Bart et Hugo, une histoire d'amour
Le temps n'a pas de prise sur Bart. Il reste recroquevillé sur lui-même pendant un bon moment jusqu'à ce que quelque chose que Hugo lui a dit lui revienne en mémoire. "Tu es plus fort que tu ne le crois." Ces mots résonnent en lui et lui font réaliser qu'il ne peut pas rester dans cet état. Pour son compagnon, il se doit de prendre sur lui et de relever la tête. Alors il expire un grand coup et s'essuie les yeux. Il se relève et se passe de l'eau fraîche sur le visage. Lorsqu'il se regarde dans le miroir, il se fixe un instant et se promet de tenir le coup. Il finit par ressortir des toilettes. Anna et maître Amalric sont là à l'attendre.
Anna : Je commençais à m'inquiéter.
Bart : Ça va... Répond le jeune homme d'une voix monotone.
Avocat : Barthélémy, il faudra que nous discutions à propos des demandes de visite. J'imagine que vous voudrez aller voir Hugo.
Bart : À quoi vous servez, vous ? demande-t-il d'un ton glacial.
Avocat : Pardon ?
Anna : Bart, qu'est-ce qui te prend ?
Bart : Vous n'avez pas dit UN mot à l'audience. Vous avez laissé Hugo se débrouiller tout seul et résultat, il a été condamné à six mois ferme.
Avocat : J'ai agi ainsi pour le bien de Hugo. Je connais le juge Malloy, il aime que les prévenus répondent à ses questions sans se faire assister de leurs avocats. Si j'étais intervenu, ça aurait enfoncé Hugo. Mais croyez moi , je l'avais préparé à l'avance pour qu'il sache comment se comporter face au juge. C'est à cela que j'ai servi, Barthélémy. À faire que Hugo sache comment réagir pour prendre la peine minimum. Six mois ferme, ça n'est pas grand-chose au regard du nombre de cambriolages. Il aurait pu prendre deux ou trois ans. Je comprends que vous soyez sous le choc mais je vous assure qu'il s'en sort bien.
Le jeune homme soupire et baisse les yeux. Anna lui prend tendrement le bras.
Anna : Il a raison Bart.
Bart : Désolé...
Avocat : Ce n'est rien. Donc je disais, vous voulez obtenir des parloirs je suppose...
Bart : Oui. Autant que possible et aussi vite que possible.
Avocat : Je vais demander une audience au juge Malloy. Je pense que vous ne pourrez en obtenir que le weekend. Vous êtes encore scolarisé et le juge ne plaisante pas avec ça.
Bart : Okay. Le weekend c'est bien. Villeneuve c'est à même pas trente minutes, je peux gérer ça. Je peux obtenir combien de temps avec lui ?
Avocat : Légalement ça peut être jusqu'à six heures mais ça risque d'être difficile de vous avoir le maximum.
Bart : Pourquoi ?
Avocat : Vous êtes jeunes, votre couple est récent, vous n'êtes ni mariés ni pacsés...
Bart : Et on est deux garçons c'est ça ??
Avocat : Oui, un peu ça aussi. C'est bête mais c'est comme ça.
Bart : Super... commente le jeune homme avec une moue dégoûtée.
Avocat : Je vous appelle dès que j'aurai vu le juge, d'accord ?
Bart : D'accord. S'il vous plaît, faîtes votre maximum.
Avocat : Je vous le garantie Barthélémy.
Maître Amalric s'éloigne. Anna et Bart quittent le tribunal. Sur le chemin du retour à l'appartement, la jeune femme lui conseille de parler à Flore mais il refuse. Il n'est pas en état de débattre avec sa mère, ni avec personne d'autre d'ailleurs. Il veut juste se retrouver un peu seul alors Anna lui promet de désamorcer un peu les choses avec Flore pendant qu'elles travailleront.
Après avoir repris une bonne douche chaude, s'être changé et avoir grignoté un semblant de déjeuner, Bart se met à faire des recherches sur son ordinateur portable. Premièrement, il devient évident qu'il va devoir passer son permis de conduire. Il y a bien le TER entre Sète et Villeneuve-Les-Maguelone mais avoir une voiture et son indépendance est une priorité pour le jeune homme. Alors il regarde les auto-écoles et les tarifs puis il téléphone à l'une d'elles pour savoir quand est-ce qu'il pourrait commencer. Ensuite, il cherche tous les renseignements qu'il peut trouver sur la prison où est Hugo. Comment elle est décrite, est-ce que les prisonniers sont bien traités etc... Il veut tout savoir sur les conditions de détention de son amoureux. Puis tout à coup, il réalise que son van est toujours garé sur le terrain vague. Il ne peut pas y rester pendant six mois. La fourrière finirait par l'emmener ou bien des gens essaieraient de le voler. Alors il envoie un message à Paul pour qu'ils s'organisent afin de ramener le petit van au mas de son grand-père. Au moins là-bas, il ne craindra rien en attendant que son propriétaire revienne.
