Le remède contre l’ennui.
Chapitre 1 : Le remède contre l’ennui.
4129 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 22/11/2024 15:57
Cette fiction participe au défi de Fanfiction.fr « Le crossover improbable » (janvier février 2022), en seconde chance.
Il était une fois dans le Vingt-septième royaume des contes de fées un sorcier nommé Immortel Etik pratiquant la magie noire. Il avait conquis ce royaume avec son glaive et ses incantations. Ce sorcier était extrêmement puissant, ce qui n'était pas étonnant car il avait vécu plus d'un millier d'années.
Aucun être vivant ne se souvenait plus de ses débuts. Et pourtant… Il était né dans une famille de paysans démunis, le septième fils d'un septième fils. Fragile et maladif, il avait vu plus d'une fois la mort se pencher sur son berceau pour répartir bredouille. Car Etik, qui ne s'appelait pas comme cela à l'époque, était doué d'une petite étincelle de force magique. Donc il survécut à tout, le seul, d'ailleurs, de toute sa fratrie, ce qui suscita le soupçon parmi les habitants de son village. Ils commencèrent à le regarder avec méfiance, et le bruit courut parmi ses voisins :
Amis, voisins, avez-vous vu ?
Le plus chétif a survécu !
Tandis que ses robustes frères
Reposent tous six pieds sous terre !
C’est un vampire ou même le diable
Bref, un quidam peu fréquentable !
Etik, nullement immortel à l'époque, dut fuir son village natal pour échapper au lynchage et alla en apprentissage chez un ermite sorcier, installé au cœur de la forêt. Il apprit beaucoup sur la magie et ses différentes nuances : la magie noire, forte, mais qui desséchait le corps et raccourcissait la vie de celui qui en usait ; la magie blanche, puissante, bénéfique pour le corps et l’esprit du magicien, mais limitée dans son application ; enfin, la magie grise, neutre, faible mais indétectable pour l'entourage.
Etik se sentit attiré par la magie Noire, mais il jugea inacceptable de payer par les années de sa propre vie, d'autant plus qu'il avait déjà frôlé la mort dans son enfance, et celle-ci le terrifiait. Ainsi, il consacra les cinquante années suivantes à trouver un moyen de devenir un Mage Noir sans avoir à en payer le prix.
Et finalement, il découvrit l’astuce pour piéger la Faucheuse. Il accomplit le rituel avec succès, réussissant à emprisonner sa mort sur la pointe d'une aiguille. Puis, il plaça l'aiguille dans un œuf, l'œuf dans un canard, le canard dans un lapin, le lapin dans un coffre, et pour finir le coffre sur le chêne qui poussait sur l'île noire au milieu de l'océan.
Après cela, il se sentit parfaitement serein et fut en mesure de se consacrer à d'autres tâches. Il étudia pendant sept siècles, passant en revue tous les parchemins et manuscrits disponibles, acquérant ainsi une grande érudition, surtout pour cette époque, et devint un mage d'une puissance redoutable.
Durant les cinq cents années suivantes, il se consacra à la guerre, soumettant les nobles et conquérant des terres qu'il protégea ensuite par la magie et l'épée.
Pendant deux siècles qui suivirent il étendit ses conquêtes territoriales, leva des impôts et des taxes, améliora l'urbanisme, renforça les frontières et mit en place un système éducatif progressiste avec une scolarité obligatoire de trois ans pour tout le monde, y compris les filles ! En somme, le sorcier maléfique s'avéra être un dirigeant tout à fait acceptable.
Mais voilà, Immortel Etik commença à s'ennuyer sérieusement. Son Royaume prospérait, tout était bien organisé, l'argent affluait et les ennemis n'osaient plus le défier. Pour échapper à ce sentiment destructeur, Etik décida d'abord de se consacrer à la bienfaisance en réduisant les impôts. Cela provoqua une révolte, des habitants n’accordaient pas leur confiance à la charité des grands de ce monde :
Baisse d’impôt comme c’est bizarre.
