Qui suis-je ?

Chapitre 1 : L'homme pressé

3569 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/01/2022 16:10

Les paroles de la chanson “Un homme pressé” sont signées Noir Désir (Paroliers : Bertrand Lucien Cantat / Denis Guy Marc Barthe / Jean-Paul Roy / Serge Marius Pierre Teyssot Gay). Vous pouvez les écouter ici ; Noir Désir - L'homme pressé (Clip Officiel restauré HD) - YouTube


*****


- "Patron ?"

Il s'était mis juste derrière moi. A la fois pour pouvoir me parler discrètement et assurer éventuellement mes arrières.


J'inclinai imperceptiblement la tête vers lui mais continuai de sourire à la jolie brunette qui se disait journaliste, gardant les mains nonchalamment dans les poches de mon costume haute couture, la laissant déblatérer ses questions creuses ...

 - "Vous avez été élu "Célibataire le plus sexy du Monde", Est-ce que vous préférez ce titre ou votre classement en tête des hommes les plus riches ?"

- "Tout est prêt." Me murmura-t-il. "La tour de contrôle bloque les décollages. C'est quand vous voulez."


Je souris. Efficace le "Boy Scout" comme j'aimais l'appeler. 

- "Règle numéro Huit" m'avait répété mon père, "toujours choisir avec soin son pilote d'avion. Il aura maintes fois ta vie entre ses mains. Assure-toi qu'il te soit fidèle et loyal en toutes circonstances."


Loyal et fidèle ? Oui, je crois que cet Américain qui se faisait appeler l'Archange, m'était entièrement dévoué. Et en plus d'être un excellent pilote, il avait déjà prouvé qu'il était un bon garde du corps, capable de tuer de sang froid si nécessaire ... ainsi qu'un redoutable dragueur à ses heures perdues ... 

Presque aussi bon que moi ... 

Toutes les qualités requises, en somme.


Je regardai encore la journaliste, et comme j'étais parfaitement incapable de me rappeler son nom, je lui adressai mon plus beau sourire, accentuant mon accent étranger pour rendre mon français encore plus exotique :

- "Je suis navré, Mademoiselle, mais, on m'attend. Les affaires sont les affaires. Je serai ravi de poursuivre cet entretien quand je serai de retour dans votre belle capitale..."


Je fis un pas vers elle. Je la vis se troubler, ses joues rosirent et je ne pus me retenir de frémir de désir. Si j'avais eu le temps, je lui aurais bien remonté sa jupe de tailleur trop serrée, histoire de lui faire découvrir de quoi un homme, un vrai, était capable de faire à son joli petit cul.


Je pris une mes cartes de visites de ma poche intérieure, la glissai dans la fente aguicheuse de son décolleté en lui susurrant à l'oreille :

- "Je répondrai à votre question par une question : à votre avis, quel titre vous paraît le plus important ? Vous me trouvez riche ... ou ... sexy ... N'hésitez pas à m'appeler pour me donner votre réponse, Mademoiselle. "


J'avais bien envie de la convier à bord de mon jet privé, mais aujourd'hui, je ferai ce voyage vers le Japon, seul. C'était la première fois que je me rendais sur le sol nippon et je n'avais aucune idée de comment nos transactions allaient tourner. Me retrouver avec une minette sur les bras, journaliste, par-dessus le marché pourrait s'avérer embarrassant. Car journaliste signifie "trop curieuse" dans mon langage personnel.


Je me détournai d'elle et gravis rapidement la passerelle, suivi de près par mon ange gardien. Je me retournai pour saluer la journaliste, plus par réflexe que par envie, sachant parfaitement qu'elle en profiterait pour prendre un dernier cliché.


Quand la porte de l'appareil se referma derrière moi, je soupirai tout en me défaisant de ma veste de costume :

- "Putain, mais quel pot de colle !"

- "Si je peux me permettre, Patron, j'aurais bien aimé le coller, son pot !" répliqua Mick en relevant sa casquette de pilote.


Je ne pus m'empêcher de rire. Décidément, il me plaisait de plus en plus, cet Américain.

- "Allez-y, nous avons déjà assez perdu de temps."

- "Bien, Patron."


