Contact (série TV)
Chapitre 1 : Saison 3 Episode 1 – Retour en France
12422 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 14/11/2019 12:13
Série : Contact
Personnage principal : Thomas Adam
Synopsis : Thomas Adam a le don de psychométrie. D'un simple toucher, tous les souvenirs associés à un objet lui sont révélés. Condamné aux Etats-Unis pour le meurtre de l'assassin supposé de ses parents et kidnappeur de sa petite sœur Isabelle, il est finalement utilisé comme consultant par le F.B.I. pour résoudre des enquêtes.
Sur la base d'un courrier anonyme, il décide de retourner en France pour venir en aide à son frère Éric Adam, menacé de mort. Au sein de la brigade criminelle d'Aix-en-Provence à laquelle appartient son frère, ils résolvent, ensemble, plusieurs enquêtes et sont sur le point de retrouver leur sœur.
Le dernier épisode de la saison 2 finit sur l'emprisonnement de Thomas après son refus de repartir aux Etats-Unis avec l'agent du F.B.I., Toussaint Levi. La traque de l'individu derrière l'enlèvement de sa sœur et l'assassinat de leurs parents est un échec. Éric s'effondre en larmes. Plusieurs policiers ainsi que l'unique personne pouvant identifier le criminel ont été froidement abattues.
Public / Catégorie : M(16+) / policier / lime / continuation
Avertissement : Les personnages et les situations de ce récit sont purement fictifs. Toute ressemblance avec des personnes, des situations existantes ou ayant existé serait purement fortuite.
Les personnages et tout l'univers de la série Contact n'appartiennent pas à l'auteur de la fan-fiction et demeurent la propriété exclusive de M. J.-Y. Arnaud et Mme. D. Jacobs. Enfin, il ne peut pas être fait un usage commercial de l'œuvre sans autorisation.
Saison 3 Episode 1 – Retour en France
Chapitre 1 – Explosion
Dubaï, lundi après-midi
L'envoyé spécial de CNN se préparait à prendre l'antenne en direct. Son reportage couvrait les avancées du sommet de Dubaï sur le commerce international. Le caméraman à ses côtés avait trouvé intéressant d'adopter un plan de cadrage rapproché avec, en toile de fond, la perspective des gratte-ciels si caractéristique de la ville.
A l'écran de la chaine d'information en continu, un bandeau déroulant mentionnait la présence à la table des négociations d'officiels européens et chinois assez remontés envers les taxes américaines à l'importation. Des membres d'organisations internationales, telles que l'O.M.C. et le F.M.I., arbitraient les échanges houleux entre les différentes parties.
Le journaliste américain débuta ainsi les explications durant son temps d'antenne. Mais alors qu'il développait son sujet, un événement improbable survint derrière son dos : Un drone-taxi apparut dans l'objectif de la caméra. L'objet volant se mit soudain à adopter un comportement erratique et finit par s'encastrer dans l'immeuble le plus emblématique de la ville, le Burj Khalifa, le plus haut gratte-ciel au monde. Une énorme explosion retentit brutalement, venant interrompre le reportage en direct sur CNN. Surpris, le journaliste se retourna et commenta la scène en direct :
— Oh mon dieu ! Je crois ... Mesdames et messieurs, ça se passe sous vos yeux ! Je crois que nous venons d'assister à une attaque terroriste d'un genre nouveau !
Chapitre 2 – Dans l’intimité
Paris, jeudi en fin après-midi
Thomas Adam se trouvait dans une chambre d'hôtel au dixième étage d'un immeuble surplombant le périphérique. Le crépuscule pointait, laissant la place au manège incessant des lucioles à quatre roues, alimenté en permanence par le flux de circulation des conducteurs parisiens retournant à leur domicile. La fin d'après-midi n'avait pas été - on peut le dire - trop difficile pour Thomas Adam.
Les deux corps enlacés entamèrent un dernier mouvement de relaxation du bassin après l'effort. Couché sur le dos, Thomas soufflait un peu. Assise sur ses hanches, une femme séduisante semblait satisfaite des dernières minutes passées en sa compagnie. Cependant, le sourire en coin de cette beauté diabolique lui fit pressentir que quelque chose d'inattendu allait sortir de sa bouche, tôt ou tard. Avant de dévoiler ses pensées, elle se leva et se mit, nue, face à la grande baie vitrée. Nulle gêne en elle, son corps était exposé au monde entier ; un monde de conducteurs et conductrices bien trop occupés à poursuivre la transhumance quotidienne vers le foyer. La jeune femme se déhancha, attrapant son chemisier posé sur une chaise. En tournant toujours le dos à son amant, elle enfila le vêtement sans chercher à fermer la boutonnière et commença machinalement à nouer ses longs cheveux bruns. Thomas était subjugué par le physique entretenu de la belle femme qui devait approcher la quarantaine. Il observait la courbure de ses reins transparaissant derrière le halo lumineux issu du trafic routier en contrebas de l'hôtel. L'homme nota la transpiration perler sur le bas de la silhouette de sa partenaire, témoignage intime de leur relation sexuelle endiablée. Il ne s'attarda pas sur ce détail, tout comme la femme qui se tourna vers lui et s’approcha :
— Il ne faudrait pas s'attacher à assouvir ses fantasmes mais on dit qu'il n'y a rien de mieux que de faire l'amour à un homme tout juste sorti de prison.
— ... C'était intense, il confia sur un ton hésitant.
Thomas n'était pas d'un tempérament démonstratif. Il passait sa main sur sa barbe de trois jours et fronçait les sourcils. Ses paupières étaient quasi-fermées et il était difficile de deviner l'origine de cette crispation sur son visage. Joie ou souffrance, la femme ne s'en souciait pas trop :
— C'est bon. Tu peux ouvrir les yeux, mon mignon ! Tu ne vas pas me faire une crise cardiaque dans cette chambre ? lui dit-elle pour détendre l'atmosphère.
Elle souhaitait installer un climat de confiance avant d'attaquer les choses sérieuses. Il se détendit alors de tout son corps et répondit :
— Il faut que je m'isole et que je déconnecte une bonne partie de mes sensations sous peine d'être submergé. C'est un effort considérable. Tu ne peux pas comprendre tout ce qui peut bouillonner dans ma tête si je ne fais pas ça.
Ils se regardèrent. Lui restait étendu sur le lit tandis qu'elle continuait de balancer ses hanches nues devant lui.
— Prends ton temps pour te remettre de tes émotions. En tout cas, cela ne t'empêche pas de continuer à me regarder ; c'est que ça doit aller mieux. Y a-t-il quelque chose que tu cherches à m'avouer ? lui dit-elle sur un ton calme.
Elle monta sur le lit et attrapa sa culotte qu'elle enfila prestement.
— Oui. Vous... Tu me fascines, Régina ! Cela fait quelques heures que nous nous connaissons mais j'ai tellement envie d'en découvrir plus ! Il lui répondit, totalement absorbé par son regard.
Il restait suspendu à ses lèvres pulpeuses qu'il venait d'embrasser fougueusement mais elle ne dit rien. Il attendit, en vain. Tandis qu'il demeurait nu dans le lit, elle enfila son tailleur et ses escarpins. C'est ce même tailleur qu'il avait noté élégant lors de sa convocation officielle, un peu plus tôt dans la journée, à la Direction Centrale de la Sécurité Publique. La femme avait un look d’ « executive woman », un style propre aux femmes présentes aux postes de Direction. Il pressentit qu'elle avait eu et qu'elle aurait toujours l'ascendant sur lui. Il ne fallait pas être devin pour sentir cela. C'était palpable dans son regard et dans son attitude. Ce même rapport de force qu'il avait senti, quelques heures plus tôt, refaisait surface. Elle endossait une carapace psychique qu'il ne saurait jamais percer. Thomas se remémorait les dernières heures passées ...
Chapitre 3 – Capitaine Régina Berheim
Paris, le même jour, quelques heures plus tôt, au 4 rue Cambacérès, siège de la Direction Centrale de la Sécurité Publique.
La salle d'interrogatoire était exiguë et sans fenêtre. Thomas venait d'y passer la matinée à éplucher l'ensemble des affaires que son frère et les capitaines Martel puis Ortiz avaient élucidé, en quelques mois.
Le F.B.I. avait fait pression pour que Thomas leur soit remis afin de purger sa peine. Régina Berheim, capitaine au sein de la Coopération Internationale, n'aimait pas le sentiment de s'être fait dupée par une bande d'américains procéduriers. Elle s'était pliée à un ordre venu d'en haut mais cela ne l'avait pas empêchée de mener sa propre enquête, après avoir rassemblé l'ensemble des dossiers dans lesquels Thomas et son frère, le policier Éric Adam, avait été conjointement impliqués. Ce n'est qu'au bout de six mois qu'elle réussit à faire revenir le prétendu "détenu" Adam par l'entremise du Ministère des Affaires Etrangères.
Régina entra, au beau milieu de l'après-midi, dans la salle d'interrogatoire qui commençait à sentir la transpiration masculine. L'odeur ne la gênait pas. Elle fit signe d'interrompre la déposition de l'agent face à Thomas, tout en prenant la parole :
— Capitaine Berheim. Bienvenue à Paris monsieur Adam.
