L'Ange Noir

Chapitre 1 : Prologue

3003 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:43

     Il faisait noir... Froid... Ali se sentait mal à l'aise... Il semblait qu'elle était dans une sorte de grotte... Malgré qu'elle ne pouvait les voir, elle sentait de nombreux regards posés sur elle... Des regards lourds et mauvais... Elle entendait également des voix, mais ne parvenait pas à les comprendre..

 

« Viens à nous... Ange Noir... »

 

     C'était tout ce qu'elle arrivait à distinguer... Elle voulait hurler, savoir à qui elle avait affaire, ce qu'ils attendaient d'elle, mais aucun son ne parvenait à sortir de sa bouche... Les voix s'éloignaient, elle souhaitait courir les rejoindre, mais rien à faire... Elle était seule dans cet univers pesant... Ou presque...

     Une main ferme, sortie de nulle part, se posait sur son épaule... Ali, effrayée, tournait son visage vers l'individu... Mis à part deux yeux jaunes perçants, elle ne le voyait pas...

 

« Patience, Ange Noir... Bientôt... Très bientôt... »

 

     Elle désirait lui en demander plus, mais il posait un doigt sur ses lèvres... Se sentant rougir et incapable de réagir, elle se laissait faire quand il l'accolait à lui... Son corps était puissamment bâti et grand, et dégageait une chaleur très agréable... Elle souhaitait réagir, mais n'en avait pas la force... Ni même le désir... Son souffle chaud se rapprochait de plus en plus de ses lèvres... Il allait...

 

« Mademoiselle Nadege ! Réveillez-vous ! »

 

     En un instant, la jeune femme se retrouva comme aspirée en arrière. Elle voulut tendre les bras vers cet étranger, mais elle ne put l'atteindre, et disparut dans les ténèbres...

 

« REVEILLEZ-VOUS ! hurla la voix extérieure. »

 

     A moitié en sueur, Ali se réveilla en sursaut, le souffle court. Penchée au-dessus de son lit, Mme Harpie (Dont le nom était approprié à cette vieille aux cheveux blancs attachés en chignon serré, et habillée comme dans les années 40), la surveillante principale, la secouait brutalement, criant :

 

« Enfin ! Cela fait une heure que vous devriez être réveillée ! Petite mal-élevée ! Je vous laisse cinq minutes pour vous changer ! »

 

     Puis elle sortit de la chambre en claquant violemment la porte. Soupirant tristement, Ali s'assit sur son lit, passant une main sur son visage ; elle devina ce qui s'était passé : les pestes avec qui elle partageait sa chambre avaient bien fait exprès de ne pas la réveiller, afin qu'elle se fasse bien engueuler... Pourquoi avait-il fallu que ses parents l'envoient dans cette colonie de vacance...?

     Elle finit par se lever, alla se faire un rapide brin de toilette, enfila un T-Shirt rouge, un jean et des baskets, et se coiffa. Quand elle eût fini, elle se contempla dans la glace de l'armoire commune ; elle se trouvait si... laide... Des cheveux auburn mi-longs, des yeux marrons en amande, d'épais sourcils, un visage long, des lèvres rosées et fines et des lunettes cuivrées ; le haut de son corps était assez bien construit (Une poitrine généreuse et une taille fine), mais était gâché par de grosses fesses et jambes... Son entourage lui disait qu'elle avait un air à la Jennifer Lopez... Que nenni... Le reste des personnes l'appelait « LA mocheté » …

     En plus d'un physique désavantageux, son caractère l'avait toujours rendu impopulaire : des goûts particuliers, une voix de crécelle, une certaine stupidité... A cause de cela, elle était « L'alien » , « La schizo » … Depuis peu, elle n'avait plus de réels amis... Du moins matériels... Si elle tentait une approche, on la jetait... Cet écart l'avait rendu solitaire... Presque parano... Elle souffrait d'être seule, mais ne voulait déranger personne... Après tout, qui voudrait devenir ami avec un monstre...? Qui pourrait jamais aimer un monstre...? Cette colonie de vacances n'était pas différente : après une petite bourde de sa part, des poufs s'étaient empressées de l'humilier, de mettre sur son dos une sale réputation... Ce qui devait être le rêve auvergnate s'était transformé en cauchemar...

