Nouvelle vie
Cuddy était assise dans la cuisine avec sa sœur Julia. Il n'y avait pas un bruit. Rachel dormait et les deux femmes étaient silencieuses. Lisa fixait la fumée qui sortait de sa tasse de café. La nuit avait été difficile, comme pouvaient en témoigner ses yeux gonflés et rouges.
House descendit de voiture et frappa à la porte avec sa canne. Cuddy leva brusquement la tête et sourit. Ce bruit si familier l'avait ramené à Princeton en un centième de seconde. Elle sourit face à sa bêtise. Même lorsqu'il était à six mille kilomètres de là, elle s'attendait à le voir apparaître. Quelle idiote ! Elle prit sa tête entre ses mains.
"Ça va Lisa ?" Lui demanda sa sœur en se levant.
"Oui ! Cette façon de frapper m'a juste fait penser à un ami."
Julia quitta la cuisine pour aller ouvrir.
Cuddy regarda l'heure. Elle se surprit à se demander ce que pouvait faire House. Il devait être seize heures en France. Il devait probablement jouer au touriste. Son attention se porta sur le bruit des pas qui s'approchaient de la cuisine. Un pas claudiquant ! Manque de sommeil se dit-elle. Si je me mets à imaginer House partout, il faut vraiment que je dorme.
Sa sœur réapparut dans l'embrasure de la porte.
"C'est pour toi Lisa. Une histoire de... téléphone ?"
"Oui, c'est le coursier que m'envoie Wilson. Fais le entrer." Dit-elle en se levant. Elle se mit dos au mur pour ramasser son sac, se saisi de son porte monnaies et y pris un pourboire. Elle se releva et se retourna.
"House ?" réussit-elle à dire sous la surprise.
A ce nom sa sœur se mit à le dévisager. Elle avait tellement entendu prononcer ce nom. Elle pouvait enfin mettre un visage dessus. Il se tenait debout à l'entrée de la cuisine. Ses yeux ne la quittait pas.
"Bonjour Cuddy !"
"House ?" Répéta-t-elle.
"Euh ! Oui... C'est moi !"
"Je... Je... Vous... Vous...Vous n'êtes plus à Paris ?"
"Comme vous pouvez le voir !"
"Que faites-vous ici ?"
Pour toute réponse il se dirigea vers elle et lui tendit le Blackberry.
Sa sœur en profita pour s'éclipser sans que ni l'un ni l'autre ne s'en rende compte.
Cuddy s'avança à son tour vers lui pour saisir son téléphone. Elle tendit la main et il lui remit le portable.
"Merci ! Le pourboire devient gênant là, mais si vous n'avez pas d'autres livraisons urgentes je vous offre un café."
Il lui sourit, retira son blouson et s'attabla. Elle lui tendit une tasse de café chaud, s'assit et s'empara de nouveau de la sienne.
"Que faites-vous là ?"
Il lui indiqua son portable. Elle laissa tomber sachant qu'elle n'obtiendrait rien de plus pour l'instant.
Ils étaient assis l'un en face de l'autre. House la dévisageait. Elle avait les yeux rouges et gonflés par les larmes qu'elle avait dû verser toute la nuit.
Cuddy se mit à fixer sa boisson pour éviter son regard. Il se dit que le léger sourire qu'elle s'efforçait d'afficher tranchait avec la tristesse de son regard.
"Vous n'avez pas eu trop froid en moto ?"
"Je suis venu en voiture et ai même loué un siège auto pour Rachel."
Elle leva des yeux pleins d'incompréhension vers lui.
"J'ai plusieurs casquettes : docteur, coursier et chauffeur ! Il faudra bien vous ramener à Princeton..."
"Vous êtes venu pour me chercher ? Mais, je ne peux pas rentrer aujourd'hui. L'enterrement n'a lieu que demain."
Il vit que ses yeux étaient plus brillants et entendit sa voix se casser sur la fin de sa phrase. Elle porta de nouveau toute son attention sur son mug.
"Ensuite nous devons mettre de l'ordre dans les affaires de maman et puis..."
Elle ne put terminer sa phrase, sa voix était de plus en plus faible.
