JE SUIS VIVANT
Faveur
Pendant que Connor, assis sur le canapé, lançait la balle verte de Sumo dans la cuisine pour la vingt-deuxième fois au cours de cette soirée, Hank finissait de réajuster ses vêtements relativement plus habillés que ce qu’il avait l’habitude de porter.
Le déviant se tourna pour regarder par-dessus le dossier son ami qui émergea finalement avec un ensemble composé d'un pantalon gris foncé, d'un tee-shirt blanc et d'un veston bleu pâle par-dessus. C'était étrange de voir le Lieutenant porter des vêtements plus classes en comparaison de sa tenue peu professionnelle du commissariat.
« Très bien, donc je devrais être de retour vers vingt-trois heures. Je ne compte pas rester longtemps au pot de départ de Williams… » Hank sortit les clés de la voiture de la poche de son jean et laissa échapper un soupir agacé alors qu'il vérifiait l'heure sur son téléphone avant de le poser machinalement sur l’étagère pour réajuster son col.
« Il part à la retraite, c’est ça ? » Sumo laissa tomber la balle verte couverte de bave aux pieds de Connor qui la jeta dans la cuisine pour la vingt-troisième fois. « Je me demande si je pourrais un jour en profiter. »
« Rappelle-moi ta durée de vie déjà… »
« Ma pompe dispose d’une réserve de cobalt pour environ cent soixante ans. » Répondit Connor d’un léger haussement d’épaules.
« Et tu n’as qu’un an d’existence… Putain, tu n’as pas fini de bosser gamin. » Ricana Hank en enfilant une veste marron plus claire. « Bon allez, je file. On se voit plus tard. »
« Bonne soirée, amusez-vous bien. »
Alors que la porte se fermait derrière le quinquagénaire, Sumo laissa tomber la balle aux pieds de Connor, mais plutôt que d'attendre que l’androïde la ramasse pour la lancer à nouveau, le vieux chien fatigué s’affala sur son oreiller, tout en laissant pendre sa langue hors de sa gueule.
« Désolé, mon garçon. Je ne voulais pas t'épuiser. »
Connor fit rouler la balle verte en direction du panier puis regarda dans la maison pour trouver quelque chose à faire.
Récupérant finalement sa guitare près de la télévision, le déviant s’installa sur le canapé et s’apprêta à reprendre sa nouvelle composition quand soudain un bourdonnement résonna dans le salon.
Il traqua le son jusqu'au téléphone laissé sur l'étagère, près de l’entrée.
« Mince, Hank a oublié son portable. » Connor le ramassa avec curiosité et nota l'identité sur l'écran. « Gavin ? »
Sur l’instant, le déviant hésita à décrocher. Estimant toutefois qu’il pourrait s'agir d'un appel lié à une affaire, il décida finalement de répondre et appuya sur le bouton vert du téléphone en parlant avec autant de désinvolture qu'il le ferait pour n'importe quel autre appel.
« Portable du lieutenant Anderson. »
« H-Hank... ? Qu..Qu’est-ce qui ne va pas avec ta voix ? » Bredouilla Gavin.
« Je ne suis pas Hank. » Corrigea aussi poliment que possible le déviant. « C'est Connor. »
« Ahhhh... Le morceau de plaaaaastique. Putain. Il me manquait plus q-que ç-ça ! »
« Gavin, as-tu besoin de quelque chose ? » Demanda platement l’androïde en notant l’élocution étrange de son interlocuteur. « Tu n'as pas l'air bien. »
« D-de quoi je me… mêle ? Je v-vais bien. J'avais juste besoin de... Oh... Et puis merde, laisse tomber... »
« Je peux t’aider si tu veux. » La LED de Connor clignota du bleu au jaune pendant qu'il scannait les sons environnants de l'appel téléphonique et tentait de positionner l'emplacement de Gavin. « Où es-tu actuellement ? »
« Va te faire foutre, mec ! »
La conversation se termina brusquement et la LED de Connor revint au bleu alors qu'il reposait le téléphone sur l'étagère. Il n'avait plus besoin de l’appareil et pouvait utiliser son propre logiciel pour localiser l’inspecteur ivre.
« On dirait que Gavin est au Jimmy's Bar. »
Il récupéra sa veste en cuir accrochée à l’entrée et glissa la casquette de l’équipe des Gears sur sa tête pour cacher sa LED de toute attention indésirable des autres clients du bar.
