[Nathaniel][Castiel] La passion des Amants Maudits

Je n’avais jamais vu autant de beauté dans un lieu. Ce n’était pas une beauté basée sur le luxe et l’excès, mais plutôt dans l’harmonie, avec un style un peu médiéval caractéristique de ces livres que j’aimais lire étant petite. J’avais l’impression de me retrouver projetée des années et des années en arrière. Je me revoyais petite, entourée de mes parents, en train de bouquiner à plat ventre sur le tapis entouré de coussins. Je retrouvais des touches rustiques, mais également des touches d’un classicisme foudroyant. Tous ces paysages étaient étrangement stimulants.

-Voici l’allée des arches, dit Ezarel

C’était d’une beauté époustouflante. Pourtant, on en avait de beaux monuments à Paris ! Mais il y avait ici quelque chose de magique qui se dégageait… J’en aurais presque oublié le malheur d’être propulsée dans une nouvelle dimension. Eldarya… Comment est-ce qu’on avait pu se retrouver ici ?! Je n’en avais réellement aucune idée. Un nouveau monde avec des êtres qui vivaient réellement, en société, et qui semblaient être intelligents ! Les astrophysiciens n’en croiraient pas leurs yeux. Et dire qu’il existe un tunnel qui lie deux mondes différents. Et si ça se trouve il existe une infinité de mondes différents. La théorie des multivers était peut-être véridique… Mais je me demande comment nous avons atterri ici. Avons-nous été aspirés par un quelconque trou noir ?

On arrivait dans une sorte de salle énorme, avec plusieurs portes qui menaient je ne sais où.

-Je vais porter cet humain à l’infirmerie, restez ici, ordonna Ezarel en s’emparant de Nathaniel.

Castiel souffla en sentant le lourd poids de Nath lui être retiré.

-Attends ! Je viens avec vous, m’écriais-je

-Reste ici j’ai dit ! maugréa-t-il

-Je veux voir où vous l’emmenez.

Je le regardais avec intensité.

-Tu ne me fais pas confiance, non ?

Mes yeux répondirent à sa question

-T’as bien raison ! ria-t-il. Après tout tu ne sais pas ce dont je suis capable…

Ezarel m’indiqua de la main que je pouvais le suivre. Castiel, toujours en retrait, ne regardait pas la scène. Il se contentait de passer sa main nonchalamment sur sa chevelure flamboyante.

-Tu veux venir Castiel ? lui proposais-je

-Non, répondit-il sèchement.

Je haussais les épaules, et me contentais de suivre Ezarel le long des escaliers. Je comprenais tout à fait son choix. Il n’aimait ni Nathaniel, ni Ezarel, et c’était même très probable que ma présence l’horripilait ! Mais ça ne me faisait plus ni chaud ni froid maintenant…Je chassais de ma tête un souvenir. Je regardais étrangement le visage de Castiel, désormais si distant, presque inconnu. Je ressentis comme un poids dans mon cœur.

-Rima réveille-toi ! me murmurai-je intérieurement

Nous arrivâmes devant une jolie porte argentée, avec des ornements d’un bleu très clair. C’était d’un style épuré, qui donnait tout de suite une sensation de confort. Ezarel ouvrit la porte et je vis ce qui semblait être une infirmerie. La pièce semblait conviviale, et ça me rassura de ne pas voir des engins de torture ou des seringues un peu partout dans la pièce. Nathaniel ne risquait rien je pense.

J’étais tellement absorbée par l’analyse du lieu que je ne me rendis même pas compte de la présence d’une femme. Comment n’ai-je pas pu la remarquer ? Elle était si sublime, je crois n’avoir jamais vu une femme aussi belle de ma vie. Grande, mince, traits fins, et cheveux nacrés coiffés telle une impératrice. Je vis ses oreilles dépasser… une elfe elle aussi ? Etais-ce un monde uniquement peuplé par des elfes ?

-Eweleïn, je te ramène un survivant. Il a failli se faire dévorer par un blackog, posa Ezarel avec sérieux.

Elle s’appelait Eweleïn, quel joli prénom. J’étais réellement en admiration. Elle avait le port d’une duchesse, le dos droit, le regard calme, bienveillant. Je n’arrivais pas à la quitter des yeux, tout chez elle respirait la douceur.

-L’inconscient ! Que faisait-il au milieu de la forêt ? s’exclama-t-elle

-Je l’ai trouvé avec deux autres humains…

-Des humains ? dit-elle d’un ton interrogateur. Comment ont-ils fait pour se retrouver ici ?