"Il me reste quinze jours de vacances. Ils sont à vous. Je ne suis pas pressé. Je suis là pour vous... Je vous avez dit que vous ne pourriez pas vous débarrasser de moi aussi facilement. Je suis là, j'y reste !"
Elle releva son visage jusqu'à ce qu'elle croise le regard de House. Cuddy n'essayait même pas de cacher ses larmes qui coulaient silencieusement le long de ses joues. Elle faisait tourner nerveusement sa tasse entre ses mains. Une boule dans la gorge l'empêchait de parler. Elle hocha juste la tête. House posa ses mains sur celles tremblantes de Cuddy. Ce simple geste la réchauffa. Elle qui avait si froid depuis l'appel de Julia. Ils restèrent dans cette position, sans rien dire, juste en se fixant jusqu'à ce que House ne sente plus les mains trembler et que les larmes cessent. Puis il ramena ses mains sur sa tasse. Alors qu'il rompait le lien physique il coupa le silence, sans doute pour éviter que la gêne ne s'installe.
"Où est Rachel ?"
"Elle dort !"
"Vous devriez en faire autant." Lui dit-il d'une voix calme.
"Elle ne devrait pas tarder à se réveiller."
"Allez-vous reposer, je m'en occupe."
"Non, je..."
Il l'a coupa d'une voix calme, mais catégorique.
"Vous êtes épuisé Cuddy. Les jours qui viennent ne vont pas être faciles. Il faut que vous dormiez !"
Elle savait qu'il avait raison et de toute façon elle n'avait pas la force de lutter. Elle se leva.
"Je vais juste m'allonger une heure." Dit-elle en quittant la cuisine.
Lisa s'était littéralement effondrée sur son lit et avait dormi d'une seule traite. Elle se réveilla en sursaut. House était-il parti la laissant seule de nouveau ?
Elle regarda l'heure : dix-sept heures dix. Elle avait dormi six heures.
Cuddy était encore tout engourdie par le sommeil. Elle s'étira rapidement et descendit les marches. Des gazouillis provenaient de la cuisine. Elle s'y dirigea. Rachel était assise dans sa chaise haute. Elle mangeait un biscuit et discutait avec une peluche. House était là, assis près d'elle, un livre à la main. Il était toujours présent et c'était occupé de Rachel. Qui l'eut cru ? Que ressentait-elle à ce moment très précis ?
De la surprise face à cet homme qui avait traversé l'océan atlantique pour lui venir en aide.
De la tendresse pour ces deux êtres qui lui sont chers.
De la reconnaissance pour lui avoir permis de se reposer, en toute tranquillité et confiance.
"Ma-man !"
Les cris de l'enfant la sortirent de sa contemplation et de ses pensées. Rachel venait d'apercevoir sa mère. House leva les yeux de son livre.
"Le retour de la Belle aux bois dormant..." Claironna-t-il.
Elle lui sourit, prit sa fille dans ses bras et la couvrit de bisous. Ce qui fit rire la petite.
"Et voilà ! C'est moi qui fait tout le boulot et c'est elle qui est récompensée... C'est trop injuste !" Dit-il dans une moue.
Lisa posa une main sur la joue gauche de House et déposa un tendre baiser sur la droite.
"Merci !" Lui chuchota-t-elle à l'oreille.
Le contact des lèvres sur sa barbe naissante lui fit instinctivement fermer les yeux et l'emplit d'un bien-être. Il les rouvrit lorsqu'il sentit le souffle chaud au creux de son cou. La main de Lisa était toujours sur sa joue. Elle lui souriait. Il ne pouvait quitter son visage du regard. Il voulait la toucher lui aussi, c'était viscéral. Il leva la main vers le visage de Lisa et lui effleura d'abord le front du bout des doigts.
"Vous avez la trace des draps et de l'oreiller là, là, là et là..."
Dit-il en descendant sa main sur sa joue puis son cou et pour s'arrêter sur sa gorge. Il sentait le pouls rapide de la jeune femme. Ils ne se quittaient pas du regard.
"Désolée, je ne dois pas être très présentable." Réussit-elle à prononcer.
"Ça va ! Ce qui est gênant c'est le petit filet de bave sec qui se trouve là."
Il lâcha sa gorge et dessina lentement le contour de sa lèvre inférieure à l'aide de son pouce.
