Le Loup et l'Agneau
LE LOUP ET L'AGNEAU
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Le petit chaperon rouge
Arrivé au bout du sentier qui continuait en direction d'une forêt touffue, le Docteur s'était présenté devant la pauvre maison que lui avaient indiquée les villageois encore tremblants. Et encore, ils avaient été généreux en appelant ça une maison. A peine une cabane retirée à la sortie du petit village, dont les autres habitations se pressaient frileusement autour du phare rassurant de la grise église locale. Là-bas, il y avait de la pierre pour les pavés, mais ici tout n'était que sable violet, bois bleu et herbe mauve. Il jeta un coup d'œil dubitatif sur les brins desséchés du gazon sur le devant du terrain. La vieille dame qui y vivait ne devait pas avoir la main verte...
L'air sentait les campanules et la terre fraîchement remuée, une senteur cuivrée et salée à la fois était rabattue vers lui quand il tournait la tête dans le sens du vent. A part cela, il percevait quelques rares trilles timides et parfois le farfouillis de petites pattes, fouissant le sol meuble des fougères rhomboïdes à l'orée de la forêt proche. Et c'était à peu près tout.
Il était là sur Ogdoatès parce que des meurtres sauvages s'étaient produits dans le voisinage et que les habitants avaient débordé de soulagement quand il s'était proposé d'enquêter dessus... A la base, il était plutôt venu pour explorer des statues géantes du même type que celles de l'Ile de Pâques, et le voilà qui se retrouvait à faire le Sherlock… « Une étude en violet » à priori, car les fluides vitaux des habitants oscillaient sur toute la gamme entre le pourpre et le parme, selon leur niveau d'oxygénation.
Enfin bref. Il fallait dire que l'argument des corps à moitié mangés mais avec des découpes de dents bien cautérisées, aussi nettes que si elles avaient été faites au laser, n'avait pas été étranger à son intérêt pour cette affaire. Cela sentait manifestement l'ingérence extérieure à ce monde...
En levant le poing pour frapper trois coups à la porte solide, il se disait une nouvelle fois qu'il aurait eu plus vite fait de travailler directement pour la Proclamation des Ombres.
— Il y a quelqu'un ?
Personne ne répondit. Il réitéra le mouvement mais faute de réponse audible, il essaya de faire jouer le loquet d'abord avec précaution, puis plus vigoureusement avec un coup de coude bien placé. Un jour, il programmerait le tournevis sonique pour étrécir les lignes fibreuses du bois, mais pas aujourd'hui ! Quand la porte céda et qu'il réussit à pénétrer à l'intérieur du cabanon envahi par l'obscurité, il fut accueilli par un très inattendu lancer de pot de chambre qu'il ne put éviter que de justesse, grâce à des réflexes aiguisés.
— Allez-vous-en ! glapit une voix appartenant à une vieille femme, recroquevillée sur son galetas et qui serrait convulsivement une couverture jaune toute rapiécée sur elle.
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Tassée dans un angle, l'occupante des lieux était maigre et passablement fibreuse elle aussi. Ses cheveux avaient dû être verts quand elle était jeune mais ils étaient à présent entièrement roses, signe de son grand âge. Pour autant qu'il puisse voir dans la pénombre insistante que la crasse des carreaux entretenait à plaisir, elle lui jetait des regards ambrés furieux. La pièce ne comportait que son lit, une table, une chaise, quelques coffres, et un petit poêle souffreteux qui ne répandait que fort peu de chaleur.
— Excusez-moi, je suis le Docteur. Ce sont les villageois qui m'envoient pour vérifier que vous allez bien.
— Qu'est-ce que je pourrais bien faire d'un docteur ? Je suis vieille, pas automatiquement malade !... répliqua-t-elle d'un ton acerbe.
Le Docteur eut un mince sourire forcé, cligna deux ou trois fois des yeux, croisa ses mains dans le dos, puis leva le cou et inclina la tête en s'efforçant de rester poli. Un sur deux, ça faisait une bonne moyenne…
— Vous êtes au courant qu'il y a une bête inconnue qui a tué déjà quatre personnes et qui rôde dans le village ?