— Bonjour capitaine. Pff, vous parlez d'un accueil. Il est quelle heure actuellement ? Avec le décalage horaire, je ne sais pas si je dois dormir ou rester éveillé.
— Il est quinze heures. Etes-vous fatigué Monsieur Adam ? Vous êtes un bel homme assez robuste. Les américains semblent vous avoir bien nourri durant votre détention.
— Vous oubliez la quinzaine de jours passée dans les geôles françaises ! Ces six derniers mois ont eu un impact sur ma santé.
— J'imagine que vos sens restent en alerte en dépit de votre état. Vous ne pouvez pas flancher après ce petit interrogatoire, elle lui confia en adoptant une petite voix attendrissante.
Thomas sourit pour la première fois depuis son retour sur le sol français :
— Appelez-moi Thomas si vous voulez. Là, tout de suite, je sens votre parfum. C'est très agréable. Un parfum complexe et ...
— ... et c'est très bien. Maintenant je vais vous demander d'être assez transparent sur vos conditions de détention aux Etats-Unis. Ne me mentez pas, je sais que vous n'avais jamais mis les pieds en dix mois dans les quartiers de la prison fédérale de Manhattan, elle prit une voix bien plus inquisitrice, tout en faisant signe à l'agent sur place qu'elle prenait le relai.
— Le Metropolitan Correctional Center ? Oui, ce n'est pas vraiment là où ma cellule se trouvait, vous savez.
— Je ne sais pas. Eclairez-moi ! Votre matricule y est enregistré mais le numéro de votre cellule n'y existe pas. Expliquez-moi alors ?
— Ne vous inquiétez pas pour moi. Je suis bien traité et j'aurai une réduction de peine conséquente en échange de ma discrétion si vous voulez tout savoir. Mais ce n'est pas pour que je vous raconte ma vie que vous m'avez fait venir. A voir votre regard, vous en savez plus que ça.
— Le capitaine Louise Martel avait déjà effectué des recherches à votre sujet, vous savez.
— Eh bien passez-lui le bonjour de ma part.
Elle sourit brièvement.
— Vous avez le profil de ce qui est communément appelé un "superforecaster" dans les pays anglo-saxons : une sorte de prévisionniste extrêmement pointu. Ajoutez à cela une sensibilité exacerbée et cela fait de vous un véritable laboratoire scientifique ambulant, capable de vision et d'anticipation. Pour beaucoup d'entre nous, cela ressemblerait à de la magie noire !
— Je ne suis pas devin et je ne crois pas aux démons, ni aux divinités si vous voulez tout savoir.
— Thomas, les américains sont pragmatiques et ils savent exploiter au maximum les ressources à leur disposition. Je pense que votre don serait plus utile ici.
— Vous pouvez espérer de moi que je prédise le temps qu'il va faire, encore que cela soit assez difficile depuis une cellule de prison française. Je m'en suis rendu compte lors de ma dernière arrestation, il concéda d'un air narquois.
— Thomas, soyez un peu sérieux et pensez à votre famille restée dans le sud de la France. Vous avez envie de revoir vos proches, n'est-ce pas ? Je peux vous permettre cela si vous m'aidez en retour, elle lui répondit avec un peu de lassitude sur la voix.
Il se raidit.
— Maintenant, vous avez toute mon attention. Que voulez-vous à la fin ?
Elle se détendit alors et commença à feuilleter son dossier, avant de pointer un élément et d'y faire référence :
— Comment avez-vous pu mener une vie normale avec une sensibilité accrue au toucher, au gout et aux odeurs ?
— On m'a diagnostiqué une hyperosmie atypique à l'adolescence mais cela a forgé mon caractère au lieu de me détruire. C'est aussi simple que cela.
— Autant de qualités dans une seule et unique personne que le F.B.I. cherche à exploiter. C'est aussi simple que cela, comme vous dites. Ai-je raison ?
— C'est vous qui le dites. Je reste leur prisonnier.
— Vous êtes, ici, en liberté surveillée. J'ai négocié personnellement votre venue et un possible aménagement de votre peine.
— Vous avez négocié avec eux ? Vous plaisantez, j'imagine.
— Ecoutez, nous avons des intérêts communs et nous sommes parvenus à un accord temporaire.
— Ne soyez pas naïve ; on voit que vous ne les connaissez pas ...
— Soit. Techniquement, plus rien ne vous retient ici. N'empêche que je suis la seule ici, dans ces locaux, à croire que vous pouvez réellement apporter une énorme plus-value à nos enquêtes alors faites attention à votre petit cul si vous ne voulez pas que je vous envoie illico avec un plus gros casier à Rikers Island !
— Je crois que j'ai compris : je vous suis redevable, capitaine Berheim. Alors après tout ce temps passé avec votre collègue à ressasser de l'histoire ancienne, je suis libre ... il lâcha ce commentaire, à moitié surpris et satisfait par la proposition.
— Appelez-moi Régina. Oui, après avoir signé les papiers que je vous tends. Vous accepterez de venir pointer régulièrement au commissariat le plus proche ; ce sera une contrainte légère pour vous puisque, désormais, vous travaillerez pour moi.
Thomas prit les papiers qu'elle lui tendait. Il les survola et ratura la dernière page en ajoutant à voix haute :
— De toute manière ai-je vraiment le choix ? J'espère que vous tiendrez votre parole.
— Vous pouvez me faire confiance. La porte de cette salle n'est pas verrouillée et personne ne s'y trouve derrière. Pas même l'agent Toussaint Levi. Vous pouvez quitter nos locaux quand bon vous semble.
Un peu dépité, il la questionna :
— Pour aller où ? Je n'ai même pas de quoi me payer un café !
— Vous êtes pris dans les prochaines heures ? Cela vous dirait qu'on fasse plus ample connaissance ?
— Pourquoi pas ?
Chapitre 4 – Le dernier train
Retour à la chambre d'hôtel
Thomas commençait, lui aussi, à se rhabiller. Le style de la pièce avait été modernisé récemment et le déclenchement automatique de l'ambiance tamisée survint au moment où les questions et les remarques commencèrent à fuser:
— Qu'est-ce-que vous ressentez ici dans cette chambre ? elle lui demanda, soudain, en montrant les murs de la pièce.
— Je ressens pas mal de chose pour toi après ce que nous venons de faire ... il concéda, un brin amusé.
Régina Berheim ne faisait pas dans le registre sentimental et, après une pause de quelques secondes, elle devint insistante :
— Arrêtez de vous la jouer. C'est sérieux. Que vous dit cette chambre ? Faites marcher votre don !
— Pardon, on se vouvoie alors ?
— C'est moi qui pose les questions. Maintenant vous allez vous lever et inspecter la pièce !
Devant l'ordre abrupt, Thomas se raidit. Son incompréhension était manifeste. Régina était passée à tout autre chose. Il nota que sa main n'était pas loin de son arme de service ce qui rendait la situation bien plus inconfortable. Après avoir enfilé son pantalon, il se hâta de poser les pieds au sol et de toucher les murs :
— Je vois pas mal de personnes qui sont passées par cette chambre, qui y ont dormi et qui y ont fait l'amour comme nous. A vrai dire, c'est une chambre d'hôtel comme des milliers d'autres.
— Non mais vous allez vous sortir les doigts... Je sais tout cela ! Que vous dit cette chambre ? Elle a une histoire ! Que vous dit ce lit, à la fin !
— Ok, vous avez sélectionné cette chambre en particulier pour une enquête ... En réalité, il y a trop de monde pour distinguer quoique ce soit. A moins que ... Les draps étaient propres avant notre arrivée. Il provenait d'une laverie automatique en banlieue et le lit a été fait par une femme d'origine slave. Du reste, je ne suis pas devin. Qu'est-ce-que vous recherchez à la fin ?
— Ne me faites pas regretter de vous avoir évité un retour par la case prison ! Creusez le sujet ! Arrêtez les banalités ; je vous demande de remonter à un événement notoire. Quelque chose de particulier !
Thomas parcourut les murs et les objets de la pièce. Soudain, il frémit :
— Je sens qu'une personne influente a eu des relations plusieurs fois dans cette pièce. Une personne de la soixantaine qui a rencontré des femmes, souvent plus jeunes que lui. Il y en a une qui a terriblement souffert...
Au contact de minuscules griffures sur la table de chevet, la vision d'une jeune femme souffrante lui apparut avec celle à ses côtés d'un homme âgé qui la violait littéralement.
Elle ajouta :
— Continuez. Soyez plus précis !
— Je veux sortir. Pas question de rester une minute de plus dans cette pièce ...
— Ecoutez, vous ne m'êtes d'aucune utilité si je n'ai pas plus de détails pour identifier cette fille alors détaillez, s'il-vous-plait.
— Vous savez ce qui s'est passé dans cette pièce ! Dire que cela ne vous a pas empêché d'avoir une relation ...
— Du nerf, Adam ! Je ne voulais pas perturber vos visions mais vous êtes dans le vrai : un homme puissant, mondialement connu, aurait passé quelques parties de jambes en l'air dans cette chambre. Vous ne l'avez pas senti ? Tout le mobilier aurait dû vous faire toucher du doigt ces événements. Etes-vous un imposteur ?
— Vous êtes malade !
— Continuez ou bien je vous ramène avec les menottes à votre ami, l'agent Toussaint Levi !
