de ce bâtiment en étant un homme libre ?

Hotch arrêta le véhicule. En silence, les trois occupants de la voiture détachèrent leur ceinture de sécurité et ouvrirent leur portière. Spencer sortit et sentit un vent frais s'engouffrer sous sa veste. Une forte odeur d'iode emplit ses narines : la baie de San Pablo était assez proche… Une foultitude de souvenirs remonta en lui, mais il tenta de ne pas se laisser emporter. Il lança ensuite un regard intéressé à l'homme qui les attendait sur le parking, l'air sévère mais soulagé.

Voici donc le policier qui l'avait en premier traqué…

JJ le devança et alla à la rencontre de l'inspecteur avec assurance, suivie par Hotch ainsi que par Morgan, Rossi et Prentiss qui venaient de s'extirper du deuxième SUV.

-Inspecteur Roger ? Enchantée, je suis l'agent Jareau, nous nous sommes parlé au téléphone…

Reid fit quelques pas en avant, mais resta légèrement en retrait, jaugeant son adversaire… Ce type lui parut aussitôt assez antipathique. Avant que l'inspecteur n'ait pu répondre, l'agent de liaison continua :

-Voici les agents Hotchner, Rossi, Morgan, Prentiss et le docteur Reid.

Si tous ses collègues serrèrent la main de l'inspecteur, Spencer se contenta de son habituel petit signe de main. Roger prit enfin la parole et leur lança un regard aiguisé et perçant qui fit frissonner Reid :

-Merci à tous d'être venus. Venez, je vais vous montrer la pièce que j'ai fait aménager pour vous.

Une voix en lui pestait déjà contre ce flic qui ne ressemblait malheureusement pas à la plupart des idiots qu'ils rencontraient dans ce métier. La prudence allait être de mise. Sans vraiment écouter les remerciements de l'inspecteur, ni ses inintéressants commentaires, il suivit le petit groupe et pénétra dans le poste.

Une délicieuse douleur lui pinça les entrailles et son cœur battit un peu plus fort lorsqu'il passa les portes. Il était le loup dans la bergerie. Il regarda les agents de police s'affairer d'un bureau à l'autre dans un bourdonnement dérangeant, tels des abeilles dans une ruche.

Etait-il la cause de ce désordre ?

Il sortit aussitôt de ses pensées lorsqu'ils arrivèrent dans un bureau à l'écart de ce brouhaha et de cette agitation. Celui-ci était muni d'une grande table et d'un tableau couvert des photos des victimes et annoté de toutes parts. Un endroit parfait pour plancher sur ses propres meurtres…

Soudain, la sonnerie du portable d'Hotch résonna dans toute la pièce. Reid lança un regard inquiet à son patron : Garcia ? Avait-elle trouvé quelque chose ? L'agent répondit aussitôt, sur un ton neutre et grave.

-Garcia ? Tu as… Ok, j'allume l'ordinateur.

Sans dire un mot de plus, la mine sombre et impassible, Hotch raccrocha et posa sa mallette en cuir noir sur la table. Il en sortit un ordinateur portable qu'il posa en évidence sur le plan de travail. Devant le regard interrogateur de l'inspecteur, il expliqua tout de même :

-Notre informaticienne a trouvé des informations intéressantes

Reid entendit son sang battre à tout rompre dans ses tempes et son corps se crispa. Il fut presque étonné que tout le monde ne se retourne pas vers lui à cause du boucan produit par son cœur. Il essaya de respirer calmement et de se rassurer : quoi qu'elle ait trouvé, il pouvait en un instant les rediriger vers une autre piste... Oui. Quoiqu'elle dise… Il lui restait un joker.

L'écran s'alluma et rapidement, la mine réjouie et mystérieuse de Garcia apparut. Sa voix emplit aussitôt la pièce.

-Bonjour mes preux chevaliers en mission… Agenouillez-vous devant la meilleure informaticienne de ce bas-monde.

Devant le regard légèrement exaspéré d'Hotch, elle calma aussitôt ses ardeurs, mais ne se départit pas de son sourire jovial et rempli de fierté.

-Bref, j'arrête de me lancer des fleurs et je vous fais part du fruit de mon intelligence. Ou de mon talent. Ou de mon travail… Enfin, des trois…

Morgan sourit légèrement.

-Poupée, tu t'égares…

La jeune femme rougit légèrement et opina vigoureusement, excitée comme une puce.

-Tu as raison, mon chéri…Désolée ! Il faut que je me reprenne et que j'arrête de boire autant de café! Bon…En fait, j'ai trouvé quatre autres victimes possibles de notre tueur. Et par « possibles », je veux dire, « quasiment sûres ».

