Code Alpha 2.0: Rainy Days

Chapitre 1 : Chapitre 1: Quelque chose s'est brisé

2567 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 26/03/2018 23:00

Ombre


Quelque chose au fond de moi s’est brisé. Je ne sais pas quoi. Je ne sais pas depuis combien de temps. Je sais juste que quelque chose s’est brisé.

Quand est-ce qu'on sait réellement ? Quand est-ce qu'on commence enfin à comprendre ? Est-ce que du jour au lendemain, on saute les pieds hors du lit en s'écriant : « Mais oui, mais c'est bien sûr ! » alors que tout devient clair dans notre esprit ? Où est-ce que ça va lentement, s'ancrant petit à petit au plus profond de nous même, sans que nous puissions nous en rendre compte. Et quand cette vérité s'impose à nous, il est trop tard. On ne peut plus l'oublier, même si on ne sait d'où elle vient. On tente d'ignorer son existence dans la vie de tout les jours, mais elle ne cesse de revenir nous hanter.


J'étais allongée sur le canapé poussiéreux et rempli de saleté de Jean, la tête posée sur le torse de ce dernier. J'entendais son cœur battre, ce genre de petites choses m'avaient toujours fascinée. La télévision était encore allumée, on s'était fait un marathon Doctor Who et ça avait duré toute la nuit. L'homme qui partageait mon quotidien avait fini par s'endormir, mais ce n'était pas mon cas. Il faisait encore sombre, il devait être quatre ou cinq heures du matin. Il pleuvait dehors. J'entendais les gouttes tapoter contre la vitre de la fenêtre. Ça me rappelait tant de souvenirs... Officiellement, j'étais Ambre Delmas, une jeune fille de bientôt 16 ans tout ce qu'il y avait de plus banal. Une fille ordinaire, rien de plus. Mais la réalité était bien plus complexe.


Reformulons tout ça sous la forme d'une question philosophique : y a t-il un quelconque mérite à être vivant ? La réponse est généralement non : personne n'a choisi de venir au monde ou fait quoi que ce soit dans cet objectif. Il arrive que certaines personnes gagne ce que j'ai appelé du mérite en s'accrochant à la vie, en refusant de la quitter. Dans mon cas, c'est même plus extrême : je suis venue dans ce monde par la seule force de ma volonté. Qu'étais-je à la base ? Une pensée ? Une idée ? Je n'étais même pas censée exister. L'univers n'avait pas de place pour moi, abomination sans nom. Alors j'ai regardé cet univers dans toute son immensité et je lui ai dit merde. Tout simplement merde. Tu ne veux pas de moi ? Et bien tant pis, parce qu'il faudra faire avec !


La pauvre idée que j'étais est devenue un songe. Le songe est devenu un espoir. L'espoir a prit forme, s'est approprié un nom. Si j'avais germé de la tête de cette Ambre, j'allais être son Ombre. Fidèle, la suivant partout où elle allait et la guidant à travers les obstacles qui allaient se dresser sur son chemin. Mais est-ce que mon ambition allait s'arrêter là ? Oh que non ! Devoir subir la compagnie de cette pré-adolescente insupportable était une véritable prison. J'avais besoin de plus, toujours plus, et ma soif de liberté ne pouvait s'arrêter.

Et finalement, l'opportunité de gagner mon autonomie me fut donnée. Et sans aucune hésitation, elle fut saisie. Ambre disparut à tout jamais. Quand je quittai cet étrange monde virtuel pour revenir dans son corps... enfin, mon corps, j'étais seule, pour la première fois de ma vie. Tout le monde quitta l'usine, j'avais la tête qui tournait et ne me sentait pas vraiment bien. Jean proposa de me ramener mais je refusai.


Il commença à pleuvoir. Une violente averse. Qu'est-ce qui n'allait pas ? Pourquoi je ne pouvais pas être heureuse ? Je venais d'accomplir ce pourquoi je m'étais si longtemps battue. Je venais de gagner ma liberté ! Personne ne me l'avait donné, j'avais dû l'arracher aux griffes du destin avec les miennes ! Alors pourquoi ne pouvais-je en tirer la moindre satisfaction ? C'est alors que je l'entendis. Ou plutôt, que je ne l'entendis pas. Le Silence. Immuable, Infini. Un vide que je pourrai qualifier d'éternel. Comment le décrire ? Comment l'expliquer ? J'avais vécu en colocation avec quelqu'un pendant toutes ces années, et je me retrouvais désormais toute seule. C'était tellement perturbant...

Je me souvenais avoir planifié des centaines de choses que je voulais faire après avoir gagné le « contrôle ». Je n'en fis aucune. Aux yeux de tous, je demeurais Ambre. J'essayais de ne pas croiser le regard de Melvin, car il était le seul à m'avoir déjà vue sur Lyoko, ni celui d'Antoine, tout simplement parce qu'il ne cessait d'essayer de me parler, d'attendre quelque chose de moi. Je n'avais qu'une envie, c'était de lui dire d'aller se faire foutre ailleurs, mais la gentille petite Ambre ne s'exprimait pas de cette manière. Je me contentais de converser le moins possible avec lui. Et heureusement notre groupe se fractura peu à peu et je demeurais uniquement avec Jean, qui accepta de m'héberger quand ma mère... enfin, celle d'Ambre me mit à la porte.