— Ce ... Nous ne sommes pas amis, à vrai dire. Très bien, très bien ... Laissez-moi au moins reprendre mes esprits !
Il poursuivit sa quête à la recherche d'indices et de visions quand un enfoncement imperceptible du mur lui transmis un flash bien plus violent :
— Là, la tête de la fille a heurté le mur avant qu'elle ne s'écroule. C'est une femme originaire du Moyen-Orient ou avec des liens de parenté avec des personnes de cette région du globe.
Régina finit d'ajuster son chemisier, satisfaite des premiers indices :
— C'est nouveau et intéressant ...
— Le type en question est décédé. Il participait à la conférence économique mondiale, celle où a eu lieu l'attentat terroriste, il y a quelques jours ?
— Vous avez vu ça en effleurant les rideaux de la douche ? Vous m'épatez !
— Non, j'ai juste regardé les chaines d'information comme tout le monde. Pour que le F.B.I se couche et me libère, il faut que des intérêts américains soient en jeu. Rien de tel que des négociations commerciales avortées pour mettre la pression.
— Souvenez-vous que vous êtes en liberté surveillée. Avez-vous plus de détail sur la femme ? A quoi ressemble-t-elle ?
— Elle est belle, grande et fine. Plus d'un mètre soixante-quinze, c'est assez rare pour la région. La vingtaine tout au plus. Je ne le crois pas ... Quel sauvage !
— Quoi ?
Plus il effleurait l'ensemble du mur, plus le dégout se lisait sur son visage. Il ajouta :
— Elle s'est évanouie de douleur. C'est dégueulasse !
— Comment était-elle habillée ?
— On s'en fout un peu non ? C’est horrible ce qui s’est passé !
— Allez !
— Je sens des habits de luxe mais c'est difficile à identifier. Trop d'odeurs dans cette pièce et nous...
— Ok, on va faire différemment : Une prostituée ? Une domestique ? Une personne riche ?
— Une fille qui n'était pas dans le besoin. Des cheveux bruns, une manucure parfaite et un maquillage soigné, il ajouta en serrant son pouce et son index comme pour palper un résidu sur le rideau de la baie vitrée.
— Vous voyez quand vous le voulez. Nous avons quasiment un portrait-robot de la victime. Est-ce-que vous voyez dans votre esprit, le visage de l'agresseur ?
— Je crois. Même si son nom n'est toujours pas apparu dans les journaux.
— Parfait. C'est tout pour aujourd'hui. Vous allez donc pouvoir nous aider sur la suite de cette enquête ...
— C'est bon, on a fini ? Je viens de passer un test d'entrée, c'est ça ? Si vous le voulez bien, je vais sortir maintenant et tenter d'oublier ces dernières minutes, conclut-il assez remonté contre elle.
— Avec brio ! Attendez, prenez cette enveloppe. Vous y trouverez un billet de train, la clef d'un logement de fonction et vous vous présenterez demain matin au commissariat situé à l'autre bout de la rue. Réjouissez-vous ! Vous partez pour le Sud !
Il attrapa l'enveloppe et sortit les billets et l'adresse du commissariat en question. Puis il écarquilla les yeux en y lisant la destination :
— Le Sud ? C'est une blague ! Vous m'envoyez à Toulouse ! Mais, c'est à plusieurs centaines de kilomètres d'Aix-en-Provence et de ma famille !
— Je ne suis pas votre assistance sociale, Monsieur Adam ! Et puis, vous n'allez pas faire votre difficile pour quelques kilomètres ! Votre train part dans une heure ; vous avez intérêt à y sauter dedans !
— Il faut vous faire soigner. Non mais vous savez ce que vous êtes ?
— Maitrisez-vous, c'est un conseil ! Désormais, j'exige de vous un comportement professionnel. Vous restez sous mes ordres, à la merci de mon bon vouloir - même là-bas - j'espère que c'est bien compris. Vous me rapporterez tout. Un ultime avis : n'essayez pas de me doubler et, accessoirement, tenter de rester en vie... furent les derniers mots échangés avant que Thomas ne quitte la vie intime de Régina Berheim aussi vite qu'il y était entré.
Passablement contrarié par les dernières minutes, il quitta la chambre en claquant la porte. En bas de l'hôtel, une escorte policière attendait Thomas pour l'emmener à la gare et s'assurer qu'il prendrait bien le dernier train de nuit - L'Occitan - en direction de Toulouse.
Chapitre 5 – Commissaire Fabien Sentac
Toulouse, accueil du commissariat central, vendredi matin
Une jeune femme en uniforme vint serrer la main de Thomas. Cheveux courts, blonde aux yeux bleus et d'un joli minois, son allure laissait transparaitre un corps sportif allié à un caractère explosif. Les cals de sa main, sa posture ainsi que le port de son avant-bras lui firent facilement deviner qu'elle s'adonnait au karaté depuis ses plus jeunes années.
— Commissaire Sentac. Bonjour Monsieur Adam. Alors c'est vous le consultant de la Direction Centrale de la Sécurité Publique. Vous vous y connaissez bien en affaire internationale, j'imagine ?
En matière de présentation, Fabienne Sentac était assez directe. Pas grand-chose ne l'impressionnait. Il fallait un tempérament de fer pour arriver à la trentaine à un poste de commissaire avec de telles responsabilités.
Thomas venait de remplir les formalités administratives. Il n'avait pas la tête aux présentations d'usage, lui non plus :
— Vous avez une machine à café ? Je n'ai rien mangé depuis hier soir et j'ai besoin d'une bonne douche, là maintenant.
Elle le dévisagea de haut en bas, puis se ravisa et lui tendit une enveloppe :
— Tenez. C'est un dédommagement de la part du capitaine Berheim. Elle m'a prévenu que vous seriez de mauvaise humeur. Elle m'a dit aussi de ne pas hésiter à vous mettre derrière les barreaux si je sentais un manque de coopération de votre part.
— Je n'en doute pas ...
Thomas pris l'enveloppe et y trouva quelques billets de banque à l'intérieur. Elle reprit :
— Allez déjeuner maintenant et vous laver dans votre nouveau logement. Vous avez beau être le chouchou d'une capitaine bien placée dans la hiérarchie mais ici vous serez traité comme tout le monde !
— Je n'aurais pas choisi le mot "chouchou" mais bien madame la commissaire Sentac. Je suis à vos ordres, il lui répondit d'une manière un peu trop policée.
Elle n'était pas dupe mais elle ne se formalisa pas. Elle lâcha :
— Je vous veux ici présent dans deux heures. Pile, au même endroit.
— J'aurai quand même droit à un quart d'heure toulousain de retard ?
Elle lui fit alors de gros yeux :
— Le quart d'heure toulousain est une légende urbaine. Je vous conseille de respecter l'heure et les consignes !
— J'essayais de détendre l'atmosphère. Excusez-moi. Je ne voulais pas vous vexer.
— C'est ça !
Thomas ne se fit pas prier pour quitter le commissariat. Il avait repéré, en arrivant, une boutique de téléphonie mobile dans une rue adjacente et il s'y engouffra. Il ressortit avec un téléphone et composa le numéro de son frère qu'il avait conservé en mémoire :
— Allo ?
— Éric ! C'est moi.
— Thomas, c'est bien toi ?
— Comme ça fait du bien d'entendre ta voix. Je craignais que tu aies changé de numéro ...
— Cela fait six mois que je n'ai plus de nouvelles de toi ! C'est quoi ce numéro français inconnu ? D'où est-ce-que tu m'appelles ? Je ne suis même pas arrivé à te localiser après ton incarcération en France !
— Je suis resté à l'isolement quinze jours avant d'être renvoyé aux Etats-Unis. Pour une raison encore obscure, le capitaine Régina Berheim a trouvé le moyen de me faire revenir ici.
— Tu es à Aix-en-Provence ?
— Non, Berheim vient de m'envoyer à Toulouse pour exploiter mon expérience sur une affaire internationale.
— Berheim, Berheim ... Ce nom me dit quelque chose ...
— Comment vas-tu depuis la dernière fois ... et comment vont Nathalie et Maya ?
— Tout la petite famille se porte bien. Il y a eu pas mal de mouvement ici après l'échec retentissant de la traque du pendu. Tu as bien fait de partir, tu sais. Martel, Conti et un tas d'autres gradés se sont fait muter. Ça a été un carnage ici ! L'Inspection Générale nous a pris un par un après le meurtre de trois de mes coéquipiers. Ça a duré un mois non-stop !
— Et Isabelle ?
— Plus aucune nouvelle de notre sœur, Thomas. La traque du pendu s'est arrêtée peu de temps après que tu te sois fait arrêter. J'ai été dessaisi de l'affaire avec interdiction de rouvrir les dossiers sous peine d'une mise à pied.
— Plus personne ne recherche Isabelle ? Après tout ce qui s'est passé, tu leur as raconté toute l'histoire ?
— Oui, crois-moi. Je leur ai tout dit. Le commanditaire traine toujours dans la nature et il a liquidé la seule personne qui aurait pu nous mener à lui. J'espère qu'il n'est rien arrivé à Isabelle ?
— Je ne crois pas... Je ne peux pas le croire...
— J'ai écouté une discussion par hasard, un soir. L'enquête sur tous ces meurtres est au point mort. Plus personne ne recherche Isabelle. Elle n'est plus réapparue depuis cet événement tragique.
