Nouvelle vie
House fit son entrée au Princeton Plainsboro aux alentours de midi. Il se dirigea vers l'ascenseur, appuya sur le bouton d'appel. Les portes s'ouvrirent et libérèrent une Cuddy énervée.
"Et merde !" lâcha House.
"House vous voilà enfin, je vous cherche partout..."
"Bah ! Faut croire que je n'étais pas assez bien caché !"
"Dans mon bureau im-mé-dia-te-ment !"
Elle se dirigea d'un pas rapide vers son bureau. Il fit de gros efforts pour suivre son rythme et marcher à ses côtés. Il ne voulait pas se laisser distancer par elle. Surtout pas par elle...
Elle entra la première. Il ferma la porte derrière lui.
Elle alla s'asseoir derrière son bureau. Il resta debout à l'entrée de la pièce, appuyé sur sa canne.
"Vous avez vu l'heure, House ?"
Pas de réponse.
"Ou étiez-vous ?"
"J'avais un truc à faire !" bredouilla-t-il.
L'image d'Hélène s'imposa aux yeux de Cuddy.
"Vous avez plus de deux heures de retard..."
"Selon vos horaires. Selon les miens je suis dans les temps !"
"Et puis-je savoir qu'elles sont vos horaires ?" dit-elle en essayant de conserver son calme.
"Arrivée entre onze et quinze heures et départ avant dix-sept heures. Question de principe." répondit-il dans un large sourire.
Il savait qu'il allait s'attirer les foudres de la doyenne.
Elle posa ses deux mains sur son bureau et se pencha vers House. Ce qui lui permit d'avoir une vue imprenable sur son décolleté.
"Premièrement, House, vos beaux principes vous pouvez vous asseoir dessus."
Il fit un pas vers le bureau.
"Oh ! Tout de suite la vulgarité. Que c'est laid dans la bouche d'une si jolie femme..."
Elle savait qu'il voulait la décontenancer, et elle devait continuer son sermon en ignorant ses répliques.
"Deuxièmement ce soir vous quitterez l'hôpital à dix-neuves heures..."
"Mais..."
"Pas avant..."
"Je..."
"Vous me devez deux heures."
Il ouvrit la bouche, mais ne dit rien. Il se contenta de faire un pas vers elle en la fusillant du regard.
"Que vous ferez en consultations. Troisièmement, étant donné que vous n'avez pas de cas vous allez pouvoir y aller tous de suite."
Il y eut un silence. Ils se fixaient tous les deux. Aucun ne voulant baisser le regard. Tout en continuant leur joute oculaire, House rompit le silence.
"Ça y est ! Je peux en placer une ? Vous avez fini votre monologue ?"
Ils ne baissaient pas les yeux. L'un comme l'autre ne voulait pas perdre cette lutte. Elle voulait gagner. Il ne voulait pas se laisser voler la victoire.
Il fit un autre pas vers le bureau sans ciller.
"Je ne ferai pas ces deux heures supplémentaires !" Signifia-t-il calmement, mais catégoriquement.
"Si vous les ferez" répondit-elle tout aussi catégoriquement.
Ses yeux commençaient à la piquer, mais elle ne devait pas quitter son regard. Elle ne lui ferait pas ce plaisir.
"Non !" Il fit un nouveau pas vers elle.
"Je vous rappelle que je suis votre employeur !" Son ton se voulait menaçant.
Un autre pas. Il était maintenant collé au bureau.
"Oups ! J'ai peur... Après les insultes voilà les menaces. De mieux en mieux... Que c'est vilain !"
Elle remarqua qu'il arborait son sourire vainqueur. Elle n'aimait pas ça, que pouvait présager ce sourire ? Quelle idée machiavélique pouvait bien avoir jailli de son cerveau retors ?
"Vous allez faire ces deux heures supplémentaires ou je déduis cette journée de votre salaire !"
Il prit appui sur le bureau. Il ne quittait pas son sourire.
"La vue sur les jumelles est encore plus belle d'ici."
Cuddy baissa les yeux sur son décolleté. Housse hurla :
"Gagné !" Et il se dirigea vers la sortie.
"Si vous me cherchez je suis caché salle 1."
Cuddy souriait.
"Un vrai gamin ! Il ne changera jamais... Et tant mieux." Pensa-t-elle.
La journée s'était déroulée normalement.
Un peu après vingt-deux heures Cuddy entendit cogner lourdement contre sa porte. Elle reconnut immédiatement le bruit sourd des coups de cannes contre le bois de la porte. Ce bruit familier fit naitre un sourire sur ses lèvres.