Et l'appareil se mit à rouler avant même que je ne sois installé dans mon confortable siège en perle de cuir mordoré. Une petite folie signée Yves Saint Laurent et qu'on venait d'installer dans mon jet. Je m'y vautrai littéralement, dégustant le confort parfait et la douce odeur du cuir. Puis je regardai mon reflet dans le hublot me sourire, un sourire blanc, irréprochable qui contrastait avec mon teint discrètement halé ... 


J'suis un mannequin glacé

Avec un teint de soleil

Ravalé, homme pressé

Mes conneries proférées

Sont le destin du monde


Je n'ai pas le temps

Je file ma carrière est en jeu

Je suis l'homme médiatique

Je suis plus que politique

Je vais vite, très vite

J'suis une comète humaine, universelle ...


Quand l'avion eut atteint son altitude de croisière, je me levai pour aller me servir un whisky. Je parcourus rapidement le dernier numéro du Times Magazine qui m'était entièrement consacré et dans lequel je présentais tous mes projets industriels. J'annonçai une nouvelle ère économique, mes ambitions politiques, mes solutions contre le réchauffement climatique et la pauvreté dans le monde, mon avis sur l'égalité des sexes, la liberté d'expression, je déplorai (très hypocritement) la prolifération des armes dans le monde, je faisais semblant de décrier tous types de trafics et les atteintes à la dignité humaine ... Que sais-je encore ! 


Je traverse le temps

Je suis une référence

Je suis omniprésent

Je deviens omniscient


Avec le temps et l'expérience, j'avais acquis cette capacité à parler de tout et rien, passant pour un expert sur la plupart des sujets, me montrant altruiste, modeste, le cœur sur la main, prêt à aider mon prochain, les laisser-pour-comptes et les marginaux, poussant le vice jusqu'à soutenir la cause homosexuelle et transgenre.


J'éclatai de rire ... Ce que les gens peuvent être cons ! Le pire, c'est que plus c'est gros, plus ils gobent ... Crétins ! Gauchistes ... Révolutionnaires ... Ecologistes ... Idéalistes ... Tafioles ... Tous les mêmes !


J'ai envahi le monde

Que je ne connais pas

Peu importe j'en parle

Peu importe je sais


J'ai les hommes à mes pieds

Huit milliards potentiels

De crétins asservis


À part certains de mes amis

Du même monde que moi

Vous n'imaginez pas

Ce qu'ils sont gais !


- "Quel ramassis de conneries !" Dis-je en balançant le magazine dans l'allée du jet. "Mais, bon, ça fait partie du jeu ..." 


Au cours de mon existence, je ne m'étais jamais montré sous mon vrai jour, comme on dit. Ou alors, si, mais il y a très longtemps, alors que mon père et moi, nous nous battions dans la jungle pour survivre, survivre à tout prix. "Tuer avant d'être tué." : telle était la règle Numéro Un. Et c'était ce que nous avions fait avec tous nos ennemis et, plus tard, nos principaux concurrents. 


Je regardai ma montre et saisis le téléphone de bord. J'étais déjà en retard et j'allais me faire tirer les oreilles. Après deux sonneries, une voix féminine me répondit :

- "Union Teope Company, Mary à votre écoute."

- "Bonjour ma belle, c'est Ryo."

- "Monsieur Saeba ! Quel plaisir !"

- "Hummm, plaisir entièrement partagé, Mary." Dis-je tout en défaisant le nœud de ma cravate, imaginant que cette blonde affolante était en train de le faire à ma place. 

- "Ohhhh ... Monsieur Saeba ! Vous me faites rougir ..."

- "C'est le but, ma princesse, c'est le but. Quand est-ce que je vous emmène dîner ... Et plus si affinités ..."

- "Je ... Je ..." Hésita-t-elle.


J'éclatai de rire :

- "Pas de panique, Mademoiselle Moon, je sais que mon père vous interdit de céder à mes avances. Je vous taquine. Passez-le moi."

- "Heuuu .. oui, oui. Tout de suite, Monsieur Saeba."


Quelques secondes plus tard, j'entendis dans le combiné :

- "Ryo ! Il était temps ..."


Je ne relevai pas et passai directement au vif du sujet :

- "C'est bon, les contrats sont tous pliés comme prévu."

- "Tous ?"


Mon petit voyage à Paris nous avait permis de boucler certaines transactions. Les différentes entreprises et succursales dont mon père était le propriétaire plus ou moins officiel, nous permettaient de couvrir un commerce très lucratif : le trafic de drogue. 