— C'était prévisible. Il faut s'y atteler personnellement alors.
— Je suis surveillé jour et nuit, tu sais ...
— Ils ont prolongé la protection de ta maison du moment que tu coopérais et que tu faisais ce que la Police des Polices te disait de faire. Ça rassure un peu Nathalie mais ça en devient compliqué pour toi.
— Oui c'est l'accord conclu, en quelque sorte. Je dois faire avec, pour ma famille, tu comprends. Au fait, tu es à nouveau tonton d'un petit Gabriel. Comme d'habitude, on ne t'a pas attendu pour fêter cela, Éric ironisa.
Thomas sourit :
— Ça me fait plaisir pour vous tous ! J'aurais tant aimé être avec vous dans ces moments heureux !
— Tu sais que tu nous manques à tous. Maya ne parle que de toi. Je dois te laisser Thomas ; notre échange éveille la curiosité d'une personne de l'autre côté de la vitre de mon bureau. Est-ce-que je peux te rappeler ce soir à ce même numéro ?
— Oui. Pas de soucis. A ce soir, Éric !
Thomas raccrocha. Son nouvel appartement n'était pas loin et l'heure qui lui restait ne serait pas de trop. Il avait envie de manger un peu et de faire partir la transpiration de plusieurs nuits dans les transports.
Chapitre 6 – Pot de départ
Toulouse, commissariat central, vendredi fin de matinée
La commissaire Sentac avait laissé des instructions à l'accueil. Thomas Adam arborait désormais le badge destiné aux consultants. Il se rendit dans la salle de débriefing qui faisait office aujourd'hui de salle de réception en l'honneur du départ du Commandant De Litton.
De Litton était un petit homme, bien en chair. De ceux, à l'égo surdimensionné, qui évitaient soigneusement d'aller sur le terrain. C'était un carriériste qui attendait son heure pour monter à la capitale depuis une bonne dizaine d'années.
Dans les faits, le Capitaine Vaudrel remplissait les véritables fonctions d'encadrement. Respecté de tous, Jérôme Vaudrel était un grand homme, sec, aux grands yeux bleus, qui en dépit d'un premier abord austère, restait humble et entièrement à l'écoute de ses pairs. La commissaire Sentac se tenait à ses côtés, un peu en retrait de l'estrade. Le capitaine prit la parole tandis que Thomas se mêlait aux derniers rangs de l'assemblée :
— Ce pot de départ est pour moi l'occasion de féliciter notre commandant pour sa promotion et nous lui souhaitons autant de succès à Paris qu'il en a eu ici !
[Applaudissement]
Deux collègues, devant Thomas, commentaient, à distance, l’événement :
— Bon débarras. Quelle triple buse ! Qu'ils le gardent à Paris ! chuchota l'homme à la droite de Thomas.
Le commandant sur le départ pris la parole :
— Tout au long de cette année, j'ai beaucoup appris auprès de vous et de vos supérieurs...
— On ne la jamais vu. Il fallait bien qu'il fasse quelque chose de toutes ces journées dans son bureau. Il a appris des choses ; c'est super pour lui ! ironisa, à voix basse, l'homme toujours à sa droite.
— Je suis heureux de laisser un service pleinement opérationnel et parfaitement en ligne avec les standards.
— Putain con ! Ce n'est pas grâce à toi si ce service fonctionne encore malgré les réductions d'effectifs, chuchota un peu plus fort la même personne bien que sa remarque restât inaudible de l'estrade des supérieurs.
Le héros tourna la tête vers l'homme qui persiflait. L'autre collègue à gauche observa le regard de Thomas et, sentant le malaise s'installer, il se permit une remarque :
— Ne faites pas attention à ses commentaires. Il a passé une année difficile.
— Ne vous inquiétez pas. Je ne suis pas de la maison. Il l'a quand même traité de prostituée, de con et de triple quoi au fait ?
— Vous n'êtes pas du coin, vous ? Ici ce sont juste des points d'exclamation dans le discours.
— Ok, excusez-moi, je suis parti trop longtemps et je suis nouveau dans la région. Il a l'air assez énervé votre camarade.
— Non il est toujours comme ça. C'est, chez lui, plus une figure de style qu'un état d'esprit.
— Une figure de style... C'est bien d'aimer la littérature, s'amusa le héros.
— Ne vous y trompez pas. Celui qui a passé son temps à lire de la littérature durant le travail, c'est le type que vous voyez parler sur l'estrade. De Litton, conclut-il.
— Je me présente : Thomas Adam, je suis consultant.
— Et moi, Norbert Leroy. Vous êtes ici pour longtemps ?
— On verra.
Au même moment, le chef qui venait de terminer son discours de remerciements, éleva un peu plus la voix :
— ... et dans le cadre de votre coopération avec les autres régions, nous accueillons un consultant détaché tout spécialement pour ce service, Monsieur Thomas Adam ? Vous là-bas au fond ! Ne soyez pas timide et venez me rejoindre.
Le héros dût se résoudre à faire son apparition de manière cérémonieuse, ce qui lui déplaisait au plus haut point. Il prit la parole à contrecœur :
— Bonjour à tous. Je suis Thomas Adam, consultant pour la brigade criminelle d'Aix-en-Provence ...
— ... merci Thomas. Oui, la direction a décidé de faire profiter de l’expérience de nos collègues des autres régions. Thomas, vous êtes ici sur les recommandations du ministre !
Une vague de chuchotements se fit alors entendre. En s'approchant de lui, il ajouta à voix basse :
— Voyez l'effet de votre arrivée ! ...et je n'ai même pas fait allusion à vos collègues de la police de New York ... ou du F.B.I. ? Honnêtement j'ai déjà oublié mais ce n'est pas grave.
Visiblement, on n'avait raconté qu'une partie de l'histoire au commandant. Thomas esquissa un sourire gêné avant de prendre brièvement la parole :
— Oui alors... bonjour, la Direction Centrale de la Sécurité Publique m'a effectivement affecté dans vos services, pour quelques mois, avant de retourner, je l'espère, dans ma région d'origine ... Nous ferons équipe et je ferai tout pour apporter mon aide dans la résolution de vos affaires. Merci.
Les discussions à voix basse ne s'étaient pas arrêtées dans la salle.
De Litton s'estimait satisfait de sa nouvelle recrue :
— C'est bien ! Très bien ...
Puis il glissa, à voix basse, sur le ton de la plaisanterie :
— Un sacré morceau de femme, Régina Berheim, n'est-ce pas, Thomas ? En fait, c'est un vrai dragon dans un corps de déesse. Je vous conseille de rester bien éloigné de ses griffes ...
L'allusion ne fit pas particulièrement sourire Thomas. De Litton haussa la voix pour s'adresser maintenant à tout le monde :
— Hé, hé ! Allez, allez ! Maintenant vous êtes cordialement invités à partager des mignardises et quelques verres de jus de fruit.
L'assemblée se dispersa vers la table des boissons non alcoolisées. Certains restèrent à discuter entre eux et d'autres partirent tout simplement.
Le capitaine Vaudrel s'approcha de Thomas :
— Bienvenue chez nous, Thomas.
Puis, en se retournant vers la commissaire Sentac :
— Fabienne, ce Consultant de la Direction est tout à vous ! Je vous laisse ; je dois accompagner le commandant.
La jeune femme se rapprocha de Thomas :
— Si vous avez faim alors je vous suggère de grignoter un peu car on décolle d'ici pour aller au B.E.A., dans dix minutes.
— Qu'est-ce-que vous voulez dire par B.E.A. ? il demanda par curiosité.
Sans lui répondre, elle attrapa rapidement quelques petits pains et un verre de jus de fruit, tout en lui conseillant d'en faire autant.
Chapitre 7 – Les présentations
Toulouse, début d'après-midi à l'antenne régionale du B.E.A.
La commissaire Sentac était nerveuse au volant du véhicule banalisé. Elle ne put cacher longtemps l'objet de son agacement :
— Berheim fait débarquer toute une équipe quand elle veut mettre le paquet sur une enquête et ils ont pour habitude de se gérer eux-mêmes. Je n'en ai pas personnellement contre vous mais c'est assez ingrat de jouer la baby-sitter pour elle quand un simple consultant est détaché sur le terrain.
— J'imagine que ses agents sont déployés sur un autre volet de l'affaire.
— Elle se trompe rarement. En règle générale, ça veut dire que notre apport dans l'affaire sera minime. Des heures de travail pour rien, voilà ce qui m'attend ...
— J'en suis désolé. Vous ne m'avez toujours pas dit où nous allions ?
Elle expliqua, un peu plus en détail, l'objet de leur départ précipité :
— Le Bureau d'Enquête Accident est adressé lors d'un crash d'un aéronef. Il est mobilisable, 24 heures sur 24, par plusieurs états et pour de multiples expertises. L'antenne de Toulouse est spécialisée dans l'analyse des enregistrements de bord et toutes les simulations de vol envisageables.
— On enquête sur l'attentat de Dubaï, j'imagine.
— Au moins, une bonne chose de faite : le capitaine Berheim vous a briefé sur le sujet.
— Oui ... Enfin, elle a des méthodes assez particulières votre capitaine.