Spencer sentit ses membres se raidir violemment : elle en avait donc trouvé quatre sur cinq… Si toutefois, il s'agissait bien de ses victimes… Mais quelque chose lui disait que Garcia ne se plantait pas. Pas qu'elle soit infaillible, mais elle était assurément l'une des meilleures dans son domaine et se trompait rarement. Roger sembla décontenancé par ses propos et fronça les sourcils.

-Comment ? Je veux dire… J'ai fait des recherches dans toutes les bases de données de tous les états…

Penelope, semblant pour la première fois remarquer la présence de l'inspecteur, s'adressa à lui poliment et d'une manière un peu plus neutre.

-Et vous aviez bien cherché… mais ces meurtres sont différents. Les quatre victimes, même si elles ont le même âge que les autres, provenaient de la classe moyenne et n'ont pas subi de tortures. Elles ont juste eu les veines coupées au niveau des poignets… Enfin, « juste » c'est un peu un terme inapproprié puisque ça les a tuées, mais…

Spencer se mit à pester intérieurement contre Garcia, sans arriver à comprendre comment elle avait pu faire le lien… Rossi la coupa aussitôt, se posant sans doute les mêmes questions que lui, mais avec la peur en moins.

-Comment peux-tu être sûre que les meurtres sont liés puisque le mode opératoire est différent ?

Garcia fit tourner son stylo couvert de plume entre ses doigts et savoura un instant le trouble qu'elle semait chez les profileurs, avant de répondre sur un ton mystérieux et amusé :

-Simplement parce que je suis Dieu et toute puissante… et que j'ai lu les rapports des experts médico-légaux.

Elle fit une pause, se délectant de la perplexité des agents, avant de s'expliquer.

-Notre homme est intelligent, mais moins que moi…

Spencer lui lança un regard noir, partagé entre la colère et la peur, mais elle ne l'aperçut pas.

-En fait, en lisant ces rapports, j'ai remarqué qu'autour de la troisième victime connue, tuée juste après une longue période d'un des étranges congés sabbatiques de notre tueur, il y avait d'infimes traces du sang et donc de l'ADN… d'Alexa Lisben ! Les experts en sont venus à la conclusion que le tueur avait toujours du sang de cette femme sous les semelles de ses converses pointure quarante-trois et qu'il l'avait transporté d'une scène de crime à une autre ! Si ça, c'est pas un coup du karma… !

Reid baissa les yeux vers ses converses –un modèle banal- qui étaient apparemment couvertes du sang d'Alexa. Même morte, cette salope le trahissait encore… Il eut un vertige et lança un regard circulaire et horrifié à ses collègues trop occupés par les révélations de Garcia pour remarquer sa panique. Seul l'inspecteur Roger lui lança un regard inquisiteur qui fit trembler le jeune homme. Garcia continua sur sa lancée, visiblement très fière de son travail :

-J'ai donc lancé une recherche dans la base de donnée avec l'ADN d'Alexa… Et là, bingo ! J'ai trouvé deux correspondances… Le sang de la victime a été retrouvé mêlé à celui de deux hommes ainsi qu'autour de leurs corps. La police avait pensé -à tort, mais bon, tout le monde ne peut pas posséder mon génie- qu'il s'agissait de l'ADN du tueur et n'avait pas pensé à chercher dans le dossier des personnes décédées…

Morgan l'arrêta brusquement, tout en affichant une mine pensive.

-Le sang était mêlé… ?

Garcia acquiesça vivement, un petit sourire aux lèvres.

-Tu as bien entendu, chéri ! En fait, notre tueur a beau être assez prudent, c'est en fait un gros dégueulasse qui ne s'essuie pas les pieds et qui ne prend même pas la peine de bien nettoyer le couteau qu'il utilise pour ses meurtres !

Reid ne trouvait absolument pas les remarques de Garcia drôles… Mais il se retint d'afficher la rage qui montait en lui et enfouit sa peur au plus profond de lui-même. Il devait se débarrasser de ses chaussures, nettoyer son couteau… Et vite ! Il lança un bref regard à Roger qui l'observait toujours, cherchant à mettre le doigt sur ce qui clochait chez lui... Spencer savait sciemment que ses réactions étaient anormales et tenta de se calmer. Penelope, sans remarquer sa gêne, reprit, en jubilant :

-Bref, j'ai donc trouvé ces deux meurtres… Et les deux autres ont suivi puisqu'il s'agit du même mode opératoire… Bon, maintenant vous êtes convaincus d'avoir Dieu en face de vous ?

Prentiss lui décocha un énorme sourire.

-On n'en a jamais douté !

Garcia regarda ses ongles et s'exclama, sans une once de modestie :

- Je suis la meilleure… Bon, plus sérieusement, je vous envoie les noms des victimes ! L'une d'elle résidait à Richmond, une autre à San Francisco, une dans le Massachussetts et la dernière dans l'Illinois.

