Before, Now and ..., l'esprit de Noël selon Ryo Saeba
Chapitre 3 : L'esprit des Noëls passés
6301 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 01/12/2023 14:56
Chapitre 3 : L'esprit des Noëls passés
Ryo émergea quelques heures plus tard, la bouche pâteuse, les tempes bourdonnantes, les mâchoires crispées et douloureuses, comme s'il avait serré les dents toute la nuit... Ce qui avait certainement été le cas. Il s'assit sur le canapé, observa la bouteille entamée trônant sur la table basse, éclairée par la lumière verdâtre en provenance de l'horloge du magnétoscope. Le reste de la pièce était plongée dans l'obscurité la plus totale. Cela ne le gênait pas. Il connaissait son appartement par cœur et aurait pu s'y mouvoir les yeux fermés.
Il avisa l'heure : minuit passé de cinquante huit minutes. Il soupira. Il n'avait même pas réussi à dormir la nuit entière.
Il attrapa le whisky, observa l'étiquette avec le peu de lumière qui filtrait, cherchant le souvenir auquel elle était rattachée mais rien ne vint. Ça restait en suspens, comme un mot sur le bout de la langue. Et puis soudain :
— Tiens, je pensais l'avoir terminée, j'ai dû rêver... grommela-t-il.
Il la referma soigneusement avec son bouchon de liège, puis constata que sa tasse de café-whisky, elle, était bel et bien vide... Il soupira et renonça à trouver la solution à ce futile problème. Après tout, cette perte de mémoire n'avait pas grande importance.
Il se leva et, alors qu'il passait devant le téléphone, celui-ci se mit à sonner. Il sursauta. Ce son... Il se figea, des images réalistes et glaçantes envahirent son esprit. Il regarda l'heure : une heure du matin. Pile.
Non... ça ne se pouvait pas... Il secoua la tête.
Il tendit la main pour décrocher et constata qu'elle tremblait un peu. Il referma le poing, prêt à surmonter cet inhabituel malaise quand il frissonna, soudain tétanisé de froid. Alors tout ça... Ça n'avait pas été un rêve ? Ni un délire alcoolisé ? Les sonneries de téléphone, le visage d'Hideyuki sur l'étiquette, sa visite dans sa chambre, les spectres qui hantent les rues éternellement enchaînés à leurs erreurs, tout ça, c'était donc vrai ?
Le téléphone hurlait toujours à intervalles réguliers. Cinq fois, six fois, dix fois ... Son cri déchirait le silence de la nuit mais Ryo, tétanisé, ne parvenait pas à décrocher le combiné. Son esprit restait accroché sur une simple constatation indélébile : ce n'était donc pas un rêve ?
Et, soudain, le faisant à nouveau sursauter, la porte d'entrée s'ouvrit avec fracas. Une silhouette transparente fondit sur lui en moins d'une seconde. Arrivée à sa hauteur, l'ombre se figea, l'observa, le jaugea, redressant ses lunettes dans un geste qui lui parut familier avant de l'interroger :
— Alors, vous ne décrochez pas ? C'est bien vous, Saeba Ryo, non ?
L’esprit avait certainement été un homme d'une cinquantaine d'années avant de devenir transparent. Il portait un pantalon à plis un peu frippé, une veste de costume à épaulettes trop grandes sur une chemise au col ouvert. Ryo se sentit déglutir et ce fut d'une voix un peu éraillée qu'il parvint à confirmer son identité. Visiblement satisfait, l'individu éthéré se redressa lentement et noua ses mains derrière son dos. Ryo se racla la gorge avant de balbutier :
— Et vous êtes ?
— Je n'ai pas été annoncé ? s'étonna le fantôme. Mon fils a donc oublié de mentionner mon arrivée ?
— Votre fils ?
— Vous n'avez pas reçu la visite d'Hideyuki ?
— Alors vous êtes... ?
— Makimura Masato. Son père... Et le père de Kaori, par la même occasion, ajouta-t-il en plissant les yeux.
Ryo sentit ses jambes flageoler mais l'esprit ne lui laissa pas le temps de respirer. En un claquement de doigt, il le poussait dans le dos en direction de la fenêtre qui venait de s'ouvrir brusquement. D'un geste machinal, Ryo voulut resserrer les pans de sa veste autour de lui mais il réalisa qu'elle était toujours suspendue sur le porte-manteau de l'entrée. L'esprit de Monsieur Makimura posa sa main sur la poitrine de Ryo :
— Tout ira bien. Il vous suffit d'avoir chaud ici et vous pourrez tout affronter.
L'esprit le poussa dans le vide. Ryo tomba en arrière. Il hurla, certain que sa dernière heure était arrivée mais jamais il ne s'écrasa sur le dur béton du trottoir. Il flottait. Comme s'il faisait la planche sur une mer paisible, il flottait, porté par un doux rouli, entouré de brume épaisse et blanche.
