mi Chien mi Loup
Chapitre 3 : Coupable
La collision était inévitable. Je plongeai sous le tabouret qui ne laissa pas passer mes hanches de louveteau. Têtu, je forçai l’accès en vain et l’objet tomba au sol. Le choc me fit reculer, et je fus spectateur du fracassement de la lampe qui se brisa dans la paille. La flamme s’intensifia et, en quelques minutes, toute la grange s’embrasa. Je paniquai à l’intérieur, n’ayant aucune issue. La peur me fit aboyer à l’aide. Je vis ma proie s’enfuir à toutes pattes dans un trou de souris sous les murs de bois enflammés. Je ne pus la rejoindre, et tournai en rond dans cet incendie ravageur.
De l’autre côté, le père Lockart se précipita avec son tuyau d’eau. La dame appela les pompiers au plus vite. Entendant mes appels à l’aide, Diana accourut vers la grange de feu sous le regard apeuré de Caramel, resté près de la maison. A l’intérieur, une poutre s’écroula devant moi et déclencha une ouverture à l’arrière. Je ne réfléchissais pas et sauta l’obstacle pour sortir d’ici à tous pris. Après avoir contourné l’épave en combustion, je rejoignis mon frère qui semblait très inquiet. Je compris vite, en voyant ma mère si près des flammes, aidant le maître qui fut vite encerclé par le feu destructeur.
- Henri ! s’écria la mère Lockart.
Des débris tombaient du toit, l’un vint fracasser la jambe du maitre. Les flammes rampèrent à ses pieds et Diana agrippa son pantalon pour le sortir de là. Elle le tira de toutes ses forces, qu’on pouvait voir la détermination qu’elle possédait. Cependant, le vent ne jouait pas en notre faveur cette nuit-là. La charpente s’écroula si près que ma mère fut sérieusement touchée. La dame Lockart se précipita vers son mari accompagné de Caramel tandis que je restai sous le perron. Je fus terrifié et compétemment paralysé de peur et d’angoisse.
La dame aida son homme à s’éloigner le plus possible des ruines en flammes. Caramel, lui, resta près de Diana. Celle-ci très affaiblie, ne pouvait plus se lever. Il tentait de la déplacer tant bien que mal mais il n’avait pas assez de force. Ses larmes jaillirent, sachant l’inévitable destin de sa mère.
- Caramel, s’il te plait… murmura Diana.
- Oui, mère ? sanglota alors mon frère.
- Veilles bien sur Nougat, je t’en prie.
- Mais ? C’est de sa faute ! se tourmenta Caramel.
- Il n'en reste pas moins ton frère… répondit-elle avec ses dernières forces.
La lumière de ses yeux s’éteignit ce soir-là et notre mère rejoignit les étoiles de la nuit.
Une alarme résonna dans la plaine, des gyrophares arrivèrent de plus en plus près. Deux camions s’arrêtèrent dans la cour et des humains en descendirent, nombreux. Ils portaient une étrange combinaison inflammable, dotaient d’un casque solide. Ensemble, ils combattirent le feu. Une autre bande d’hommes s’occupaient du maître. Ils le déposèrent sur une civière et l’embarquèrent dans l’un des véhicules ; la dame Lockart l’accompagna. En ce qui nous concernait, on nous avait enfermé dans la maison, le temps que la fermière revint de l’hôpital.
Le regard de Caramel se durcit en me voyant. Dans un premier temps, je ne compris pas et m’en inquiéta :
- Quelque chose ne va pas ?
- T’es content ? m’agressa-t-il soudainement.
- Hein ? me demandai-je surpris.
- Le feu. C’est toi qui l’as déclenché ?
- Non… Enfin oui, mais… dis-je déstabilisé.
- Mère est morte par ta faute ! m’accusa Caramel énervé.
- C’était un accident ! protestai-je affolé.
- Tu n’es qu’un monstre !
- Non !
- Monstre !
Sur les nerfs, je bondis sur mon frère. Il me réceptionna avec ses griffes et nous nous bâtions comme deux enragés. Un coup mal placé, je lacérai son museau d’une belle entaille. Caramel me dévisagea avec un regard noir que j’affrontai, les crocs sortis.
- Monstre, affirma Caramel en s’éloignant de moi.
Je vis le sang coulait sur sa truffe. Sur le coup, je me remis en question ; étais-je vraiment un monstre ? Quand j’y réfléchissais, le feu avait été le fruit de mes bêtises puériles. Si je n’avais pas couru après ce rongeur, jamais la lampe ne se serait brisée. Et le feu n’aurait pas été déclenché. Je reconnu alors mes tords et me rendis compte de ma cruauté en ayant tué ma mère et attaquer mon propre frère. A cet instant, je me jurai de ne plus être méchant ; de tout faire pour être bien vu par les Lockart. Cependant, la dame n’était pas du même avis.
En rentrant à la ferme, elle ouvra la porte lentement. J’étais là, assis face à elle, le regard compatissant à sa douleur. Elle alla s’assoir sur une chaise. Je me couchai alors, les oreilles baissées, la fixant tristement. Je n’espérais qu’un seul sourire, un seul geste amical. Caramel, sur le sofa, était témoin de la scène. Il vit tous mes efforts pour me faire pardonner. Au fond de lui, il éprouvait encore de l’affection pour son petit frère malgré ce que j’avais fait. Malheureusement, le choix était déjà fait pour Mme Lockart. Ses yeux croisèrent les miens, et elle me dit :
- Je suis désolée Nougat mais tu n’as plus ta place ici.
Ces mots résonnèrent dans ma tête, je m’effondrai. Je m’en allai sur mon tapis attitré, et me coucha en boule, le cœur rempli de déception. A quoi bon faire des efforts si les portes vers la rédemption sont déjà toutes fermées ? Caramel attristé, veilla sur moi cette nuit-là. La nuit fut très longue jusqu’au lendemain.
Le soleil à peine levé, la dame Lockart me réveilla et m’enclencha la laisse. Les yeux tout justes sortis du noir, je me mis sur mes pattes et suivis la maîtresse sans la contredire. Les bruits de pas sur le plancher firent tilt à Caramel qui arriva en flèche vers nous en aboyant. Il se mit entre la porte et nous ; pour faire obstacle.
- Ne pars pas ! me supplia alors mon grand frère.
- Il le faut… répondis-je. Pour ta sécurité.
Caramel me trouva changé. Il aboya à nouveau pour attirer l’attention de Mme Lockart. Celle-ci enclencha alors la laisse à mon frère qui vint avec nous. Caramel me sourit mais ne reçut rien en échange, excepté une tête baissée. Je n’avais aucune expression, j’étais abattu par le destin. Arrivés à la charrette, je croisai le regard du cheval qui semblait me dire « tu vas nous manquer. » Je grimpai moi-même à l’arrière et me coucha, déprimé. Caramel me suivit et se mit à mes côtés, pour me rassurer. La route fut plus courte que je ne l’imaginais.
Je découvris un drôle d’endroit que je n’avais encore jamais vu. L’odeur était forte dans le coin que cela en devenait irritant. Des aboiements surgissaient derrière le bâtiment, beaucoup de chiens devaient vivre ici. Ils n’avaient pas l’air de s’y plaire. J’appréhendais ce qu’il allait m’arriver dans cet étrange lieu. Les oreilles baissées, j’avançai timidement accompagné de Caramel. Nous marchons jusqu’à l’entrée, où un homme vêtu tel un clochard nous accueillit. Il sentait l’urine à pleine truffe.
- Que puis-je faire pour vous ? demanda-t-il à la dame.
- Je viens déposer un chien, annonça-t-elle en me désignant.