Rachel envoyait des bisous avec la main vers House, ce qui fit rire sa mère.
"Ah ! J'ai faillit oublié de vous dire que Julia était sortie faire quelques courses. Elle ne devrait plus tarder maintenant."
"Vous l'appelez Julia ?" lui demanda Cuddy très surprise.
"Pourquoi ce n'est pas son prénom ?"
"Si, mais... laissez tomber !"
Rachel tendait ses bras vers House et criait :
"Geg ! Geg ! Geg !"
"Vous voyez ce sont des choses qui se font d'appeler les gens par leur prénom."
"Vous voulez qu'on essaye ?"
"Nooon ! Ce serait très... bizarre. Et puis je préfère vous imaginer dans mes fantasmes entrain de gémir mon prénom, plutôt de vous entendre l'hurler dans les couloirs de l'hôpital..."
Ils se souriaient. La petite continuait à tendre les bras vers lui. Cuddy lui tendit l'enfant. Il l'a prit à bout de bras.
"Lorsque vous êtes réveillé les heures sont facturées double."
"On dirait qu'elle vous a adopté !"
"On a fait connaissance, on a discuté..."
"De quoi ?"
"Nous sommes tombés tout les deux d'accord sur le fait qu'elle à la plus jolie des mamans."
"Surtout aujourd'hui..." Dit-elle pleine d'ironie en essayant de remettre en place une mèche de cheveux.
"Même aujourd'hui ! Bon, disons que pour une fois vous laissez une chance aux autres." Il la toisa de haut en bas tout en lui souriant. Elle prit un air navré et lui rendit son sourire.
"Je vous rends votre petite terreur le temps de trouver un hôtel." Dit-il en se levant.
"Il y a une chambre d'ami si vous voulez."
"Je ne veux pas m'imposer. Vous avez sans doute besoin de vous retrouver seule avec votre sœur ?"
"Restez s'il vous plait". Dit elle d'une voix suppliante.
"En ce moment j'ai besoin de tout sauf de me retrouver seule. Je me sens rassurée quand vous êtes là."
Pour unique réponse il se rassit et installa Rachel sur ses genoux.
Cuddy s'était occupé de Rachel (bain, dîner, coucher). House avait discuté et préparé le repas avec Julia. Ils avaient dîné tous les trois, puis Julia avait annoncé qu'elle allait se coucher. En quittant la pièce elle adressa un clin d'œil à sa sœur. Cette dernière n'en revenait pas, qu'avait pu s'imaginer Julia ? Et House avait-il vu l'œillade ? Au sourire narquois et satisfait qu'il arborait la réponse était oui. Elle baissa le regard. Elle hésita à aller aussi se coucher, mais elle redoutait la nuit. Tant qu'elle était occupée la peine était supportable. Mais une fois seule dans la maison calme tout était différent. Les souvenirs, les pensées sombres prenaient le dessus sur la raison. C'est ce qui c'était passé depuis l'annonce du décès de sa mère. La nuit, tôt le matin, pendant la sieste de Rachel, enfin dès qu'elle était seule tout s'effondrait. Elle aurait aimé retarder ce moment le plus possible, mais elle avait remarqué que House se massait régulièrement et de plus en plus souvent la jambe.
"Ça va ?" Demanda-t-elle en désignant sa cuise du menton.
"Il n'y a jamais assez de place pour allonger les jambes dans les avions..."
"Ajoutez cela au décalage horaire, vous devez être épuisé... Venez je vous montre votre chambre !"
"Et vous ça va aller ?"
"Ça ira !" Lui dit-elle dans un sourire qui se voulait rassurant. Elle se leva, il la suivit dans l'escalier.
Elle l'accompagna jusqu'à sa chambre et lui indiqua que la sienne était mitoyenne. Ils se souhaitèrent une bonne nuit et entrèrent dans leurs chambres.
House n'avait qu'une envie : allonger sa jambe. Il prit une douche rapide, enfila un caleçon et un tee-shirt et s'allongea sur le lit. Il était épuisé et éteignit immédiatement pour dormir. Il commençait à se relaxer. L'eau chaude avait fait beaucoup de bien à ses muscles. Il commençait à sombrer dans le sommeil lorsqu'il entendit des reniflements venants de la chambre voisine...