-Je crois que j’ai ma petite idée, mais je vais quand même les présenter à Sélia, elle pourra les aides je pense. 

-C’est une très bonne idée ! Mais ils devront passer voir Miiko également.

Eweleïn se tut. Elle semblait réfléchir. Je remarquais qu’Ezarel et cette femme semblaient un peu distants, ou en tout cas Ezarel. Eweleïn avait son buste légèrement dirigé vers Ezarel, et celui-ci croisait les bras de manière un peu renfermée. Mais peut être que je me trompe, après tout ce n’est pas le même monde. Les codes sociologiques sont sûrement différents. Soudain, le regard d’Eweleïn croisa le mien. Elle me sourit avec sincérité.

-Tu dois être l’humaine qui accompagnait ce jeune homme. Comment t’appelles-tu ?

-Rima, balbutiais-je

-Et qui sont tes amis ?

-Le garçon étendu juste là s’appelle Nathaniel, l’autre s’appelle…

Ma voix fut coupée par un claquement de porte. Toute l’infirmerie trembla. Castiel venait d’entrer telle une furie, totalement essoufflé.

-Rima, est-ce que tout va bien ? demanda-t-il d’un air paniqué

Eweleïn et Ezarel se regardaient d’un air interrogateur. En remarquant que son entrée était un peu trop brutale, et que cette attitude contrastait avec l’aura paisible de la pièce, il maugréa :

-Tu ne revenais pas, dit-il entre deux respirations, je me suis inquiété.

Je soupirais bruyamment, il n’allait donc jamais changer ses manières ? Je dis à Eweleïn :

-Lui c’est Castiel.

-Oui, je vois ça, dit-elle en écarquillant les yeux mais sans jugement

Castiel posa un regard rapide sur Eweleïn, puis chercha le mien. Quand il le croisa, il sourit de soulagement. Apparemment l’infirmière ne l’intéressait pas plus que ça… Je me dis que si j’étais un garçon, en voyant Eweleïn je l’aurais tout de suite demandée en mariage.

Après un silence, Eweleïn dit :

-En tant qu’infirmière, je garantis que ce jeune homme n’a rien à craindre. Je prendrais soin de lui. Vous devriez rejoindre Ezarel pour obtenir un entretien avec Miiko, elle aura sûrement des réponses à vos questions. Et Rima, viens faire un tour après, je t’arrangerai cette chose.

J’arquais un sourcil en guise d’interrogation, puis comprit qu’elle faisait allusion à mon plâtre.

-Ne vous dérangez pas c’est fissuré, il faut laisser le temps agir… soupirais-je

-J’insiste. Je t’attends.

Je haussais les épaules. Elle ne pourrait rien faire.

-Suivez-moi maintenant, ordonna Ezarel.

Ce qu’il aimait jouer au tyran ! C’était incroyable.

Nous sortîmes de l’infirmerie, puis nous nous dirigeâmes vers les jardins par lesquels nous sommes passés tout à l’heure. Mais en bifurquant à gauche, Castiel et moi fûmes stupéfaits à la vue de ce cerisier en dessous duquel était assise une femme d’une beauté inhumaine. Je regardai Ezarel qui avait un sourire amoureux sur les lèvres. La jeune femme avait le dos appuyé contre le cerisier, les paupières baissées, et un petit sourire paisible sur ses lèvres si rouges. Son teint était doré, ses cheveux longs et d’un noir intense. Mais quand elle ouvrit les yeux, je découvris un nouveau monde. Ils étaient d’un violet si pur, si cristallin. Et tout son visage n’était qu’harmonie.

-Sélia ! dit Ezarel à l’attention de la jeune femme.

-Ezarel !!! cria-t-elle en se jetant à son cou. Tu m’as tellement manqué, je n’aime pas te savoir dans la forêt des Murmures sans moi.

Ezarel éclata de rire en disant qu’elle aurait juste été une inquiétude en plus.

-Tu sais très bien que je suis forte désormais, dit-elle d’une mine boudeuse.

-Mais oui c’est cela, dit-il en lui ébouriffant les cheveux

Elle tenta de faire de même mais elle était si petite qu’elle n’atteignait que ses épaules.

-Bon, Rima, Castiel, je vous présente Sélia, ma petite femme.

-Petite ? dit-elle en s’outrageant

-C’est la personne que je voulais vous présenter. Malgré les apparences, Sélia est comme vous humaine.