— Ecoutez, on parle d'un mort et de plusieurs blessés sur la zone d'impact. Vous vous ferez tout petit durant l'échange entre les différentes autorités et vous me reporterez votre analyse. Evitez de m'encombrer avec vos ressentis. On a tous nos problèmes.
Thomas se garda de tout commentaire jusqu'à l'arrivée dans les locaux du B.E.A. où une fouille en règle les attendait avant d'entrer dans les hangars sécurisés.
Par mégarde ou simple oubli de sa part, il bipa au portique et dû se résoudre à sortir son téléphone pour le déposer dans une panière destinée à l'inspection aux rayons X.
De l'autre côté du portique, la commissaire Sentac attrapa le mobile et pianota rapidement.
Thomas s'exclama :
— Qu'est-ce-que vous faites ? Ceci est ma propriété !
Une sonnerie retentit. De manière nonchalante, elle lui rendit alors son téléphone et finit d'envoyer un message avec le sien :
— N'y voyez rien de personnel. Le capitaine Berheim a toujours souhaité avoir un contact privilégié avec ses petits protégés, elle ironisa.
— Vous avez une compétition de karaté, ce week-end, n'est-ce pas ? Il faut vous détendre un peu et, accessoirement, lâchez-moi avec le capitaine Berheim ! il répondit sèchement.
— Non mais comment savez-vous que ...
— ... C'est pour ça qu'on fait appel à moi, commissaire Sentac.
Il prit son appareil sans lui jeter, ne serait-ce qu'un regard. Le personnel de sécurité leur donna un badge et une oreillette, à chacun, tout en leur indiquant la direction à suivre.
Ils étaient attendus dans la salle de direction dont un écriteau sur la porte mentionnait : "War Room - Ne pas entrer sans autorisation"
A l'intérieur, l'ambiance était froide et solennelle. Le directeur du B.E.A., un homme à lunette, grand et sec présentait calmement les différents intervenants.
Il y avait deux officiels, l'un de l'émirat de Dubaï et un autre du consulat américain. Parmi les autres personnes à table siégeait l'équipe logicielle du constructeur américain du drone-taxi composée du chef de service ainsi que quatre de ses ingénieurs principaux en contrôle de la motorisation, navigation et sécurité. Ensuite, deux hommes appartenant au B.E.A. se présentèrent : le premier était le responsable des systèmes de simulation et le second, quant à lui, avait la responsabilité de l’analyse des échantillons incluant les boites noires. Puis, vint le tour de nos deux protagonistes :
— Je me présente, Commissaire Sentac, agent français de liaison pour le compte de la Direction Centrale de la Sécurité Publique.
— Thomas Adam, consultant détaché de la Direction Centrale de la Sécurité Publique.
Thomas sentit vite, un flottement après ses dernières paroles. Sans vraiment comprendre la raison, il se tourna vers Sentac qui réagit aussitôt, en forçant le trait :
— Consultant français avec comme domaine d'expertise le ...
Son hésitation fit froncer les sourcils du directeur qui détestait la présence de personnes inutiles à l'enquête.
— Consultant en matériaux. Oui, tout ce qui est texture, composition chimique, etc. lâcha vaguement Thomas, en espérant calmer l'auditoire.
Son intervention n'eut aucun effet sur le directeur néanmoins le silence se fit de nouveau dans la salle.
Elle râla, à voix basse, contre lui, tout en prenant soin de masquer d'une main l'oreillette pour la traduction :
— Il faut vraiment vous tirer les vers du nez ...
Le directeur reprit alors la parole et dans un anglais compréhensible de tous, il signifia :
— Je veux des faits rien que des faits ! Nous ne sommes pas là pour évaluer les ressorts psychologiques et autres âneries humaines de cet accident. Je veux une analyse technique poussée dans les 48 prochaines heures sur mon bureau. Vous aurez accès à toutes les sources d'enregistrement disponibles dans la zone de vol. Les données de la boite noire, des caméras de bord et les échanges de communication entre le drone et le reste du monde sont ainsi à votre disposition.
Tandis que le chef égrenait l'ensemble des pièces versées au dossier pour analyse, un écran géant affichait des extraits de chacun des documents en question.
— Nos traductrices se relaient toutes les 6 heures et seront pleinement opérationnelles sur cette période. Vous aurez à votre disposition, 24 heures sur 24, l'ensemble des moyens de simulation du B.E.A. Les débris du crash sont à votre disposition, pour étude, dans le hangar auxiliaire. Seul, le corps de la victime n'est pas présent. Son identité est en cours de confirmation. Le médecin légiste qui vient de procéder à l'autopsie reste d'astreinte pour répondre à vos questions. Hormis ma propre personne ainsi que celles de nos représentants émiratis et américain, il est le seul lien avec l'extérieur qu'il vous sera permis de contacter durant les prochaines 48 heures. Je laisse le directeur de la simulation vous expliquer les aires de repos et de restauration. Les éléments de cette enquête sont classés confidentiels. Nos chauffeurs vous ramèneront à vos hôtels ou appartements. Vos téléphones et ordinateurs portables seront consignés à votre sortie de nos locaux, le temps de l'enquête. Vous pouvez les utiliser dans nos hangars mais il vous est interdit de photographier ou filmer quoique ce soit.
A l'exception des représentants officiels et du directeur, l'ensemble des personnes se leva et commença à se diriger vers la sortie. C'est alors que le Directeur prit à partie la commissaire Sentac et Thomas :
— Ecoutez, vous ne m'avez pas trop l'air d'un consultant en structure des matériaux. Je sais que Berheim parvient toujours à me mettre un joker de dernière minute dans les enquêtes. J'espère que vous contribuerez à l'enquête sinon je vous conseille de ne pas vous mettre en travers de ma route !
Ils quittèrent à leur tour la "War Room" pour entrer dans une salle pleine d'ordinateurs. Thomas, un peu dépité ne manqua pas, de commenter la dernière intervention du Directeur :
— Tout le monde a décidé d'être aimable avec moi, il lâcha avec une certaine désinvolture.
— C’est bon, vous n’êtes pas mort. Vous ne voulez pas une cellule de soutien psychologique rien que pour vous ? elle répondit du tac au tac.
Thomas encaissait, sans broncher, les remarques acerbes.
Chapitre 8 - Salle des simulateurs
Le responsable des systèmes de simulation prit la parole :
— Nous allons rejouer les dernières minutes avant le crash. Le hangar, de l'autre côté de la vitre, dispose d'une cabine montée sur vérin destinée à reproduire les dernières sensations de la victime. Je demande aux équipes du constructeur de diffuser sur les écrans géants tous les paramètres de vol du drone-taxi tandis que nous entrons tout cela dans le simulateur.
Le reste de l'après-midi et la soirée furent consacrés à la simulation de vol théorique du taxi volant en mode autonome. Plusieurs séquences furent jouées en changeant le poids du passager, la force des vents, la position du soleil et différents écarts de température.
Tard dans la soirée, le Directeur du B.E.A. annonça via le haut-parleur :
— Messieurs, dames, nous arrêtons pour ce soir. Je vous rappelle que vous êtes astreints à la plus stricte confidentialité et qu'un chauffeur viendra vous récupérer devant vos appartements respectifs, demain à six heures du matin.
Thomas n'était pas mécontent d'en finir pour aujourd'hui. Entré dans son appartement sans âme, il s'effondra sur le lit sans même se déshabiller.
Chapitre 9 – Une longue journée
Toulouse, Samedi matin à six heures devant l'appartement de Thomas Adam.
Thomas reconnut immédiatement le policier grincheux lors de la cérémonie de la veille. Il se présenta tout en lui serrant la main :
— Agent Jean-François Marleau, la commissaire Sentac m'a dit de venir vous récupérer à votre domicile. Elle n'a pas pu se joindre à nous. Si vous voulez bien me suivre, nous allons marcher jusqu'à un hôtel.
— Bonjour. On s'est déjà vu à la réception du commandant De Litton ! Vous faisiez un peu la tête, s'exclama Thomas.
— Oui, vous parliez avec mon collègue Norbert. Excusez-moi si je vous ai paru désagréable. Je suis quand même content que De Litton s'en aille.
— Pas de soucis. Est-ce qu’on pourrait passer par une boulangerie, s'il-vous-plait ? Je n'ai rien mangé ce matin.
— Comme vous voulez. C'est sur le chemin. Nous en avons pour une vingtaine de minutes à pied.
Tandis que le duo marchait dans la ville, le flux de véhicule autour d'eux s'interrompait au gré du ramassage des poubelles et des arrêts des camions de C.R.S. La mine interrogatrice de Thomas déclencha un commentaire :
— N'y faites pas attention. Nos collègues C.R.S. préparent le terrain en vue des manifestations, aujourd'hui. Tous les samedis, c'est la même rengaine. Ils sont à la recherche du moindre bidon d'essence soigneusement planqué, des armes ou d’autres objets contondants. Regardez ! De l’autre côté de la rue, le boulanger ouvre sa boutique. Allez-vous prendre une chocolatine !
— Un pain au chocolat, vous voulez dire ?
— Des mamies en ont assommé des plus costauds que vous, pour les avoir entendus dire « pain au chocolat » au lieu de « chocolatine » ! s’exclama Jean-François Marleau, avec humour.
