Si Vis Pacem...

Chapitre 7 : V- The Quiet Place

Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:47

 

V -The quiet place
 
 
« Je me suis retourné lorsque je l’ai entendu se poser, derrière moi. C’était un dragon blanc au sang glacé, un bête des premiers jours du monde. Il a foncé droit sur moi, et je dois avouer que j’étais pétrifié. Debout, je ne lui arrivai pas au genou !
-Cela peut se comprendre. Il existe peu de créatures aussi effrayantes qu’un dragon, en ce monde, commenta le vieil homme.
-Il a d’abord essayé de me tuer avec son souffle glacé, mais je l’ai évité, alors il est allé au corps à corps. Je ne pensais qu’une bête aussi énorme puisse être aussi vive.
-Le dragon est prompt lorsqu’il attaque, ainsi que tous les autres reptiles.
-Allez-vous cesser de m’interrompre ? s’impatienta Katenbau. Vous m’avez demandé de vous raconter mon combat, alors laissez-moi m’exécuter !
 Le vieillard s’excusa, et enjoignit le barbare à reprendre son récit, ce que celui-ci fit.
 
-Et alors, le dragon s’est envolé, n’est-ce pas ? demanda Keo, après avoir laissé parler le barbare pendant une bonne dizaine de minutes.
 Katenbau acquiesça.
-J’ai essayé de m’accrocher à quelque chose, mais aucune prise ne s’est présentée. La chute devait être d’au moins dix mètres. J’ai eu de la chance.
-C’est certain. En plus, votre bras devrait être vite revenu à la normale. Cependant, je crois que vous devrez rester ici plus longtemps.
-Pourquoi ?
-Je vous ai déjà dit que je connaissais votre mission, Katenbau. Et, à dire vrai, j’y suis lié. Je suis censé vous préparer à l’affrontement contre Scatar.
-Me préparer ? Et de quelle manière ?
-Ce sera un entraînement de l’esprit autant que du corps.
-Excusez-moi, Keo, mais je crois que vous n’avez que peu de choses à m’enseigner, sans être arrogant. J’ai déjà affronté de nombreux démons, et même les Trois eux-mêmes.
 Keo soupira.
-Je savais que ce serait difficile. Dans tous les cas, vous devrez rester ici au moins le temps que votre bras soit rétabli. Après cela, je vous demanderai de m’affronter, et nous verrons ensuite selon l’issue du combat.
-Vous affronter ? Mais c’est ridicule, vous êtes un vieillard ! Il n’y aura pas de combat ! »
 Keo se contenta de sourire, et sortit de la yourte.
 
 
 
 
……………
 
 
 