Quand le brouillard disparut, Ryo se retrouva debout, dans une petite ruelle d'un quartier traditionnel urbain. Les rues, en terre battue, avaient été ravinées par les intempéries. Les petites maisons de bois étaient plongées dans la pénombre. Il ne reconnaissait rien.
— Où sommes nous ?
— Nous sommes remontés dans le temps. Nous visitons les ombres qui ne sont plus.
— Comment est-ce possible ?
— Je suis l'esprit des Noëls passés et je vous emmène en voyage. Nous allons observer ce qui doit être vu. Vu, reconnu et accepté. Ne vous inquiétez pas, nous resterons imperceptibles.
L'esprit le tira par le bras vers un mur de planches d'une maisonnette, qu'ils traversèrent comme s'il s'agissait d'un écran de fumée. Ryo se retrouva à l'intérieur. Dans l'ombre de la petite pièce centrale, se trouvaient deux futons alignés, côte à côte, sur le parquet. Sur l'un, se tenait, à moitié assise, une jeune Japonaise pâle mais souriante. A ses côtés, un homme, tout aussi jeune qu'elle, de type occidental et aux cheveux sombres en bataille, la tenait par les épaules tout en regardant ce qu'elle portait dans ses bras. Il souriait lui aussi. Tout semblait immobile et silencieux, baigné par la douce lumière d'une chandelle.
Soudain, un petit cri fit sursauter les deux jeunes gens qui éclatèrent ensuite de rire :
— Il me semble que ce petit bonhomme a déjà faim... murmura l'homme avec un léger accent américain.
La femme ouvrit son kimono et installa un nourrisson minuscule à son sein.
— Comment allons-nous l'appeler ?
L'homme resta silencieux un instant puis chuchota, en caressant du bout des doigts la petite tête ronde à peine couverte de duvet sombre :
— Chez moi, aujourd'hui, c'est la fête de Noël...
— On ne va quand même pas l'appeler Noël ! dit la jeune mère en riant.
— Ah non ? Je pensais que c'était une bonne idée... plaisanta l'homme.
Ils se sourirent puis reportèrent leur attention sur le petit être qui tétait vigoureusement. Ils restèrent un moment silencieux puis, sans quitter le bébé des yeux, la jeune femme demanda :
— Tu crois vraiment que nous allons y arriver ?
— Oui. Bien sûr que j'y crois, affirma-t-il avec conviction. J'ai réussi à te soustraire à ta famille et à ce mariage forcé, tu as réussi à faire naître notre fils ici, nous arriverons à fuir et vivre là-bas. Toi et moi ... et lui... J'achèterai nos tickets pour le paquebot de la semaine prochaine. Dans moins d'un mois, nous serons chez moi, aux Etats-Unis.
Comme le nouveau petit être maladroit venait de sombrer dans le sommeil en ronflant doucement, les deux parents se serrèrent l'un contre l'autre, admirant ensemble leur si minuscule miracle.
Dans l'ombre, Ryo restait pétrifié. Il sursauta presque quand il entendit murmurer derrière lui :
— Vous êtes un enfant de l'amour et du courage, vos parents ont tout bravé pour être ensemble, murmura Masato.
Ryo, la gorge nouée, ne pouvait répondre. Il s'apprêtait à faire un pas pour s'approcher de ses parents, pour mieux distinguer leurs visages, leurs voix, leurs souffles mais l'esprit le tira en arrière et Ryo ne put résister. Ryo se retrouva à nouveau dans la ruelle en terre, froide et humide.
— Pourquoi !?! s'indigna-t-il en se tournant vers l'esprit. Pourquoi m'avoir empêché de voir ! Je... Je... J'avais tellement de questions ! Qui sont-ils ? Est-ce que j'ai encore de la famille ? Quel est mon nom ?
L'esprit secoua la tête puis posa une main sur son épaule :
— Saeba Ryo, ce n'est pas l'objet de ce voyage. Ce n'étaient que des ombres du passé. Vos parents ne peuvent pas nous voir. Je comprends ce que vous ressentez, n'en doutez pas. Je tenais simplement à vous montrer que vous avez été aimé et que vous avez vécu des Noëls heureux... Parce que c'est ça, l'esprit de Noël.
Ryo éclata de rire, sarcastique :
— L'esprit de Noël ... Vous m'en direz tant...
— Pourtant, à un moment de votre vie, vous avez aimé Noël.
Ryo leva les sourcils, dubitatif. Masato insista :
— Mais si. Quand vous étiez encore enfant...
Ryo comprit soudain et se rembrunit. Il n'avait pas envie de retourner là-bas. Vraiment pas envie. Il aurait voulu protester, résister, argumenter pour empêcher ce qui allait suivre mais il ne put lutter contre la douce puissance du fantôme qui l'attirait inexorablement en arrière. A nouveau, il fut entouré de brume.