Tout en se dirigeant vers l'entrée elle essayait de se rappeler la dernière fois où il était venu chez elle en pleine nuit. C'était avant Mayfield. Cela lui semblait loin, très loin. Elle ne savait pas pourquoi, mais cette visite nocturne lui faisait vraiment plaisir.
Elle ouvrit la porte.
"House ?" fit-elle faussement surprise. "Que venez-vous faire chez moi ? Il est tard."
"Peux entrer ?" grogna-t-il.
Elle s'écarta de la porte pour le laisser passer. Il regarda autour de lui pour s'assurer que rien n'avait changé. Il remarqua immédiatement une photo de Lisa enlacée par Lucas. Elle suivit son regard et se sentit gênée. Rien d'autre dans l'appartement ne trahissait la présence de l'homme. House en conclut donc qu'il n'avait pas encore emménagé. Ce constat lui rendit son sourire. Il se tourna vers elle et vit qu'elle fixait, elle aussi, la photographie d'un air gêné. Cela le mit mal à l'aise.
"Désolé pour l'heure tardive, mais un tyran m'a obligé à rester deux heures de plus à l'hôpital."
Ils rirent.
"Que voulez-vous House ?"
"Une bière." Ironisa-t-il.
"Non, je voulais dire …"
"Je sais, vous voulez connaître la raison de ma présence ? Votre sens de l'humour disparait-il après vingt-deux heures ?" S'enquit il.
Elle sourit.
"Je n'ai que du vin !"
"Ça ira."
Il lui rendit son sourire et la regarda s'éloigner vers la cuisine. Elle portait un pantalon ample en coton blanc et un caraco de la même couleur. Ses cheveux étaient lâchés et ses boucles brunes tombaient sur ses épaules. Même lorsqu'elle n'était pas apprêtée elle était superbe. Un mélange de classe et de beauté naturelle. Il était heureux de pouvoir à nouveau l'admirer à son état naturel sans qu'elle ne porte son masque de directrice. House repensa aux comparaisons que Wilson lui avait fait entre Lisa et Hélène. La dernière était une très belle femme, mais elle n'avait pas cet éclat qui faisait toute la grâce de Lisa. Il se dit aussi que si Wilson la voyait là au naturel, sans maquillage, décontracté il comprendrait son erreur et serait bien obligé de reconnaître que les deux femmes étaient totalement différentes.
House alla s'asseoir sur le canapé. Il retira son blouson qu'il posa sur l'accoudoir.
Il prit un cadre sur la table basse. On pouvait y voir Lisa et Rachel. L'enfant et la mère étaient de profil. Elles se fixaient et se souriaient. On y percevait le bien-être et le bonheur. Lisa semblait différente. Son visage était lumineux, il n'y avait aucune trace de tension. Il fixait ce visage si familier dont l'expression lui était inconnue. Le regard de House s'emplit de tristesse en songeant qu'il ne partagerait jamais de tels moments d'intimité et de bonheur avec elle. Lucas avait réussi à voler et à figer un instant de bonheur ou rien d'autre n'existait que Lisa pour Rachel et Rachel pour Lisa.
"Ma mère qui a pris cette photo. Elle vous plait ?"
House n'avait pas entendu Lisa revenir. Bien sûr qu'elle lui plaisait et bien davantage depuis qu'il avait appris que le détective n'avait pas partagé cette intimité.
"Rachel est magnifique et vous…" Zut, il avait parlé trop vite. Il fallait trouver quelque chose pour conclure sa phrase. Elle le fixait d'un air interrogateur.
"Vous... vous semblez presque humaine" poursuiva-t-il.
"Merci !" Elle savait qu'il s'agissait d'un compliment Housien.
"Cela vous réussit d'être mère... vous êtes... enfin vous savez !" Il se demanda s'il n'était pas ensorcelé et reposa le cadre. Il avait fait deux compliments dans la même minute. Décidément cette femme le rendait vraiment bizarre et différent.
Il releva les yeux pour enfin les porter sur elle. Lisa était toujours debout et portait un plateau sur lequel il y avait deux verres et une bouteille de Bordeaux. Cuddy semblait choquée. Elle arborait un large sourire et on pouvait lire la surprise sur son visage. House l'avait complimentée … Elle ne rêvait pas, il était bien là au milieu de son salon et la complimentait sans aucun artifice sur son rôle de mère. Ce qui, il le savait était pour elle le plus important.
"Bon vous le servez ce vin. Il est assez oxygéné maintenant !"