Nous commercions un petit comprimé tout simple, mis au point il y a des années par mon père adoptif lui-même, le richissime PDG, le multimilliardaire le plus puissant de la planète, Shin Kaïbara. Alors que nous n'étions que de pauvres mercenaires paumés dans la jungle, il avait mis au point un dérivé du PCP qu'il avait baptisé Angel-Dust, la poussière d'ange, qui rendait surpuissant et très accro. 


Vraiment très, très, très accro. 

Et qui avait fait notre fortune.


Avantage non négligeable, cette drogue passait inaperçue aux contrôles anti-dopage et tous les sportifs en réclamaient. Les sportifs et tous ceux qui devaient faire leurs preuves dans un monde régi par la compétition et le stress : les traders, les hommes d'affaires, les politiciens, les journalistes, les gens du cinéma et bientôt, les soldats ... Le marché et la demande étaient inépuisables.

- "Tous." confirmai-je, tout en me rasseyant dans mon fauteuil design tout neuf, savourant, comme à chaque fois, ce moment où j'annonçai mes réussites à mon père.


Nos clients se trouvaient donc dans les "hautes sphères" comme on dit vulgairement. Me faire passer pour un play boy affairé me permettait d'établir des liens économiques et amicaux avec les grands hommes du monde et de les tenir sous notre coupe. Je devais la jouer fine mais j'adorai ça et, souvent, au cours d'un gala de charité ou d'un dîner diplomatique ou autre événement mondain, je parvenais non seulement à faire vivre nos industries très officielles mais aussi notre commerce plus qu'officieux. Une stratégie d'équilibriste que je maîtrisais parfaitement depuis quelques années maintenant.


Qui veut de moi

Et des miettes de mon cerveau ?

Qui veut entrer

Dans la toile de mon réseau ?


- "Et même le contrat pour le projet immobilier aux Champs-Elysées ..." jubilai-je.

- "Ohhh, tu m'en vois ravi ..." Répondit joyeusement mon père.


Il avait toujours eu un faible pour la capitale française et la plus belle avenue du monde. Pour y être allé deux ou trois fois, je trouvais d'ailleurs ce surnom très surfait. Je préférais de loin un quartier fort sympathique appelé Pigalle, mais bon ... il faut parfois se plier aux petits caprices paternels, non ? De plus, ce nouveau projet allait nous permettre de blanchir une bonne partie de l'argent généré par la vente de l'Angel Dust en France.


Militant quotidien de l'inhumanité

Des profits immédiats

Des faveurs des médias

Moi je suis riche, très riche

Je suis dans l'immobilier

Je sais faire des affaires

Y'en a qui peuvent payer


Mon père rit doucement et reprit la parole :

- "Bien ... Mais dis-moi alors : qu'est-ce qui t'a pris autant de temps ? Tu es encore resté accroché entre les jambes d'une de tes greluches ?"


J'éclatai de rire. J'avais trouvé étrange qu'il n'ait encore fait aucune remarque sur le sujet. 


En effet, mon père adoptif, Shin Kaïbara avait toujours eu du mal à comprendre et à accepter mon petit faible pour les jolies femmes. Si je l'écoutais, je devrais rester sage comme un moine. Selon lui, les femmes, le sexe, l'amour ou que sais-je encore, ce n'est qu'un passe-temps inutile et dangereux.

- "Règle Numéro Deux : ne jamais laisser une femme prendre la place dans ton cœur... ni même lui laisser croire qu'elle a une place." M'avait-il répété pendant toute mon adolescence. "Les femmes ramollissent le cœur d'un homme et le rendent faible."


Cependant, je n'avais jamais pu m'y résoudre à cette règle Numéro Deux, et même si aucune femme n'avait eu d'emprise sur moi et encore moins sur mes sentiments, je ne me privai jamais de me délecter de leurs corps. J'adorai ça, le sexe. 


Surtout qu'avec mon statut et mon physique avantageux, les plus belles et les plus riches femmes se pressaient autour de moi : femmes d'affaires, épouses de PDG, maîtresses de ministres, sœurs de trafiquants, filles de grands patrons de la mafia, putes des chefs des cartels ... Toutes. Je ne faisais pas de distinction entre elles. Car, elles s'avéraient toutes utiles, un jour ou l'autre. Et je mettais un point d'honneur à leur rendre hommage comme il se devait. Et j'étais doué pour faire jouir les femmes. Je dois avouer modestement que même certaines call-girls ne me faisaient pas payer leurs services, tellement elles prenaient leur pied.