Foutue pluie qui me faisait repenser à tout ça... Je me levai en tachant de ne pas réveiller mon amant, et allais dans la cuisine me préparer un café. Je baillais en regardant l'heure en allumant la machine. Le bruit de la pluie m'était insupportable. Je me rendis compte que quelque chose de froid coulait sur ma joue droite. Une... une larme ? Mais pourquoi est-ce que je pleurerai ?


« Peut-être parce que tu vis dans un mensonge, me dit une voix désagréablement familière.

Personne d'autre que moi ne se trouvait dans cette pièce, c'était bien là le problème. Car la personne qui venait de me parler n'était autre que... moi. Enfin, en quelque sorte. C’était une représentation d'Ambre, un écho de son ancienne présence dans ce corps. Quelle ironie ! J’avais hanté Ambre pendant tant d’année, et désormais, c’était son fantôme qui me poursuivait. En l'apercevant, j'éclatais de rire.

- Ha ! Tu crois aux conneries que tu racontes ? Tu sais franchement à qui tu t'adresses ?

Bien sûr qu'elle le savait, vu qu'elle provenait de mon esprit... mais je ne voulais pas perdre la face contre elle. Il n'y a rien de pire que de perdre un argument face à soi-même. « Ambre » se rapprocha de moi, mangeant une pomme imaginaire qu'elle tenait dans sa main. Elle était belle, comme elle l'avait toujours été. Coquette à la perfection, à un point que même dans mes rêves les plus fou je ne pourrai atteindre.

- Oh oui, c'est vrai, je m'adresse à la terrible Ombre, celle qui n'a aucune limite, qui fait ce qu'elle veut...

D'un seul coup, elle se retrouva en face de moi, son visage pratiquement collé au mien. Je reculai par surprise et me retrouvai contre le mur. Son visage était déformé par une expression de haine à la limite du sadisme. Elle eut un sourire ressemblant plus à une grimace et mettant tout mes sens en alerte.

- Alors dit moi, usurpatrice, pourquoi fais-tu semblant d'être Ambre ? Pourquoi essaies-tu de l'imiter ainsi ?

Ce n'était plus des larmes, mais des gouttes de sueurs qui coulaient doucement sur mes joues.

- C'est parce que... c'est parce que ce serait bizarre de me comporter ainsi ! Les autres trouveraient ça louche !

Pourquoi m'étais-ce impossible de la contrôler ? Cette « Ambre bis » faisait partie de moi après tout, aucune autre personnalité n'était venue au monde dans ce corps. Alors pourquoi passait-elle son temps à me rappeler toutes ces choses... que je voulais oublier ? Était-elle... l'incarnation de mes regrets ? Non, impossible, je n'en avais aucun !

- C'est ça, essaie de te rassurer là dessus ma jolie. Imagine la tête de Jean quand il apprendra la vérité.

Merde... C'est vrai qu'elle pouvait lire dans mes pensées.

- Il… Il n’a pas besoin de le savoir.

- Comment dois-on t’appeler déjà ? Ah oui. Meurtrière.

Son visage changea à nouveau et ses traits s’adoucirent, exprimant désormais un mélange de surprise et de tristesse.

- Ombre, je… commença t-elle.

Elle imitait la véritable Ambre au moment de sa chute. Au moment de sa mort. Sa mort que j’avais provoquée. Il ne fallait pas que je l’écoute. J’étais heureuse d’avoir enfin put me débarrasser d’Ambre. Avant, j’étais prisonnière, l’oublier serait oublier pourquoi je m’étais battu jusque là. Je ne devais pas me laisser faire. Je la repoussais mais mes bras passaient à travers elle. Sa forme redevint brusquement monstrueuse. Elle me plaqua au sol avec une facilité déconcertante et commença à m'étrangler lentement.

- Qu’est-ce que tu comptes faire, Ombre ? Me pousser dans le vide ?

- Tu... n'es pas réelle… essayai-je de prononcer.

La douleur, pourtant, l'était.

- Pardon ? Je n'ai pas bien entendu, me répondit-elle avec une voix faussement narquoise.

- TU. N'ES. PAS. RÉELLE, hurlai-je de toute mes forces.

Et finalement elle lâcha prise. Je lui jetai un coup d’œil. Elle me regardait, toujours avec un sourire que je ne pourrais décrire que de mauvais. Elle ouvrit la bouche et déclara tranquillement :

- C'est vrai, je ne suis pas réelle. Et toi non plus d'ailleurs. »


Et aussitôt ces paroles dites, elle disparut, comme si elle n'avait jamais été là. Pourtant, je savais qu’elle était toujours quelque part dans ma tête, à guetter de la moindre faiblesse à sa portée pour continuer à me torturer avec. Je me relevai, essoufflée. Cela devenait de plus en plus rude de combattre cette pseudo-Ambre.