— Bien fait ! Ça leur fera les pieds !
Au moins, c'était spontané. Mais pour être misanthrope et insensible, la vieille n'en était peut-être pas pour autant une meurtrière... Il décida de continuer les questions de routine.
— Est-ce que c'est vous qui les avez tués ? s'enquit-il poliment avec un sourire qui ne découvrait pas les dents.
Elle le regarda de travers.
— Dites-voir, c'est la nouvelle mode de venir déranger les gens chez eux pour les accuser de crimes sans preuve ?
— Oh, oui ! Dans les films, ils font tout le temps ça ! confirma le Docteur avec bonhommie.
La vieille cligna des ocelles d'un air interloqué et puis de son bras décharné encore plus sec que son gazon, lui fit signe de déguerpir d'un geste relativement clair, quelle que soit l'époque, la planète ou la race concernée.
— Écoutez, j'ai pas le temps pour vos stupidités. J'ai pas vu de bête. Partez maintenant.
Le Docteur voulut protester qu'il avait d'autres choses à lui demander mais elle rétorqua qu'elle était alitée parce qu'elle avait mangé des baies qui ne lui avaient pas trop réussi. Il repensa très opportunément au pot de chambre et acquiesça alors d'un court mouvement de tête.
— Bien, je repasserai. Soyez très prudente si vous sortez de chez vous. Prenez une fourche.
— C'est ça. Dehors. Ouste ouste ! Et pendant que vous y êtes, embarquez la petite follette avec vous !
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Le Docteur, qui s'était retourné pour sortir en vitesse afin d'aller examiner les environs, repivota à demi vers son hôtesse acariâtre.
— La quoi ?
La vieille soupira et se gratta longuement le ventre sans façon à travers sa chemise terne et douteuse. Puis elle donna un coup de menton vers le fond de la pièce unique.
— Elle est dans le fond et elle se cache. Prenez-la, car elle m'enquiquine depuis des heures. J'sais pas trop ce que c'est. Vous devez savoir car c'est une peau-rose comme vous.
Le Docteur marcha dans la direction indiquée en faisant attention à ne pas se cogner à une poutre basse (il avait bien assez d'une bosse) et trouva la petite enfant qu'il avait vue dans son rêve, accroupie à côté d'un gros coffre de bois moisi. Elle lui sourit gentiment d'un air un peu hésitant comme si elle avait peur de se faire gronder.
— Qu'est-ce que tu fais ici, toi ? demanda-t-il très préoccupé par une rencontre à laquelle, il ne s'attendait pas, mais alors pas du tout.
— Oh, vous fatiguez pas ! fit la vieille derrière lui. Elle parle pas normalement. Elle parle dans ma tête. C'est un elfe de la forêt, non ?
— Ah ! Parce que vous croyez aux elfes de la forêt, vous ?
— Je ne crois pas aux bêtes invisibles qui mangent les gens et pourtant il y en a... Alors peut-être que les elfes, ça existe aussi ? Regardez comme ses oreilles sont rondes... qu'est-ce que vous voulez que ça soit d'autre sinon ?
— Attendez, mes oreilles aussi sont rondes !... A ce compte-là...
Le Docteur et la vieille échangèrent une série de regards lourds de sens qui se passaient de dialogue et eussent pu paraître comiques en d'autres circonstances. Elle hocha plusieurs fois la tête, l'air satisfaite d'elle-même.
— A ce compte-là… vous êtes un elfe aussi, qui vient chercher l'un de ses jeunes qui s'est perdu chez nous. Et toute cette histoire de bête dans les environs, c'est inventé et juste une excuse pour forcer les portes et rentrer chez les gens...
Le neuvième Docteur la regarda avec un peu plus d'intérêt. Même si elle était à côté de la plaque, son conte à dormir debout dénotait une certaine logique.
— Vous dites que vous êtes restée avec elle pendant combien de temps exactement ? Vous savez, pour nous les elfes de la forêt, le temps ne passe pas de la même manière… Je crois qu'elle ne s'est pas rendue compte.