Je répétai alors à mon père :

- "N'oublie pas qu'une femme sexuellement satisfaite peut se révéler être une alliée de poids, tu sais ..."

- "Quel homme a été convaincu par son épouse cette fois ?"


J'éclatai de rire :

- "Comment tu sais ?"


J'connais le tout Paris

Et puis le reste aussi

Mes connaissances uniques

Et leurs femmes que je

Fréquente évidemment


Il me répliqua un :

- "Je te connais, fils ..."

- "Le Ministre de la Défense viendra visiter notre usine et projette de se doter de notre dernier char ..."

- "Et ... ?"

- "Et ... Le Directeur de la Bourse devrait nous faciliter la mise sur le marché des parts de la Cat's Eyes Society !"

- "Bien ..." Je ne l'entendis pas mais je savais qu'à l'autre bout du monde, mon père souriait. "Nous n'avons pas les mêmes méthodes mais, ce qui compte, c'est le résultat !"


Les cordons de la bourse

Se relâchent pour moi

Il n'y a plus de secrets

Je suis le Roi des rois


- "Et ton intervention au journal télévisé ?"

- "Les doigts dans le nez ..." avais-je répondu, non sans fierté. 


C'était vrai car la rédactrice en chef avait beau ressembler à un glaçon, je l'avais incitée, sans aucune difficulté, à ignorer certaines questions indésirables. Ce qui avait été bénéfique puisqu'après un rapide débriefing, il s'était avéré que des records d'audience avaient été battus.

- "L'effet Ryo Saeba." Avais-je simplement murmuré à l'oreille de la rédactrice avant de disparaître pour aller rejoindre la dernière journaliste dans la limousine qui nous avait conduits à l'aéroport.


Explosé l'audimat

Pulvérisée l'audience

Et qu'est-ce que vous croyez

C'est ma voie, c'est ma chance


J'adore les émissions à la télévision

Pas le temps d'regarder mais c'est moi qui les fais

On crache la nourriture à ces yeux affamés

Vous voyez qu'ils demandent

Nous les savons avides de notre pourriture

Mieux que d'la confiture à des cochons


Qui veut de moi

Et des miettes de mon cerveau ?

Qui veut entrer

Dans la toile de mon réseau ?


Il rit avant d'ajouter très sérieusement :

- "Bon ... Rappelle-toi bien de ce que je t'ai dit. Les règles ne sont pas du tout les mêmes au Japon."

- "Oui, père, je sais ... Je me rappelle de tout, tu me connais ..." Dis-je en soupirant, ce qui ne l'empêcha pas de me répéter encore et encore les mêmes mises en garde. 


Je n'écoutai que d'une oreille. J'avais mieux à faire, mieux à penser, et, tout en laissant parler mon père dans le combiné, je pris mon agenda afin de vérifier mon emploi du temps tokyoïte. Pas une minute de battement mais j'aimais ça. L'inaction ressemblait trop à la mort selon moi.


Vous savez qui je suis ?

Un homme pressé, un homme pressé, un homme pressé

Je suis un homme pressé, un homme pressé, un homme pressé

J'suis un militant quotidien de l'inhumanité

Et puis des profits immédiats

Et puis des faveurs des médias


Moi je suis riche, très riche

Je fais dans l'immobilier

Je sais faire des affaires

Y'en a qui peuvent payer


J'entourai avec mon stylo en or les rendez-vous officiels et inévitables de mon séjour : ambassade américaine, hôtel, ministère de la justice, vente aux enchères d'un tableau de Heinz que mon père rêvait d'acquérir, cérémonie de je-ne-sais-pas-quoi avec danses traditionnelles ... Les entrevues plus discrètes étaient codées dans les marges ... Elles étaient nombreuses et j'allais avoir de quoi faire.


Et puis je traverse le temps

Je suis devenu omniprésent

Je suis une super référence

Je peux toujours ramener ma science


Moi je vais vite, très vite

Ma carrière est en jeu

Je suis l'homme médiatique

Moi je suis plus que politique


Car je suis un homme pressé

Un homme pressé, un homme pressé, un homme pressé

Je suis un homme pressé, un homme pressé, un homme pressé


- "Et méfie-toi de qui je t'ai parlé."

- "Qui donc ? Ah oui, le type avec un nom bizarre, là ..."