Cuddy reprit ses esprits et s'assit à côté de House. Elle posa le plateau sur la table basse. Tout en remplissant les verres, elle lui demanda :
"Je suis quoi ?"
"Pardon ?"
Elle se tourna et lui tendit un verre. Elle arborait un large sourire. Il prit le verre sans la quitter du regard.
"Vous venez de dire, je cite : -Vous êtes... enfin vous savez.- Je suis quoi ?"
Il la regardait silencieusement. Comment allait-il s'en sortir ? Il lui rendit son sourire. Elle comprit immédiatement qu'il avait trouvé une parade. Il leva son verre.
"A Rachel !" Claironna-t-il et il finit sa phrase d'un ton bien moins assuré "et à vous".
Elle rit et ils trinquèrent. Le vin était excellent. Il se saisit de la bouteille et en lu l'étiquette.
"Pessac-Leognan 1994. Vous savez recevoir, vous !"
"Le cadeau d'un rencart que vous avez fait fuir avant que nous ayons eu le temps de l'ouvrir..."
Ils se souriaient.
"Vous ai rendu service, donc normal qu'on la boive ensemble !"
"Vous voulez que je vous remercie en plus ?"
"Bah y'a pas d'quoi ! Avec ce vin on est plus que quitte."
Ils rirent.
"Pourquoi êtes vous là ?"
Trouble-fête pensa-t-il. Il posa son verre et se tourna pour fouiller dans la poche intérieure de son blouson. Il en sortit un petit sac en papier blanc. Il semblait vide. Cuddy observait avec curiosité chacun de ses mouvements. Il ouvrit le sac et le renversa dans la paume de sa main qu'il referma immédiatement. Il la regarda. Elle fronçait les sourcils les yeux fixés sur son poing droit. Il pouvait lire l'impatience dans son regard.
"Ta dam... !" Fit-il en ouvrant la main.
Cuddy ouvrit grand la bouche en découvrant sa boucle d'oreille. House vit ses yeux se remplirent de larmes. Il n'avait pas prévu cela. Il était déconcerté. Il la fixait les yeux écarquillés par la surprise et l'incompréhension. Bon cet état ne pouvait pas venir de ce qu'il avait fait ou dit, c'était donc du à ce bijou.
Il afficha un sourire à sa face et dit d'une voie exagérément douce :
"Cuddy ce n'est que votre boucle d'oreille..."
Elle se jeta dans ses bras, l'enlaça et laissa couler ses larmes. Il sentit sa joue s'humidifier ce qui contrastait avec la chaleur qui émanait de l'accolade. Il huma son parfum, profita de la douceur de sa peau. Il ne devait surtout pas la toucher. Il allongea ses bras sur le dossier du canapé afin de pouvoir résister à l'envie de l'enlacer qui le tenaillait et augmentait. Vite il fallait qu'il rompe cet étreinte le plus vite possible. L'humour était sa meilleure arme.
"Waou ! A quoi aurais-je eu droit si je vous avez ramené la paire ?"
Il sentit son rire dans le creux de son épaule. Elle relâcha son étreinte et se rassit à ses côtés. Ses yeux étaient rouges, mais elle lui souriait.
"Désolé... J'ai taché votre chemise."
Il haussa les épaules. Lui prit la main et y mit la boucle d'oreille.
"Merci House !" Murmura-t-elle.
"C'est tout ? Vous allez m'expliquer le pourquoi de ce déballage d'émotions ou dois-je en conclure que vous aviez juste une envie incontrôlable de me prendre dans vos bras ?"
Elle lui souriait.
"Ça ce sont vos fantasmes House, pas les miens."
"Ouais ! Mais là en l'occurrence c'est vous qui m'avez sauté dessus et pas l'inverse..." Lui répondit-il en lui rendant son sourire.
Elle émit un grand soupir, mis la perle à son oreille et commença son récit.
"J'avais quatorze ans lorsque j'ai connu mon premier chagrin d'amour. Mon père me voyant inconsolable vient me trouver un soir. Il m'expliqua que je connaîtrai d'autres garçons, puis d'autres hommes que j'aimerai et qui me feraient souffrir. C'est la vie, c'est l'amour. On joue, on perd. Jusqu'au jour ou je rencontrerai celui qui fait oublier tous les autres. Il ne correspondra sans doute en rien à l'image que l'on se fait de l'homme idéal, on se ferait sans doute du mal, mais si c'était le grand amour je pourrais tout lui pardonner. Avec beaucoup d'amour et un peu de patience tout finirait bien."