— Attendez, non...
Il reconnut les odeurs et les sons avant de voir ce qui l'entourait : la terre argileuse qui sentait la pluie, l'humidité qui se collait à sa peau, le bourdonnement aigu des moustiques et autres insectes qui envahissait ses oreilles, les cris des oiseaux et la lourdeur de l'air qui pénétrait dans ses poumons... Tout lui donna immédiatement la nausée. Le cœur battant, il vit le brouillard se matérialiser doucement, branche par branche, feuille par feuille, tente par tente. Dans une zone déboisée au milieu de la jungle luxuriante, sous un ciel constellé de milliers d'étoiles, un feu de camp illuminait la nuit. Autour des flammes, une vingtaine d'hommes en treillis et rangers avait pris place.
Un guitariste avait sorti son instrument, accompagné par un violon et un harmonica. Une musique douce et joyeuse emplissait l'air ainsi qu'une bonne odeur de viande grillée et d'igname rôti. Ce soir, ça allait être un repas de fête. Ryo se vit, lui, alors qu'il n'était qu'un petit garçon de six ou sept ans, assis aux côtés de son père adoptif, Shin Kaïbara, sur un tronc couché près du feu. Kaïbara était en train de tendre un morceau de tissu bleu au jeune garçon : à la lueur des flammes, les petites mains de Ryo déroulèrent le morceau de coton pour en libérer une pièce de bois sculptée.
— Waouh ! Un jaguar !
Les yeux de Shin s'illuminèrent devant l'émerveillement du garçon ; le coeur du vieux Ryo se serra en constatant que l'enfant qu'il avait été, restait, malgré la guerre, les privations et la violence quotidienne, un enfant, un petit bonhomme heureux de recevoir ce simple cadeau, fabriqué avec patience par son papa.
— Le seigneur de la jungle... Le guerrier parfait...
Dans la pénombre, invisible de tous, Ryo sursauta. En tant qu'enfant, il n'avait absolument pas fait attention à ces mots, à ce que ce jaguar représentait pour son père... Le "guerrier parfait", la quête ultime, l'insaisissable puissance. Son cœur se serra. Déjà à cette époque-là, la folie guettait l'esprit de Kaïbara.
Mais le petit garçon, lui, n'avait d'yeux que pour le petit jouet :
— Oh, papa ! Il est magnifique !
— Je suis content qu'il te plaise, fils ! répondit Shin Kaïbara en ébouriffant la tignasse de Ryo.
Le père et le fils échangèrent une étreinte sincère, douce. En retrait, Ryo sourit de revoir ainsi l'ancien Shin Kaïbara. Avant de le trahir, il avait été ce qui s'approchait le plus d'un père, celui qui avait veillé tant bien que mal sur son enfance, celui qui lui avait appris à se battre et à se faire respecter, celui qui n'avait pas encore de prothèse à la place de sa jambe gauche, celui qui souriait de temps en temps, celui qui l'appelait "fils", celui qui n'avait pas ce regard vide et froid, celui que la guerre n'avait pas encore rendu complètement fou, haineux et triste.
Quel gâchis...
En découvrant le sourire sur les lèvres de Ryo, l'esprit des Noëls passés lui demanda :
— Vous voyez, vous avez eu des Noëls heureux.
— Oui, je l'avais complètement oublié.
Le fantôme acquiesça :
— Oui, parce qu'il est lié à un autre souvenir, bien plus triste, que vous avez profondément refoulé.
Ryo se tourna vivement vers l'être transparent et annonça, rude, abrupt et tranchant :
— Pas la peine d'essayer, je ne parlerai pas de ça.
— Vous n'aurez pas besoin d'en parler..
Et l'esprit le tira à nouveau en arrière sans que Ryo ait pu s'y opposer. Alors qu'ils étaient à nouveau dans le brouillard, le fantôme termina sa phrase :
— ...vous avez besoin de l'accepter, je vous l'ai déjà dit.
Ils se retrouvèrent dans une tente. Ryo la reconnut immédiatement. Et pourtant, c'était une tente comme les autres : six mètres sur trois, la place pour quatre lits de camps effilochés, quatre chaises bancales, une une table vermoulue avec une cruche d'eau et une lanterne à alcool cabossée dont la lumière blafarde éclairait à peine, deux piquets centraux rouillés, le tout recouvert d'une toile qui avait certainement été kaki dans une autre vie.
Il sentit son corps se raidir. C'était ici qu'il avait passé les pires moments de son existence, pas seulement parce qu'il avait failli y mourir, pas seulement parce que la souffrance l'avait fait hurler à la mort, pas seulement parce qu'il avait perdu l'envie de vivre... surtout parce que c'était là qu'il avait été abandonné. Il était devenu un véritable orphelin ici et ce souvenir ravivait une douleur plus vive qu'il ne l'aurait cru.
