Nouvelle vie
Cuddy leva les yeux de ses papiers pour voir qui frappait à la porte de son bureau.
"Hélène ?"
"Bonjour Lisa."
"Vous cherchez House ?"
"Non ! Il doit me rejoindre dans le hall dans une demie heure. C'est vous que je venais voir."
"Ah ! Entrez, entrez !"
Cuddy était intriguée. Elle se leva, l'invita à s'asseoir sur le canapé et vint la rejoindre.
Hélène ne tergiversa pas et entra directement dans le vif du sujet.
"Je dois partir pour Paris, la semaine prochaine..."
Bon voyage pensa Cuddy. Elle sourit.
"J'ai une semaine de travail et une semaine de vacances."
Pourquoi vient-elle me raconter ça à moi ? Pensa la doyenne en s'efforçant de sourire.
"J'aimerai faire découvrir Paris à Grégory." Annonça Hélène en fixant Cuddy.
"Ah !"
L'espace d'un court instant son sourire disparut. Cuddy se reprit très rapidement, mais son léger trouble n'avait pas échappé à Hélène.
"Vous serez-t-il possible de me le laisser. Enfin si ça ne gêne en rien l'organisation de l'hôpital."
Cuddy eut l'impression qu'elle avait insisté sur "me". Souhaitait elle marquer son territoire ? Se pouvait-il qu'elle la voie comme une rivale ? House lui avait-il raconté ce qui avait faillit arriver hier soir ? Non...
Hélène fixait Lisa en attente d'une réponse.
"House n'a actuellement aucun cas et puis il y a son équipe..."
"Bien ! J'ai hâte de lui faire découvrir Paris, la ville des amoureux. Paris est si romantique."
Ajouta-t-elle tout en ne lâchant pas Cuddy du regard. Elle lui adressait son plus beau sourire. Maintenant, c'était certain Hélène prenait ses marques. La doyenne lui rendit son sourire et d'un ton enjoué elle ajouta :
"Il ne vous reste plus qu'à le convaincre. House ne part jamais en vacances. La dernière fois qu'il a prit l'avion nous partions pour Singapour."
Elle insista sur le "nous" et omis délibérément de lui dire que c'était pour une conférence.
"Chère Lisa, ne vous inquiétez pas, je peux être très persuasive et j'ai des arguments que Grégory apprécie particulièrement." Lui dit-elle d'un ton suave tout en bombant sa poitrine.
Elles se fusillaient du regard. La guerre était déclarée.
Hélène adressa à la doyenne un dernier sourire qui se voulait vainqueur et tourna les talons.
"A bientôt Lisa. On se voit à notre retour de Paris !" Lui lança-t-elle sans se retourner.
Une fois la porte fermée, Lisa quitta son sourire et serra les dents. "Salope" lança-t-elle au moment où Wilson entrait.
L'oncologue marqua un arrêt, surpris par cet accueil... puis décida de l'ignorer et entra sous le regard gêné de Cuddy. Elle n'arrivait pas à décolérer. Wilson prit la parole.
"J'ai croisé Hélène. Elle est vraiment charmante..."
"Charmante ? On voit bien que vous n'avez pas assisté à son magnifique numéro de mante-religieuse."
"Oh ! Je vois le mot doux ne m'était pas destiné."
"Que voulez-vous Wilson ?"
"Que vous voulait Hélène ?"
L'agressivité de Cuddy tranchait avec le calme de l'homme.
"Elle venait s'enquérir si l'hôpital pouvait survivre une semaine sans Grégory..." Dit-elle en prenant l'accent français. Ce qui fit sourire Wilson.
"Afin qu'elle puisse lui faire découvrir la ville des amoureux."
"House a accepté de prendre des vacances ?"
"Elle ne lui a pas encore parlé. Elle est d'abord venu me balancer ses projets si romantiques."
"Ah ! Je vois, elle délimite son territoire..." Dit Wilson dans un petit rire.
"Vous m'excuserez si je ne trouve pas la situation comique."
"Elle voulait connaître votre réaction, savoir ce qu'il y a entre vous."
"Il n'y a rien entre House et moi." Souffla-t-elle exaspérée.
"C'est sûr ! Si vous lui avez dit comme cela avec cette petite note de regret dans la voix, elle y a cru."
