Expérimentation

Chapitre 1 : Prologue : "Sacrifiez votre vue"

1705 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 20:19

Prologue : « Sacrifiez votre vue. »

 

La douleur fut brève.

La feuille d'imprimante, déchirée. Vous y avez écrit, certes. Elle ne me sert plus à rien.

Je ne pleurerai pas.

Je me changerai rapidement les idées. Dans cette forêt, difficile de faire autrement.

Il pleut. Les gouttes d'eau vont m'enrhumer. Cadet de mes soucis.

Mes paupières se collent entre elles. Je m'appuie sur mes paumes pour me soulever.

Je m'assois sur mes talons. Mes genoux sont écartés.

J'observe les alentours de mes yeux clos. L'eau ruisselle sur mon corps peu vêtu.

Je me lève. Marche. Souris.

Au fait, me connaissez-vous ? Je suis un Original Character. Enfin, je l'aurais été dans une fanfiction. Ah, quelle blague.

Le savez-vous ? Je suis narcissique, peureuse, bornée, redondante et parfois blasée. J'ai sans doute quelques traits propres aux Mary-Sues, comme toutes les femmes j'imagine. Nous ne sommes pas toutes des atrocités visuelles doublées de pleurnicheuses, quand bien même les fanfictions Yaoi le voudraient parfois. Tant pis, là-dessus, j'assume être relativement belle, avec un désir d'être forte plus qu'évident.

M'avez-vous déjà vue ? Physiquement, on me disait souvent que je ressemble à une femme du Moyen-Orient. En est-il de même actuellement ? A quoi ressemblent mes yeux ?

Vous êtes un très mauvais fanfiqueur, vous savez. Le début de votre fanfiction, si tant est que c'en est une, possède, somme toute, un début inintéressant et assez banal. Je vous déconseille de l'écrire. Racontez mon périple d'une autre manière. En condensé, par exemple. Car comme dans toute fanfiction avec une femme issue du 21ème siècle, je m'étais réveillée dans un endroit où je ne devais pas être. Détail peut-être important, j'étais redevenue une enfant de cinq ans et j'avais bien évidemment paniqué. Tout cela est cependant redondant. Commencez par ma future rencontre avec les personnages principaux de l'histoire, dans quelques années. Normalement, les OCs, surtout dans mon genre, les rencontrent assez facilement, mais j'étais une exception ; moi, je me voyais bien dans vingt ans toujours en train de les chercher.

M'écouterez-vous ?

Un jour vous savez, je saurai peut-être votre identité, et le but de vos actions.

J'ignore si je veux vous aider. Vous avez placé tellement d'indices sur votre existence. Je ne peux m'empêcher de me demander quel genre d'homme vous êtes.

Je sais que c'est étrange en soi, que je me change les idées ainsi. En me posant des questions sur vous. Je suis sûre que, sans le contexte, on me penserait folle.

Nous sommes dans la réalité. Et dans la réalité, le scénario type d'une fanfiction, ben cela ne marche pas. On ne se découvre pas des pouvoirs sortis de nulle part, juste parce que l'on est dans un autre monde. Surtout que vous sembliez l'avoir dit vous-même, non ? Implicitement, mais c'était assez clair. Vous vous étiez volontairement trahi. Je me demande pourquoi.

La pluie s'est arrêtée depuis longtemps quand un maigre bras, celui d'un enfant, passe par-dessus mon cou et attrape mon bras gauche. L'autre membre attrape l'autre bras. Au moment où la panique affluait dans mes membres, le petit inconnu me parle :

« Tout va bien, Peggy ? », me murmure une voix douce, et légèrement anxieuse.

Je m'arrête net. La voix est accueillante, mais ce n’est pas ce qui me paralyse.

Peggy.

Il me faut quelques minutes pour assimiler. Voilà l'hypothèse selon laquelle ma propre fanfiction serait devenue réelle confirmée. Bah, je le savais, de toute façon.

« Je ne m'appelle pas Peggy. Je m'appelle Merry. »

Une seconde, le petit garçon qui m'aide se raidit considérablement. Comme si je l'avais piqué. Néanmoins, il se reprend.

« Je m'appelle Allen, enchanté. Je vais t'aider jusqu'à la ville, ça te va ? »

Quel mauvais comédien. Je vous présente mini Allen Walker, personnage principal de D.Gray Man. L'archétype du héros shonen, on peut plus ou moins lui faire confiance. Enfin, ça dépend pour quoi. Il va véritablement m’amener à la ville et prendre soin de moi, mais il n'est sans doute pas là par hasard.