Qu’est-ce que ce sorcier prépare ?
Bêches et fourches nous prendrons
À ce monstre nous résisterons !
Pendant quelques années il se divertit beaucoup en pacifiant la contrée, mais dès que le soulèvement fut noyé dans le sang, l'ennui revint au galop.
Il faudrait préciser, Immortel ne s'amusait que très rarement, et peu de choses lui procuraient de la joie. Il était indifférent aux plaisirs de la table car la magie noire avait diminué son appétit et desséché son corps. Pour la même raison il n'avait aucun intérêt pour le sexe, non plus. Son statut de puissant ne lui permettait pas de tisser des amitiés sincères, mais attirait plutôt des flatteurs intéressés. Ainsi, ses besoins étaient modestes : il mangeait peu, buvait encore moins, ne se préoccupait pas des richesses matérielles, n'avait ni amante, ni ami. Il n'était donc pas surprenant qu'il soit accablé par l'ennui.
Pendant les cinq dernières années, il trouva une petite distraction dans le kidnapping, se livrant à des enlèvements de jeunes filles, puis aux combats avec ceux qui venaient pour les libérer. Il enleva tour à tour : Vasilisa La Merveilleuse, puis Vasilisa La Sage, et enfin Vasilisa La belle aux Longues Nattes (apparemment, ce prénom était très en vogue dans le Vingt-septième Royaume). Il se battit avec entrain contre les preux chevaliers avant de rendre les demoiselles. Quant à la dernière, Barbara La Curieuse, ne voyant pas des libérateurs se presser aux portillons, il décida de la renvoyer chez elle de son propre chef, lassé par ses incessantes questions. Il lui donna, en plus, de l'or pour financer ses recherches dans la mécanique, qui la passionnait.
Mais depuis quelques mois le rapt des jeunes filles n'amusait plus autant le sorcier et il décida de se diversifier en kidnappant Jeannot le Prince. Il faut préciser que selon les lois non écrites le sauveur devait épouser la sauvée. Donc le Prince devrait être libéré par une guerrière. Immortel se frottait les mains en anticipant le plaisir d'affronter une walkyrie. Il décida même de jeter un petit coup d'œil sur celle qui viendrait délivrer Jeannot.
En marmonnant : « Où est-ce que j'ai pu bien la caser ? » Etik chercha un peu partout dans son laboratoire et finit par sortir avec un soupir de satisfaction une grande assiette en argent de dessous le coussin qui garnissait sa chaise. Il souffla sur l'assiette, la frotta avec sa manche pour la faire briller, puis attrapa une petite pomme bien rouge dans la coupe de fruits posée sur le bureau, et la fit rouler dessus en récitant l'incantation suivante :
Pomme rouge roule et vire
Tel un beau petit navire
Sur cette assiette en argent
Montre-moi à pas de géant
Mon Pays : forêts et plaines,
Les montagnes et les mers.
Et surtout celui qui vient
Libérer Jeannot, enfin !
La pomme tourna vivement sur l'assiette. Immortel vit alors la mer, la montagne, la petite ville voisine, puis la forêt, et un personnage galopant sur le dos d'un grand loup gris. Le sorcier leva les sourcils avec étonnement, ouvrit grand les yeux, puis rit à gorge déployée. Il essuya les larmes de rire et déclara à voix haute :
- Je n’en crois pas mes yeux ! Jeannot le Benêt, mon petit bouchon ! Avec toutes les donzelles qu’il avait libérées cette année il doit avoir déjà un harem ! Et maintenant il veut y ajouter le Prince ! C'est quoi ? De la bêtise ou une envie de diversité ? À moins que…
Etik en répriment le rire avec grande difficulté et en pouffant encore de temps en temps chantonna :
En armure arc-en-ciel et brassard
Sur lequel il marqua "je suis gay"
Il fit sa sortie du placard
Et ramassa des coups sur le nez !