"Qu'a-t-il pu lui dire pour qu'elle s'imagine qu'il y ait quelque chose entre nous ?"
"Enfin Cuddy ne jouez pas les innocentes. Vous souhaitez qu'on réalise un sondage auprès du personnel de l'hôpital ? La moitié pense que vous entretenez une relation, un quart que vous avez eu une aventure et le dernier quart que ça ne saurait tarder."
"Mais j'ai Lucas..."
"Tout ce que vous niez, ne voulez pas reconnaître, vos regards, vos silences, vos sourires, vos gestes, tout votre corps l'exprime. La tension sexuelle en devient presque palpable.
"Puisque je vous dis qu'il n'y a rien !"
"Mais alors, s'il n'y a rien qu'est-ce que ça peut vous faire qu'ils s'envolent pour un voyage en amoureux ? Et que signifie ce presque baiser, qui, vu la scène de ce matin a compté plus que s'il avait été réel, car ni l'un ni l'autre ne sait jusqu'où il vous aurait conduit."
Etrangement les accusations de Wilson l'avaient calmée. Elle s'efforça de lui sourire.
"J'ai tenu ma promesse Wilson, je n'ai pas laissé trainer ma langue n'importe où..."
"Justement il aurait mieux valu, parce qu'à l'heure qu'il est vous sauriez l'un comme l'autre où vous en êtes et ce que vous voulez. Mais bon sang Cuddy, envoyez-vous en l'air une bonne fois pour toute qu'on passe à autre chose."
La surprise était totale. Wilson ne lui avait jamais parlé comme ça. Elle se passa une main sur le visage.
"Ça n'est pas si facile Wilson !" Lui avoua-t-elle d'un ton las.
"Ah non vous n'allez pas recommencer le sempiternel boss et employé. La vérité c'est que vous avez peur tous les deux. Tellement peur que ça ne marche pas, que vous refusez d'essayer. La situation est bien confortable vous travaillez l'un à côté de l'autre, on dirait deux éternels ados qui se cherchent."
"Je crois que j'ai saisi l'image..."
"C'est vrai ? Et que pensez-vous faire ?"
"Il est trop tard Wilson. Trop tard ! Il a Hélène et j'ai Lucas."
"Il n'est jamais trop tard, rien n'est joué d'avance..."
Le lendemain ce fut au tour de House de s'inviter dans son bureau. Après avoir levé les yeux sur son visiteur, elle reposa son attention sur les dossiers.
"Cuddy, pourriez-vous m'accorder..."
"Deux ou trois semaines ?" La coupa-t-elle assez sèchement.
Il la regardait sans rien dire, étonné. Elle leva les yeux vers lui et lui dit d'une voie froide :
"Alors, vous partez vous aussi !"
"Vous avez-vu Hélène ?"
"Elle est passée hier soir."
"Ah ! Je comprends mieux ses allusions à Singapour...
Flash back :
"Ne le prend pas mal Hélène, mais je ne pars jamais en vacances."
"Et Singapour alors ? Mais peut-être veux-tu que je prenne un troisième billet ?"
"Quoi ?"
"Greg ce sont nos premières vacances tous les deux et puis c'est important pour moi, j'aimerais te faire découvrir mon pays, ma culture..."
Cette allusion à Cuddy, ses yeux implorants l'avaient fait céder.
Fin du flash back
"Mais que lui avez vous dit pour qu'elle pense que nous y étions en vacances tous les deux ?"
Pour unique réponse elle haussa les épaules. Il la regardait trier ses dossiers. Sans le regarder, elle lui demanda de nouveaux :
"Deux ou trois semaines ?"
"Cuddy, dit-il calmement, il vous suffit de ne pas m'accorder ses vacances..."
Elle le regarda. Avait elle bien entendu ? C'était encore à elle de prendre la décision ? Non, c'est lui qui avait voulu partir pas elle !
"Il vous suffit de ne pas partir... C'est vous qui avez décidé de me laisser pas l'inverse. C'est votre décision..."
"Je ne pars que quinze jours et après je reviens. J'ai accepté ce voyage, maintenant vous êtes la seule à pouvoir m'en empêcher."
Il la fixait d'un regard implorant. Elle ne savait que faire. Soit elle lui accordait ses vacances et Hélène et House passait à l'étape supérieure et s'en était fini d'eux. Soit elle l'empêchait de partir et elle reconnaissait par la même sa jalousie et donc ses sentiments.