     En parlant de rêve... Depuis plusieurs jours déjà, elle faisait ce même songe, qui paraissait si réel... Y avait-il un sens caché...? N'était-ce qu'une coïncidence...? Et cet homme qui voulait la... Bref... Qui était-il...? Ces yeux jaunes... Bizarrement, cela lui paraissait... familier... Et... Qui était l'Ange Noir...? Mais elle aurait le temps d'y réfléchir plus tard : si elle était en retard, Mme Harpie le lui ferait amèrement regretter !

     Elle courut sans perdre une minute dans les couloirs du château style Renaissance qui abritait la colonie. Pas le temps de manger, ses camarades devaient déjà être dehors ! Rejoignant la cour, elle y retrouva l'ensemble du groupe, et se faufila discrètement à l'intérieur. Mais plusieurs personnes s'en rendirent compte et se moquèrent d'elle... Ali détourna le regard, préférant laisser passer...

     La matinée équitation se passa à peu près bien, malgré les moqueries de certains de ses camarades quand elle trottait. Rien ne valait l'air auvergnate pour se changer les idées ! Mais, bizarrement, quand le repas arriva, elle eût comme un pressentiment, comme si quelque chose allait arriver... Était-ce encore un excès de paranoïa...? Elle préféra se reconcentrer sur ses frites : mieux valait ne pas gâcher ce début de journée avec ses idées noires...

     Arriva alors l'heure de repos. Plutôt joyeuse, elle se redirigea vers sa chambre commune ; quand elle ouvrit la porte... le cauchemar reprit... En effet, ses quatre camarades de chambre, quatre blondes se nommant Veronique, Julie, Stacie et Katie, toutes riant méchamment, s'amusaient à étaler par terre ses affaires, ses draps, etc... Tout cela, à nouveau, par pure méchanceté...

 

« Qu... Qu'est-ce que vous faites ! Cria Ali, pâle.

- Tiens, voilà la schizo ! Rit Stacie .

- En plus d'être une alien, elle est conne et bigle ! Ajouta avec sarcasme Veronique. »

 

     La jeune femme voulut les empêcher de continuer, mais Katie l'attrapa par les épaules, l'immobilisant en lui faisant en même temps mal.

 

« Bouge pas la morue, on a pas fini !

- Pourquoi faites-vous cela ! Sanglota-t-elle. Qu'ai-je fait !

- T'es bizarre, voilà pourquoi... répondit froidement Julie. »

 

     Écarquillant les yeux, elle ne put rien ajouter, trop choquée. Voilà ce qui arrivait à ceux qui étaient différents... Valait-il mieux abandonner sa personnalité pour être acceptée...? Le visage baissé, Ali ne put qu'assister à cette horreur... ne sachant pas que le pire restait à venir...

 

« Oh la vache ! Les filles, regardez ce que j'ai trouvé ! S'écria Stacie. »

 

     En constatant sa découverte, la jeune femme devint encore plus pâle ; en renversant son lit, les filles avaient découvert ce qui comptait le plus à ses yeux : des dessins représentant ses personnages favoris, à savoir les méchants de Disney. Depuis sa plus tendre enfance, elle avait été bercé par ces histoires merveilleuses, les connaissait toutes, et à continuait à les regarder avec grand plaisir, malgré qu'elle avait 18 ans ; et plus elle grandissait, plus elle se sentait proche de ces êtres... Après tout, n'étaient-ils pas, comme elle, incompris, rejetés...? Les dessiner l'avait toujours apaisé et rendu heureuse... Découvrir ce secret revenait, pour elle, à un sacrilège...