Tout en chantant il donna une petite tape sur le nez du personnage, qu'il voyait sur l'assiette.
- Bon, et tu arriveras, quand, mon lapin ?
Il observa attentivement l'image et hocha la tête :
- Trois jours, c'est parfait, cela me laisse largement le temps pour préparer un accueil "chaleureux". J'imagine la "joie" de Jeannot le Prince quand il saura qui vient à son secours ! Je lui annonce maintenant ou je lui laisse la surprise ? Je lui ferai la surprise, c'est bien plus drôle ! Mais en attendant, qu’est-ce que je m’embête !
Puis, comme l'artefact de la vision lointaine (pomme et assiette) (1) fonctionnait bien, pour se divertir il décida de voir ce que font les ex-demoiselles-en-détresse.
... Barbara la Curieuse les mains dans le cambouis prépare l'essai de la machine à vapeur.
... Vasilisa La Merveilleuse se mire dans le miroir.
... Vasilisa au La Belle aux Longues Nattes se peigne.
... Vasilisa La Sage écrit ses mémoires : « En captivité chez un monstre », dont elle avait déjà vendu les droits à une maison d'édition pour une somme rondelette.
Rien d'inattendu ou intéressant, en somme.
« Quel ennui ! » pensa-t-il et envoya valser l’artefact à travers la pièce.
Soudain Etik ressentit un tiraillement à la limite de sa perception. Poussé par la curiosité, il récita rapidement une incantation de « longue oreille » et perçut un murmure à peine audible dans le lointain : « Ossements du père... Sang de l'ennemi... Chair du serviteur ».
« Intéressant, quelqu'un aux confins de mon royaume ou même plus loin, ose faire de la magie noire, se dit-il, ça tombe bien, j'ai encore trois jours devant moi, je vais aller voir ce qui se passe et qui est cet impudent. Je vais le réduire en poussière, cela me distraira un moment. Car le seul et unique mage noir ici et ailleurs c’est moi ! »
Le sorcier se prépara rapidement, il enfila son caftan doublé de fourrure, prit son bâton de magicien, remplit les poches d'or et de pierres précieuses, attrapa l'assiette en argent, ajouta à la dernière minute une bobine de « fil d'Ariane », (2) dont il attacha une des extrémités à une colonne de son château. Puis il la projeta devant lui en prononçant la formule magique suivante :
Roule, roule, roule, ne t'arrête point
À travers forêt et plaines,
Mers, ruisseaux et pics alpins
Roule, roule, roule, ne t'arrête point
Et m'amène là, où aller je tiens !
Puis, tout excité par la perspective d'une nouvelle aventure, Etik saisit le fil et, avec un petit bruit discret, il s'éclipsa du château.
***
Il suivit le fil qui l'entraînait pendant un long moment. Il commença même à se demander si sa décision impulsive était la bonne, quand ses pieds touchèrent le sol. Enfin pas tout à fait, il se retrouva dans un immense chaudron à côté d'une créature qui aurait pu être son frère jumeau. Le personnage était aussi grand et maigre que Etik, tout aussi pâle avec une tête qui ressemblait à un crâne. Cependant, il y avait des différences notables. Immortel arborait un nez aquilin qu'il exhibait avec fierté, ainsi que de somptueux vêtements ornés de riches fourrures. Quant au quidam, il était dépourvu de nez, affichant simplement deux trous au centre de son visage, et était habillé d'une robe évoquant celle d'un moine, ce qui fit grimacer Etik de dégoût.
Et en plus ce moins-que-rien était en train de pérorer sur le vol de la mort ! Comme si la Faucheuse pouvait se déplacer dans les airs comme un vulgaire moineau ou être enlevée à la manière d’une Sabine ! Etik était bien placé pour savoir que ni l’un, ni l’autre n'étaient possibles.