Je n’arrivais pas à y croire ! Il était vrai qu’elle n’avait pas d’attribut bizarre comme des oreilles d’elfes ou une queue de renard, mais elle semblait si inhumaine… Mais ce qui était sûr, c’est que j’avais rarement vu un couple aussi mignon et atypique.

-Oh, ne me dites pas que vous êtes aussi passés par le cercle de champignons ? dit-elle en se frappant la main sur la tête.

Castiel me regarda et je vis dans son regard qu’il avait eu le même déclic… Un cercle de champignons !! C’était ça !

-Je crois bien que oui…dit d’un air sombre Castiel.

-Je crois, dit-elle avec le plus de finesse possible, que ça va être dur pour vous au début. Personnellement, je suis arrivée ici il y a de cela 6 ans.

-Et pourquoi vous n’êtes pas retournée sur terre ? demandais-je en anticipant déjà la réponse qu’elle allait me donner.

-C’est-à-dire qu’il est très complexe de repasser d’Eldarya vers la terre… On peut essayer d’en parler à Miiko, dit-elle en essayant de ne pas nous dire trop brutalement ce qui nous attendait.

Castiel avait les poings serrés, prêt à cogner sur n’importe quel chose avec une violence extrême. Pour ma part j’essayais de ne pas paniquer. Tout n’était encore pas perdu.

-Ne t’inquiète pas on va s’en sortir, me murmura Castiel à l’oreille d’un ton déterminé, toujours les poings serrés. On va se renseigner, on ne les laissera pas nous enfermer s’il n’y a ne serait-ce qu’une chance de s’en sortir.

Je hochais la tête. Sa présence me rassurait.

Nous marchâmes quelques instants jusqu’à arriver face à une porte scellée par ce qui semblait être un champ de force.

-Qu’est-ce que c’est ? demandais-je en désignant la porte

-Un sceau de protection, pour éviter que des personnes ne viennent s’introduire dans la salle de cristal.

-La salle de cristal ? Vous n’avez pas trouvé mieux comme nom ? dit Castiel d’un air moqueur.

Ezarel l’ignora, et d’un geste de la main brisa le sort de protection, qui nous permit de rentrer. Castiel et moi fûmes cloués sur place. Un énorme cristal totalement unifié était disposé au milieu de la pièce, trônant majestueusement. Castiel se renfrogna en se rendant compte que cette pièce portait trop bien son nom. Je l’entendis chuchoter avec mauvaise foi : « d’abord ce n’est même pas original … ». Je retins un rire. Il trouvera toujours le moyen de me faire rire celui là.

-Miiko, j’ai une surprise pour toi, s’exclama avec un sourire jusqu’aux oreille notre elfe

Mon regard se posa sur cette… personne. Une femme ? Un renard ? Les deux… ? Serait-ce une kitsune, comme les êtres décrits dans les mythes japonais et qui s’invitent dans les mangas ? Elle avait des oreilles qui dépassaient de sa chevelure noire, une queue touffue, et des flammes bleutées qui menaçaient de s’embraser à la moindre fluctuation de l’air.

-C’est la première fois que je vois une femme avec une queue, me chuchota Castiel à l’oreille.

-Chut, elle va t’entendre, répondis-je en m’empourprant

J’avais tellement de rire à cette blague grivoise…

-Pourquoi est-ce que tu me déranges Ezarel ? Est-ce que tu as déjà achevé ta mission ? demanda la kitsune

-Oui, il a tout fait, répondit Sélia à sa place.

Les traits de cette femme étaient sévères, autant que sa voix. Elle allait le sermonner quand elle nous vit.

-Deux humains ? s’étrangla-t-elle

-Pas tout à fait. Il y en a trois.

Elle fit une grimace étrange. Le choc se lisait sur son visage

-La prophétie…chuchota-t-elle

Je regardais Castiel en fronçant les sourcils.

-La prophétie ? demandais-je avec Castiel en cœur.

Miiko ne semblait pas nous entendre. Je pris mon courage à deux mains et lui demandais :

-Madame, nous souhaiterions savoir si c’est possible de rentrer chez nous

-C’est impossible, répondit-elle sèchement.

Mes jambes commencèrent à trembloter. Je ne les sentais plus à vrai dire. J’avais l’impression que j’allais m’évanouir. En voyant mon instabilité, Castiel voulut me tenir. A la dernière seconde, se ravisa. Toute la finesse de Sélia s’évanouissait face à la sécheresse de cette dame.

