Paradigmes de la mémoire humaine
Chapitre 1 : De L'art du discours et de la vérité de l'eau
3883 mots, Catégorie: K+
Dernière mise à jour il y a environ 1 mois
Ce texte participe en seconde chance au Défi d'écriture de mai 2017 : La pire arme du monde. Il s'agit également la fic pionnière du fandom sur le site (N2). Bonne lecture !
À des lieues de là, le paisible ciel du Yucatán fondait lentement en une aube rose et moite, bien inconscient des péripéties qui se joueraient quelques jours plus tard sous son égide. Dans d’autres contrées, les portes de la salle d’étude de l’université communautaire de Greendale explosèrent, révélant un étrange mais enthousiaste énergumène. Vêtu d’un poncho et rehaussé d’un sombrero, le petit homme chauve arborait une moustache postiche et un faux accent du plus mauvais effet.
— Buenas noches me amigos ! Mais que vois-je ? Ne serait-ce pas le fameux groupe de révision de notre université ? Vous qui avez brillamment validé votre premier degré d’Espagnol, il y a quelques mois, vous me semblez tout indiqués pour être nos émissaires lors d’un séjour linguistique authentique et vivifiant dans le cœur palpitant du Mexique ! Totalement gratuit, avec un départ pour le weekend qui vient !
Alors que Troy, Britta, Pierce, Annie et Shirley commençaient déjà à s’enthousiasmer, la personne la plus retorse présente dans l’assemblée tenta d’étouffer dans l’œuf ce nouveau plan foireux sous un monceau de sarcasmes.
— Gratuit ? Tout le monde sait que rien n’est gratuit : si c’est gratuit, vous êtes le produit. On peut savoir où est le piège, Doyen ?
— C’est étonnement anticapitaliste de ta part, Jeff, fit remarquer Britta avec une voix douce mais un sourire moqueur.
— Pas anticapitaliste, juste réaliste.
— Oh, me querido… vous me brisez le cœur en envisageant des intentions cachées…
Craig Pelton se pencha pour murmurer à l’oreille de son étudiant favori ; laissant, au passage, un regard lubrique s’attarder sur les pectoraux qu’il savait saillants et savamment sculptés sous la chemise cintrée.
— Il y a simplement une petite formalité. Une broutille. Un contrat administratif que nous avons passé il y a quelques années avec une charmante bourgade à quelques kilomètres de Tijuana. J’ai juste besoin d’un ambassadeur pour apposer une signature et renouveler notre accord.
— Non.
— Mais Jeffrey, un voyage tous frais payés pour sept personnes en échange d’un rapide rendez-vous où vous n’aurez rien à faire si ce n’est vous servir de vos doigts… reconnaissez l’aubaine !
— Sans moi. J’ai des projets qui n’impliquent ni une tourista, ni de finir entre quatre planches, pesta le ténor du barreau au chômage technique d’un ton acerbe.
De l’autre côté de la table, Troy et Annie protestèrent en cœur – emballés par la mention de Tijuana – tandis que Pierce relatait une aventure, sans doute inventée de toutes pièces, les impliquant, lui et Susana Dosamantes, sur un yacht dans les années 80.
— Oh, Jeff ! Ne sois pas si rabat-joie… on va bien s’amuser !
— Si on va s’amuser comme tu dis, Annie, on finira ce weekend mordus par des serpents venimeux dans un hôtel de seconde zone ou menacés par le cartel du coin.
Jeff, en recherche de soutien, se tourna vers le seul membre du groupe de révision n’ayant pas pipé mot depuis l’arrivée en fanfare d'El Director Mexicano, lui adressant une supplique excédée.
— Aide-moi, Abed.
Après moins d’une milliseconde de réflexion, la demande d’assistance fut déboutée d’un ton laconique.
— Désolé. Je suis ravi qu’on ait enfin les financements pour s’exporter à l’étranger. Ça va être sensationnel.