Il éprouva une envie folle de clore le bec à ce malotru, qui parlait de la « Dame blanche » avec si peu de respect. Immortel, qui n'avait pas l'habitude de refouler ses désirs, frappa le sol de son bâton de magicien et ordonna : « Motus ! ». Et le silence fut ! Il était presque palpable, il n'y avait pas de sons, même pas le souffle du vent ou le frottement des branches des arbres, tandis que le « sans-nez » pathétique ouvrait et fermait la bouche comme un poisson tiré de l'eau.
- C’est mieux, prononça avec satisfaction Etik.
Puis il sortit du chaudron et observa les environs avec attention. Il se trouvait dans un cimetière, la nuit, la lueur blafarde de la lune éclairait les pierres tombales et les croix. Au loin, on pouvait distinguer la silhouette d'une église.
Tout semblait familier, et pourtant, tout portait la marque de l'étrangeté : les croix étaient d'une rectitude excessive, dépourvues des courbes habituelles si agréables à contempler, il y avait une profusion de statues d'angelots, de pleureuses et de repentantes. L'église, elle aussi, avait quelque chose de bizarre aux yeux de Etik.
Étalé sur le sol presque à ses pieds, il vit un bonhomme petit, replet et gras, qui tentait d'arrêter le sang giclant de moignon de son bras droit.
- Ah ! Tu dois être le serviteur, celui qui a donné sa chaire et eu l’impudence de s’aventurer dans mon domaine de compétences ! Le ritualiste ignare et maladroit ! prononça le sorcier avec une joie malsaine en pointant le moignon avec son bâton.
Puis il chanta l'incantation :
Comme il se doit, le Maladroit,
Deux bras gauches tu auras.
La main du malheureux se reconstitua avec un léger bruit, semblable à celui d'une succion, et bien évidemment elle était gauche.
Etik contempla avec plaisir son œuvre puis porta le regard sur les autres participants de cette petite réunion impromptue.
En face de lui, un garçon était attaché à une stèle, ses lunettes de travers sur le nez, du sang coulant lentement d'une entaille sur le bras. Un autre gisait par terre un peu plus loin, soit mort, soit inconscient.
- Lequel de vous deux est l'agneau sacrificiel, gratifié à tort de titre ronflant de l’Ennemi ? persifla Immortel. Autant que je puisse en juger, c'est toi ! dit-il en montrant du doigt le gars à lunettes.
Presque en même temps, deux événements se produisirent : le « sans nez » triompha du Motus et s'engagea immédiatement dans la bataille, pendant que le jeune homme étendu à terre poussa un gémissement en levant la tête. Etik, distrait par ce bruit, se tourna vers son origine, et le rayon vert de l'Avada Kedavra provenant de « Vol de la mort » autoproclamé, le manqua de justesse.
Voldemort en lançant un chapelet de sorts sur son adversaire hurla :
- Comment peux-tu, l'indigne vers de terre, oser me défier, moi, le sorcier le plus puissant de tous ? À genoux devant ton maître !
« Il est complètement cinglé et mégalo, pensa Immortel en s'engageant dans le combat, mais les sortilèges sont intéressants, je ne les connaissais pas. Tuer ce maniaque me serait possible, mais c'est du gaspillage pur et simple, car le fada possède peut-être d'autres sorts qui me sont inconnus ! De plus, il serait pratique et divertissant d'avoir un Ennemi digne de ce nom à portée de main ! »
Les deux magiciens tournaient l’un autour de l'autre à la manière des vautours, en s'arrosant mutuellement des sortilèges complexes et redoutables. Le spectacle était captivant et féerique : deux écoles de sorcellerie s'affrontaient, la baguette magique contre le bâton de magicien, le savoir ancestral des Vénètes (3) contre l'ingéniosité des Brites. Les antagonistes qui se ressemblaient comme des frères, se déplaçaient à une vitesse telle que les yeux peinaient à les suivre, l'air grésillait des sorts et de contre-sorts et aucun d'entre eux ne semblait avoir l'avantage.