 La Voie de la Fraternité, aussi connue sous le nom de Hröderlejkveg s’étendait en une ligne absolument droite sur les quelques trente kilomètres qui séparaient Harrogath, la fière citadelle nichée au creux des vallées s’étendant au pied du gigantesque Arreat, de Sescheron, l’immense capitale des barbares, qui dominait la plaine en s’étendant depuis sa colline centrale. Le plus souvent large route au dallage récent et fiable surveillée par de nombreuses tours de guet à l’architecture trapue, elle se muait parfois en obscur tunnel ou en vaste pont lorsqu’elle traversait l’un des profonds canyons qui striaient la steppe.
 A cheval, il suffisait d’une demi-journée, voire de quelques heures si l’on allait à bride abattue pour la parcourir. Mais la troupe qui traversait la Voie de la Fraternité en cette nuit d’orage avançait bien moins prestement, bien qu’elle fût montée, ce qui agaçait singulièrement l’un de ses meneurs.
« Voilà déjà deux jours que nous avançons sur cette route, maugréa Hösrok. Mon fier étalon aurait achevé le voyage en moins de cinq heures.
-Ne sois pas si impatient, prince, tenta de le raisonner Besakssen. Cette promptitude te fera un jour ombrage, crois-moi. Elle t’empêche de devenir un véritable politicien.
-Tu sais bien que je ne cherche pas à être un politicien sournois, seulement un dirigeant digne de sa cité, ô vice-roi. A Harrogath, la politique, c’est Anya qui s’en charge. Et ses méthodes sont du genre… efficaces quoiqu’un rien expéditives. Mais ce n’est pas de cela que je veux parler. Cette escorte de quarante hommes nous ralentit terriblement. De ce fait, nous sommes encore plus vulnérables que si nous avancions avec quelques cavaliers seulement.
-Et à quels dangers nous exposons-nous donc, Maître Stratège ?
-Je ne t’apprendrai rien en te disant que les démons arpentent encore la région.
-Hösrok, enfin, nous ne risquons rien ! Nous allons passer la nuit sous ce pont, bien à l’abri de cette maudite pluie, et demain nous repartirons et nous arriverons sans problème à Harrogath. La guerre contre Baal est finie depuis treize ans, Hösrok. Les choses ont changé.
-Elles peuvent changer de nouveau.
-Tu es désespérant. Cesse donc de vivre dans le passé, et remets-toi au goût du jour! »
 Ils s’allongèrent tous deux, près du feu, tandis que les gardes faisaient le guet autour d’eux. Quand était venue la fin de son séjour diplomatique à Sescheron, Besakssen avait proposé à Hösrok, son frère cadet et prince d’Harrogath, de l’escorter. Le rythme de leur troupe était plutôt lente, et ils avaient été surpris par un orage. Ils avaient trouvé refuge au fond d’une petite vallée, sous les arches de la Hröderlejkveg.
 Besakssen observa son jeune frère. Celui-ci avait le même tempérament fougueux que leur aîné Katenbau; malgré ses nouvelles responsabilités, il avait gardé une âme de guerrier. Besakssen, lui, avait suivi l’évolution contraire. Son titre de vice-roi des barbares l’avait profondément changé, et il était devenu un homme de pouvoir. Et, il devait le reconnaître, cette évolution avait peut-être été un peu plus marquée que de raison. Il n’avait plus manié la hache depuis fort longtemps, et physiquement, il s’était laissé aller à un léger embonpoint. Mais cette nouvelle vie lui convenait. Il s’endormit facilement, l’esprit tranquille.
 Hösrok, lui, ne s’endormit pas.
 La pluie battante enveloppait de son voile obscur la lande délavée, ressortant noire, comme un négatif, lorsqu’un éclair illuminait l’étroite vallée où ils se trouvaient. Les arbres noueux et inclinés par la force du vent se balançaient au gré de la tempête. De longs torrents de boue dévalaient les pentes de la vallée autour d’eux, emmenant sur leur passage la terre noircie et gorgée d’eau. Les cieux tourmentés semblaient défier la terre de résister à leur colère. Tout autour de Hösrok n’était que chaos, et le barbare s’y sentait fort à son aise. Il lui était toujours bon de voir un de ses frères, mais le changement de Besakssen l’avait perturbé. Son frère aîné était devenu un dirigeant modèle. Hösrok, lui, se montrait incapable de gérer une simple cité, et laissait les rênes à Anya. Lui n’était pas fait pour les responsabilités. Sa place était dans les contrées inconnues, face au danger et à l’action, et non sur un trône. Peut-être, au fond, les patriarches avaient-ils raison… Peut-être pourchassait-il les démons par simple nostalgie, et non par souci de la sécurité de ses concitoyens… Peut-être mettait-il en danger la vie de ses soldats par lassitude…
 Il se força à penser à autre chose. Anya était désormais enceinte de trois mois. Hösrok sourit en pensant à sa bien-aimée, et à leur fille qui viendrait dans six mois si tout se passait bien. Si tout se passait bien… Décidément, il ne trouverait pas le sommeil cette nuit-là.
 Il se redressa et regarda autour de lui. La violence de la pluie et du vent empêchait de voir à plus de vingt mètres, et l’abri du pont sous lequel ils se trouvaient était tout relatif. Pourtant, à côté de lui, Besakssen ronflait paisiblement. La plupart des gardes qui les accompagnaient dormaient eux aussi, seuls cinq montaient la garde. La force du vent commença à décroître, mais pas celle de la pluie. Un éclair illumina la scène. Hösrok crut distinguer des silhouettes avançant dans leur direction, dissimulées parmi les arbres. Une des sentinelles se redressa. Le coup de tonnerre qui suivit dissimula le sifflement de la flèche qui alla se planter dans son torse.
« ON NOUS ATTAQUE ! Hurla Hösrok.
 Les gardes se relevèrent péniblement, marmonnant et cherchant leurs armes à tâtons tandis que leurs ennemis chargeaient. « Des bleus… pensa-t-il ». Les sentinelles et les plus rapides formèrent rapidement une première ligne. Un autre éclair illumina brièvement la vallée. Hösrok estima à une cinquantaine le nombre de leurs ennemis. C’étaient des hommes, sans doute des bandits de grand chemin. Mais comment des bandits auraient-ils pu déjouer la surveillance des tours de garde ?
 Hösrok alla se placer en première ligne, et tandis que le gros de leur troupe émergeait peu à peu du sommeil, lança une charge contre leurs ennemis. Les deux blocs se rapprochèrent très rapidement l’un de l’autre, mais il manquait aux barbares les trois quart de leurs forces. Ils se firent balayer, et bientôt, il ne subsista plus de la charge que Hösrok et quelques vétérans expérimentés qui se faisaient encercler. Une seconde vague de barbares arriva heureusement à leur rescousse.
 
