Des fragments de Riario

Chapitre 3 : Le toucher.

Chapitre final

409 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/03/2020 21:14

La première fois que j’ai rencontré Leo, son intensité m’a fait peur.

Je l’ai caché, bien entendu — il ne sied pas au Capitaine Général de la Sainte Église Romaine de ressentir de la crainte ou d’être de quelque manière que ce soit impressionné.

Dans l’abondance de ses gestes et mimiques, dans l’aisance de sa parole et le manque évident de retenue face à l’étranger que j’étais, je lisais une vie de tumultes, parcourue d’un réseau de voies qu’il avait dû toutes essayer.

Un jeune chien découvrant d’autres lieux, d’autres routes, c’est ainsi qu’il m’apparut alors.


Ensuite, j’ai observé son attitude en compagnie d’autres. Amis ou simple connaissances, il ne pouvait s’empêcher de les toucher tous : ici une bourrade amicale, là une accolade, une main posée sur une poitrine…

Pourquoi ?

D’où lui venait cet élan ? Qu’y avait-il dans sa nature, qui le portait à ce contact physique, que personnellement j’évitais le plus possible ?

Je me mis à chercher dans mon passé ce qui m’avait fait ainsi et tentai de deviner ce qui, dans le sien, pouvait le porter vers autrui.


Enfin, il y eut le Nouveau Monde.

Une proximité forcée par notre situation de prisonniers et notre but commun : la quête du Livre des Feuilles.

Des situations périlleuses, où l’un devient le fil qui rattache l’autre à la vie ; une alliance devant l’adversité, la gifle magistrale que je lui donnai après avoir dû tuer Zita pour le sauver… 

J’étais entré dans sa bulle et lui dans la mienne.

Car les échanges de regards furent nombreux alors et il n’est rien de plus intime pour deux étrangers que de pénétrer ansi, par les yeux, dans les pensées de l’autre.

Dès lors, le lien amical, que nous en voulions ou non, était né, quoi qu’il arrive ensuite.


Ma blessure l’accapara pendant le long voyage du retour, sur le navire.

J’appris à ne pas me révolter contre des soins que l’on me prodiguait, contre la prévenance de Niccolo Machiavelli, qui m’aurait autrefois écoeuré.

En touchant à nouveau le sol italien, je n’étais plus le même.


Était-ce cela, en fin de course, la page précieuse que le Livre des Feuilles avait cachée pour moi ?

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