Tout en invoquant un taxi autonome via un appel cybernétique, il se dirigea vers Sumo, allongé sur son oreiller, et tapota la tête du fidèle chien à plusieurs reprises.
« Je serai bientôt de retour, mon grand. Du moins, je l’espère. »
La queue du Saint Bernard remua une fois et Connor se redressa lorsqu'il entendit le véhicule autonome s'arrêter dans la rue devant la maison.
« Je crois qu'en fin de compte, la coopération de Gavin déterminera la durée de mon absence. »
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Abaissant le bec de sa casquette suffisamment bas pour garder sa LED cachée, Connor entra dans le Jimmy’s bar. Il fut accueilli par un afflux de sons et d’odeurs, similaires à ce tout ce qu’on pouvait trouver dans ce genre d’établissement : de la Bière éventée, du scotch, de la musique jazzy, des claquements de verres, une machine à pression, des hommes évacuant la sueur de la journée. Rien n’avait changé depuis sa première rencontre avec Hank.
Malgré sa volonté de passer incognito, le patron, Jimmy, reconnut immédiatement Connor. Il savait désormais que l’androïde bossait pour la police avec Hank, ce qui le poussa à l’interpeller depuis son comptoir.
« Eh ! toi ! » Le barman avait une idée de la raison pour laquelle il était venu. « Si tu es là pour ton collègue Reed, il est là-bas. Fais-le sortir d'ici, d'accord ? »
« Je vais m'occuper de lui. » En se concentrant sur le fond du bar, Connor localisa l’inspecteur et grimaça extérieurement à la vue plutôt pitoyable de l’homme.
Gavin était lourdement affalé sur la table avec un seul verre de whisky intact posé à côté de sa main molle. Connor effectua une analyse biométrique sur son corps et détecta dans son sang des traces d'alcool, certes importantes, mais insuffisantes pour justifier son état actuel. Il y avait manifestement un autre élément qui le rendait ainsi.
Fort heureusement, le déviant ne tarda pas à ĺ’identifier.
« Reed ? » Il se tint à côté de la table en regardant le détective à moitié conscient avec curiosité.
Sans lever la tête de la table, l’officier amorphe bredouilla à nouveau en reconnaissant la voix de l’androïde.
« Dégage le monstre. Je… je n’ai pas besoin de T-toi. »
« Tu ne vas pas bien, Gavin. »
« J-je vais bien. » L’homme au visage blême se leva d’un bond, son corps fébrile se balançant dangereusement d’avant en arrière. « T-tiens, je p-parie q-que je... je pourrais... te botter le c-cul... »
Connor contesta cette affirmation menaçante tout en restant sur ses positions.
« Pas dans ton état. »
« Ah ouais ? T-Tu veux parier ? Connard… en plastique ! »
En réponse, Connor posa sa main au centre de sa poitrine et le poussa doucement d'un seul mouvement. L’humain, incapable de réagir, tomba lourdement en arrière, dans une chute sans grâce, et s’étala sur le sol bras et jambes écartées.
« Mes excuses, mais tu ne m'as pas laissé le choix. » Il s'agenouilla à côté du sergent et lui tapota légèrement la joue. « Gavin ? »
« Ton pote ne tient vraiment pas l’alcool. » Se moqua ouvertement Jimmy en regardant la scène avec un mélange de curiosité et d'amusement.
« Il n’est pas seulement ivre. » Rétorqua Connor en soulevant une paupière de l'homme. « Il est diabétique, et vraisemblablement en pleine crise. »
« Peu importe, je ne veux pas qu'il bave partout sur mon sol. Emmene-le chez lui ou à l’hôpital, je m’en fous, tant qu’il dégage ! »
« C'est bon. » Connor souleva le corps mou de Gavin par-dessus son épaule. « Je vais le sortir d'ici. » Arrivé devant le comptoir, il fouilla dans sa poche et donna au barman un billet de dix dollars pour payer le verre intact de son collègue. « Je suis désolé pour le dérangement. »
« Merde ! Si tu me paies à chaque fois dix dollars pour une dose à deux dollars, je pourrai supporter ce connard tous les soirs. »
Connor hocha la tête une fois avec appréciation et commença à transporter Gavin hors du bar pour l’allonger sur la banquette arrière du taxi autonome qu’il avait initialement emprunté.
Cybernétiquement, le déviant téléchargea l'adresse de l'appartement de l’inspecteur à partir des archives officielles du commissariat et procéda à sa surveillance tout au long du trajet.