— Pfou, est-ce que je sais ? Des heures. Depuis ce matin... L'est venue à l'aube, avec son petit panier rempli de baies. Je m'suis pas méfiée, elles avaient l'air appétissantes. Mais elle m'a à moitié empoisonnée avec, oui !
— Ecoutez, si vous vous sentez assez bien et que vous n'avez pas besoin de mes services en tant que médecin, nous allons partir. Restez bien chez vous. Barricadez-vous si vous pouvez… Je peux voir le panier ?
Les yeux dorés de la vieille obliquèrent silencieusement en direction de sa table branlante sans qu'elle daigne ajouter un mot de plus.
Pendant qu'il s'approchait, le Docteur fixa dans les yeux la petite enfant aux courts cheveux clairs et prit le panier pour attraper une baie au fond. Il la pinça entre ses doigts pour la faire éclater et la porter à son nez. Sortant un bout de langue, il goûta le jus et puis s'essuya les mains sur son pantalon. C'était une variété ressemblant au sureau terrien quoique donnant des baies beaucoup plus grosses.
— Vous avez vomi ? s'enquit-il en reposant le panier tâché.
— Entre autres, bougonna la vieille. D'ailleurs ce serait bien que vous me laissiez maintenant, si vous voyez ce que je veux dire.
Et le Docteur voyait parfaitement.
Il inclina la tête vers la petite fille, claqua des doigts et d'un mouvement autoritaire du poignet lui indiqua la porte de l'index. Boudeuse, la petite se déplia et il constata presque sans surprise qu'elle ne portait toujours aucun vêtement. Ses membres graciles étaient maculés de terre ou bien de suie. Elle avait une légère entaille à la cuisse mais rien de bien méchant. Ses pieds nus semblaient par contre bien trop tendres pour supporter de rester sans chaussures et arborant des marques apparentes de meurtrissures.
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Quand ils furent tous les deux à l'extérieur, il se pencha vers la minote avec préoccupation, les sourcils froncés et retira encore sa veste en voulant la lui passer.
— Qu'est-ce que tu fais là ? Qui es-tu ? Et où sont tes vêtements ? demanda-t-il d'un ton qui entendait bien obtenir des réponses.
— Je voulais t'aider, tu sais qui je suis et je n'ai pas de vêtements parce que je n'ai pas froid, répondit-elle droite comme un i, en se croisant les bras de façon fort peu coopérative.
— Non, je ne sais pas qui tu es.
— Tu mens. Je vois que tu te souviens de moi.
— Tu vois ?
Elle hocha positivement plusieurs fois la tête et refusa obstinément de prendre sa veste.
— Et Maman dit que je ne dois pas te dire mon nom.
Il n'aimait pas l'idée qu'un personnage de son rêve puisse s'inscrire dans la réalité. Que quelque chose puisse avoir pris forme ainsi, de sa seule volonté pour se manifester depuis son subconscient vers le monde réel. Il y avait trop de choses affreuses dans ses rêves pour qu'il puisse le permettre. Si tous se mettaient à prendre le même chemin, la Guerre du Temps ne serait rien à côté du chaos qu'il pourrait générer avec ça… Heureusement, le Croquemitaine des légendes n'existait pas. Il y avait donc sûrement une autre explication.
Pourtant, les choses se passèrent nettement plus simplement lorsqu'il fit comme s'il admettait qu'elle était bien la même petite fille qu'il avait vue flotter en rêve dans l'espace. La singularité au cœur de lumière. Et encore plus limpides, une fois posé que cette petite fille était aussi cette fameuse « enfant » dont le TARDIS prenait soin à son insu depuis un temps incertain.
Il ne voulait pas y croire, mais il était joueur au fond. Il l'aurait été bien davantage si les circonstances ne l'avaient pas si terriblement assombri. Aussi rétorqua-t-il d'un ton légèrement hautain et roublard à la fois :
— Ah, parce que d'habitude, tu l'écoutes ?
La petite fille se mit à sourire et il fut soudain frappé de stupeur car elle assortissait son geste d'un tout petit morceau de langue sorti de côté entre ses quenottes blanches. Il sursauta. Il avait déjà vu cette petite apostrophe de chair rose éhontément moqueuse et mutine qui lui donnait l'air d'être plus âgée… Le même tic ailleurs, chez une autre personne, justement celle à laquelle il ne voulait pas trop repenser.