Le jeune cinéaste amateur eut un bref sourire absent avant de retrouver son habituelle expression impavide. Pierce chantonnait « Tijuana nous voilà » pendant que Troy et Shirley cherchaient sur le web des restaurants de Chili à volonté et qu’Annie questionnait Britta sur l’aridité du climat à cette période de l’année. Voué à l’échec.
Dans un mouvement d’humeur, Jeff Winger, son smartphone greffé à la main, quitta la salle en trombe, le doyen Craig Pelton sur les talons…
À peine deux jours plus tard – et une poignée de crédits universitaires promis à une certaine personne en échange de sa participation active à l’épopée – les sept de Greendale embarquèrent dans un mini-van aux couleurs bariolées…
GENERIQUE
Mise en place de teintes sépias, bruit d’harmonica et caméra plongeant sur la cocotte en papier.
Give me your hands
Show me the door
I cannot stand
To wait anymore
Zoom rapide sur une carte du Mexique dessinée à la façon d’un croquis enfantin.
Somebody said
Be what you be
We could be old and cold and dead on the sea
Des esquisses de ponchos, de têtes de morts, d’un soleil brûlant et d’un bol de guacamole se révèlent au fur et à mesure que le pliage est manipulé.
But I love you more than words can say
I can’t count the reasons I should stay
L’objectif s’attarde ensuite sur une illustration animée de Greendale, celle-ci explose révélant un van jaune vif arborant de minuscules drapeaux mexicains aux fenêtres.
Give me some rope
Tie me to dream
Give me the hope to run out of steam
Le van bondit sur une route désertique, des mariachis dansent sur le bas côté.
Somebody said
It could be here
We could be roped up, tied up, dead in a year
— Troy et moi apparaissons coiffés de sombrero. Dans cet épisode hors les murs, Jeff Winger, Shirley Bennett…
Jeff qui, comme les autres membres du groupe, était resté coi pendant qu’Abed déblatérait décida d’y mettre le holà, presque aussi inquiet qu’agacé.
— On peut savoir à quoi tu joues ? Et pourquoi tu chantes The 88 ?
— Il est encore plus bizarre que d’habitude, non ? Demanda Shirley, les bras croisés. Elle jeta une œillade perplexe à Britta, en attente d’un signe d’assentiment.
Abed, toujours planté au milieu du véhicule – visiblement peu soucieux des brusques embardées – adopta un ton détaché et pédagogue, comme s’il s'adressait à un public invisible.
— Je fais le minimum syndical en terme de travail d’exposition.
Des interrogations fusèrent de part et d'autre.
— On se dirige vers une histoire un peu décalée par rapport à nos standards habituels. Il faut que les lect… spectateurs qui n’ont pas suivi les saisons précédentes aient des repères. Une sorte de résumé déguisé, introduisant de manière peu subtile les enjeux de l’intrigue et les principaux protagonistes. Ça manque de finesse mais ça suffira peut-être à ce que les égarés ne soient pas trop perdus.
Il désigna un à un les membres du groupe via des gestes théâtraux, prenant le ton d’un Monsieur Loyal.
— Lui, c’est Jeff. Ancien avocat cynique à l’ego hypertrophié et grand amateur de discours grandiloquents. Il est notre leader naturel, souvent en conflit avec lui-même du fait de sa moralité douteuse. Il est beaucoup plus gentil qu’il le laisse paraître et nous sauve toujours la mise au dernier moment.
Jeff leva les yeux au ciel, mais ne prit pas la peine de protester.
— Shirley, chrétienne convaincue, mère de famille dévouée mais redoutable quand on la pousse à bout. Elle oscille entre sermons mièvres et coups d’éclats traduisant une colère rentrée.
— Des sermons mièvres ?! Hé gamin, fais attention à ce que tu dis, si tu ne veux pas goûter à de la colère « non rentrée ».