Muet, il se contenta de secouer la tête. Le fantôme de Masato lui posa une main sur l'épaule.
— Il le faut. Les ombres du passé doivent être acceptées. Elles font partie de ce que vous êtes. Vous ne pouvez refuser cette part de vous-même au risque de vous perdre. Et de perdre ce qui est essentiel pour vous...
Ryo se vit alors entrer dans la tente d'un pas lourd et fatigué. Il se souvenait bien de ce soir-là. Il devait s'être écoulé trois mois depuis sa dernière crise de manque causée par l'injection de l'angel-dust, un dérivé du pcp sensé rendre invincible. Instillée par son propre père et contre sa volonté, la drogue l'avait transformé en monstre sanguinaire, le poussant à massacrer un camp entier de mercenaires ennemis. Un seul homme avait survécu : Falcon. Mais il avait été gravement blessé aux yeux...
Le Doc, le médecin de ce dispensaire militaire, l'avait trouvé et soigné dans son hôpital de fortune, au milieu de la jungle colombienne. D'autant qu'il se souvienne, Ryo n'avait jamais autant souffert que pendant ces crises de manque et pourtant, il en avait déjà connu des blessures du haut de ses seize ou dix-huit ans.
Quelques mois plus tard, son corps d'adolescent en portait encore les stigmates : il était maigre, pâle et avait du mal à rester debout trop longtemps. Il était loin le corps leste et puissant qui avait fait de lui un guerrier redoutable.
Tout ça à cause de la drogue...
Le manque l'avait fait hurler, pleurer, supplier mais il s'en était sorti "par miracle" comme disait souvent le Doc, l'air satisfait derrière ses petites lunettes rondes. Ryo, à l'époque, ne voyait vraiment pas où était le miracle, tant il aurait préféré mourir. Vivre avec ce corps amoindri et sa culpabilité lui avait semblé longtemps impossible... la culpabilité et la déception d'avoir failli, de ne pas avoir été assez fort pour supporter l'angel-dust, d'avoir déçu son père...
Le Ryo d'aujourd'hui s'assit sur un lit de camp inoccupé et observa son ancien lui, émacié et maladroit, se déshabiller fébrilement, posant sa chemise de treillis sur la chaise avant de s'affaler sur le lit d'à côté, les mains nouées derrière la nuque.
Au dehors, on entendait des rires et des discussions enjouées. L'ensemble du camp hospitalier du Doc fêtait Noël : les cuisinières avaient concocté un vrai repas de fête, la musique et les chants qui concluaient la messe dans la chapelle de toile emplissaient l'air. Mais toute cette joie n'émeuvait pas le jeune homme le moins du monde. Au contraire. Il se sentait encore plus seul, plus triste et plus abandonné que jamais.
Depuis plusieurs semaines, dès qu'il avait été capable de marcher et de parler, il avait tenté de contacter ou, au moins de localiser, le groupe de guérilleros de Kaïbara, mais, en vain. Ce soir, par hasard, alors qu'il s'était assis autour du feu de camp, il avait appris d'un père de famille, passeur à ses heures, que les mercenaires "les Jaguars Noirs" venaient de traverser le fleuve Magdalena ; ils avaient rendez-vous avec un contact américain afin de gagner illégalement les Etats-Unis, en passant par le Panama et le Mexique. Celui qui les menait correspondait trait pour trait à Shin Kaïbara, cela ne faisait aucun doute.
Cette nouvelle avait eu l'effet d'un dernier coup de poing dans le ventre du jeune Ryo. La troupe l'abandonnait. On le laissait à l'arrière.
Comme un poids mort.
Comme un traître.
Son père ne viendrait pas le chercher cette fois.
Il avait eu envie de pleurer. Pour cacher ses larmes, il s'était réfugié ici, pensant qu'il vaudrait mieux rester seul et tenter de dormir. Ca avait été une erreur car, là, dans la tente, la solitude et l'obscurité attisaient sa colère.
Il aurait pu pardonner. Oh, oui, tout ! Il aurait pu tout pardonner. Être utilisé comme un cobaye pour devenir un guerrier parfait, endurer la souffrance physique qui avait suivi, l'attente, tout. Il aurait pu pardonner tout ça. Oui, il en aurait été capable. Si son père était revenu, il n'aurait même pas eu besoin de s'expliquer, Ryo lui aurait pardonné.
Mais plus maintenant.
Sa réalité explosait violemment et Ryo était submergé par la vague de ses émotions alors qu'il comprenait enfin ce qu'il s'était vraiment passé. Son père avait abusé de sa confiance, l'avait trahi et ensuite abandonné. Car ce n'était pas comme si il avait été prisonnier par des ennemis, non. Kaïbara aurait pu entrer dans le camp hospitalier à n'importe quelle heure du jour et de la nuit et demander à le voir sans que personne ne tente quoique ce soit contre lui. C'était un endroit neutre ici, les combats, les rivalités entre les différents adversaires étaient totalement ignorés. Ryo n'avait dissimulé ni son nom ni son appartenance au groupe des Jaguars noirs. A chaque blessé qui partait, il avait demandé de transmettre l'information : Ryo Saeba était dans l'hôpital du Doc. Le jeune homme avait donc laissé assez d'indices.