C'est en sortant de la boulangerie que Thomas trouva l'agent Marleau en train de discuter avec un jeune homme qui semblait affolé. En un coup d'œil, il nota la sortie de Thomas ainsi que l'arrivée de deux C.R.S au pas de course. Soudain, il attrapa le jeune homme et d'une clef de bras il le plaqua au mur puis il cria aux deux hommes qui accourraient :
— C'est bon ! Occupez-vous de vos oignons. Celui-là je le tiens ! Agent Jean-François Marleau du Central de Toulouse.
Il montra sa plaque, si bien que les deux hommes casqués arrêtèrent leur course et s'enquirent de la situation :
— On va le récupérer. Nous avons des questions à lui poser à propos d'une caisse de cocktails Molotov planquée derrière une poubelle.
— C'est faux ! C'est faux, chuchota le jeune homme.
L'agent Marleau leur asséna :
— Je m'en fous. Je l'arrête pour outrage à agent. C'est ma prise, vous comprenez ! Vous l'interrogerez durant sa garde à vue. Je vous laisserai un quart d'heure avec lui. Venez sous le coup de midi.
Les deux gardes de la compagnie C.R.S ne cherchèrent pas à discuter. Tout juste, ils jetèrent un regard noir vers Thomas qui s'était approché :
— Qu'est-ce-que tu veux toi ? lâcha l'un deux.
— Il est avec moi. Allez-vous en maintenant ! finit de dire le policier à ses deux collègues qui se résolurent à partir.
Thomas s'approcha de l'agent Marleau qui relâchait déjà la pression sur le bras du jeune homme et qui s'inquiéta de sa santé.
— Merci, monsieur l'agent ! répondit le jeune homme maintenant libéré de sa prise.
— Allez, file! C’est ton jour de chance.
Le jeune homme s'enfuit en courant. Thomas venait d'assister à la scène et demanda quelques explications. Tout en marchant, ils discutèrent :
— Vous le laissez partir ... Vous avez décliné votre identité et vos deux compères vont vouloir comprendre pourquoi il ne se trouve pas en garde à vue.
— Vous savez, beaucoup d'agents comprennent la colère des manifestants qui ne parviennent plus à boucler leur fin de mois sans endetter. Ce samedi, nos collègues C.R.S. vont encore user de la matraque et des gaz lacrymogènes. Ils ne sont pas à un agitateur près et puis je vous garantis qu'ils auront d'autres chats à fouetter, ce midi, avec la pagaille que ça va être.
— Ok, vous voulez dire qu’ils seront trop occupés à contenir la manifestation.
— Les ordres sont les ordres.
— Ça fait longtemps que ça dure ?
— Trop longtemps pour que tous les camps soient instrumentalisés. On ne sait plus qui vient, ni pourquoi. J'ai vu quelques collègues se mêler à la foule. Pas pour noyauter les perturbateurs mais pour réellement manifester à côtés de celles et ceux qui détestent ces donneurs de leçons qui nous gouvernent. Des collègues à mon fils, qui est pompier de la ville de Toulouse, se sont fait tabasser, la semaine dernière.
— Vous ne savez plus qui défendre dans ces manifestations du samedi.
— Oui. Ça me lasse autant que ça m'ennuie car mon fils pourrait très bien en faire partie et perdre un œil voire pire dans le cortège. Chaque agent réagit à sa manière et je respecte tous les points de vue.
— Je comprends.
— On peut se tutoyer. Tu vas bosser un certain temps avec la commissaire Sentac, n'est-ce pas ?
— Apparemment c'est le cas. Est-elle toujours aussi cassante ?
— Disons, qu’elle aime les choses carrées et les méthodes qui ont fait leurs preuves ; elle va te le faire comprendre. Comme on dit ici, tu vas tellement serrer les fesses qu'il suffira de te mettre une olive dans le derrière pour en tirer de l'huile !
— Amusant. Je note l'expression. Enfin ça ne me rassure par trop ce que tu dis...
— Il faut apprendre à la connaitre. Au bout d'un certain moment, elle se fait plus conciliante. Sois patient.
— Si tu le dis.
— Nous y sommes. Les autres t'attendent dans le bus. Bon voyage.
— Merci. Bonne journée. Fait attention à toi.
L'agent Marleau sourit avant d'aller faire la bise à la commissaire Sentac puis il s’éclipsa. Celle-ci offrit, en revanche, une poignée de main ferme à Thomas en signe de bienvenue :
— Le bus nous attend à l'arrière, un peu à l'écart des journalistes.
— Qu'est-ce qu’il se passe ?
— Vous ne regardez pas trop les informations, vous ?
— J'avais des heures de sommeil à rattraper.
— Ok. Avez-vous entendu parler de John-Paul Beymann, le directeur de l'O.M.C. à la nationalité franco-américaine ?
— Oui et alors ?
— Il y a une heure, les journaux viennent d'annoncer qu'il était la victime du crash. Les autres blessés étaient des employés du Burj Khalifa, travaillant à l'étage où l'impact a eu lieu.
— Je suppose que c'est pour cela que le sommet a été interrompu.
— Oui. Cette journée va être longue ...
Chapitre 10 – Un soupçon
Arrivée devant les locaux du B.E.A.
Silencieusement, le groupe descendit du bus et chacun reprit le poste qu'il avait la veille dans la salle des simulateurs. La commissaire Sentac avait les traits tirés. Elle n'avait pas dit un mot du trajet. Thomas se tourna ver elle :
— Pardonnez mon caractère emprunté de la veille. Berheim m'utilise depuis mon arrivée en France et je ne suis en rien favorisé par cette situation. Croyez-moi, je souhaite vraiment passer à autre chose, une fois cette enquête terminée.
Fabienne Sentac ne dit rien. Elle dévisagea Thomas.
— Ça va ? il s'inquiéta.
— Oui. La nuit a été mauvaise. J'ai débarqué dans l'hôtel des ingénieurs vers trois heures du matin. L'un d'entre eux n'avait apparemment pas trouvé le sommeil. En fait, il s'était complètement mis à délirer dans le hall, alternant rires et pleurs pour finir par vomir. J'ai fait venir un médecin.
— C'est le jeune là-bas ?
— Oui, c'est l'ingénieur en sécurité
— La veille, il ajustait, en un temps record, les paramètres de simulation. Un jeune doué visiblement. Moi aussi, je sais ce que c'est que de rester les yeux grands ouverts en pleine nuit après un vol de 9 heures. Le décalage horaire, ça finit par passer ou ça vous transforme en zombie, la nuit. Il a l'air d'aller mieux maintenant.
— Ouais, il n'arrêtait pas de dire des choses incompréhensibles en arabe, il y a encore quelques heures. Ses collègues américains et japonais ne l'avaient jamais vu dans cet état.
— Ce constructeur de drone-taxi possède vraiment une équipe cosmopolite.
— Peut-être. En tout cas, je vais me mettre dans un coin et me reposer un peu. Réveillez-moi s'il y a du nouveau.
Chaque personne dans la salle, à l'exception du commissaire Sentac, mit son oreillette et le responsable des Systèmes de Simulation récapitula les derniers éléments de la veille :
— Il reste plausible que l'aéronef soit entré dans une zone de turbulence aux abords du plus grand immeuble au monde. L'ensemble des calculs indique que des vents de travers, de plus de 150 kilomètres par heure, auraient pu causer un tel crash. Enfin, l'issue des multiples simulations indique l’apparition de fortes accélérations provoquées par l'aéronef, très probablement en réponse à des conditions anormales ou à des capteurs défectueux.
Le chef de service du constructeur américain prit, à ce moment, la parole. La traduction se fit alors en parallèle :
— Si nous devions avancer un lien de cause à effet alors vous devez savoir que nous stipulons à nos clients qu'il est formellement interdit de faire voler nos engins dans de telles conditions météorologiques
Le responsable des échantillons en profita alors pour effectuer la transition :
— L'ensemble des paramètres de vol ont été enregistrés. Il suffit de vérifier la cohérence des simulations avec les enregistrements. Nous allons aborder cela, cette journée.
Le reste de la matinée fut consacré au visionnage des différentes caméras de surveillance de la ville, des caméras de guidage du drone ainsi que de l'écoute de l'enregistrement sonore à bord de l'engin volant.
La vidéo à l'intérieur du cockpit était insoutenable. On y voyait la victime s'installer tranquillement dans le siège, patienter durant la première minute de vol puis, soudain, s'affoler et se mettre à taper contre la vitre avant de s'écraser quelques secondes plus tard.
Un ingénieur du constructeur commenta un problème de sécurité :
— Vous noterez que, dans l'affolement, la victime a détaché son harnais de sécurité. L'intérêt du harnais dans des conditions météorologiques extrêmes est de stabiliser le drone-taxi, en évitant ainsi les transferts de masse inattendus. La victime n'a pas respectée ce principe de sécurité de base !
La vidéo repassa en boucle, attestant de son observation.
Au bout d'un certain temps, Thomas s'étonna d'un détail :
— Pourquoi faire autant de mystère sur l'identité de la victime ? Le monde entier semble être au courant. Je pense que ça a son importance, non ?