Seulement vers 17 heures, son portable sonne. C'est maître Amalric. Son coeur se serre un instant. Il a peur d'entendre une mauvaise nouvelle.
Bart : Allô ? dit-il fébrilement.
Avocat : Oui Barthélémy, c'est maître Amalric. J'ai discuté avec le juge.
Bart : Et ?
Avocat : J'ai dû beaucoup insister, il n'était pas très chaud. Il était concerné par le fait que vous repassez votre bac cette année. Mais je lui ai fait comprendre que vous étiez un jeune homme sérieux.
Bart : S'il vous plaît, dîtes-moi !
Avocat : Je vous ai obtenu trois heures chaque samedi après-midi de 14 heures à 17 heures. C'est vraiment le mieux que j'ai pu faire.
Bart : Oh... réagit-il en posant une main sur son estomac torturé par le stress. Je... Je m'attendais à pire genre une heure... Trois heures c'est... c'est bien. Merci maître. Ajoute-t-il d'une voix émue et soulagée.
Avocat : Je vous en prie Barthélémy, c'est mon travail. Votre premier parloir est samedi prochain.
Huit jours. Le premier parloir est dans huit jours. Ça par contre, c'est moins drôle. À l'idée que Hugo soit seul dans cette prison sordide pendant plus d'une semaine, le stress de Bart reprend de plus belle. Il ne sait pas comment son amoureux va gérer ça.
Bart : Hugo le sait ?
Avocat : Pas encore mais je lui ferai savoir.
Bart : D'accord.
Avocat : Il faudra que vous passiez à mon cabinet dans la semaine pour signer les papiers afférent aux parloirs.
Bart : Très bien. Faîtes moi savoir quand, et je viendrai.
Sur ces mots, le jeune homme raccroche. Ce weekend est le dernier avant la rentrée. Lundi, il va devoir retourner au lycée, revoir les élèves, les professeurs et tout ça lui paraît tellement désuet par rapport à la situation de Hugo. Mais il n'a pas le choix. S'il n'est pas sérieux, le juge pourrait très bien lui réduire voire lui supprimer ses visites et ça, c'est totalement hors de question. Alors il ira au lycée, il fera comme si de rien n'était et chaque samedi, il ira voir son homme jusqu'à temps qu'il ressorte de ce trou.
Quand il arrive en cours le lundi matin, il plaque un sourire sur son visage et agit le plus normalement du monde. La chance a voulu que Sara ne soit pas dans sa classe, ce qui le soulage. Maxime a bien compris qu'il n'était plus avec elle mais lorsqu'il lui demande pourquoi, Bart lui répond qu'il lui expliquera plus tard. Le lycée n'est pas le lieu idéal pour raconter toute son histoire. Maxime, en tant que meilleur ami et cousin, n'insiste pas. Il sait que Bart lui parlera quand il sera prêt.
Quand enfin samedi fait son apparition, le jeune homme ne tient plus en place. Toute la semaine, il n'a fait que penser à Hugo. Chaque minute, chaque seconde, son esprit n'a pu se détacher de son amoureux. Il n'a pas pu s'empêcher de stresser en se demandant comment cela se passait pour Hugo. Est-ce qu'il est bien traité ? Est-ce qu'il arrive à dormir ? Est-ce qu'il mange correctement ? Toutes ses questions l'ont hanté. Heureusement, il va bientôt pouvoir voir son chéri. Après avoir passé les contrôles de sécurité, un gardien le conduit au parloir. C'est une salle aux murs vert kaki qui donnent un air malade à tout le monde.
Il y a environ une vingtaine de places visiteurs réparties en quatre longues tables. Les deux côtés prisonnier/visiteur sont séparés par une petite vitre d'une hauteur d'une trentaine de centimètres. Inutile, pense le jeune homme. Il s'assoit en bout de rangée, là où lui indique le maton et il attend. Il attend fébrilement, la boule au ventre. Quatorze heures pile, la porte du fond s'ouvre et Hugo apparaît emmené par un gardien qui fait deux fois sa taille. Il a l'air épuisé. Il a des cernes sous les yeux et le teint fatigué. Malgré son visage marqué, Bart ne peut pas s'empêcher de sourire lorsqu'il le voit. Sourire que lui rend immédiatement son compagnon. C'est une délivrance pour lui de revoir son ange blond.
Bart : Hey...
Hugo : Hey...
Bart : Comment ça va ?
Hugo : On fait aller.
Bart : Ça se passe comment ici ? On te traite bien ?