 Besakssen émergea difficilement du sommeil. Un de ses hommes était penché sur lui.
-Excusez-moi, messire, mais des bandits nous ont pris en embuscade. Le prince d’Harrogath a mené une charge contre eux mais ils se sont fait encercler.
 Besakssen cligna des yeux.
-Nous avons envoyé douze hommes pour leur permettre de faire une retraite, mais les vingt qui demeurent sont restés ici pour vous protéger.
-Hein ?
 Le soldat se répéta patiemment.
-Quoi ? QUI EST ENCERCLE ?
 Il saisit sa hache, se leva et fonça en hurlant droit sur ses ennemis. Après un court temps de latence, ses gardes le suivirent.
 Il est dit qu’un barbare en état de berserk écume littéralement de rage, et devient tout à fait incontrôlable. Dans un tel état, le combattant berserk perd toute inhibition et toute notion de douleur, de fatigue ou de mort. Il a été rapporté qu’un guerrier berserker aurait mordu à pleins dents dans son bouclier et l’aurait mâché jusqu’à le réduire en petits copeaux.
 Par un phénomène peu connu, et sans doute peu connaissable, il se trouve que la rage berserk est d’autant plus impressionnante, dangereuse et bestiale qu’elle fait suite à un état de repos total de l’esprit, comme la méditation ou le sommeil.
 
 Le vice-roi Besakssen était comme frappé de folie. Il sauta en hurlant au milieu de la mêlée, et dégagea à la hache un cercle de quatre mètre autour de lui où plus rien ne vivait. Il repéra son frère, et franchit la quinzaine de mètres qui l’en séparait en se frayant un chemin parmi ses ennemis comme un boucher découpe la viande morte. Il laissait sur son passage un large sillon où ta terre noire et gorgée d’eau était jonchée de lambeaux de chair découpés, d’organes et des boyaux répandus sur le sol et d’ossements brisés, le tout baignant dans une mare de sang.
 Alors qu’il avait presque atteint Hösrok, un véritable colosse, au visage masqué par une cagoule, approcha de Besakssen. Il n’eut pas même le temps de se mettre en garde. La hache le sectionna en deux verticalement, traversant le crâne, fendant les mâchoires, découpant la gorge, explosant le sternum, charcutant les organes internes avant de ressortir au niveau de l’entrejambe dans un jaillissement de sang. Les deux parties s’effondrèrent au sol, et il atteignit enfin son frère. Celui-ci était indemne, quoique combattant avec l’énergie du désespoir les ennemis qui l’encerclaient.
 A présent, toute leur troupe était au combat, et les bandits commencèrent à céder. Leur lignes explosèrent, ils commencèrent à reculer. Puis, sous la pression de la charge que menèrent les deux frères barbares côte à côte, la retraite devint une débâcle.
 Lorsque tous les bandits furent éliminés, Besakssen et Hösrok se retrouvèrent.
« Ce n’étaient pas de simples brigands, dit le second en s’agenouillant auprès de l’un des cadavres. Ils sont très bien équipés, ce sont des professionnels. Des mercenaires. On les a envoyé pour tuer quelqu’un.
-Qui est la cible ?
-Soit toi, soit moi. Quand je les ai chargés, ils n’ont pas tenté de me contourner pour t’atteindre. Ce devait donc être moi.
-Qui a bien pu… ?
-Je n’en sais rien, mais je crois qu’il est plus sage que ton escorte me raccompagne jusqu’aux portes d’Harrogath. Et qu’elle le fasse vite, cette fois-ci. »
 
 
 