— Annie, brillante, studieuse et obsédée par la perfection. Son comportement devient parfois erratique lorsqu’elle est sous pression.
— C’est supposé être un compliment ?
— Pas sûr. Britta : inutilement rebelle, militante ratée, hippie à ses heures et premier love interest de Jeff à son arrivée à Greendale. Elle a un bon fond, malgré une troublante ressemblance avec Elisabeth Shue.
— Hé !
— C’était un compliment. Troy. Ancienne star du foot, désormais meilleur ami face à l’éternel. Spontané, drôle, émotif, et plutôt imprévisible.
— Je prends, dit Troy en levant le poing pour faire un check.
— Pierce… héritier défraîchi à la tête d'une petite fortune liée à la possession d’une entreprise de lingettes humides. Raciste, homophobe, sexiste et amateur de drogues en tous genres. Souvent incontrôlable, parfois méchant et systématiquement à côté de la plaque. C’est sans doute à cause de lui que la situation dérapera et deviendra chaotique.
— Quelqu’un m’a parlé ? Demanda Pierce, hébété, mordant dans un citron.
— Et moi je suis…
— Un shaman qui nous sert bien trop souvent de la soupe, conclut méchamment Jeff. Je ne regretterai jamais assez de t’avoir activé.
Sur ces entrefaites, le véhicule ayant survécu à la traversée des routes cahoteuses, s’arrêta à l’entrée d’un immense domaine privé où était placardé un petit panneau indiquant « centre culturel hispanique et retraite bien-être holistique ».
— On dirait plus la maison de Pablo Escobar que celle de Frida Kahlo, commenta Jeff en fixant les grilles décorées de serpents entrelacés et les deux hommes, munis de pistolets, à la mine patibulaire postés à l’entrée. Où le Doyen nous a-t-il envoyés ?
En vérité, Craig Pelton avait simplement omis de signaler que l’accord signé plusieurs années auparavant liait Greendale à la propriété d’un chef de la pègre en cours de "reconversion éthique". Un partenariat jugé à risques, mais accepté à l'époque en échange de financements pour refaire les toitures du bâtiment des sciences sociales. Résultat : le centre d’accueil s’était transformé en un charmant lieu de pèlerinage New-Age géré par un ancien narco, reconverti dans le spirituel – et la fabrication illicite de spiritueux – mais toujours flanqué de sbires lourdement armés… Cela, évidemment, nos héros infortunés n’en savaient rien.
Prenant à cœur la remarque de Jeff et elle aussi refroidie par l’apparence hostile du domaine, Annie commença à compulsivement feuilleter les pages du livret fourni par l’office de tourisme de la ville voisine.
— Tu es sûr qu’on ne s’est pas trompés d’endroit ? On devrait peut-être faire demi-tour et se trouver un hôtel par nous même…
Mais personne n’écoutait. Shirley prenait des photos du paysage pour ses enfants, Britta s’enduisait d’une crème solaire « écologique » sentant la moutarde, pendant que Troy et Abed discutaient de Machete. Pierce, déjà éméché et vêtu d’une discrète chemise hawaïenne, avait siroté margarita tiède sur margarita tiède depuis qu’ils avaient franchi la frontière mexicaine. Ce fut, bien sûr, lui qui déclencha le drame. Pendant que Jeff et Annie étaient en plein conciliabule, il s’approcha abruptement d’un des gardiens, un homme massif au regard glacé, et lança – comme d’habitude – la première insanité lui venant à l’esprit.
— ¡Oye, El Gordo del Taco! ¡Tráeme guacamole y un tequila fuerte, hombre! (Hé Gueule de Tacos ! File moi du guacamole et une tequila bien tassée !)
Il y eut un silence. Une sorte de ralentissement du temps. Même les cigales semblèrent choquées.
— Ce mec a pas l'air commode. Qu’est-ce que Pierce lui a dit ? Questionna Troy en tordant sa bouche et en haussant un sourcil.