Hugo : C'est pas un hôtel cinq étoiles, tu sais. Mais je tiens le coup. Je partage une cellule avec trois autres types. Ils n'ont pas inventé la poudre mais ils me foutent la paix.
Bart : Vous êtes quatre ? Mais euh, c'est grand comment ?
Hugo : Minuscule... soupire le jeune surfeur. Deux lits superposés de chaque côté avec à peine la place de passer entre les deux et... Il s'arrête de parler et baisse les yeux.
Bart : Et quoi ? Demande le jeune homme, inquiet.
Hugo : Et les chiottes au milieu... Répond Hugo, d'un air affecté.
Bart : Putain... murmure Bart, réalisant la difficulté de ce que vit Hugo. C'est dégueulasse.
Hugo : C'est comme ça, c'est la taule.
Les mâchoires de Bart se serrent de douleur et ses yeux bleus d'habitude si clairs se noircissent de colère. Il redoutait ce genre de nouvelles. Mais entendre de vive voix ce que vit Hugo est plus dur que ce qu'il pensait. Hugo remarque le changement.
Hugo : Te rends pas malade, okay ? Je vais tenir le choc.
Bart : Tu ne devrais même pas avoir à vivre ça. Tu mérites pas d'être ici.
Hugo : On ne peut rien y faire, Bart. Ça ne changera rien que tu te tortures en te disant que je ne devrais pas être là.
Bart : C'est moi qui devrait te remonter le moral, pas l'inverse.
Hugo : Qu'est-ce que tu veux, je suis parfait. Répond-il d'un air amusé, ce qui fait pouffer Bart de rire.
Bart : Ça c'est vrai.
Hugo : Bon et toi ? Comment ça se passe ? Tu vas au lycée j'espère.
Bart : Oui, t'inquiète pas. Je veux pas risquer d'énerver le juge. Il pourrait nous enlever les parloirs. Ton avocat t'a dit ? Je peux venir tous les samedis pendant trois heures.
Hugo sourit timidement en hochant la tête positivement.
Hugo : Ça fait pas trop pour toi ?
Bart : Comment ça trop ?
Hugo : Bah il y a plus fun que de passer ces samedis après-midis dans une prison quand on a dix huit ans. Tu pourrais sortir avec tes amis et t'amuser. dit-il d'un ton un peu triste, se sentant coupable d'imposer ça à son amoureux.
Bart : Hey... Je m'en fous de faire des fêtes débiles ou de traîner sur la plage. Puis si je veux, je peux toujours faire des trucs en semaine. Le samedi, c'est notre jour. Point barre.
Hugo : T'es sûr ? Tu dis ça maintenant mais c'est long six mois...
Bart : Arrête Hugo. Ne fais pas ça, d'accord ?
Hugo : De quoi ?
Bart : Essayer de me donner une raison de te laisser tomber, de rompre avec toi et de te laisser tout seul dans ce trou. Ça ne marchera pas, aucune chance. Répond Bart d'une voix assurée.
Hugo : Je sais pas Bart... Ajoute le jeune surfeur, toujours triste. Je trouve pas ça juste de t'imposer cette galère. Honnêtement regarde autour de toi. Ça va être ça notre relation pendant six mois. Ces quatre murs merdiques, les gardiens qui nous lâchent pas du regard, les autres qui entendent ce qu'on dit... Tu devrais pas subir ça. Tu ferais mieux de sortir, de rencontrer quelqu'un d'autre et d'être heureux.
Bart : Donne moi ta main.
Hugo : Quoi ? Demande Hugo, surpris par la réponse de son compagnon à sa tirade.
Bart : Ta main... Répète-t-il en tendant la sienne au dessus de la petite vitre.
Hugo obtempère et glisse sa main dans celle de son chéri. Immédiatement une douce chaleur les parcourt. La magie opère. Bart caresse tendrement le dos de la main de Hugo de son pouce.
Bart : Tu vois ça... C'est ça mon bonheur. Ma main dans la tienne. Mes yeux qui se posent sur toi. Le reste je m'en fous. Répond-il d'une voix émue, les yeux brillants, le coeur à fleur de peau.
Hugo retient ses larmes de toutes ses forces. Il ne veut pas que les autres détenus ou un gardien le voit pleurer. Ça ne serait pas une bonne chose pour lui. Mais cela lui demande un effort surhumain tellement il est ému par son amoureux.
Hugo : Je sais pas ce que je ferais sans toi...
Bart : Ça tombe bien que tu n'aies pas à te poser la question.
Sans vraiment réfléchir, Bart se lève un peu de son siège, s'appuie sur ses coudes et capture les lèvres de son homme dans un tendre baiser, sous le regard médusé des autres prisonniers et des gardiens...