Hotch afficha un sourire tellement léger et bref que Reid douta de son existence une fois qu'il eut disparu.

-Merci beaucoup Garcia. Tu nous as été d'une grande aide.

Spencer resta interdit. Il vit Penelope les saluer au moyen d'un sobriquet idiot et l'écran s'éteignit. Il n'était pas directement impliqué, mais cela n'allait pas tarder, puisque le profil allait bientôt partir dans la bonne direction…

Il se rassurait cependant légèrement en pensant qu'elle n'avait pas trouvé la cinquième victime, la seule qui aurait pu l'incriminer vraiment. Sans échappatoire. Prentiss prit la parole :

-Quatre meurtres supplémentaires… Avec deux victimes qui habitaient dans les environs.

Rossi ajouta pensivement à l'adresse de ses collègues:

-Ces meurtres changent notre profil : il ne s'attaque pas aux riches. Il s'en prend également aux hommes de condition modeste... Mais change son mode opératoire pour une obscure raison.

Reid leva les yeux au plafond : tout le monde ne méritait pas le même sort. Ceux qui n'avaient fait que regarder, sans participer directement au viol n'avaient pas eu droit aux tortures, juste à la mort. Morgan termina le fond de sa pensée :

-Il s'agit donc de meurtres personnels, pas contre une classe sociale déterminée.

Spencer tenta, tout en essayant de se rassurer –son équipe était tout de même loin d'avoir trouvé le lien qui unissait toutes ces victimes-, de s'insérer dans la discussion :

-Nous devons donc nous intéresser à la victimologie et trouver les liens communs entre les victimes. Il doit forcément y avoir une personne qui les connaît toutes…

L'inspecteur Roger soupira et expliqua :

-Nous avons déjà cherché… Les victimes riches se connaissaient grâce au monde du travail : leurs diverses entreprises étaient entrées en contact à plusieurs reprises, il y a plus ou moins longtemps… Mais maintenant, avec ces nouveaux meurtres, cet unique lien ne tient plus…

Hotch acquiesça doucement.

-Nous allons devoir creuser plus loin… Peut-être que le lien se trouve dans le passé des victimes.

Reid trembla légèrement. La colère le submergea, effaçant la peur… Une partie de lui nourrissait une haine démesurée contre ses collègues qui se rapprochaient de plus en plus de la vérité. Et si son plan ne marchait pas ? Et s'il n'arrivait pas à les envoyer sur une mauvaise piste ? Et s'ils l'arrêtaient avant qu'il n'ait pu assainir cette ville ? Il ne lui restait que deux noms, que deux adresses, ici.

Il avait besoin de se défouler, de tuer, même si cela était imprudent, puisque les forces de l'ordre étaient sur sa trace…

Il allait finir par commettre un massacre s'il ne se déchargeait pas de ce poids, de toute cette violence mal contenue. Il devait tuer Brandon rapidement. Il soupira un peu et regarda ses collègues, prêt à n'importe quelle extrémité pour terminer son œuvre. La promesse qu'il s'était faite quelques minutes auparavant, s'était évaporée : si l'équipe lui barrait la route, il n'hésiterait pas à pulvériser cet obstacle…

L'hôte frémit de plaisir à cette idée et son sang se mit à palpiter sous sa peau, pulser par l'excitation du passager noir.

Aveuglé par la colère, il ne remarqua pas l'inspecteur Roger qui l'observait en silence pendant qu'il tentait de calmer ses ardeurs. Le crachotement d'une imprimante le sortit de ses pensées et il vit des documents sortir d'un fax.

Les informations concernant les nouvelles victimes.

Hotch prit les feuilles et les lut rapidement :

-JJ, tu vas ajouter ces documents au tableau… Et t'informer plus en profondeur sur ces nouvelles victimes.

La jeune femme acquiesça gravement. Il balaya ensuite son équipe du regard et tendit plusieurs feuilles à Morgan qui les prit sans discuter :

- Morgan et Prentiss, je veux que vous alliez au domicile de Chris Randew, l'une des nouvelles victimes, pour questionner son épouse. Voici un résumé du rapport du légiste, de celui des experts et, en quelques mots, la situation de cet homme. Pendant ce temps, Reid et Rossi, vous allez vous rendre sur la première scène de crime tandis que l'inspecteur Roger et moi irons interroger les parents d'Alexa Lisben… Si du moins cela vous convient, inspecteur ?

Le ton d'Hotch laissait supposer que l'homme n'avait pas trop le choix et que sa question était une simple formule de politesse destinée à entretenir une certaine collaboration avec la police locale. Roger approuva sans rechigner.

-Ca me va.