-Assied toi par terre, me proposa-t-il, tu as le teint livide.

Je suivis son conseil, à deux doigt de tomber dans les pommes. Son teint à lui aussi n’était pas terrible.

-Comment ça c’est impossible ? Si on est venus c’est qu’on peut y retourner ! rugit Castiel.

Je le remerciais intérieurement de prendre la relève. J’avais à peine la force de respirer.

-C’est impossible car le voyage est à sens unique, répondit-elle sans ménager ses mots. Sur quoi avez-vous marché avant de vous retrouver ici ?

L’image qui précédait notre téléportation se redessina dans mon esprit.

-Le cercle de champignons… comme Sélia.

-C’est l’œuvre d’une sorcière, expliqua-t-elle . Ce type de cercles vous permettent d’arriver ici, mais ils n’ont aucun pouvoir dans l’autre sens.

-Il doit sûrement y avoir un moyen ! dit Castiel en grinçant des dents 

-Aucun. Ne cherchez pas.

La voix de Miiko était sans appel. Sélia regardait en bas en se mordant les lèvres. Un tel ton catégorique était surprenant, et cachait souvent des choses. L’idée de ne jamais revoir la terre me donna envie de pleurer.

-Maintenant… j’ai comme l’impression que ce n’est pas le fruit du hasard, murmura Miiko.

-Comment ça ? demanda l’elfe

-Deux humains… à Eldarya. Cela fait écho à la prophétie, surtout dans cette période de trouble.

- Nous sommes trois ! m’exclamais-je en pleurant. Trois et non deux. On n’a rien à voir avec ça.

Je sentais le regard de Castiel posé sur moi avec peine. Pourquoi ne venait-il pas me prendre dans ses bras… ? J’avais besoin de lui, même en tant qu’ami.

-Que dit cette prophétie exactement ? dit avec calme Castiel.

Après un silence pesant où on n’entendait que mes sanglot, Miiko dit :

-Eldarya vit actuellement des périodes très difficiles. L’Oracle s’est éteint il y a cela dix ans.

-Qui est l’Oracle ? coupa Castiel

-La personne qui dirigeait Eel avant moi. Il faut comprendre qu’Eel permet par le biais de la résilience d’anticiper et prévenir des problèmes dans tous les domaines. Le rôle de ce quartier général dépasse de loin ce que vous pouvez imaginer.

Castiel hocha la tête.

-Vous êtes donc présidente du monde en quelque sorte, dit-il en rigolant malgré la situation.

Personne ne comprit la blague à part moi, et ça me fit sourire. Miiko soupira puis poursuivit :

-Depuis ce jour-là, un homme sur lequel nous connaissons peu de choses tente de lever une armée… Le motif reste jusqu’ici encore obscur. Mais les faits sont là, ainsi que leurs conséquences. Guérillas, pillages, pénuries et maladies… Tout s’enchaîne. Mais avant de mourir, l’Oracle nous a délivré de dernières sages paroles : « Deux ne feront plus qu’un, et la paix renaitra. Eel ploie sous la force éphémère d’un. Mais un ne survivra pas. Tel est le destin des amants maudits. »

-C’est du charabia, maugréa Castiel en plissant les yeux. Vous lui avez donné la mauvaise dose de médocs et elle en a crevé cette pauvre femme.

-Ne parle pas ainsi de l’Oracle ou c’est le cachot qui te sera réservé ! s’écria Miiko en faisant jaillir des flammes bleutées. Cette femme était intimidante.

Personnellement, je n’écoutais qu’à moitié. Il n’y avait aucun moyen de retourner chez moi… C’était un cauchemar. Cette fatalité me frappa avec une violence sans pareille. J’allais mourir ici, loin de mes parents, loin de tout. Je ne savais plus où j’en étais.

-Mais qu’est-ce qu’on va faire ici ? dit Castiel. On n’a rien à faire, rien.

Du désespoir se lisait dans sa voix.

-N’allons pas dans la précipitation. Nous allons commencer par vous attribuer des chambres. D’ici demain nous vous tiendrons au courant. Un des membres vous guidera.

C’est à ce moment-là qu’entra une licorne à lunettes. Une. Licorne. A. Lunettes.

Je me levais sans pouvoir quitter des yeux cet être étrange. Il avait l’air un peu timide.

-Keroshane tu tombes bien ! s’exclama Miiko. Je te prie d’attribuer une chambre aux trois nouveaux venus, dans le corridor simple. L’un d’eux ne viendra que plus tard.