Mais cela n'avait servi à rien. Son père ne l'avait certainement pas cherché. Même pas un petit peu... Et aujourd'hui il partait sans même lui le dire en face. Il le laissait derrière lui, sans remords, sans regrets, sans un au-revoir.
Bien... Soit... Qu'il en soit ainsi... Le coup faisait mal mais au moins, il était clair et net.
Le jeune Ryo serra les dents et les poings, ravala sa tristesse pour la transformer en rage. Le Ryo d'aujourd'hui sentait presque la colère irradier de son ancien lui, faisant vibrer l'air d'une énergie brûlante et dévastatrice. Il savait bien ce qui allait se passer et il tenta de le retenir mais il ne fit que lui passer au travers quand l'adolescent se redressa brusquement. Le Ryo d'hier attrapa quelque chose sous son oreiller et s'élança d'un pas vif et décidé hors de la tente, sans même prendre le temps d'enfiler sa chemise pour dissimuler, à son habitude, la maigreur de son torse et de ses bras.
Ryo et le fantôme de Masato lui emboîtèrent le pas et le suivirent jusqu'au feu de camp où le jeune homme jetta un petit objet dans les flammes. L'esprit s'en approcha pour découvrir la figurine en bois en forme de jaguar.
— Que fais-tu ? demanda quelqu'un dans leur dos.
Sans se retourner le jeune Ryo répondit au Doc en serrant les poings :
— J'en finis avec l'affection et les sentiments, le Vieux.
L'homme s'avança vers lui et posa une main sur son épaule. Chétif et de petite taille, il avait presque une tête de moins que Ryo et semblait déjà vieux.
— En es-tu sûr, Babyface ?
— J'ai jamais été aussi sûr d'un truc dans ma vie. Je ne suis plus un jaguar. Je ne serai pas le guerrier parfait. Mais je me vengerai.
— La vengeance est un mauvais objectif pour les hommes biens.
— Pas grave, j'suis pas du tout un homme bien, de toute façon. Demain, je pars rejoindre Moon aux USA. Le travail qu'il me propose m'ira très bien.
— Tu es sûr de vouloir devenir tueur à gages ?
— C'est tout ce que je sais faire. J'suis pas un homme bien, v'savez...
Le médecin opina du chef, sachant pertinemment qu'il ne retiendrait pas ce jeune entêté contre son gré. Il lui expliqua cependant ce qu'était, à ses yeux, un homme bien. Ce faisant, il l'entraîna vers une grande tablée où ils prirent place pour manger ensemble tout en discutant. Le sujet ne semblait pas passionner le jeune homme mais il faisait diminuer sa colère qui se muait peu à peu en détermination.
— Que s'est-il passé ensuite ? demanda l'esprit.
— J'ai pris mes affaires et je suis parti aux USA, rejoindre Moon. Il m'a formé au métier de tueur à gages. Au bout de trois ans, j'ai retrouvé la trace de mon père. J'ai essayé de me venger mais je me suis vautré. Je suis parti vivre au Japon et je n'ai plus jamais entendu parler de lui... J'ai mis tout ça derrière moi, comme si ça n'avait jamais existé. Jusqu'à il y a trois mois, quand il a débarqué à l'appartement. Kaori et moi avons attaqué son bateau. Il m'a provoqué en duel. Et je l'ai tué. Fin de l'histoire.
— Pourquoi ?
— Pourquoi quoi ? s'étonna Ryo, pensant en avoir terminé.
— Pourquoi l'avez-vous tué ?
— Je vous l'ai dit, il m'avait provoqué en duel.
Le fantôme haussa les épaules :
— Et alors ?
— Chez nous les pros, un duel se termine par la mort d'un des participants. Il n'y a pas d'autre issue.
— Hmmm... Je reformule ma question : regrettez-vous votre choix ?
Ryo le dévisagea, ahuri :
— Comment pourrais-je le regretter ? Mon père était fou, fatigué et dangereux.
— Vous êtes un tireur d'élite. Vous auriez été parfaitement capable de le neutraliser avant de le livrer aux forces de l'ordre. Pourquoi l'avoir tué ?
— Parfois je me dis que c'est ce qu'il voulait, que dans une sorte d'éclair de lucidité, il avait compris qu'il était préférable pour lui de mourir. Parfois, je pense plutôt que c'est par instinct de survie. Si je ne l'avais pas abattu, il m'aurait tué sans hésiter, ça vous pouvez me croire. En plus, si je ne l'avais pas fait, il aurait descendu les autres.
— Quels autres ?