Reid se mordit la lèvre. Il était reconnaissant à Hotch de ne pas l'avoir envoyé auprès des familles de ses propres victimes. Pas qu'il puisse ressentir le moindre remord, mais il avait peur de laisser paraître son animosité envers les victimes.

Sans dire un mot, tous se séparèrent… Spencer suivit docilement Rossi, tout en essayant de retrouver sa sérénité. Sa fulgurante colère s'était estompée, mais son intense besoin de tuer était toujours omniprésent… Ils sortirent du poste et se dirigèrent vers un des deux SUV.

Il entendit quelqu'un l'interpeller et se retourna vers Hotch.

Un mauvais pressentiment s'empara de lui…

 


 

Son agent l'observa avec surprise et méfiance. Hotch arriva à sa hauteur et lança un bref regard à Rossi qui comprit immédiatement et continua son chemin. Il se concentra enfin sur son agent.

-Reid. Je sais que toute cette histoire te bouleverse, mais j'ai vraiment besoin de savoir si tu penses que tu tiendras le coup.

Il vit les pupilles de son agent se dilater et la colère déforma légèrement ses traits. Il lui répondit vivement d'une voix aigüe et offusquée.

-Bien sûr, je tiendrai le coup ! Vous croyez que je suis incapable de suivre cette enquête… ?

Hotch observa l'indignation du jeune homme et le laissa s'emporter à sa guise. Il continua, de son côté, sur un ton neutre et distant :

-Ce n'est pas une question de capacité. Mais ton comportement est étrange et tes réactions sont imprévisibles. Je sais que travailler sur cette enquête est très important pour toi, mais je sais aussi que nous pourrions avoir de sacrés ennuis s'il s'avère que tu n'es pas en état de suivre cette affaire.

Il vit son agent froncer les sourcils avant de s'exprimer avec arrogance et colère… Cette attitude lui rappela légèrement les réactions qu'il avait eues durant l'affaire Owen Savage :

-Oh. Vous avez peur que je pète une case et que je vous mette en danger, c'est ça ? Vous avez peur que Strauss vous tombe dessus pour ne pas avoir su m'éloigner de l'affaire avant que je ne commette quelque chose d'irréparable ?

Il ne comprit pas trop le sourire narquois qu'afficha alors son agent, mais finit par concéder :

-Il y a de cela. Mais surtout, je m'inquiète pour toi.

Le sourire de son interlocuteur s'effaça et le jeune homme serra les dents.

-Je n'ai pas besoin qu'on s'inquiète pour moi : je vais très bien, Hotch. C'est un peu dur en ce moment, mais je suis loin de craquer.

Hotch acquiesça lentement.

-D'accord… Mais si tu as le moindre problème ou si tu veux parler, nous sommes là… Tu ne dois pas garder tes sentiments pour toi ou jouer une fois de plus au cavalier solitaire. Nous sommes une équipe et nous pouvons tout entendre et tout partager entre nous. Donc, au moindre problème, parle-nous…

Il repensa à sa réaction lors de la fameuse enquête Savage où Reid leur avait caché qu'il connaissait les intentions du tueur afin de protéger celui-ci. Il vit la mine de son ami s'assombrir.

-C'est vrai. On peut tout partager dans cette équipe… Si ça ne va pas, je vous en parlerai. Promis.

Hotch remarqua que sa voix était soudainement étrangement éraillée. Le jeune homme avait perdu toute sa consistance et semblait triste, amer… Son agent finit par soupirer légèrement et par ajouter :

-Je peux y aller maintenant… ?

Son patron lui fit un bref signe de tête.

-Oui, bien sûr.

Sans ajouter un mot, Reid tourna les talons et rejoignit Rossi dans la voiture. Hotch regarda le véhicule démarrer et s'éloigner. L'inspecteur Roger sortit du bâtiment et se posta à côté de lui. Le policier lui adressa la parole, sans le regarder en face :

-Votre « docteur » a eu de drôles de réactions pendant que votre singulière informaticienne nous livrait le résultat de ses recherches.

Hotch lui lança un regard neutre, malgré sa surprise : ce type était un fin observateur. Il lui répondit calmement :

-Reid connaissait certaines victimes… Il est assez bouleversé par cette affaire.

L'homme à ses côtés acquiesça pensivement.

-Je vois… On y va ?

L'agent du FBI approuva lentement, tout en remarquant que l'inspecteur partageait les mêmes doutes que lui, concernant Reid.

-Je vous attendais. On prend votre voiture.

Ils se dirigèrent vers un véhicule de police banalisé. Le comportement étrange de Reid et son humeur changeante inquiétaient énormément Hotch… Il semblait y avoir bien plus qu'un simple état de choc.

Mais quoi ?

A suivre…

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