-Bien sûr Miiko, dit-il en hochant la tête

Il nous détailla un instant puis dit :

-Vous êtes des humains ?

Se rendant compte de son indiscrétion, il ajouta précipitamment :

-Excusez mon impolitesse. Suivez-moi.

Castiel et moi étions sous le choc. Mais en tout cas, cela confirmait que nous n’étions pas dans un monde peuplé uniquement d’elfes, et c’était plutôt rassurant. Enfin, vu la situation, tout est relatif.

Keroshane marcha vers le corridor des gardes et dit :

-Ici sont les chambres des trois chefs de garde, expliqua-t-il

-Qui sont ces chefs ? demandais-je avec curiosité.

-Ils dirigent trois gardes différentes. La garde de l’Ombre, l’Obsidienne et l’Absythe. Leurs chefs respectifs sont Nevra, Valkyon et Ezarel. Mais ne vous inquiétez pas vous comprendrez très vite comment marche le système des gardes.

Je chuchotais à Castiel :

-L’elfe ne nous a pas menti, il est vraiment le chef de quelque chose !

Ce système de gardes attisait ma curiosité. Ça avait l’air d’être un titre important. On marcha quelques secondes de plus avant d’arriver dans ce que Keroshane surnommait : le corridor simple.

-Voilà, il y a trois chambres pour trois clés. Vous êtes juste à côté des chambres des chefs de garde, donc soyez rassurés vous êtes en sécurité. Si vous avez un quelconque problème, une quelconque question, vous pouvez me retrouvez le plus souvent à la bibliothèque, on vous indiquera facilement le chemin à l’entrée de la salle des portes. Ou bien vous pouvez passer voir Sélia, la femme d’Ezarel, elle est très serviable et son histoire pourrait vous rassurer.

-Merci beaucoup Keroshane, dis-je en souriant.

Je pris ma clef et celle de Nathaniel. Castiel prit la sienne.

-Ce-ce n’est rien, balbutia-t-il en rougissant. Vous pouvez m’appeler Kero…

-Entendu ! Au fait, moi c’est Rima, et lui c’est Castiel. Et oui nous sommes humains… Merci encore pour ton aide.

Il continua à balbutier des « ce n’est rien », « c’est normal », puis partit le visage rouge pivoine.

-On dirait que tu lui fais de l’effet, rigola Castiel.

-Ne dis pas n’importe quoi.

-T’as raison, qui voudrait de toi après tout ? dit-il sérieusement.

Dans un autre contexte, j’aurais rigolé puis aurais sorti une boutade. Mais j’étais au bord du gouffre. Sans même m’en rendre compte, je m’effondrais à terre en pleurant. Si ça se trouve je n’allais manquer à personne. Castiel pâlit en se rendant compte de ce qu’il avait fait puis me souffla :

-Hé Rima je rigolais… Je m’excuse…

Je continuais à pleurer en cachant mon visage entre mes mains. J’en avais marre de lui et de cette situation. Rien n’allait, pourquoi ne pas coopérer pour une fois ?

-Ca va aller, je t’assure… essaya-t-il de me convaincre, accroupi près de moi.

Il posa une main hésitante sur mon dos quand je lui dis :

-Ne me touche pas !

Il se recula d’un coup, comme s’il avait été frappé par un obus. Il serra les poings et regarda par terre, comme s’il condensait ses sentiments.

-Je vais me reposer, dit-il froidement.

Il ouvrit la porte de sa chambre qu’il claqua violemment.

Après de longues minutes passées à me plaindre sur mon sort, je décidais de me lever. J’avais promis à Eweleïn de venir, et je pense que ça me fera du bien de voir Nathaniel. Il me manquait, et je voulais savoir comment il allait. Peut-être dormait-il encore ?

Une fois arrivée devant la porte de l’infirmerie, je toquais. Ce fut Nathaniel qui m’ouvrit la porte. La joie s’empara de moi quand je le vis.

-Nath ! dis-je en sautant à son cou. Tu es réveillé !

Il sourit tendrement et me dit :

-Ça me fait plaisir de te revoir Rima !

Il me regarda en détail quand il se figea.

-Tu es sure que ça va Rima …?

-Ca va, dis-je en retenant mes larmes.

En voyant ma tête, Nathaniel comprit.

-On t’as dit n’est-ce pas ?

J’écarquillais les yeux.

-Toi aussi je crois… dis-je en forçant un sourire triste

Contre toute attente, il me prit dans ses bras.