— Les autres... ceux qui étaient avec moi ce jour-là sur le bateau.
— C'était qui ?
— Bah les autres là ! s'impatienta soudain Ryo.
— Quels autres ? répéta le fantôme. Je n'y étais pas, moi, sur votre rafiot, je vous rappelle.
— Ceux qui sont venus nous aider...
— Nous ?
Devant l'insistance de Masato, Ryo tapa du pied en levant les yeux au ciel, excédé. Pour se retenir de dire ou faire quelque chose qu'il regretterait ensuite, il préféra tourner les talons et s'enfonça dans la jungle, déversant sa colère sur la végétation luxuriante, arrachant lianes et feuilles qui gênaient son passage. L'esprit lui emboîta le pas, indifférent aux obstacles qu'il traversait tel un nuage.
— C'était qui, "nous" ?
— Jamais vous lâchez l'affaire ?
L'esprit ne put se retenir de rire :
— Non, j'étais flic, j'vous rappelle.
Ryo jura et continua à se frayer un chemin entre les racines et les branches, souple comme une panthère. Le fantôme soupira par devers lui :
— Dis donc, j'en ai connu des acharnés et des obstinés en interrogatoire, mais celui-là, il tient la palme... Hééé, Saeba ! Tant que vous n'aurez pas répondu à ma question, vous resterez ici, alors, c'est à vous d'voir...
Ryo continuait à marcher droit devant lui :
— Kaori ! Il aurait fait du mal à Kaori ! Et je ne voulais pas qu'il lui arrive quelque chose !
— Ahhhh... Bien, bien, bien... Mais pourquoi ?
— Z'en avez pas marre de vos "pourquoi" ? Pourquoi quoi encore ?
— Pourquoi ne vouliez-vous pas qu'il lui arrive quelque chose ?
Ryo s'arrêta, essoufflé mais ne se retourna pas vers lui pour lui répondre enfin :
— Vous savez bien pourquoi.
— Non, je ne sais pas.
— Si.
— Non.
— Si.
Le fantôme passa alors devant Ryo et lui fit face. Il darda son regard acéré dans ses yeux sombres. Au bout de quelques longues et silencieuses secondes, Ryo explosa :
— Parce que je tenais à elle ! Voilà, ça vous va, ça ? J'ai tué mon père pour la protéger et pour rester avec elle !
L'esprit sourit :
— Ah bah voilààà... C'était pourtant pas compliqué. Encore une petite question : pourquoi vouloir rester avec elle ?
— J'en sais rien, répondit sèchement Ryo. C'était comme ça sur le moment. Si vous voulez tout savoir, demain, elle va se casser à l'autre bout du monde et ça ne me rend pas malheureux du tout...
— Ah oui ? Vous êtes sûr ? répondit Masato, amusé.
Ryo croisa les bras mais se refusa à répondre. Masato sourit :
— Comme vous allez mettre un certain temps pour me donner une réponse franche et honnête, je vais vous donner un indice... en vous montrant un de mes souvenirs de Noël.
L'esprit claqua des doigts et, une nouvelle fois, Ryo se fit engloutir par un immense nuage blanc.
Quand la brume se dissipa, Ryo se trouvait dans un salon, petit mais meublé de l'essentiel à la façon moderne et occidentale, dans le style des années soixante avec un canapé en velours vert anis, une table basse, deux buffets typiquement japonais et un seul tableau : une photographie du Mont Fuji en noir et blanc que Ryo avait déjà vu dans l'appartement de Hideyuki puis dans la chambre de Kaori.
Il reconnut aussi les décorations qui ornaient un sapin modeste mais très chargé : guirlandes multicolores, boules rouges, dorées, roses, bleues, des petits anges et un père noël en feutrine... et bien sûr, l'étoile façon boule à facettes de sa partenaire. Il ne fut donc pas surpris de découvrir, agenouillés devant le sapin, deux enfants en pyjama, Kaori et Hideyuki à n'en pas douter, occupés tous les deux à déchirer le papier doré d'un paquet cadeau.
Le jeune adolescent à lunettes découvrit, émerveillé, un ballon de football en cuir. La petite rouquine, elle, sauta de joie tout en serrant contre elle, dans un câlin presque violent, un nounours avec ruban rose autour du cou. Assis sur le canapé, Masato, bien plus jeune et en couleurs, buvait un café en souriant de la joie de ses enfants.
— Papa, papa, papa, je pourrai dormir aveeec ? piailla la petite fille.
— Papa, je peux aller faire un match avec Hiro et Toshio?
— Attends Hideyuki ! s’exclama Kaori. Papa, papa, papa... Regarde, on a un cadeau pour toi !
— Ah bon ?
— Hihihihi, oui, comme le Père Noël ne passe que pour les enfants sages, nous, on t'a fait un cadeau ! s'écria-t-elle en sautant sur les genoux de son père, un paquet dans les mains.