Etik exaspéré arracha un peigne de ses cheveux et le jeta aux pieds de son ennemi. Aussitôt, une multitude de lianes poussa de l'endroit où le peigne toucha le sol, emprisonnant Voldemort. (4)
Immortel, sur le visage duquel se lisait le travail acharné de la pensée, observa sa prise, puis en prononçant « Bon », il attacha le paquet de lianes avec leur prisonnier au fil d'Ariane et tenta de l'expédier vers le Vingt-septième royaume des contes de fées. Rien ne se produisit, l'énergumène semblait être solidement attaché à son plan de l'existence. Etik frappa deux fois le sol avec son bâton et déclara :
- Que ce qui est caché se montre au grand jour !
Aussitôt, des rayons grisâtres pulsants d'une force malsaine, dont l'un prenait naissance sur le front de gamin attaché à la stèle, convergèrent vers le captif.
- Oh le coquinou ! Quelle solution intéressante pour duper la Dame Blanche ! Des ancres ! s'émerveilla Immortel.
Le sorcier attrapa le rayon le plus proche, celui relié au garçon et tira fermement dessus. Un bruit sourd retentit, le visage de l’adolescent se couvrit de sang noirâtre et une petite brume vibrante de maléfices alla s'encastrer dans l'otage des lianes.
- Parfait, ça marche ! Qui est le meilleur ? Je suis le meilleur ! se congratula Etik.
Puis il attrapa dans ses mains tous les rayons ensemble et tracta.
Les substances maléfiques de différentes tailles se hâtèrent vers Voldemort, qui poussa un hurlement de rage, de douleur et de désespoir en se débattant dans ses liens. Dès que le dernier fragment de brume malveillante pénétra le corps du captif, Immortel sorcier récita une incantation, sans se soucier de rimer, comme s’il dictait une adresse :
- Vingt-septième royaume (5) des Contes de fées, forêt inextricable au nord et à dix jours de marche de mon palais.
Dès que le dernier mot fut prononcé, Lord Voldemort disparut du cimetière et de cette réalité pour toujours.
- Mais, mais, mais... bêla le gamin à lunettes en peinant à trouver les mots.
Etik fit un geste désinvolte pour faire lâcher les liens qui retenaient le garçon. Ensuite, il se redressa davantage en s'appuyant sur son bâton et dit :
- Présente-toi avant de s'adresser à quelqu'un de bien plus âgé et plus fort que toi. Qui es-tu, la larve de laquelle peut éclore un jour le magicien ?
- Potter, Harry James Potter. Et je ne suis pas une larve ! rétorqua Harry, qui retrouva avec la capacité de parler son impertinence, en essayant le sang sur son visage.
- Une larve, rien de plus, tu peux me croire sur parole, Immortel sourit avec suffisance, et moi je suis le Grand, l'incomparable, l'Improbable Etik qui a trompé la Faucheuse ! Et je suis en visite touristique !
- Et Voldemort ? s'enquit beaucoup plus poliment Potter.
- Je l'ai envoyé chez moi, car j'ai bien besoin d'un vrai Ennemi pour me distraire de mon ennui. Je ne te le rendrai pas, n'y compte même pas ! Et maintenant je veux visiter, m'amuser, s'encanailler. J'attends vos propositions !
Harry, qui manquait d'expérience, avait peu d'idées en dehors de Poudlard, du Chemin de Traverse et de Londres. Curieusement le deuxième jeune homme, qui avait fini par s'asseoir, possédait plus de cordes à son arc et il énuméra sous le regard de Potter, ébahi par tant de connaissances :
- Je suis Cédric Diggory. Je propose : Paris, Londres, Moscou, Saint-Pétersbourg, New York pour les visites. Cinéma, Théâtre, Ballet, Opéra, Formule 1 pour s'amuser. Pigalle, Moulin Rouge, Crazy Horse, Ibiza pour s'encanailler. Et si je peux me permettre, je vous suggérerai de changer d'habit.