     D'une voix désespérée, Ali s'exclama :

 

« Non ! N'y touchez pas !

- Hahahahaha ! se moqua fortement Katie. A ton âge, regarder encore Kristey !

- C'est DISNEY ! rétorqua rageusement la jeune femme. »

 

     Ses camarades la fixèrent avec des sourcils haussés, avant de reprendre de plus belle leurs fous rires. Des larmes de haine et de désespoir coulèrent le long de ses joues ; elles n'avaient pas le droit de se moquer de ce qu'elle aimait... C'était tout ce qui comptait pour elle... C'était comme briser ses rêves... Ce qui la maintenait encore heureuse...

     Souhaitant l'achever, Veronique ajouta :

 

« En plus, c'est super moche ! T'as aucun talent !

- De telles horreurs ne devraient même pas exister ! Acquiesça Julie. Les filles, j'ai une idée : débarrassons-nous en ! »

 

     Le souffle coupé, Ali hoqueta. Se débarrasser de son travail...? De sa passion...? Jamais, plutôt mourir ! S'agenouillant devant elles, elle hurla de peur :

 

« Non ! Tout, mais pas ça ! Je ferai ce que vous voulez ! Ne faites pas ça !

- Mais elle est vraiment pathétique ! S'indigna Stacy. A croire qu'elle est amoureuse de ces gus ! Déchirons-les ! »

 

     Le cri d'horreur que poussa Ali lorsqu'elles détruisirent les précieux papiers se répercuta dans tout le château. Tout ce qu'elle aimait... devint miettes... Pour lui briser encore plus le cœur, les 4 pestes jetèrent les morceaux par la fenêtre, les faisant s'éparpiller aux 4 vents. Elles continuèrent leurs rires sarcastiques, tandis qu'Ali tenait son visage entre ses mains, pleurant silencieusement. C'étaient... des monstres... Qu'avait-elle fait pour mériter ça...? Elles étaient... ignobles...

     Lentement, elle se releva, et un regard noir, rempli de rage pure, se posa sur elles. Réellement surprises, elles se stoppèrent net... et n'eurent pas le temps de voir un violent coup de poing se fracasser sur le nez de Katie, qui se brisa net en deux et pissa le sang. Horrifiées par cette soif de vengeance, elles hurlèrent de terreur, reculant ; Ali voulut s'occuper d'elles... mais une voix la stoppa...

 

« Est-ce vous qui faites tout ce boucan, jeunes fi... MAIS QU'EST-CE QUE C'EST QUE TOUT CE BAZAR ? »

 

     Écarquillant les yeux, elle se retourna, contemplant une Mme Harpie plus qu'horripilée par le spectacle devant elle. Malheureusement, la jeune femme n'eût pas le temps de s'expliquer...

 

« C'est Ali, Mme Harpie ! commença Veronique.

- Quand on est arrivée dans notre chambre, elle était en train de tout saccager ! Continua Stacy. On a essayé de la raisonner, mais elle a commencé à nous insulter !

- Regardez ce qu'elle a même fait à Katie ! Acheva la dernière. »

 

     La concernée, faisant semblant de pleurer, affichait un air de martyr ; Ali avait de plus en plus de mal à respirer : elles faisaient tout pour lui attirer des ennuis !

 

« Non, ce n'est pas vrai ! tenta-t-elle de se justifier. Madame, vous devez me croire, ce sont elles qui essayent de me faire porter le chapeau ! Elles... »

 

     La gifle qu'elle reçut fut phénoménale, et très douloureuse. Il lui resta même une trace de griffures ; bouche bée, elle fixa une surveillante au regard méprisant, qui siffla :

 

« Taisez-vous, petite garce. Je viens d'avoir la preuve que vous n'êtes qu'une sale petite schizophrène... Croyez-moi, je ferai en sorte que vos parents vous envoient là où est votre place : dans un asile ! »

 