— Aucune idée, je te rappelle qu’à cause de Senor Chang, on est tous complètement nuls en espagnol ! Souffla Britta.
— Ça ne doit pas être si mauvais s’il ne sait pas ce qu’il raconte ? Espéra benoîtement Shirley.
Malheureusement, les quelques cours privés avec Doctora Escodora avaient considérablement amélioré les plus fines techniques de Pierce avec sa langue : la phrase offensante se révélait grammaticalement correcte et étonnamment compréhensible malgré une élocution précaire.
Ce ne seraient pas des serpents venimeux qui les achèveraient… merveilleux, Jeff devenait aussi bon qu’Abed en projection. L’avocat réformé leva les bras au ciel ; impuissant, mais victorieux, un « je vous l’avais bien dit » fantôme flottant sur ses lèvres.
Il y eut des cris. Des larmes. Des armes. Des gens traînés à l’intérieur de la bâtisse comme dans un mauvais remake de Sicario. Et soudain, la fine fleur de la pire faculté communautaire des États-Unis fut à genoux dans une cour poussiéreuse, face à Don Ernesto, leader du cartel, amateur de philosophie existentielle à ses heures… et définitivement intolérant aux saillies racistes.
Pierce, enfin silencieux, avait un revolver pointé à quelques centimètres de sa caboche. L’humidité rendait tout poisseux. Des gouttes de sueur glissaient le long des tempes, parfaitement alignées, comme si une caméra invisible suivait leur progression en gros plan : elles achevèrent leur course folle en se perdant entre les nibards d’Annie. Shirley fit un signe de croix dans les airs et marmonna des prières pour que Jésus ait pitié de son plus raciste et plus vieil ahuri d’ami. Britta n’osait plus bouger un cil.
Troy interrogea Abed, sa voix partant incroyablement dans les aigus :
— Dis-moi que t’as payé des figurants et qu’on est dans un épisode hommage à Breaking Bad !
Abed secoua la tête, sans se tourner vers son meilleur ami, captivé par la scène qui se déroulait, répondant distraitement.
— Pas assez d'argent et si c'était pour un film, je n'aurais pas demandé à ces types de casser ma caméra. En plus, théoriquement, on serait plus proche d’un nanar de jeunesse de Robert Rodriguez.
— Abed, c'est pas le moment de délirer, Pierce va se faire buter ! On va tous se faire buter !
Abed écarta ses doigts comme s’il tenait un caméscope invisible et fit un travelling virtuel.
— Chut… ça va aller. Jeff va nous faire un discours.
— Et en quoi un discours va aider face à ses brutes sanguinaires refoulant leur homosexualité ? Intervint Britta.
— Laisse leur homosexualité là où elle est ! Intimèrent Shirley et Annie d’une même voix paniquée.
Abed fit un geste impérieux pour intimer le silence, continuant à filmer dans sa tête.
— Observez.
Jeff, le sauveur de la situation désigné par le metteur en scène autoproclamé, lui, se tenait debout et essayait d’agencer un plan pour les tirer de là vivants.
— Ces trafiquants de drogue ne vont pas exécuter Pierce parce qu’il est raciste…
Il marqua une pose, cherchant ses mots, son esprit carburant à plein régime. En débardeur, en sueur, front légèrement plissé, regard perdu vers l’horizon tel un cow-boy désabusé qu’on aurait désarçonné de sa monture, il tenait à la main une minuscule bible en cuir, aussi petite qu’un paquet de mouchoirs. Don Ernesto la lui avait tendue d’autorité, pensant sans doute que même les condamnés les plus impénitents méritaient une oraison funèbre.
Ces types étaient de vrais méchants escomptant vraiment tuer Pierce. Le vieil homme avait bien tenté de plaider sa cause, proposant un joli pactole pour sauver sa peau, mais – soit ils ne bitaient pas un mot d’anglais et n’avaient pas compris l’arrangement proposé, soit c’étaient des malfrats incorruptibles. Dans les deux cas, ils étaient mal.