 
……………
 
 
 
 
 « Vous sentez-vous mieux, Katenbau ? demanda Keo en entrant dans la yourte.
-Tout à fait, sourit le barbare. Je n’ai plus mal au bras.
-Laissez-moi examiner cela.
 Le vieillard se pencha sur son bras.
-Il n’y a pas de doute, vous êtes tout à fait rétabli. Vous devez avoir une constitution extraordinaire, il faudrait normalement bien plus que deux semaines pour se remettre de ce genre de blessure.
-Attribuons cela à l’air vivifiant de la montagne.
-Si vous le dites, Katenbau. Nous allons donc pouvoir régler ce combat ainsi que nous l’avions convenu.
-Je pense toujours que ce n’est guère sage, répliqua le barbare.
-Nous ne nous ferons pas de mal, je vous le certifie. J’ai ici des armes factices. Si vous gagnez, je vous promets que vous pourrez repartir dans la direction de votre choix.
 Katenbau soupira.
-Sortons, proposa le vieil homme. Ainsi, nous profiterons davantage de l’air vivifiant. Et, qui sait, peut-être aurons-nous une surprise quant à l’issue du combat. »
 
 Ils sortirent et se retrouvèrent sur un plateau de très faible superficie couvert de neige, qui dominait de très haut l’endroit où il avait affronté le dragon blanc. Une moitié du plateau était ainsi bordée par un précipice abrupt, et l’autre l’était par une imposante falaise de roche noire dans laquelle s’engouffrait un passage si sombre qu’il était impossible de distinguer de l’extérieur ce qui s’y trouvait.
 « Charmant, dit Katenbau. Quel est ce passage ?
-C’est une grotte. Mais vous n’aurez pas à passer par là avant un certain temps.
-Où mène-t-elle ?
 Le vieillard eut un sourire énigmatique.
-Vous n’avez pas besoin de savoir où va un chemin que vous n’emprunterez pas, n’est-ce pas ?
 Keo alla chercher deux bâtons derrière sa tente.
-Mais abandonnons le domaine de la philosophie et passons à celui de l’action. Affrontez-moi, ajouta-t-il en lançant un des bâtons au barbare.»
 Sur ces mots, le vieillard chargea. Katenbau bloqua son enchaînement sans trop de problème. Les coups étaient rapides et précis, mais pas suffisamment puissants. Il répliqua par une série de coups puissants destinés à briser la garde de son adversaire. Mais, à sa grande surprise, Keo tint bon, et répliqua par un nouvel enchaînement plus rapide. Le vieil homme était plus fort qu’il n’en avait l’air, mais malgré cela, il ne faisait pas le poids face au barbare. Celui-ci attaqua avec rage et vivacité, mettant à rude épreuve les réflexes de son adversaire, qui bloqua avec une aisance déconcertante chacun de ses assauts. Katenbau changea de tactique et décida d’avoir le vieil homme à l’usure. A son âge, il ne tiendrait pas plus de quelques minutes avant de s’essouffler.
 Mais Keo était décidément tout sauf un vieillard ordinaire. Non seulement il soutint le rythme que le barbare lui imposait pendant un quart d’heure, mais il commença à placer de plus en plus de contre-attaques, puis il reprit l’avantage du combat et en accéléra la vitesse peu à peu, jusqu’à mettre Katenbau en difficulté. Il bondissait dans toutes les directions et semblait ne plus toucher le sol. Il parait les attaques du barbare et répliquait avec l’agilité d’un singe, la vivacité d’un serpent et la force d’un homme adulte. Katenbau se trouva bientôt acculé, et il ne put bientôt plus placer de contre-attaque, tant Keo enchaînait les attaques à un rythme effréné. Après quelques minutes de résistance acharnée, il se fit désarmer.
-D’accord, d’accord, Keo, vous avez gagné. J’accepte de recevoir votre enseignement.
 Keo sourit.
-Je suis ravi de vous voir aussi volontaire.
 Keo s’assit à même la neige et invita le barbare à l’imiter.
-Mais avant de commencer l’entraînement à proprement parler, je crois qu’il serait bon de vous parler de celui que vous allez affronter. J’imagine que vous n’avez du sujet qu’une connaissance très sommaire.
-Je sais seulement que Scatar est le père des Trois, approuva Katenbau.