— Est-ce qu'il faut t'appeler « Docteur » ou bien « Pilote » ? questionna-t-elle avec curiosité.
— Docteur.
— Pourquoi Maman t'appelle « Pilote » alors ?
— Nous avons un accord.
— Je peux avoir un accord moi aussi ?
— Non. Mets ma veste, s'il te plaît.
— J'ai toujours pas froid. En plus, il faut que nous restions ici car la bête va revenir et alors je pense que tu voudras l'attraper. Maman dit que c'est ce que tu fais toute la journée, quand tu n'es pas là, énonça-t-elle fièrement. Moi j'en ai assez d'être toute seule, je veux rester avec toi car tu es amusant.
Le neuvième Docteur mobilisa toute sa volonté pour la toiser de haut et afficher un visage impassible.
— Tu sais que je pourrais très bien profiter de ce que tu as les fesses à l'air pour te donner une bonne correction ?
— Non tu ne feras pas ça, dit-elle en se reculant néanmoins prudemment d'un demi-pas.
— A dix contre un, tu lui as désobéi. Tu ne devrais certainement pas être à l'extérieur du TARDIS, tu as l'interdiction de me parler et tu te mets dans des situations dangereuses inconsidérément…
— Non tu ne feras pas ça, réitéra-t-elle, un peu pour s'en persuader.
— A ta place, je n'en serais pas si sûre…
Les traits de l'enfant s'adoucirent pourtant inexplicablement et elle s'assit avec grâce et naturel sur le billot près de l'entrée du cabanon qui devait servir à la vieille pour découper son bois. Elle reprit avec le plus grand sérieux :
— Si. Je le sais parce que tu m'aimes.
Il ne put s'empêcher de se sentir choqué et un peu ému de l'air d'évidence et de sincérité avec lequel elle avait dit ça. Parce que tu m'aimes. Est-ce qu'il n'avait pas autre chose à faire que de passer son après-midi à pourchasser une petite enfant toute nue dans la campagne ? Il n'allait certainement pas se laisser avoir par ses airs de mini Lolita en puissance. A d'autres, non mais quoi ? Par ici le Seigneur du Temps à la manœuvre. Un mètre quatre-vingt-trois de contrôle émotionnel total. Quatre-vingt-six kilos d'intelligence supérieure et de bluff consommé. Pas demain la veille que ce petit lutin rose et jaune, haut comme trois pommes allait le mener par le bout de son grand nez !
— Je t'aime ? D'où sors-tu une fable pareille ? Et d'un, je ne te connais pas, et de deux, tu ne m'écoutes même pas en plus… ça me semble bien mal parti, si tu veux mon avis.
— Tu m'aimeras ? essaya-t-elle avec un air appliqué.
Il soupira et se passa les mains sur la figure, massant le pont de son nez et ses cervicales douloureuses.
— Qu'est-ce que c'est que cette question ubuesque ? Je ne sais même pas ce que tu es… Pour ce que j'en sais tu pourrais tout aussi bien être cette bête qui mange les villageois en changeant d'apparence à ta guise…
La petite fronça ses fins sourcils, paraissant maintenant incertaine. Sa posture se modifia comme si elle ressentait enfin le froid finalement, recroquevillant un peu ses petites épaules vers sa poitrine plate. Elle clignait ses grands yeux un peu perdus vers lui. Horreur, ça commençait à marcher. Ici le Titanic, iceberg en vue…
— Ce n'est pas comme ça qu'on dit ?
— Qu'on dit quoi ? grogna-t-il d'un air mécontent qui lui faisait mériter son surnom d'Orage Menaçant.
— Tu m'aimeras quand je serai mieux finie ? Alors tu fais cette chose avec ta bouche, dit-elle en touchant sa lèvre avec un index hésitant et des yeux timides comme des papillons. Et je vois tout l'amour que tu as pour moi. Et moi je t'aime aussi.
Il tordit ses sourcils et mit les poings sur les hanches.