- Pas mal pour commencer. Maintenant imagine le genre de vêtements qui seront adaptés.
Immortel le regarda fixement dans les yeux pendant quelques secondes, puis la tenue de Etik subit des changements spectaculaires : il ne portait plus de caftan ni de fourrures, il ne tenait plus de bâton ni de glaive. À la place, il arborait un élégant costume sur mesure accompagné d'une canne de style art déco.
Etik fit apparaître un miroir en claquant des doigts, et s'y mira avec évidente satisfaction.
- Un peu inhabituel, mais somme toute, cela a de l’allure, rendit-il le verdict. Maintenant mes petites larves, je vous laisse car je sens que bientôt vous aurez de la compagnie.
Et il disparut en se dissipant telle une brume matinale.
***
Peu de jours après, les gros titres de tous les journaux du monde annonçaient :
« Le milliardaire excentrique privatise tout l'Opéra de Paris pour une soirée de gala ! »,
« Un milliardaire réserve dix salles au cinéma Mégarama ! »,
« Un Lord richissime offre du champagne à toute la ville de New York »,
« Il saute à l'élastique depuis la tour de Pise »,
« Il saute en parachute »,
« Il pilote le Concorde »,
« Il gagne le grand prix de Formule 1 »,
« Il effectue l'ascension de l'Everest ».
Et pour couronner le tout : « Un mégalomane obtient une place à bord d'une fusée pour faire le tour de la terre ».
***
Au début, Etik était tellement absorbé par ses divertissements qu'il ne voyait pas le temps passer. Mais à un certain moment, la nostalgie l'envahit. Il se mit à se poser des questions : "Comment vont mes Vasilisas ? Et Barbara, a-t-elle réussi son expérience ? Et les Jeannots ? Et que fait Vol de la Mort, bon sang ?" C'est alors qu'il réalisa qu'il était grand temps de rentrer. Il prit le fil d'Ariane et murmura religieusement :
- Ramène-moi à la maison !
***
Immortel rentra chez lui et découvrit une « joyeuse pagaille »: Jeannot le Benêt poursuivait Jeannot le Prince avec des propositions indécentes, Barbara avait fait exploser la machine à vapeur, Vasilisa la Sage luttait contre les journalistes, lesquels l’assiégeaient après la sortie de son livre. Quant à Voldemort, il s'approchait du château de Etik à la tête d'une armée (mais comment avait-il pu la réunir si rapidement ?).
Etik essuya une larmichette d'émotion : « chez les autres c’est bien, chez soi c’est mieux », retroussa ses manches et s'attaqua avec l’enthousiasme à la résolution des problèmes.
Et il ne s'ennuyait plus du tout.
FIN
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- L'assiette en argent et la pomme - artefacts du folklore russe, servent à observer les événements éloignés.
- La bobine magique de fils (fil d'Ariane) - artefact de folklore russe, sert de guide aux voyageurs.
- Les Vénètes (ou Vénèdes) - peuple ancêtre des Slaves.
- Le peigne magique - artefact du folklore russe avec des pouvoirs divers selon le contexte. Dans cette histoire, il fait pousser des arbres ou des lianes lorsqu'on le jette au sol. Selon d'autres versions, il peut provoquer un sommeil semblable à la mort lorsqu'on le plante dans les cheveux, et pour réveiller la victime, il faut retirer le peigne.
- La vingt-septième royaume -(tridevyatoe tzarstvo) - une expression très utilisée dans le folklore, signifie un royaume lointain, ou littéralement plus loin que "trois fois neuf terres". Il y a une jolie théorie selon laquelle les anciens peuples slaves connaissaient 27 corps célestes et cette expression signifierait "derrière les cieux, dans un autre monde".