House écoutait les souvenirs de Lisa sans dire un mot. Il fixait son regard lointain. Elle continua.
"Il m'a offert ces boucles d'oreilles en me disant -deux petites perles pour ma jolie perle-. C'est tout ce qui me reste de mon père."
Le silence de House la surpris. Il avait écouté son récit sans la couper par des remarques blessantes ou ironiques.
"Désolé." Sussura-t-il en fixant ses baskets.
"Pourquoi ? Vous m'avez retrouvé ma boucle d'oreille..."
"Pour la photo." (1)
"Oh ! C'est oublié. Vous ne pouviez pas savoir ! Et puis avec le cadeau que vous venez de me faire je peux tout vous pardonner."
Grand silence gêné pour elle, amusé pour lui.
"Enfin, je veux dire... !"
"Laissez tomber, Cuddy... J'ai compris."
"Merci ! J'étais vraiment désespérée de l'avoir perdu."
Il remplit de nouveau leurs verres.
"Portons un toast à votre papa."
Elle lui sourit et ils trinquèrent.
"Pourquoi ne m'avez-vous pas remis cette boucle d'oreille ce matin ?"
"Parce que sinon j'aurais été encore plus en retard à l'hôpital." Répondit-il dans un large sourire.
"Oui ! Bien sûr c'est ma faute si vous n'étiez pas à l'heure ?" Plaisanta-t-'elle.
"Totalement ! Après votre départ, j'ai trouvé votre boucle devant le resto. Il faisait nuit et je ne trouvais pas le fermoir. J'y suis donc retourné ce matin et mes beaux yeux de lynx ont fini par le repérer. Puis j'ai dû attendre qu'une bijouterie ouvre afin de faire réparer la tige. Je pensais récupérer le tout après ma dure journée de labeur, mais une tortionnaire m'a imposé des heures supplémentaires. Bien sûr lorsque je suis retourné récupérer votre bien la bijouterie était fermée. J'ai donc du jouer de mon charme et de mes dollars pour faire rouvrir. D'où mon arrivée tardive chez vous..."
"Vous avez fait tout ça pour moi ?" Lui demanda-t-elle ébahie.
"Non ! Pour la boucle, je voulais qu'elle retrouve sa jumelle. Et si moi au passage je pouvais mater les vôtres, ça me récompenserait de tous mes efforts..."
Ils se souriaient en se fixant du regard. Il reprit beaucoup plus sérieusement :
"Pour moi ce n'était qu'une simple boucle d'oreille. Si j'avais su ce qu'elle représentait pour vous je vous en aurai parlé ce matin..."
Elle sentit ses yeux s'embuer. Il ne l'avait pas habitué à tant de prévenance et de gentillesse. Les yeux bleus de House ne quittaient pas les siens. Elle y voyait tant de regret et d'humilité. A ce moment précis elle ne souhaitait qu'une seule chose qu'il la prenne dans ses bras pour qu'elle si abandonne. Il lisait sa prière dans son regard. Il s'en détacha pour s'arrêter sur sa bouche. Elle humidifia sa lèvre inférieure. Il avança doucement son visage du sien... et c'est à ce moment très précis que Rachel se mit à chouiner.
"Sauvé par le gong !" Grogna House.
Cuddy souffla de frustration et se leva prestement. Par mimétisme sans doute, ou surpris par la rapidité du geste il se leva aussi.
"Il est très tard House vous devriez rentrer Hélène va vous attendre." Lui dit-elle d'un ton qu'elle aurait souhaitait beaucoup moins froid.
"Vous avez vu l'heure ? Ça se fait pas de se pointer chez les gens au milieu de la nuit... Non, je rentre chez moi !"
Ils entendirent râler Rachel.
Il ne voulait pas, après ce qu'ils avaient faillit partager, qu'elle pense qu'il ai pu rejoindre une autre femme. Elle lui sourit de nouveau. Vite il fallait qu'il parte avant de ne plus pouvoir y arriver.
"Arrêtez de me sourire comme ça, ou demandez-moi de rester..."
Cuddy écarquilla de grands yeux. Comment pouvait-il lui laisser cette responsabilité. Pourquoi étais-ce à elle de prendre une telle décision.
"Je..." Balbutia-t-elle.
Rachel se mit à hurler.
"Il faut que j'aille m'occuper de Rachel !"
(...)
"Bonne nuit Cuddy !"
Il ramassa son blouson et se dirigea vers la sortie.
"Bonne nuit House !"
Elle alla rejoindre Rachel dans sa chambre.
(1) Voir épisode 12 saison 6