Jeff soupira. Il ne lui restait que sa meilleure arme – celle qu’il avait toujours su manier et qu’il avait en permanence dans sa poche – mais dans une langue dans laquelle il pouvait difficilement baragouiner, celle-ci était tout au mieux inutile.
— Muy bien…
Il s’éclaircit la gorge. Tous les regards se braquèrent sur lui. Se rappelant quelques mots lus sur une bouteille d’eau minérale plus tôt dans la journée, il entreprit d’improviser.
— El corazón del agua es verdad. (Le coeur de l'eau est la vérité)
Un silence.
— El corazón no es racista. (Le coeur n'est pas raciste)
Jeff fit une pause, son regard toujours fixé sur les visages impassibles du cartel. L’air moite semblait vouloir écraser les mots sous un voile de sueur et de poussière mexicaine. Puis il reprit, d’une voix calme, presque solennelle :
— El vielo hombre una racista… hacer reír al chef. Fundera en el corazón del agua la fuerza para scusi al vielo racista. Compassionne, compasionne del agua for vielo hombre racista. Dalla compassione dell'acqua al razzista. (Le viel homme raciste voulait faire rire le Chef. Trouve dans le coeur de l'eau la force de pardonner au vieux raciste. Compassion. Compassion de l'eau pour le vieil homme raciste*)
Un silence pesant suivit. Les lieutenants de Don Ernesto échangèrent des regards perplexes. Pierce, toujours au sol, cligna des yeux, complètement paumé au milieu de cette détonante telenovela.
— ¿Qué diablos está diciendo? marmonna un mafieux, plus intrigué que furieux. (Que diable dit-il ?)
Shirley renifla.
— Je suis presque sûre que c’est un blasphème. Et de très mauvais goût.
Pierce marmonna entre ses dents.
— Est-ce que je suis sur le point de mourir à cause d’une blague mal dosée sur le guacamole ou parce que Jeff pense que l’espagnol, c'est de l’anglais avec beaucoup de voyelles ?
Annie, alarmée, couina :
— Ce n'est même pas de l’espagnol… Je suis presque sûre qu’il vient de parler italien.
Mais l’avocat n’avait pas fini son plaidoyer. Il leva sa bible au ciel, sa voix montant en intensité comme s’il jouait le rôle d’un évangéliste possédé.
— Porque los verdaderos punaises no están en las camas… ¡Están en nuestros corazones!** (Les vraies punaises ne sont pas dans les lits. Elles sont dans nos coeurs)
Silence. Sourd. Lourd.
On pouvait entendre les mouches voler sous le soleil de plomb.
Puis, Don Ernesto éclata de rire.
Pas un petit rire. Un gloussement tonitruant qui fit reculer ses hommes. Il s’essuya des larmes au coin des paupières, secoua la tête, puis s’approcha de Jeff, le serrant dans une rapide accolade.
— Este hombre es completamente loco… pero tiene cojones. (Cet homme est complètement fou... mais il a des couilles)
Il abaissa son arme. Les autres suivirent.
— Sus películas están por debajo de la realidad. Los americanos son completamente retrasados... Déjenlos ir. (Leurs films sont au-dessous de la réalité. Les américains sont complètement attardés. Laissez-les partir.)
Les mafieux leurs firent de grands gestes qui ne prêtaient pas à confusion. Ils étaient autorisés à décamper. La fameuse mission confiée par le Doyen resterait non remplie, personne n’osant interpeller Don Ernesto au sujet de la signature…
Troy bondit aussitôt, Annie poussa un soupir de soulagement tandis que Shirley serrait sa croix dans sa main en remerciant le ciel. Jeff tenta de retrouver une posture digne, comme s’il venait de conclure un deal immobilier plutôt que d’éviter une exécution. Ils furent raccompagnés à la sortie par un garde fringué comme Al Pacino dans Scarface.