Hideyuki vint s'asseoir à côté de Masato :
— On a travaillé ensemble pour le fabriquer. Elle a souvent perdu patience mais elle s'est appliquée.
Masato retira ses lunettes pour dissimuler qu'elles étaient en train de se couvrir de buée. Après avoir ouvert précautionneusement le papier cadeau, il découvrit une longue écharpe jaune, avec un bonnet assorti, visiblement tricotés à la main. Il posa immédiatement le bonnet sur sa tête et s'enroula dans l'écharpe :
— C'est pour ça que tu avais volé mon chapeau, petite coquine ! s'exclama-t-il en chatouillant les flancs de sa fille.
— Ouiiii ! Pour avoir la bonne taille, hihihihi !
Masato embrassa sa fille sur la joue puis posa une main chaleureuse sur l'épaule de son fils :
— Merci les enfants, c'est un très beau cadeau !
— Tu auras moins froid quand tu devras rester en planque, précisa Hideyuki.
— Ah ça, c'est sûr !
— Sauf qu'il y a quelques trous quand même... Elle a sauté des mailles !
— Tsss, ça se voit même pas ! objecta la petite les bras croisés, boudeuse.
— Heuuu, t'as vu celui-là ? insista son frère.
— Mais heuuu...
— Bah oui, quand même !
— Rooo, c'est bon, c'est pas grave !
— Si.
— Nan.
— Si.
— Nan nan nan, na !
— Si, si, si, siiii ! Hééé ! Papaaa, elle m'a tiré la langue !
Masato éclata de rire.
Ryo se tourna alors vers le fantôme qui regardait la scène, mélancolique :
— Même si je ne gagnais pas beaucoup, je mettais un point d'honneur à leur faire un cadeau. J'adore voir leurs sourires quand ils ouvrent leurs paquets.
Devant eux, Hideyuki avait cédé à l'hilarité de son père et le rire cristallin de Kaori vint s'ajouter aux leurs, créant ainsi la douce musique des jours de fête. Il entendit le spectre de Makimura Masato murmurer, le sortant de sa rêverie :
— Elle a toujours aimé Noël...
— Oui, je confirme, soupira amèrement Ryo. Je ne comprends pas pourquoi... C'est tellement surfait comme fête et franchement, je me demande bien... héééé !
Il n'avait pas pu achever sa phrase, l'esprit le tirait déjà fermement par le bras et il n'avait pas la force de lui résister. Le décor se brouilla subitement. Les couleurs disparurent dans une brouillard dense et blanc comme la neige.
Le nuage s’évanouit et Ryo cligna des yeux, ébloui. Il reconnut immédiatement sa chambre baignée par la douce lumière du soir. Il était de retour à Tokyo.
Il se vit alors, allongé sur son lit, les mains croisées derrière la nuque, le regard dans le vague. A quoi était-il en train de penser ? Aucune idée... Soudain, rompant le silence et faisant sursauter les deux spectateurs invisibles, la porte s'ouvrit avec fracas et Kaori entra d'un pas vif. Encore vêtue de sa veste d'hiver et d'un vieux bonnet en laine jaune, la jeune femme se planta devant le lit de Ryo, sourire radieux aux lèvres :
— Tu peux me donner un coup de main ?
Le Ryo allongé sur le lit se tourna vers elle, présentant un sourcil interrogateur, sans répondre.
— J'ai du mal à monter le sapin, expliqua-t-elle en s'essuyant les mains sur son jean.
— Le sapin ? Quel sapin ? bougonna Ryo.
— Le sapin de Noël évidemment ! Tu as oublié quel jour on est ?
— Heuuu... Non mais...
— J'ai réussi à le détacher du toit de la Fiat mais j'ai du mal pour monter les escaliers...
Ryo éclata de rire :
— Compte pas sur moi ! Si t'arrives à manier des massues de cent tonnes, c'est pas un petit sapin de rien du tout qui va te...
Kaori ne le laissa pas poursuivre son sarcasme. Impatiente, elle l'attrapa par le poignet, pour le relever de force, sourire toujours éblouissant aux lèvres :
— Blablabla... Garde tes mauvaises blagues, monsieur le râleur ! C'est Noël ! Tu verras, ce sapin est magnifique ! Un peu plus petit que ce que j'aurais voulu mais bien fourni et équilibré...
Et elle l'entraîna dans la cage d'escaliers tout en parlant encore et encore de tout ce qu'elle envisageait pour la décoration de leur appartement et pour le repas gargantuesque qu'elle avait prévu pour la soirée. Il la laissa le traîner jusqu'à la porte d'entrée de l'immeuble et il monta le sapin sur son dos, jusqu'au cinquième étage, râlant, pour la forme, que les épines le chatouillaient et le faisaient éternuer.