     Son coeur faillit bien s'arrêter. Un... asile...? Pour un événement dont elle était la victime...? C'était injuste... Ses yeux remplis de larmes lui permettaient de voir les 4 pestes sourire avec méchanceté. Elles seules méritaient d'être jugées... Serrant les poings et tremblant, Ali serra les dents et, retrouvant son regard flamboyant, siffla d'une voix sombre :

 

« Je vous... déteste... Vous êtes des monstres... Vous seules méritez l'asile... Tout ça par pure méchanceté... Vous ignorez... ce que je... ressens... Je vous hais... JE VOUS HAIS ! »

 

     Et ne se préoccupant pas des hurlements de protestation de la vieille, elle s'enfuit de la chambre en courant, ne cessant jamais de pleurer. Elle ne le sut que beaucoup plus tard, mais au moment où elle quitta la pièce avec rage, les cinq furent victimes d'un violent saignement de nez...

     Mais Ali courait, s'enfuyait le plus loin possible de ce lieu infâme. Elle courut longtemps, jusqu'à n'avoir plus de souffle... S'écroulant au sol, elle laissa libre cours à sa tristesse, pleurant pendant de longues minutes. Elle se trouvait à plusieurs centaines de mètres du château, au centre d'une prairie verdoyante, mais qu'importe... Au moins, ici, elle était seule... Loin de tout ça...

 

« Je... Je n'en peux plus... finit-elle par murmurer. »

 

     Toute sa vie n'était tournée qu'autour du chagrin... Elle n'avait pas d'amis, et sa famille devait en avoir assez d'elle... Elle dérangeait... Elle n'était qu'une nuisance pour tous... Elle ne méritait même pas de vivre...

     D'une voix brisée, Ali s'époumona :

 

« J'en ai assez de cette vie ! FAITES QUE TOUT S'ARRETE ! »

 

     Ses poings se fracassèrent sur le sol, tandis qu'elle finit dans un murmure, tremblant :

 

« Laissez-moi mourir... »

 

    Tout plutôt que continuer ça... Fermant les yeux, elle se mit en position fœtus et, épuisée, finit par s'endormir... Un sommeil sans songes la gagna... ce qui l'empêcha d'assister à une suite... irréel...

     Quelques minutes plus tard, le bruissement de l'herbe se fit plus important, et les pierres volcaniques paraissaient... trembler... Un peu plus loin du corps endormi, la terre semblait plus troublée... et s'ouvrir ! Oui, le sol s'ouvraient légèrement en deux, sur un escalier sale et lugubre plongeant dans les bas-fonds ! De là, deux petits êtres en sortirent discrètement, sautillant jusqu'à Ali : l'un était vert gris et très fin, l'autre était violacé et assez gros. Leurs cornes et queues ne faisaient aucun doute : ils s'agissaient de démons !

     Le gringalet, plus tendu, demanda d'une petite voix :

 

« C'est elle ?

- Évidemment ! Répondit le gros. Tu vous d'autres mortelles avec une telle aura noire, toi !

- C'est que... Depuis le temps qu'on cherche l'Ange Noir, j'ai du mal à croire qu'on l'ait enfin trouvé...

- Tu m'étonnes ! C'est le patron qui va être content !

- Ainsi que tous ses copains lugubres ! Pour une fois qu'on sera pas atomisé ! »

 

     Riant, le vert se métamorphosa en un puissant jaguar et, aidé de son camarade, porta Ali sur son dos, toujours endormie.

 

« Amène-toi Panique, ils nous attendent ! Lança le violet en volant vers les escaliers.

- Je te suis Peine ! Acquiesça le jaguar. »

 

     Et Ali ne se doutait de rien... Sans qu'elle s'en aperçoive, les deux démons et elle disparurent dans les escaliers sombres. Comme si de rien ne s'était passé, la terre se referma sans bruit derrière eux. Si quelqu'un la recherchait, personne ne se douterait de l'endroit où elle se trouvait... Et quel endroit...

Laisser un commentaire ?