-Alors je crois qu’il est bon de vous raconter son histoire. D’abord, vous devez savoir que toute la création qui nous entoure, aussi bien sur ce monde que sur les autres, est le fruit d’un seul être, qui se nomme Thao. Thao est ce que l’on appelle un Eternel, c’est-à-dire une créature qui ne pourra jamais être complètement détruite.
-Son pouvoir doit être redoutable.
-Certes, mais lui ne l’est pas. Thao est le créateur, et non pas le seigneur de l’univers. Thao a compris que ce qui doit primer, c’est l’équilibre. Pour cela, il a créé ses deux fils : Scatar, qui suivit la voie de la lumière, et Luelmêth, qui suivit celle des ténèbres.
-Scatar était bon ?
-En effet, mais laissez-moi continuer. Thao ne vit pas que ses fils n’avaient pas comprit ses enseignements. Ils se firent la guerre, chacun voulant imposer son point de vue à l’autre. Mais bientôt, une terrible chose survint. Scatar abandonna la lumière pour les ténèbres. C’est un élément très important. Scatar suit la voie du mal par choix, et non par le fait de son essence. Il est entièrement maléfique, et il l’est encore plus que n’importe quel démon, car il a eu le choix. Thao a alors dû puiser dans son pouvoir pour ramener Luelmêth sur la voie du bien afin de rétablir l’équilibre. Il s’en trouva fort affaibli, et Scatar profita de l’occasion pour le bannir hors des univers réel. Considérant son sort réglé, Scatar déclara la guerre à Luelmêth, avant d’être banni à son tour puis libéré par son fils Moloch.
 Scatar a cependant oublié Thao, et il a commit là une énorme erreur. Exilé du monde réel et condamné à ne plus jamais y revenir, ce dernier a compris son erreur. Les démons et les archanges sont inaptes à vivre dans l’équilibre. C’est alors qu’est apparue la race idéale: une race qui mêle le bien et le mal, l’ordre et le chaos, une race libre de choisir sa voie. Les hommes sont les seuls à pouvoir rétablir l’équilibre dans l’univers, même s’ils sont aussi capables de le rompre.
 Durant le grand conflit, l’équilibre a constamment été menacé, mais jamais il n’a autant tenu à un fil qu’aujourd’hui. Comme les archanges vous l’ont dit, Katenbau, une grande guerre est imminente, qui décidera de l’avenir de la création. Néanmoins, contrairement à ce qu’ils vous ont dit- et certainement à ce qu’ils croient, l’enjeu n’est pas l’hégémonie du bien ou du mal sur l’univers, mais le maintien ou non de l’équilibre; quoique, si l’équilibre doit être rompu, la balance penchera du côté du mal, bien entendu.
 Quelle que soit l’issue du conflit, la création sera profondément modifiée. Il est difficile de prévoir à quel point. J’ai cependant peu de chances de me tromper en estimant que votre victoire est préférable, Katenbau. Car vous êtes celui que Thao a choisi. Il a élu deux champions de l’équilibre, et vous êtes l’un des deux.
-Qui est l’autre ?
-Cela m’est obscur, avoua Keo. Un échec de votre part est donc d’autant plus impensable.
-Il est bon de savoir que les responsabilités qui pèsent sur moi ne sont pas trop lourdes, soupira-t-il. Mais alors, Keo, qui êtes-vous, vous-même ? Pas un simple vieillard, en tout cas. Une sorte de messager de Thao ?
 Le vieil homme sourit.
-Je n’aurais pas la prétention de dire cela. J’habite certes ici depuis fort longtemps, et j’ai plus de pouvoir que je n’en ai assurément l’air, mais je ne suis pas pour autant l’émissaire de Thao. En fait, j’ai peur que vous ne puissiez guère appréhender ma véritable nature, et je crains qu’il ne soit qu’une pure perte de temps d’essayer de vous l’expliquer. Disons que je suis un allié de Thao, et que je suis là pour vous aider dans votre mission. A présent, je pense que nous pouvons commencer votre entraînement.
-Si vous le dites…

-Il y a chez les nuskris un proverbe de grande sagesse, qui dit que pour vaincre, il faut devenir tel que son adversaire. « Pour vaincre l’aigle, fais-toi aigle, pour vaincre l’ours, fais-toi ours. »Scatar peut plus ou moins être assimilé à un dieu. Vous voyez ce que je veux dire… »

 

 

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