« J’ai le choix ? »

Nous marchons donc.

« Que faisais-tu là-bas, Merry ?, me demande Allen après une heure de silence. Tu habitais dans le coin ? »

Très mauvais comédien. Pas étonnant que tout le monde puisse le griller quand il s'agit de ses sentiments. Une curiosité morbide, hein... il s'attend vraiment à voir Peggy, le personnage principal de ma fanfiction, ici. Je joue la carte de la fillette qui a peur qu'on l'abandonne. Du coup, je modifie ma voix afin d'avoir l'air inquiète.

« Eh bien... on m'a conduite ici, si tu veux savoir. Et on m'a mise en face d'un choix. Je devais faire ce que j'ai fait, pour pouvoir rentrer chez moi. C'est ce qu'on m'a dit.

– On t'a dit de... qui t'a dit ça ? s'exclame Allen.

– Je ne sais pas.

– Tu ne sais pas ? Mais te rends-tu compte de ce que tu dis ? Tu... tu... »

Allen perd ses mots.

« C'est insensé », conclut-il.

Il vient de mon monde, tu sais mon très cher Allen. Je n'avais pas le choix.

« Et toi, que fais-tu ici ? demandé-je de façon rhétorique. Tu parles anglais, mais tu sembles avoir mon âge. Nous sommes en Chine. Comment as-tu voyagé jusqu'ici ? »

Il a un silence.

« Je te le raconterai une fois en sécurité. »

Aha, va-t-il inventer un mensonge sur le chemin ? Sans doute. Nous sommes dans ma fanfiction, pas dans le manga originel. La timeline a changé et vos actions ont en plus sans doute modifié les évènements. Je suis pratiquement dans une réécriture du manga. Ou de ma fanfiction.

Toutefois, je connais suffisamment ma fic pour déceler les incohérences de scénario, comme le fait qu'Allen ne devrait parler comme il le fait que beaucoup, beaucoup plus tard. Après sa période dans le cirque, où là aussi il entrera plus tard. Je peux en déduire les changements. Bien que ma fanfiction originale en soit bourrée, d'incohérences. C'est une parodie de Mary-Sue ma foi merdique. Comme quoi, le sujet peut être mal traité.

Nous atteignons la ville. Je sais que je vais rester avec Allen, car il a une idée derrière la tête me concernant. Et puis, comme je n'ai nulle part où aller, autant le suivre... néanmoins, je fais mon inaccessible.

« Il n'y a pas grand monde qui parle anglais, dans ce bled, soupiré-je. Tu vas où, toi, après ? »

– Eh bien, il y a un cirque ambulant dans le coin, me répond Allen, réticent. Tu ne veux pas venir ?

– Si tu veux », dis-je, feignant la méfiance mal cachée, en haussant les épaules.

Qu'est-ce que le cirque de Mana et Allen foutent en Chine, je vous le demande. Surtout au vu de l'âge du petit. En sachant qu'Allen est anglais et pauvre. Mes premières fanfictions, qui incluent la parodie, étaient vraiment terribles, mais je n'aurais jamais fait une telle erreur !

Quoique.

« Allen... tu m'embaucherais dans ton cirque ? Quoique, non, oublie... j'ai beau être extrêmement souple, au vu de l'état de mes yeux, je doute qu'ils veuillent de moi. »

Il a un silence.

« … Tu n'as nulle part où retourner », dit-il, soulagé.

Toi, tu veux m'enrôler pour une raison louche. Bon, ce n'est probablement pas de l'amour. Y'a autre chose. Mais soit.

Allen est d'une naïveté sans précédent. Sa manière de parler, très adulte comparé à celle d'un enfant de cinq ans – erreur dans mon écriture du début ? – est accompagnée d'une bêtise... il me prend vraiment pour une pauvre fillette abrutie et perdue de cinq ans, quand j'en ai dix-huit en réalité, et que mes choix dans cette forêt ont été longuement préparés psychologiquement. Enfin, cela ne m'a pas empêchée de rester des heures et des heures sous la pluie. Bah, j'ai un but.

Et si je devais sacrifier mes autres sens, qu'il en soit ainsi.

« Je pourrais être un clown ou un funambule ? »

 

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