Ryo se souvenait bien de ce Noël-là. Ca avait été leur premier Noël ensemble. Il avait été surpris de se retrouver avec un sapin et des décorations dans sa planque. Pour lui, Noël, c'était une fête pour les enfants. Pas pour les adultes. Encore moins pour un célibataire endurci. Et surtout pas pour un tueur à gages... Pas pour un type comme lui, en gros. Et pourtant. Il se souvenait bien qu'il n'avait pas eu le courage de lui refuser ce plaisir tant la voir sourire, l'entendre rire et chanter lui avait réchauffé le cœur.
Une fois le sapin installé, elle s'était précipitée au grenier où elle avait entassé toutes ses affaires suite à son emménagement, moins d'un an auparavant. Elle en avait descendu un vieux carton chargé de guirlandes de toutes les couleurs, brillantes et pailletées, de boules rouges, dorées, et encore de tas d'autres trucs... et surtout, une grande étoile argentée étincelante de centaine de petits miroirs posés en mosaïque.
— On dirait une boule à facettes... eut envie de plaisanter Ryo mais en découvrant les yeux chargés de larmes retenues de Kaori, il s'abstint.
Gêné, il ne savait pas quoi faire.
Le Ryo d'aujourd'hui entendit le fantôme soupirer en voyant le Ryo d'hier sortir bêtement un mouchoir à moitié froissé de sa poche pour le tendre à Kaori. Cette dernière observa la boule de papier froissée puis refusa de le prendre en secouant la tête. Cependant, elle lui sourit, de ce sourire chaud et solaire qui faisait qu’elle était elle. Elle renifla avant de s'écrier, à nouveau pleine d'entrain :
— Je l'adore, cette étoile, on dirait une boule à facette, elle trop rigolote. On l'a bricolée ensemble, papa et moi. On s'était collé sans arrêt les doigts, c'était trop marrant. Si tu regardes bien, il y a des bavures de glue partout mais je la trouve encore plus belle comme ça.
— Un bon souvenir ?
— Oui, magnifique, affirma-t-elle en plaçant l'étoile sur la pointe du sapin.
Comme elle lui tournait le dos, elle en profita pour lui dissimuler son chagrin, renifla encore une fois puis se retourna, rayonnante :
— Tadaaaam ! Il est pas beau, notre sapin ?
Le Ryo d'hier avait ri de bon cœur, avouant que, somme toute, un amas de trucs brillants, c'était peut-être pas si laid.
Le Ryo d'aujourd'hui ne put retenir un sourire. Ça avait été un très beau Noël, ce premier Noël avec elle. Il se souvenait bien. Elle s'était décarcassée pour cuisiner mais le gâteau était trop cuit, elle avait confondu le sel et le sucre et ça avait été immangeable. Ils avaient fini au resto du coin. Elle lui avait offert son trench coat en laine brune... Lui, s'était excusé. Il n'avait pas prévu de cadeau. Elle avait simplement ri, se moquant de sa triste figure contrite.
A y repenser ...
Il soupira.
Ce soir de Noël avait été la première fois depuis longtemps qu'il ne s'était plus senti seul. Il avait réalisé à ce moment-là qu'il s'était habitué à sa présence. Elle rendait les choses tellement plus douces... même si elle lui tapait dessus pour un rien.
Il soupira.
Tout était si simple encore à ce moment. Ils apprenaient à se connaître, ils s'apprivoisaient peu à peu, ça avait un certain charme. Et puis, il avait été tellement persuadé qu'elle finirait par partir un jour, pour rejoindre une vie plus "normale" que celle de City Hunter qu'il lui proposait... Il n'en avait rien été... Plus de six ans plus tard, elle était toujours là.
Il soupira ... puis sursauta quand il entendit derrière lui :
— Alors ? avez-vous compris pourquoi vous vouliez rester avec elle ?
— Je crois ... mais les choses ont changé entre-temps, vous ne savez pas tout et aujourd'hui...
L'esprit secoua la tête :
— Oui, oui, certaines choses ont changé. Mais d'autres pas. Ma fille ne vous a jamais abandonné, jugé ou oublié. Je me trompe ? Elle a toujours été là pour vous. Que vous a-t-elle apporté dont vous aviez besoin, c'est peut-être ça la question que vous devriez vous poser.
Ryo détourna le regard mais ne répondit pas. L'esprit se contenta de sourire en murmurant :
— Prenez votre temps. Vous avez déjà bien avancé, jeune homme. Je suis certain que vous finirez par trouver la réponse... Mes collègues vont venir pour vous guider pour la suite. J'ai été ravi de faire votre connaissance, Saeba Ryo. Je comprends pourquoi mes enfants tiennent tant à vous.
Ryo, lui, n'eut pas le temps de répondre qu'un nuage glacé s'enroulait autour de lui et le faisait décoller du sol. Le temps d'une respiration, Ryo se retrouva dans son salon, assis sur son canapé. Il était tellement épuisé qu'il s'allongea et s'endormit presque instantanément.