« Qu'est ce qui s'est passé ici ? Pourquoi t'as crié ?

C'était Jean, en t-shirt et caleçon qui venait d'arriver sur les lieux. Il fallait admettre que ma bataille contre moi même avait provoqué un sacré désordre, et que j'avais été loin d'être discrète. Un paquet de céréales s'était déversé sur le sol, ainsi qu'une bouteille de lait. Jean m'aida à me relever, toujours avec une expression de profonde surprise sur le visage. J'étais moi même assez confuse par ce qui venait de se passer, je n'avais pas le courage de lui d'inventer une excuse plus pertinente que : « j'ai trébuché ». J'avais besoin de prendre l'air, je ne pouvais pas rester avec lui et sa bouche béante d’incompréhension. J'allais m'habiller et faire un tour dehors, ça allait me faire le plus grand bien ! En me voyant enfiler mes vêtements, le grand ténébreux demanda avec une voix enroué :

- Mais... où-est ce que tu vas ?

- Simplement faire des courses, il y a plus de lait, non ? »


Je l'embrassai sur la joue, le laissant toujours aussi dubitatif en plein milieu du carnage que j'avais provoqué. Ne l’écoutant pas lorsqu’il me fit une réflexion sur les horaires d’ouvertures des magasins, je me précipitai vers la sortie. En quelques instants, j'étais dehors, sous cette pluie que je détestais tant. Jean était bien gentil, et j’étais sûre de beaucoup l’aimer mais... lui aimait Ambre. C'était d'elle qu'il était tombé amoureux, pas de moi. Je n'étais qu'une copie de cette fille qui l'avait séduite... Non, je ne devais pas laisser ce genre d'idées néfastes me remplirent le cerveau. Mais peut-être que...

« Peut-être que ce jour là, ce n'est pas Ambre qui a disparu. Peut-être que c'est toi. » ricana la voix dans ma tête.


Je ne devais pas l'écouter... mais d'un autre côté... La Ombre que j'étais il y a un an était morte, ça ne faisait aucun doute. Celle qui était prête à tout, celle qui voulait hurler à pleine voix qu'elle existait, celle qui aurait tout fait pour rester fidèle à elle même. Je m'assis sur un banc. C'était la rentrée des classes aujourd'hui, mais je ne pensais sans doute pas m'y rendre. J'allais faire comme tout les jours et vivre dans cette monotonie avec Jean et sa petite sœur. Sans passé, sans futur, sans rien.

Il pleuvait beaucoup. Il commença à pleuvoir sur mes joues. La rue était pratiquement vide, mais quelqu'un se dirigeait vers moi. Dans la brume on aurait dit... Ambre ? C'était impossible, elle était encore perdue sur Lyoko ! Après quelques secondes, je remarquai que la personne avait de long cheveux bleus... Quelle idée stupide de croire que c'était ma « moitié »... je devenais vraiment parano.


En tout cas, cette nouvelle arrivante s'arrêta juste devant moi. Elle était trempée, tout comme moi, mais si je grelottais de froid, elle, semblait rester insensible à ces intempéries. Elle pencha la tête sur le côté en me regardant.

« Quoi ? T'as un problème ? 

Elle ouvrit la bouche, comme si elle voulait dire quelque chose, mais se ressaisit. C'était quoi, une mendiante ? Franchement, est-ce que j'avais l'air d'avoir de l'argent ?! C'est alors que contrairement à toutes mes attentes et avec une rapidité fulgurante, elle me donna un coup de poing dans le ventre d'une force incroyable qui me projeta en arrière de quelques mètres. Encore sous le coup de la surprise, je me relevais. C'était... c'était pas possible, elle était toute frêle ! Comment pouvait elle avoir une telle puissance dans les bras ? Encore endolorie, je m'écriai :

- Mais ça va pas bien ? Si c'est la baston que tu cherches tu vas pas être déçue ma vieille ! 

Je savais toujours me défendre. Je n'étais pas prête d'oublié l'une des choses qui m'avait permis de m'en sortir jusque là. J’avais réussi à faire face à Melvin lorsqu’il était possédé par X.A.N.A., c’était pas une pauvre ado qui allait me chercher des noises. Elle allait voir ce qu'elle allait voir.

- Ombre Delmas, je vais te demander de me suivre. S'il te plaît. » dit-elle soudainement, avec une voix creuse, comme si c'était une récitation.


Co... comment m'avait-elle appelé ?! « Ombre »... ? Mais... personne ne connaissait mon existence, sauf Melvin, et il ne me considérait que comme un avatar d’Ambre ! Alors que mon agresseuse se rapprochait dangereusement de moi, je compris que quelque chose ne tournait définitivement pas rond. Tout mes sens étaient en alerte. Vu la force dont elle avait témoigné, je n'avais strictement aucune chance.


Je me mis à courir, aussi vite que je le pouvais, une voix moqueuse résonnant dans mon crâne, répétant encore et encore :

« Tu vois ? Je te l'avais dit ! »

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