L'histoire que l'on veut écrire.
S’il était tentation à laquelle Leonardo ne pouvait résister, c’était bien une belle énigme, un rébus, une chasse au trésor précieux d’une nouvelle surprise. Il faisait les cent pas, un parchemin en main sur lequel il pointait un doigt accusateur en murmurant des paroles indistinctes, comme dans un rêve.
Zo se tenait sur le pas de la porte depuis dix minutes et le regardait avec un sourire entendu. Las d’attendre, il fit quelques pas pour saisir une carafe de vin et se servir un verre. Le mobilier et la vaisselle dans l'atelier s’étaient franchement améliorés depuis que la Mère de Florence n’était autre que leur amie.
« Arrête d’insulter cette foutue lettre, elle ne te répondra pas… Léo sursauta et le fixa sans cependant le voir encore. Zo devait goûter un peu à la transparence, qu’il n’était pas homme à apprécier… Qu’est-ce qu’il a d’inquiétant, ce message ?
- Oh, eh bien… Pour commencer, il vient du Vatican.
- Merde. Qu’est-ce qu’ils te veulent encore ? Le nouveau pape ne vaut pas une merde de chauve-souris de plus que l’ancien, méfie-toi !
- Et c’est là qu’arrive le deuxième mystère. La lettre vient de ton ami Girolamo.
- Putain, encore mieux ! Il vit encore, ce serpent ? Zo cracha son vin dans l’âtre. Pcht !
- Il a besoin de mon aide pour résoudre un mystère.
- Quoi, il prépare un coup contre ce pape-ci aussi ? Ou alors… Oh, merde non ! Encore le foutu livre ?
- Il n’en dit pas plus, son message est pressant mais tient en quelques mots… bien choisis, il faut avouer.
- Dis-moi.
Leo s’écarta de la table où il s’était appuyé, posa la lettre parmi les papiers et saisit un sac dans un coin de son atelier pour y jeter pèle-mêle des cartes, son précieux carnet et l’astrolabe des Médicis que Riario lui avait renvoyé en guise de remerciement de ses bons traitements lors de la crise « monstre de Florence ».
- Il vaut mieux que tu te tiennes à l’écart, Zo, quand Girolamo entre en scène, tu n’es pas le plus impartial des commentateurs.
- Tandis que toi…
- Rassure-toi, aux dernières nouvelles, il est bel et bien guéri et est redevenu le Comte Riario du début.
- Ha ! Dis-moi pourquoi ça ne me rassure pas ? »
Mais Leonardo ne l’écoutait plus. Il fouinait dans un coffre à la recherche d’un autre objet ou d’autres documents à emporter.
Zo s’approcha doucement de la table, fit mine de feuilleter un carnet de croquis tout en frôlant du coude, la lettre de Rome. Une fois bien orientée, il put lire, du coin de l’oeil : « Les fruits du jardin d’Eden sont à point, le serpent emprunte le labyrinthe pour y accéder. Besoin au plus vite d’un artiste pour immortaliser la scène. »
Encore une putain d’entourloupe !