Au bout d'une vingtaine de minutes, Le taxi autonome s’arrêta devant l’immeuble et Connor souleva de nouveau le détective inconscient par-dessus son épaule.
Apres avoir piraté facilement la porte, l’androïde pénétra à l’interieur en regardant avec un sentiment de pitié le logement sombre et vide de toute émotion personnelle.
Il se pencha lentement et déposa Gavin aussi doucement que possible sur le canapé en cuir bleu foncé avant de se redresser.
Le mouvement fut suffisant pour sortir l’homme de son état d'inconscience. Ce dernier releva brusquement la tête et regarda amèrement Connor qui planait au-dessus de lui.
« Putain ! Mais qu’est-ce que… ? » Jura t’il avec confusion.
« Je suis désolé, Gavin, mais j'ai dû te ramener à ton appartement. Tu es très malade. »
« Va te faire foutre ! » L’homme jeta maladroitement ses jambes par-dessus le côté de son canapé et pressa son visage contre ses paumes avec inconfort.
« Tu ne devrais pas boire. Étant diabétique, il est dangereux pour toi de… »
« Ouais, ouais... » En guise de réponse, Gavin leva un irrévérencieux majeur devant la face de l’androïde.
Puis soudain, il développa une teinte verte sur ses joues, et enroula étroitement son bras autour de son abdomen.
Reconnaissant les symptômes d’un maux d'estomac, le déviant localisa rapidement la petite poubelle noire dans la cuisine et la tendit nonchalamment à Gavin avant qu’il ne fasse de dégâts sur son sol.
Il regarda l’homme s’en saisir à la hâte et vomir une fois dedans.
« Je vais te chercher de l'eau. »
Même si Gavin voulait expulser Connor, il décida qu'il se sentait trop mal pour rester seul pour le moment.
Sans montrer le moindre signe d'inconfort ni même d'irritation, l'androïde plaça un verre propre dans l'évier de la cuisine et le remplit d'eau fraîche du robinet. Alors qu'il retournait dans le petit salon, il sentit quelque chose de chaud et de doux frotter contre son mollet droit.
« Oh, tu as un chat. » Connor s'accroupit et gratta le menton du félin noir qui commençait à ronronner bruyamment. « Je ne savais pas que tu avais un animal de compagnie. »
« ...Ouais, elle a débarqué chez moi le jour où j'ai emménagé ici. Je l’ai appelée Lucky parce qu'elle a eu une putain de chance que je ne la foute pas dans un refuge. »
« Gavin, tu as besoin d’une injection. » Rappela brusquement Connor au détective malade alors qu'il effectuait un autre scan sans trop s'approcher. « Où sont tes seringues ? »
« Chez mon ex… » L’inspecteur but un peu de l'eau proposée et cracha immédiatement la gorgée dans la poubelle après s'être rincé la bouche. « Cette salope a eu le culot de me virer de NOTRE appartement. » Il étendit dramatiquement son bras pour désigner les trois cartons stockés au fond du salon. « Tout ce que j'ai, est ici devant toi. Elle a tout pris. » En sirotant un peu plus d'eau, les yeux de Gavin s'éteignirent et ses épaules s'affaissèrent d'une manière pitoyable.
« Je ne savais pas que tu avais récemment rompu. »
« Elle m’a foutu dehors ! » Lâcha Gavin d'un ton dégoûté. « Juste après m’avoir avoué qu’elle avait rencontré quelqu'un d’autre... »
Ne sachant pas quoi dire, Connor resta silencieux, laissant l’inspecteur Reed exprimer ses frustrations sans interruption.
« Putain, je n’ai jamais eu de chance avec les femmes. » S'enfonçant encore plus dans son canapé, Gavin parut vraiment misérable. « Je n’ai jamais eu de chance tout court... »
La LED bleue de Connor vacilla en jaune sous sa casquette en réalisant les affres émotionnelles de Gavin. La tentative de se saouler visait à engourdir sa douleur, mais sa crise de diabète avait ruiné ses plans.
« Je vais t’en acheter d’autres. »
« J’ai pas besoin de ton aide. » Gavin s’allongea sur le côté, vite accueilli par Lucky qui sauta sur le canapé. D’une main tremblante, il caressa affectueusement la chatte câline.
Connor effectua un autre scan du corps de Gavin et secoua la tête.
« Si tu ne prends pas rapidement ton insuline, ton état se dégradera. Ne m’oblige pas à te faire admettre à l'hôpital. Coopère ou je t’y traine de force. »
« Tu n’oseras pas ! »
« Tu crois ça ? »
Gavin regarda Connor avec ses grands yeux gris-noisette, étudiant l’expression sérieuse du déviant. Visiblement, le bout de plastique ne bluffait pas.