Et ils partirent. Peu fiers, mais bien vivants.
Abed eut un sourire appréciateur.
— C'était fabuleux. “Greendale, Mexico edition”.
Britta, en levant les yeux au ciel, murmura.
— Sérieusement, Abed ? Tu as conscience qu’on vient tous de frôler la mort.
Troy haussa les épaules, un sourire indulgent aux lèvres.
— C’est bon, laisse le tranquille, on s’en est tirés ! Campus study group, version Narcos. C’était cool, mais, sérieusement les gars, déconnez pas, je veux vraiment du Chili à volonté avant de rentrer !
Annie, quant à elle, sortit un calepin et griffonna quelques phrases, les ajoutant à l’une de ses nombreuses fiches.
— Note pour plus tard : éviter les excursions gratuites proposées par le Doyen.
Shirley, bien remise de ses émotions, tapa dans ses mains avec enthousiasme.
— Et remercions le Seigneur d’avoir insufflé – via la bible de ce gentil bandit – à Jeff les mots qui nous ont sauvés !
Jeff souffla, claqua la porte du van, et s’installa au volant. Il lança un regard mauvais à ses amis.
— Laisse ton Seigneur où il est : c’était un discours débile dans une langue que je ne connais même pas, avec des termes d’espagnol piochés au hasard. Je me suis ridiculisé, et si vous persistez à ne pas m’écouter un jour cette université va définitivement nous faire tuer.
Le silence s’installa mais fut rapidement brisé par Britta qui fit un sourire entendu.
— Juste ton bagou et ta capacité à dire n’importe quoi pour sauver les fesses de Pierce et les nôtres… personnellement, je trouve ça plutôt poétique : le rire bat les flingues.
Troy ricana, peu charitable.
— Sauvés par le rire ? C’est trop naze, mec…
Pierce en remit une couche.
— Encore un truc de gay.
Abed fit un dernier travelling et reposa sa caméra fictive.
— C’est dans la boîte. C’est fou ce qu’on peut faire avec un peu de budget !
— La ferme Abed !
Le moteur rugit, le véhicule démarra en trombe, et le ciel rose du Yucatán frémit. Sept âmes aventureuses rentraient chez elles. Ou vers la salle 101. À moins qu’elles ne fassent un arrêt inopinée en quête d’un chili gratuit et tombent, potentiellement, sur une nouvelle aventure digne d’être racontée…
FONDU AU NOIR
Les membres du groupe de révision sortirent tous en trombe, se grattant et à moitié nus, d’un hôtel miteux.
Jeff, à bout de nerfs, son torse parfait – et dévoré – exposé, se mit à beugler en pleine rue :
— Parce que les vraies punaises ne sont pas celles qui sont dans ces plumards, mais celles qui nous ont envoyés dans cette succursale de l’enfer. Celle sans un poil sur le cailloux qui dort actuellement bien tranquillement à Greendale dans un lit douillet ! Et les punaises, vous savez comment on s’en débarrasse ? En les cramant !
À moins d’une centaine de kilomètres de là, le Doyen faisait de beaux rêves. Ses oreilles ne sifflaient pas, bien inconscient des projets sanglants que nourrissait à son encontre la principale vedette de ses songes. Sans doute ce sommeil réparateur portait-il les bribes d’une nouvelle chronique du « Dangereux Dean »…
A SUIVRE
Notes : * Plus ou moins :p
** De la préfiguration dirons-nous.
Je ne détaille pas toutes les références disséminées par ici, sinon, on ne va pas s'en sortir. C'est assez différent de ce que j'écris habituellement… j'espère que ça vous a plu et que ce n'est pas trop foutraque au niveau des dialogues ! D'autres épisodes manquants des "Paradigmes de la mémoire humaine" sont à venir ;)