Elle ne voulait pas de cette responsabilité. Sa fierté l'empêchait de trancher. Elle s'entendit lui répondre, la voix pleine de colère :
"Je vous accorde trois semaines. Faites en ce que bon vous semble."
L'incompréhension remplissait les yeux de House. Elle le rejetait de nouveau...
"Et maintenant sortez de mon bureau, j'ai du travail."
Il fit demi tour, mais avant de franchir la porte il lui lança par-dessus son épaule :
"Vous ne vous débarrasserez pas de moi aussi facilement !"
Aussitôt la porte fermée, elle prit son visage entre ses mains pour essayer de retenir les larmes qui commençaient à perler.
"Foutue fierté !" Lança-t-elle.
Cuddy vérifiait pour la énième fois sa boîte mail depuis son arrivée à l'hôpital. Il allait être dix-neuf heures et elle n'avait pas encore reçu de messages de House. Il était parti depuis quatre jours, elle recevait deux courriels par jour. Le premier l'avait surprise et maintenant elle se retrouvait à attendre et guetter les emails. Même absent il réussissait à l'énerver.
Chaque message était fait de la même façon. En l'ouvrant elle découvrait tout d'abord une photo d'un monument, d'un lieu, d'un tableau,... puis une petite note historique qui expliquait l'image. Et enfin une courte phrase plus personnelle. C'était ces dernières qu'elle attendait. C'était toujours très court, mais elle y retrouvait son humour, ses doubles sens.
La première était son portrait. Vu les proportions il avait dû prendre la photo à bout de bras. Il lui souriait et disait juste :
"Vous pensiez être débarrassée de moi et bien c'est râpé. Je ne vous laisserais jamais ! Je serai toujours là..."
Elle lui répondit immédiatement :
"J'ai vraiment cru être tranquille pendant trois semaines. Ce n'est pas moi qui suis parti... L'hôpital est bien trop calme !"
Une vue de Notre dame et elle pouvait lire :
"Les gargouilles ont votre sourire."
"Sans doute parce que vous les exaspérez elles aussi..."
Avec la photo de la Tour Eiffel, était indiqué :
"Vos hanches sont bien plus larges que les siennes."
"Mais bien moins que votre égo !"
Une péniche sur la Seine :
"Ma Cuddy est bien mieux charpentée que leur Rouf." Elle avait dû chercher sur internet pour comprendre qu'un rouf était le logement des mariniers sur les bateaux et que c'était la traduction française de Cuddy.
"Cuddy~Rouf~Logement~habitation~maison~House~... La boucle est bouclée."
Une plaque de rue où on pouvait lire "Place Pigalle" lui fit écrire :
"Ai fait du lèche vitrine et vous ai trouvé une petite tenue d'infirmière en chef. Hâte que vous l'essayiez !"
"Je pensais que votre fantasme était la petite écolière !"
Un tableau représentant La Joconde et une simple question :
"Qui êtes vous vraiment Cuddy Lisa ?"
"Serais-je encore une énigme pour vous ?"
Le dernier reçu concernait le café de Flore. Il avait fini par :
"J'ai passé deux heures en terrasse à mater de superbes jeunes femmes. Pattie et Selma me manquent !"
"Je vous sens habité par les âmes de Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. Mon poète !"
Et puis plus rien ! Hier soir et aujourd'hui pas de messages ! C'était-il lassé de leurs échanges ? Hélène était peut-être de repos et il ne pensait donc pas à elle... Cette idée l'attristât. Elle rassembla ses affaires, se dirigea vers la porte pour partir, mais elle ne résistât pas et retourna vérifier sa boite mail avant de partir. Toujours rien... Devait-elle lui envoyer un message ? Pour lui dire quoi ? Que même avec six heures de décalage horaire il réussissait à la faire bisquer. Il fallait qu'il joue avec elle ? Elle ne lui avait rien demandé, il l'avait mis en état d'attente. Et il avait tout stoppé... Encore une fois ce n'était qu'un jeu pour lui. Elle lui en voulait et se jura de ne plus se faire avoir. Elle était en colère contre House. Il lui avait menti. Elle se sentait de nouveau abandonnée... Elle rentra retrouver Rachel.