« Très bien. Très bien. » Souffla-t-il en admettant sa défaite « Si je prends mon injection, tu foutras le camp d’ici ? »
« Oui. »
« Ok. » Après avoir posé le verre d'eau sur la petite table à côté de lui, Gavin ferma les yeux et accepta finalement l’aide du déviant. « Mon ordonnance est dans la commode à ta gauche. Premier tiroir. »
Localisant cybernétiquement une pharmacie à deux pâtés de maison, Connor prit ensuite le document avec lui et se dirigea vers la porte d’entrée.
« Je serai bientôt de retour. Reste allongé et repose-toi. »
« Ouais c’est ça crétin… » Soupira Gavin en n'essayant même pas de faire un geste pour se lever du canapé alors que Lucky se blottissait contre lui. « ...Laisse-moi mourir en paix. »
Plutôt que de répondre au sinistre commentaire, Connor décida de se concentrer sur sa tâche à accomplir et prit congé de l'appartement. Il était plus rapide pour le déviant de se déplacer à pieds plutôt que d’attendre un autre taxi autonome. Grâce à sa vitesse de course, le déviant réussit à parcourir les deux pâtés de maisons jusqu'à la pharmacie voisine en quelques minutes.
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Aussi vite qu'il l’avait quitté, le déviant retourna à l'appartement et retrouva Gavin au bord de l’inconscience, très pâle et en sueur. Déballant l’insuline, Connor se hâta de lui faire son injection dans l'abdomen pour une assimilation plus rapide. Il s’assit ensuite sur le sol, juste à côté du canapé, et attendit patiemment l’émergence du trentenaire malade tout en veillant sur ses signes vitaux.
Au bout d’une vingtaine de minutes, Gavin ouvrit enfin ses yeux et regarda confusément Connor avant de se rappeler ce qui s'était passé.
« Comment tu te sens ? »
Gavin se redressa lentement alors que sa main frottait la zone piquée sur son ventre.
« Je... survivrai. Ne te bile pas le tas de ferraille. »
Le déviant fixa longuement l’inspecteur, comme s’il essayait de comprendre le comportement hostile envers lui.
« Quoi ? » grogna l’humain en remarquant l'insistance de Connor. « Pourquoi tu me regardes comme une bête de foire ? »
« Je me demandais... Pourquoi détestes-tu autant les androïdes ? »
La question figea Gavin.
« Ce ne sont pas tes oignons, putain ! »
« Très bien. Hank a vécu une situation similaire. Je comprends que tu ne veuilles pas en parler. » Il se redressa et se dirigea vers la porte de l'appartement. « Tu es hors de danger, mais si tu as besoin d'autre chose tu peux m’appeler. Je reste joignable. »
« ...Attends ! » Appela Gavin d'une voix groggy alors que Connor s’appretait à partir. « Si je te raconte, tu dois me jurer que tu ne parleras jamais à PERSONNE de ce qui s'est passé ce soir. Pas même à Hank. »
« Bien sûr. Je garderai cette affaire privée. »
Un peu méfiant à l'idée de s'ouvrir au déviant, Gavin passa sa main sur ses cheveux noirs en sueur et soupira.
« ...Quand j'avais quatorze ans, ma petite sœur et moi sommes allés nager à la piscine communale. Elle avait huit ans et me suivait partout comme mon ombre. C'était le fameux été qui a inauguré le remplacement des sauveteurs humains par des androïdes. Pour améliorer l'efficacité, qu’ils disaient. Putain... Quelle bande de connards. »
Le front de Connor se plissa d'une profonde curiosité.
« Les premiers modèles androïdes étaient loin d'être aussi avancés qu’ils le sont aujourd'hui. Ce n'étaient pas encore les créations d'Elijah Kamski… » Poursuivit l'officier.
« Que s'est-il passé à la piscine ? »
« ...Le foutu sauveteur en charge du bassin a surchauffé avant midi. Il s'est arrêté sans que personne ne s'en aperçoive. Ma sœur Kimmy... » La voix de Gavin s’étrangla un peu. « Je… je ne l’ai pas vu tomber dans l’eau. Et cette saloperie d'androide ne fonctionnait plus quand elle s’est noyée. » Il passa sa main sur son visage et lança un regard sévère à Connor.