-Tu n’es pas seule Rima. Je suis avec toi. Castiel aussi est avec toi. On trouvera un moyen.

Je reniflais bruyamment contre son épaule solide. C’était comme si un poids m’avait été retiré des épaules.

-Merci Nathaniel. On est une équipe. Ça va le faire.

Je le sentis hocher la tête. Nath caressait doucement mes cheveux pour m’apaiser. L’envie de dormir, d’oublier, me prit soudain. Après un petit moment, je demandais :

-Eweleïn n’est pas là ?

Je rentrais le visage dans la pièce en la cherchant des yeux avec curiosité.

-Elle arrive, m’assura-t-il.

Jasmin et citronnelle...je n’aurais jamais pensé un jour autant apprécier cette odeur. Face à moi, je le vis poser ses yeux ambrés sur mes yeux, mes lèvres. Je frissonnais. Il repoussa une mèche qui barrait mon visage. Approcha son visage du mien en rougissant. Il n’était plus qu’à quelques millimètres de mes lèvres. Dans quelques secondes je pourrais revivre ce baiser qu’il m’avait offert, alors qu’on dansait sur Stairway to Heaven, chez Castiel. Ça semblait si loin. Ses lèvres frôlèrent les miennes.

J’entendis quelqu’un tousser fort. Je me décollais instantanément de Nathaniel. Nathaniel détourna violemment son profil en fermant les yeux de honte.

-Excusez-moi de vous déranger, dit Eweleïn en se grattant l’arrière de la tête. Alors Rima, tu es venue ! Montre-moi tout ça.

Elle agissait comme si elle n’avait rien vu et ça me rassura. J’avais un peu honte.

-Viens assied-toi ici, dit-elle en désignant une chaise surélevée.

-Nathaniel, si tu veux bien nous excuser…

Nath, toujours honteux, hocha la tête vigoureusement.

Nath était sur le point de sortit, quand je lui dit :

-Attrape, c’est la clef de ta chambre !

Il chuchota un merci puis partit, sans oublier de fermer la porte.

-Il aurait pu rester ça ne me gêne pas, dis-je à l’infirmière.

-Non, une consultation est strictement privée. Et il est totalement remis de ses fractures il peut donc s’en aller.

-Fractures ?! m’exclamais-je

-Et hémorragie interne, ajouta-t-elle comme si elle parlait d’une grippe.

-Sur Terre il en serait mort, dis-je dans un souffle.

-Notre médecine est bien plus évoluée.

-Merci, dis-je en état de choc. Je ne sais pas ce que je serais devenu en le sachant mort. Je vous dois une dette.

Mon ton était grave et solennel sans le vouloir

-Mais ne dit pas de bêtises ! s’exclama-t-elle en rigolant. Ce n’est rien, c’est des cas du quotidien.

Elle avait totalement brisé le côté solennel de ma déclaration. Je voyais en elle clairement plus qu’une infirmière, je lui devais la vie de Nath.

-Ce ne doit pas être facile pour toi, dis-je à l’infirmière.

-C’est vrai, c’est un métier difficile. Mais tant que je peux aider… Dis donc on s’égare j’ai l’impression. Montre-moi cette chose qu’ils t’ont mis… Impossible qu’un tel truc puisse te faire guérir.

-C’est le seul moyen sur terre pour guérir une fracture, expliquais-je

-C’est du charlatanisme ! Ce papier maché ne sert à rien.

Puis elle se mit à l’attaque. Elle fit fondre mon platre à l’eau, et je gêmis de douleur lorsqu’elle toucha la zone lésée.

-T’es une doucette, ria-t-elle. Ton ami n’a même pas froncé les sourcils.

-Il était évanoui aussi, dis-je avec mauvaise foi.

Elle rit puis déposa une pommade sur ma cheville fissurée. Le simple contact de ses doigts sur ma peau me donnait envie de crier. Je retenais mes gémissements de douleur en pensant à Nath qui avait dû se battre contre une hémorragie…

Elle enroula un simple bandage sur mon pied, m’offrit une tisane, et là Eweleïn s’exclama avec joie :

-Quelques heures et tu seras sur pied !

De la magie. C’était de la magie.

-Merci beaucoup Eweleïn.

-Ce n’est rien, va te reposer maintenant. Tu dois être fatiguée.

Je hochais la tête en baillant, et lui adressais un dernier sourire avant de sortir pour rejoindre ma chambre.