Avant qu'une personne ait pu répondre, la voix du directeur du B.E.A. se fit bruyamment entendre dans le haut-parleur :
— La victime s'appelle John-Paul Beymann. C'était le Directeur de l'O.M.C. mais cela n'apporte aucun un élément à l'enquête. Je vous prie de rester concentré.
Le responsable des Systèmes de Simulation ajouta :
— Ce n'est pas un élément technique visant à mettre en évidence une défaillance ou un comportement inattendu. Poursuivons.
Le craquement de la vieille enceinte sonore avait fait sursauter la commissaire Sentac. Elle était désormais bien éveillée. A l'expression de son visage, Thomas comprit qu'il valait mieux ne pas répondre.
Le responsable des échantillons reprit le fil de l’analyse :
— Nous allons maintenant croiser et superposer tous les paramètres de vol sur les images de l'intérieur et de l'extérieur du taxi volant.
Thomas fit signe à la commissaire de le rejoindre à l'extérieur pour parler :
— Comment se fait-il qu'on fasse si peu de cas de la personne morte dans cet accident ?
— Il faut se familiariser avec les analyses techniques du B.E.A. Elles sont arides et solidement basées sur des faits. Les éléments menant au crash sont le seul motif de cette enquête.
— Le type à l'intérieur était le dirigeant d'une organisation internationale !
— Et alors ? Vous pensez que cela peut faire une différence ?
— Vous ne pensez pas ?
La commissaire demeurait dubitative. Elle hésitait entre l'énervement ou la résignation. Finalement, elle s'abstint. C'est à ce moment que la porte s'ouvrit et le petit groupe, resté à l'intérieur, en sortit.
Le responsable des échantillons leur annonça :
— Nous allons maintenant descendre dans le hangar où ont été regroupés tous les débris de l'accident. Je vous prierais de bien vouloir suivre le groupe !
En file indienne, ils atteignirent le hangar comprenant les restes calcinés du taxi volant autonome. L'enveloppe avait entièrement disparu en fumée, ne laissant qu'un squelette calciné de tubes en aluminium déformés par l'impact.
— C'est petit comme cabine. En mettant ses bras de part et d'autre, il devait être facile de faire balancer le drone, commenta Thomas.
A deux mètres de la structure, les restes des cartes électroniques et des moteurs gisaient au sol. Chaque pièce était clairement identifiée par une étiquette. L'ensemble, à l'exception du pack de batteries, semblait avoir bien résisté au crash.
Thomas se confia, à nouveau :
— C’est étrange, tous ces morceaux carbonisés avec le peu d'élément inflammable dans cet appareil ...
Elle ne répondit pas mais il sentit que quelque chose avait éveillé en elle des soupçons.
Le responsable des échantillons reprit la parole :
— Nous remonterons dans la salle après la pause-déjeuner. L'objectif de l'après-midi est de délivrer un premier avis sur l'accident. Il n'y aura pas d'autres analyses possibles car, demain, l'effort portera sur la rédaction du rapport public.
Chapitre 11 – Turbulences
Retour dans la salle des simulateurs
Un consensus s'établit en milieu d'après-midi : Le drone-taxi avait essuyé des turbulences face au bâtiment gigantesque et le passager avait manqué aux obligations simples de sécurité. Tous ces éléments pouvaient concourir à un crash.
C'est à ce moment-là que la commissaire Sentac interrompit les visionnages :
— Nous avons les enregistrements sur toute la journée. Est-ce qu’il est possible de visionner les dix derniers passagers à avoir emprunté le taxi volant ?
— Les turbulences en vol sont difficilement répétables et la qualité d'un vol ne présume en rien de la qualité du vol suivant, si c'est ce que vous voulez savoir. Quoiqu'il en soit, ce n'est pas un problème : le visionnage des dix derniers vols va bientôt apparaitre sur les écrans, indiqua l'ingénieur de vol de la firme américaine.
Fabienne Sentac ajouta dès les premières images :
— Tant qu'on y est : peut-on faire un extrait des visages de chaque passager et croiser avec les fichiers d'Interpol ?
Thomas sourit et lui chuchota :
— Alors vous m'avez écouté, ce matin.
Les vidéos défilèrent sans faire apparaitre de similitudes avec l'accident. En parallèle, un écran bipa et afficha le dossier d'un passager.
Au même moment, le chef de service du constructeur américain s'étira sur son siège de tout son long. Le sentiment de stress sembla subitement s'estomper dans son équipe.
Thomas s'en inquiéta et fit remarquer cela à Sentac :
— Qu'est-ce-qui leur prend ?
— Je pense que j'ai mis les pieds dans le plat. L'avant-dernier passager est fiché par Interpol. Il ne vous a pas échappé que la piste terroriste n'a pas été abordée jusqu'à présent. Ce qui était identifié comme un accident technique est sur le point d'être requalifié en homicide.
— Je comprends. Cela devient difficile de mettre en cause un défaut logiciel du système de pilotage. Cela met hors de cause le constructeur même si son engin volant n'est pas encore au point ... On est peut-être allé trop loin.
Le haut-parleur ne tarda pas à cracher les paroles du directeur du B.E.A. :
— Y a-t-il eu une inspection systématique de la cabine après chaque vol. Vos caméras ne couvrent pas tous les angles du cockpit ! Je vous rappelle que cette analyse technique n'est pas finie !
Dans les faits, elle l'était et les officiels américain et émirati, présents dans la "War Room" pour les premières conclusions, le savaient eux aussi.
Un écran de la "War Room" affichait la salle des simulateurs tandis qu'un autre détaillait le portrait et le fichier du criminel recherché par Interpol : C'était un homme d'affaire yéménite qui avait escroqué plusieurs compagnies d'assurance en Europe et aux Etats-Unis. L'individu s'était illustré dans des immobilisations d'avions de fret permettant de toucher des compensations substantielles.
— Vous avez apporté un nouvel élément très précieux. Je vous en remercie et je dois en reporter immédiatement à mon ambassade, déclara le représentant américain.
Le représentant émirati était embarrassé et se permit d’ajouter :
— Nous apporterons notre entière coopération pour retrouver l'individu, ce terroriste potentiel à l'origine du crash sur notre territoire. Je tiens à souligner que notre pays n'a pas accès aux fichiers d'Interpol.
Dans la salle des simulateurs, Thomas s'enthousiasma sur cette dernière découverte :
— Est-ce-que le système de vidéo-surveillance de Dubaï permet de suivre les déplacements de l'homme ? Y a-t-il eu des mouvements de groupes extrémistes dans la région dans les heures et les jours qui ont précédé l'accident ?
Une voix dans le haut-parleur s'écria, c'était encore celle du directeur du Bureau Enquête Accident :
— Nous venons d'émettre un mandat d'arrêt international sur la personne identifiée. Je ne veux pas entendre parler d'attentat ! Il n'y a pour le moment aucune revendication. Nous n'écartons pas la piste d'une action malveillante mais cette enquête n'est, désormais, plus de notre ressort. Maintenant, vous allez poser toutes vos observations ainsi que les éléments techniques dans le rapport public. Je vous conseille une extrême précision dans les détails ! Merci de rester concentré !
Chapitre 12 – Agression
Salle des simulateurs, ébauche du rapport public en fin d'après-midi
Le calme était revenu dans la salle. Les deux responsables du B.E.A. travaillaient à la synthèse de l'analyse avec l'aide de l'équipe du constructeur. Les heures s'écoulaient et le scénario semblait clair malgré quelques zones d'ombre. L'individu malintentionné avait très certainement cherché à mettre en défaut le décollage de l'engin, afin d'en exploiter ultérieurement la faille. Le mobile était compréhensible mais ses moyens l'étaient moins.
Thomas s'était levé et marchait en observant chaque personne dans la salle. De temps en temps, l'équipe revenait sur un point du vol et le jeune ingénieur en sécurité renvoyait les images sur l'écran géant avec une dextérité inouïe. Le jeune homme faisait des merveilles en quelques clics de souris et deux lignes de commande tapées au clavier.
En passant à côté de lui, Thomas fut intrigué par un détail anodin visible sur son écran et disparaissant sur l'écran géant. Il le questionna :
— Je crois que la vidéo a été recadrée sur l'écran géant. A quoi correspond le paramètre qui a disparu ?
— Pardon, la traduction simultanée dans l'oreillette n'est pas parfaite. Vous parlez de quelle information précisément ?
Thomas s'abaissa afin de montrer du doigt, la donnée qui apparaissait en superposition sur la vidéo en bas de l'écran quand il effleura de l'autre main, le smartphone du jeune homme qui trainait sur la table.
En un instant, une avalanche d'information traversa son esprit. Il comprit qu'un détail manquait dans le scénario. Il recula et interrompit l'échange comme si quelque chose l'avait indisposé.
La commissaire Sentac venait d'observer la scène et elle s'inquiéta de ce bref revirement :
— Qu'est-ce qu’il vous arrive ?
— Je crois que l'analyse est incomplète. Un détail me manque pour l'affirmer mais le type sur la vidéosurveillance n'est probablement pour rien dans le crash du taxi volant.
— Qu'est-ce-qui vous fait dire cela ? De quel détail faisiez-vous allusion avec le jeune ingénieur ?
— On va très vite le savoir.
Thomas se tourna vers le reste de l'assemblée et posa une question d'apparence anodine :
— Est-ce-que le contrôle du vol autonome peut être interrompu à distance ?