— Tu ne sais pas ce que tu dis… J'ai plus de neuf cent ans et je n'entretiens pas ce genre de rapport avec les gens. Et j'aimerais vraiment que tu mettes ma veste, maintenant.
— Pourquoi ?
— Parce que ça ne se fait pas d'aller sans vêtements dehors, répondit-il en se forçant à une patience qu'il n'éprouvait presque plus.
— J'étais dans la maison avant… objecta-t-elle. C'est toi qui m'as obligée à sortir.
— Écoute, je ne sais pas ce que tu es, mais tu es humanoïde, ok ? Alors, les humanoïdes mettent des vêtements. Tu vois la vieille dame ? Elle a une grande robe. Les villageois, ils ont des braies et des houppelandes, moi là, j'ai un pantalon et un pull sur le dos, pas vrai ?…
— Mais ce sont tes vêtements ! Je ne veux pas te les prendre. Je sais que tu les aimes beaucoup…
— Ça suffit maintenant. Ne discute pas. Je te prête ma veste et nous allons au TARDIS, qui va te confectionner une tenue. Après, tu y restes bien sagement et tu me laisses faire ce que j'ai à faire ici… Il y a plein d'endroits très sympas dans le TARDIS, tu ne les as pas tous vus…
— Si.
— La salle où poussent les champignons énormes et où il y a des escargots géants ? proposa-t-il finement.
— Déjà fait.
— La salle des bananiers miniatures avec la holo-boulangère dans la pâtisserie ?
— Déjà fait !
— La piscine à vagues ?
— Déjà fait !
— La… pièce à gravité zéro où tu peux faire du trampoline dans l'air !
Cette fois il était triomphant, comme s'il était sûr d'avoir trouvé l'argument définitif. Elle fit pourtant la moue en plissant les yeux. Sa mère lui avait déjà tout montré dans l'espoir de la tenir occupée loin du Docteur.
— C'est là où je dors !
Effaçant son regard impatienté, elle se fit suppliante et il sentit ses vieux cœurs commencer à flancher. Si jamais elle grandissait, elle allait en briser des quantités avec un tour comme celui-là…
— S'il te plait, Docteur ! Laisse-moi rester avec toi. Je m'ennuie et Maman ne veut s'occuper que du petit corail. Il ne fait rien que pousser à deux à l'heure. Il ne parle pas. Il n'est pas amusant. Toi tu fais plein de choses passionnantes… Allons dans la mare derrière la maison, je pourrai te montrer les gens morts dedans que j'ai trouvés. C'est là que la bête met les morceaux coupés, comme dans un frigo.
— Dans la mare derrière cette maison ?
— Oui ! s'impatienta-t-elle. Pourquoi crois-tu que je sois venue lui donner ces baies ? Je pensais que si elle était malade, elle n'irait pas faire du mal aux villageois !
— Quoi ? Tu veux dire que tu as fait exprès ?
— Evidemment, je suis intelligente moi !
— Tu as l'air de sous-entendre que c'est la vieille femme et la bête ne sont qu'une…
— Oui mais ce n'est pas vraiment une vieille femme ! C'est une méchante bête qui a tué la vieille dame qui était là avant et qui se déguise comme elle. Moi je vois bien à quoi elle ressemble en vrai, alors elle ne peut pas me tromper. Je vois tout.
Le Docteur la considéra longuement de ses yeux d'acier clair longuement aiguisés sur le fil tranchant de la détection de mensonges, puis il ramassa sa carapace de cuir restée au sol quand elle l'avait dédaignée et il s'approcha. Sans mot dire, il lui passa les mains dans les manches et puis resserra gentiment les pans autour d'elle. Elle nageait complètement dedans. Enfin, il se pencha et la collecta précautionneusement dans ses bras, passant un bras sous ses genoux pour la porter.
— Je peux marcher, protesta-t-elle.
— Chut, dit-il en embrassant son crâne. En plus, je croyais que tu aimerais ça d'être portée comme une petite princesse...
Elle nicha sa tête dans le creux de son cou pendant qu'il commençait à revenir en direction du village et de son vaisseau.
— Oui, murmura-t-elle.
Car elle aimait beaucoup écouter le tambour à quatre temps qui roulait dans sa large poitrine.
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