Copains et puis c'est tout
Deux jours s'étaient déjà écoulés depuis que la rumeur prétendant que Yumi et William étaient ensemble s'était répandue comme une traînée de poussière à Kadic. La reprise des cours s'annonçait dure, comme chaque début de semaine.
Ulrich tapotait nerveusement son pied au sol, guettant l'entrée du collège. S'attendre à voir Yumi débarquer d'un moment à l'autre le rendait anxieux, ce dernier ayant l'intention d'engager une conversation « sérieuse » avec la japonaise sans réellement savoir ce qu'il allait lui dire. Une minute passa, puis deux.
— Qu'est-ce qu'elle fiche ? Elle devrait déjà être là !
— Calme-toi, Roméo, elle va arriver ta Juliette.
— Un seul Odd me suffit, Einstein, ne t'y mets pas toi aussi.
— Qu'est-ce que j'ai à avoir là-dedans, moi ? se plaignit le blondinet.
— C'est toi qui aimes faire ce genre de remarque.
— T'es de leur côté aussi, Princesse ? Bonjour la solidarité !
Les quatre collégiens cessèrent leur discussion quand la personne qu'ils attendaient plus ou moins tous apparut enfin dans la cour. Son visage gardait une expression froide et perdue.
Ulrich ne put détacher son regard de la japonaise. Il ressentit une profonde tristesse en ressassant tout ce qu'il s'était passé dernièrement entre eux et en se rendant compte à quel point elle l'avait manqué. Il n'avait qu'une envie : la serrer dans ses bras. Mais bien sûr, il n'oserait pas. Après quelques secondes d'hésitations, il finit par déclarer :
— Je vais lui parler.
Ses amis ne s'y opposèrent évidemment pas et étaient même assez surpris qu'Ulrich décide de lui-même d'aller parler à Yumi, lui qui était d'habitude si têtu et optait toujours pour la fuite comme solution à ses problèmes. Ils s'échangèrent des regards et des sourires, espérant que les choses allaient s'arranger entre les deux tourtereaux.
Ulrich s'avança vers Yumi en ayant l'air aussi détendu qu'il le pût.
— Salut, fit-il en arrivant à sa hauteur.
— Euh... ouais, salut, répondit Yumi, un peu étonnée et en fuyant son regard.
Elle croisa ses bras sur sa poitrine, ne pouvant réprimer le sentiment de colère qu'elle lui portait à cet instant.
— Ça va ?
Les deux adolescents se fixèrent longuement, chacun cherchant à lire dans le regard de l'autre. Un silence apaisant et lourd à la fois s'était installé.
Yumi devait s'admettre, malgré elle, que cela lui faisait un bien fou de revoir Ulrich, mais elle avait assez de fierté pour ne pas le lui montrer.
— Viens, faut qu'on parle.
Il ne lui accorda même pas le temps de donner sa réponse qu'il saisit la main de Yumi dans la sienne. Une douce chaleur parcourut le corps de la jeune fille. Elle sentait ses joues commencer à s'empourprer. Le beau brun l'entraîna un peu plus loin, là où ils pouvaient être plus seuls et s'abriter des regards de leurs amis.
— Parler de quoi, Ulrich ? On s'est déjà tout dit il me semble.
— Je ne pense pas non... Depuis quand t'es avec William ?
Cette question laissa Yumi perplexe. Elle afficha une expression de surprise, presque offensée de la question et du fait qu'Ulrich pouvait penser une seconde qu'elle irait jusqu'à se mettre avec William.
— Quoi ? Moi, avec William ? Mais enfin, qu'est-ce que tu racontes, Ulrich ?
— Yumi, s'il te plaît, fais pas semblant de pas comprendre ! Je... je sais que tu sors avec William. Le pire c'est que tu me l'as caché, tu n'as même pas cherché à m'en... à nous en parler, alors que nous sommes tes amis, cracha Ulrich d'un trait.
Yumi resta bouche bée durant de longues secondes, vexée et de plus en plus énervée.
— Si je vous en ai pas parlé, c'est tout simplement parce que je ne suis pas avec William ! J'ignore d'où tu sors ça, Ulrich, mais c'est vraiment n'importe quoi. De toutes les stupidités que tu m'as sorties, je crois qu'aucune ne peut surpasser celle-là !
À son tour, Ulrich resta sans voix suite aux révélations de la jeune fille. Il hésita mais vit bien dans les yeux de cette dernière qu'elle disait la vérité. Il se sentit honteux, honteux de s'être bêtement laissé atteindre par les rumeurs, mais surtout honteux d'avoir autant douté de la sincérité de Yumi. Il savait mieux que quiconque que c'était l'une des personnes les plus franches et droites qui pouvaient exister.
— T'es bien placé pour me parler de cachotteries, reprocha Yumi également d'une plus petite voix. J'ai entendu dire que tu t'amusais beaucoup à jouer les Don Juan auprès de ta chère Sissi.
Ulrich afficha une grimace de dégoût.
— Quoi ? C'est qui l'imbécile qui est parti te balancer ça ? C'est la chose la plus ridicule que j'ai jamais entendue ! s'écria-t-il. Tu crois vraiment que je m'intéresse à Sissi ?
— Et pourquoi je n'y croirai pas ? Toi, tu as bien cru que j'étais avec William...
Ulrich soupira, perdu au milieu de tous ces malentendus et confusions. Un nouveau silence s'installa. Leurs regards se rencontrèrent à nouveau. À cet instant, ils réalisèrent à quel point leurs sentiments étaient toujours aussi forts : Yumi avait beau vouloir oublier Ulrich et tout espoir d'être un jour avec lui, elle l'aimait toujours autant, rien n'avait changé. Son cœur battait la chamade au simple contact de leurs mains et lorsqu'il posait ses magnifiques yeux sur elle.
Alors qu'elle se perdait dans ses pensées, Ulrich s'empara soudainement de sa main, ce qui la fit légèrement sursauter et l'envahit d'une nouvelle série de frissons.
— Yumi, je... je suis désolé.
— Désolé de quoi, Ulrich ?
— De ne pas avoir été sincère avec toi. Si je l'avais été dès le départ, nous en serions même pas là à... à nous prendre la tête pour des bêtises pareilles.
Plus il parlait et plus il se rapprochait d'elle. Ils n'étaient à présent qu'à quelques millimètres l'un de l'autre et tous deux sentaient le rouge leur monter aux joues.
— Et je ne parle pas de cette histoire avec Sissi ni avec William si c'est ce que tu crois... mais de ce que je t'ai dit. Tu sais, je t'ai dit ça sans même le penser. D'ailleurs, c'était pas du tout ce que je voulais te dire au départ.
— Qu'est-ce que tu voulais me dire alors ?
— Bah que... Tu sais, tu comptes beaucoup à mes yeux Yumi, et...
Un sourire naquit sur les lèvres de la japonaise. Entendre ses paroles était l'une des plus belles choses qui lui étaient arrivées dans sa vie jusqu'à présent.
— Yumi, je t...
— Mon chéri, qu'est-ce que tu fiches avec ce corbeau ?
Tout se brisa soudainement, tel un mur qui s'écroulait. Ulrich poussa un long soupir d'exaspération. Yumi et lui se retournèrent vers cette voix qu'ils ne connaissaient que trop bien.
Prochain chapitre : Rivalités