Le chef de service du constructeur fronça les sourcils et signala que les programmes ne pouvaient pas être corrompus en cours de vol.
L'ingénieur de vol ajouta :
— Mon collègue de la sécurité vous le confirmera. Tous les échanges sont cryptés et il n'est pas possible d'interrompre les algorithmes à distance. Il est seulement possible de changer quelques paramètres en urgences comme la destination, par exemple.
Son chef reprit la parole :
— Les données indiquent que le vol est resté sous contrôle en permanence. Le logiciel ne s'est pas interrompu et la destination n'a pas été modifiée. Nous avons des enregistrements. Rien de nouveau !
— Est-ce-que vous pouvez m'assurer qu'aucune intervention extérieure n'a changé les paramètres au cours du vol ?
— Les images tournent en boucle sur l'écran géant. Vous voulez quoi de plus pour vous en convaincre ? asséna l'homme qui commençait à perdre patience.
Des gouttes de sueur commencèrent à perler sur le front de l'ingénieur en sécurité. Thomas fixait ardemment le jeune ingénieur en sécurité :
— Tu sais que nous ne sommes pas obligés, ici, d'exposer l'histoire malheureuse de ta fiancée !
Le visage du jeune ingénieur se décomposa. La commissaire Sentac était furieuse et elle n'était pas la seule. Elle haussa le ton :
— Qu'est-ce-que vous nous faites Consultant Adam ? Pourquoi vous l'agressez ? Vous êtes en train de délirer ou quoi ?
Thomas n'écoutait pas ; il s'approcha de l'ingénieur en sécurité dont la respiration indiquait un état de stress important et l'attrapa par la manche :
— Ce que lui a fait ce type est horrible mais imaginez ce qui va se passer lorsque ce drame sera exposé au public ! Réfléchissez un peu !
Soudain, Thomas se sentit plaqué violemment contre la table. La commissaire Sentac lui faisait une clef de bras.
— Le traitement de mon équipe est un scandale ! hurla le chef de service.
Elle répondit avant que quiconque ait pu ajouter le moindre mot :
— Je sors cet homme. Reprenez votre travail !
Passablement énervée, elle pressait le pas tout en maintenant fermement Thomas :
— Nom de dieu ! Qu'est-ce-qui vous a pris ? J'aurai dû me méfier : là où vous passez, vous ne causez que des problèmes ! Je vous renvoie illico à Berheim ; vous m'êtes totalement inutile !
Elle allait passer devant le portique de sécurité quand le directeur du B.E.A. l'interpella :
— Arrêtez-vous !
— On en a fini. L'affaire est terminée et vous n'avez plus besoin de nous !
— Non, attendez !
Chapitre 13 – Arrestation
Toulouse, Hall d'entrée du B.E.A. en milieu de soirée
Deux voitures de police étaient stationnées, gyrophares encore allumés. Le jeune ingénieur en sécurité était emmené, menotté dans la première voiture. Thomas Adam attendait, libre, sur le siège passager de la seconde voiture.
Sur le perron, le directeur du B.E.A. raccompagnait calmement la commissaire Sentac en commentant les dernières heures :
— C'est un concours de circonstances ! Par chance, mon responsable des échantillons a profité du tollé provoqué par l'intervention de votre consultant pour jeter un œil à l'ordinateur de l'ingénieur en sécurité. Il a découvert que l'estimation de la masse transportée variait trop fortement. Le croisement des données était bel et bien incomplet. C'était un détail caché jusqu'à ce stade de l'enquête.
— Pourquoi, avez-vous parlé de poursuites judiciaires avec le reste de l'équipe du constructeur ?
— Le chef de service a menacé d'un procès le Bureau Enquête Accident quand il a ordonné à son groupe de se retirer de la salle. Le jeune ingénieur était totalement affolé. Mais son chef s'est vite ravisé quand il a compris que cette masse estimée s'était brusquement mise à varier au moment du dévissage de l'appareil.
— Il vous a présenté ses excuses. C'est cela ?
— Oui, il était effectivement embarrassé car peu de personnes avaient un accès sécurisé pour modifier ce paramètre, en cours de vol. Cela a directement incriminé l'ingénieur en sécurité, seul à pouvoir faire ce changement en simultané. La situation s'est totalement renversée à ce moment-là.
— Est-ce qu’il a avoué ?
— Non, indirectement. Il aurait dit si j'en crois la traduction arabo-française : "content que cette pourriture soit morte". Il s'est enfermé, depuis, dans son silence mais il n'a pas nié non plus.
— Je ne comprends toujours pas pourquoi je dois le conduire à l'aéroport s’il doit être jugé pour meurtre !
— Il sera immédiatement extradé aux Emirats Arabes Unis pour y être jugé. Il est originaire de la région et le responsable émirati a joué de son influence pour ramener le coupable dans son pays. Les Etats-Unis et l'Europe ont mis la pression, vous savez.
— On ne comprendra jamais les motivations de son geste.
— Notre boulot s'arrête là. Il est clair que ça a un rapport avec sa petite amie comme l'a suggéré votre collègue. Je dois vous laisser. J'ai un communiqué à finaliser, un peu plus tôt que prévu.
La commissaire Sentac devait des excuses à Thomas. En rentrant dans la voiture, elle lui confia :
— Je n'en reviens toujours pas : vous aviez raison de l'incriminer. Il lui a suffi de truquer l'estimation de la masse en vol de plus de 150 kilogrammes pour déstabiliser l’engin et provoquer le crash.
— Cela n'avait rien à voir avec une attaque terroriste. Son mobile était la vengeance.
— Que savez-vous sur sa petite amie ? Il n'a rien dit sur elle, ni même mentionné son nom.
— J'ai mes sources ...
Il fut interrompu, à ce moment, par la sonnerie de son téléphone et décrocha. La voix féminine à l'autre bout ne laissait aucun doute :
— Capitaine Berheim, vous tombez bien. Je peux vous annoncer le coupable a été arrêté !
— Je sais. Je viens de signer l'autorisation de décollage du jet avec le prisonnier à bord. Sa petite amie a été identifiée : elle fait partie des relations publiques du sommet international, en charge d'une partie de la délégation européenne.
— Il n'a rien dit sur elle !
— Normal. Le couple n'était ni fiancé, ni marié ; cette relation est un crime dans leur pays. Ils avaient pour habitude de se rencontrer en Europe ou aux Etats-Unis. Le soir du viol, la malheureuse réglait les détails de l'arrivée de la délégation.
— Elle était à Paris, alors. Vous l'avez arrêté ?
— Non, elle a quitté le pays en début de semaine en même temps que la délégation.
— Si je comprends bien toutes les personnes suspectées ont quitté votre juridiction. On ne saura jamais ce qui s'est réellement passé ?
— On en sait un peu plus sur les circonstances : les autorités de Dubaï ont souligné que le taxi-volant était venu s'encastrer dans un local technique rempli de produits chimiques. L'électricité et les batteries ont amorcé l'explosion.
— N'empêche qu'il y aurait dû avoir un procès, ici, ne serait-ce que pour les proches du directeur de l'O.M.C.
— Ecoutez Thomas, vous êtes tenus au secret et vous allez garder tous ces détails, rien que pour vous. La victime était pourrie. Les coupables sont identifiés. Nous avons les félicitations officielles pour cette enquête et vous avez toute ma considération pour votre aide. Je savais que je pouvais compter sur vous.
— Vous ne craignez pas pour leur procès dans leur pays d'origine. Ils risquent la peine de mort !
— C'est leur problème et ne vous inquiétez pas pour eux car ils viennent de familles influentes. Leurs proches arrangeront le mariage. Lui, il fera de la prison. S'il se comporte bien alors cette histoire sera classée comme crime d'honneur et sa peine réduite à cinq ans. C'est comme ça que cela marche à un certain niveau social dans la région.
— C'est fini alors ?
— Il est tard, Thomas et vous devriez rentrer vous reposer mais vous avez une autre idée en tête. Remarquez que votre frère sera content d'avoir de vos nouvelles. Qu'importe ! La commissaire Sentac vous attendra lundi matin, de pied ferme, avec une nouvelle affaire sur son bureau.
Elle raccrocha. Thomas restait pensif. Il avait toujours du mal à la cerner. La surcharge émotionnelle provoquée par leur dernière relation avait durablement brouillé ses pensées. Tout semblait dire que le capitaine Berheim était très douée, dans son genre, pour anticiper les réactions des individus.
Chapitre 14 - Epilogue
Ils approchaient maintenant de l'aéroport et la conductrice reprit la parole :
— C'est Berheim votre source, en quelque sorte ?
— Oui ... Enfin c'est elle qui tire les ficelles. Elle a toujours un coup d'avance.
— Je n'ai pas tout saisi de votre conversation mais vous parliez d'un procès à l'étranger. Est-ce-qu'elle vous a demandé d'accompagner le prisonnier ?
— Non. Vous pouvez me laisser au dépose-minute ? il lui demanda sans aucune transition.
— Mais ...
— Bon week-end et bonne chance pour votre compétition de karaté, ce dimanche ! Lâchez un peu cette affaire et tâchez de vous détendre un peu. On se revoit lundi !
Thomas s'engouffra dans l'aéroport à la recherche d'un guichet pour prendre le premier vol vers Marseille.