« Gavin… Je suis vraiment désolé. »
« Et tu veux connaître la partie amusante ? Environ six mois plus tard, Kamski a finalement résolu le bug. Ouais... Ce putain de petit génie, à peine plus âgé que moi à l'époque. Apparemment, c’est la mort de Kimmy qui l'a poussé à se lancer dans la conception des modèles androïdes que l’on connait tous aujourd’hui. » Se moquant de l'idée, Gavin posa sa main sur le dos de Lucky et commença doucement à la caresser pour atténuer son stress. Il résista à ses propres larmes et prit une profonde inspiration. « Voilà, tu sais maintenant. Tu es content ? » Souffla l’officier en rompant le contact visuel avec Connor. « Ma sœur s'est noyée parce que vous, les tas de ferraille, n'êtes pas aussi parfaits que tout le monde veut le croire. »
« Personne n'est parfait, Gavin. Homme ou machine. »
« Putain. T’es marrant toi ! Va dire ça à mes connards de parents qui m’ont fait payer la mort de Kimmy pendant des années. Ils m’ont toujours tenu responsable de l’accident. »
Connor voyait maintenant Gavin sous un jour différent. Il n'était pas un imbécile fanatique et capricieux, c'était un grand frère en deuil et souffrant qui venait d'un foyer brisé et émotionnellement violent. Peu importe ce qu'il faisait ou où il allait dans sa vie, il ne pourra jamais ramener sa petite sœur.
« Ce qui est arrivé à Kimmy n'était pas de ta faute. »
« Ouais, eh bien, ferme ta putain de gueule à ce sujet ou je te brise en deux ! Compris ? »
« Je n’en parlerai pas. »
N'ayant rien d'autre à dire, Connor tourna la poignée de porte et sortit enfin de l'appartement.
« ...Bonne nuit, Gavin. »
« Ouais, c’est ça. Fous le camp. »
Le déviant sortit de l'immeuble et traversa le parking pour se rendre sur le trottoir d'en face. L'aube de l'hiver emplissait l'air d'un froid glacial que l’androïde ignora facilement en mettant ses mains dans les poches de sa veste en cuir.
« J'espère qu'un jour il trouvera un moyen de laisser son cœur guérir de la même manière que Hank a pu le faire. »
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Comme prévu, Connor rentra avant le retour de Hank et fut accueilli par Sumo qui avait récupéré son énergie après sa courte sieste. Après avoir raccroché sa veste et sa casquette dans le placard de l’entrée à l'abri des regards, il ôta ses chaussures afin de donner l'illusion qu'il était resté à la maison toute la soirée. Une fois fait, le déviant se posa sur le divan et attendit patiemment le retour de son ami.
Une vingtaine de minutes plus tard, Hank franchit la porte d’entrée en lâchant un profond soupir.
« Hé. » Il accrocha son manteau au crochet près de la porte d'entrée et se dirigea directement vers le réfrigérateur de la cuisine. « Ta soirée s’est bien passée ? »
« Très tranquille. Et vous ? »
« Ah tu sais… Williams a eu droit aux félicitations, et aux anecdotes gênantes du boulot. » Confia Hank en récupérant une canette de soda. « Après trente-sept ans de carrière, tu peux me croire qu’il y avait de quoi raconter. On a bien rigolé. »
Connor répondit avec un sourire alors qu’il regardait l’homme s’affaler dans son fauteuil inclinable.
« Au fait, vous avez oublié votre portable ici. »
« Ah ? Est-ce que quelqu'un a appelé ? »
« Gavin. » Répondit Connor en se souvenant toutefois la promesse faite à l’inspecteur de ne pas mentionner l’incident. « Mais c'était une erreur. Quand il a entendu ma voix, Il m'a injurié et raccroché au nez. »
« Putain, du coup je suis content de l’avoir oublié. » Hank rit un peu en prenant une autre gorgée de son soda et en s'appuyant nonchalamment sur le dossier avant d’allumer la télévision pour tomber sur un documentaire lié à la pêche.
Le déviant perdit un instant son regard sur la fenêtre du salon, pensant à l’inspecteur et à sa culpabilité bien muselée derrière sa mauvaise humeur.
En cet instant, Connor ressentit de la peine et une profonde pitié pour Gavin.
Surpris de développer de l’empathie envers un homme qui le détestait de tout son être, le déviant fut presque tenté de faire un autodiagnostic pour vérifier l’état de ses programmes.
Si seulement cela pouvait être dû à un dysfonctionnement…
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