- "C'est pas qu'un nom bizarre Ryo ..." Soupira mon père. "C'est une puissance qui monte, une légende qui se construit, une idée ... un idéal même. Et il est contre nous, ça c'est certain ..."

- "Ne t'inquiète pas, Père. Ce City Hunter ne pourra rien contre moi."

- "Ryo ... Ne sois pas présomptueux. On dit qu'il est redoutable."


J'suis un militant quotidien de l'inhumanité

Et puis des profits immédiats

Et puis des faveurs des médias

Moi je suis riche, très riche

Je fais dans l'immobilier

Je sais faire des affaires

Y'en a qui peuvent payer


Je ris ouvertement :

- "Et moi aussi. S'il le faut, je le tuerais de mes propres mains comme ça, ça sera vite réglé. Je sais ce que je vaux avec un revolver entre les mains."

- "Ryo ..." Il continua encore ses conseils et je le coupai au bout d'un moment : "J'ai à faire, Père. Et cesse de t'inquiéter, ce type ne me ralentira même pas." 


Deux jours plus tard, tout avait déraillé et une transaction qui avait semblé fort simple avait complètement foiré. Comment ? Pourquoi ? Là, sur le coup, j'aurais avoué que j'étais totalement incapable de répondre à cette question ... Je crois que tout avait commencé à déconner quand j'avais croisé cette magnifique brune, bandante comme pas possible ... 


Oui mais pas de bol, cette salope était flic et j'étais dans sa ligne de mire depuis un petit moment ... et elle avait été sacrément aidée ... Je n'avais compris que trop tard qu'elle était de mèche avec cet enfoiré de City Hunter à la con.


Et voilà que je me retrouvai sur le toit d'un immeuble prêt à s'effondrer alors qu'une jeune femme aux cheveux roux et courts, complétement tarée, me plantait littéralement un bazooka dans le nez. J'avais été désarmé et même ça, je ne comprenais pas comment c'était possible. Personne n'avait jamais réussi à retirer mon précieux Colt Python 357 Magnum de la main quand je le tenais. Personne. 


Et pourtant, aujourd'hui, c'était arrivé. 


La jolie folledingue appuya encore un peu plus son arme contre mon visage alors que je lui sortais le grand jeu et mon blabla des grands soirs. J'ai quand même ravalé ma réplique sur le fait que je connaissais un gros calibre qui serait beaucoup plus adapté à ses doigts graciles que son bazooka. Je devais avouer qu'elle était hyper sexy dans sa combinaison de cuir noir mais, curieusement, elle resta absolument insensible à mon charme. Vexé, j'avais failli lui demander si elle ne préférait pas les femmes mais son regard empli de mépris m'avait laissé coi. Ce qui était bien une première.


Le binoclard à l'imperméable informe et passé de mode depuis des décennies et qui se faisait appeler City Hunter, me lança froidement :

- "Vous n'auriez pas dû venir dans ma ville."


Je lui crachai toutes les insultes possibles jusqu'à ce que cette allumeuse de fliquette traîtresse et perfide dont j'avais oublié le nom me passe les menottes aux poignets en me souriant, victorieuse et arrogante.


Je réalisai alors combien j'avais eu tort de croire que rien ni personne ne serait capable de me ralentir, encore moins de m'arrêter ... Je souris cependant et lançai à la pétasse policière :

- "Vous ne savez pas qui je suis ... Mon père me fera sortir en un claquement de doigts ..."


Elle rit :

- "Oh, pardon, Monsieur Ryo Saeba, j'ai oublié de vous dire que votre père est mort cette nuit."


Je restai sans voix. Elle ajouta, en se tapotant le menton, comme si elle cherchait la bonne réponse :

- "Assassiné par sa propre secrétaire personnelle, d'après les premières constatations de l'enquête."


J'étais abasourdi. Mary ? Mary Moon aurait tué mon père ? Mon monde s'écroula pièce par pièce. Et puis, je réalisai enfin : la prison, voilà ce qui m'attendait. J'allais bientôt finir en taule, comme un vulgaire cafard : 

- "Règle Numéro Vingt-Deux : plutôt mourir que de se rendre." Dis-je en m'élançant du bord du toit, envoyant un dernier sourire à la jolie rouquine, qui me regarda tomber, les yeux effarés d'horreur. 


J'entendis son cri ... 

Je joignis le mien au sien. 

Je hurlai.

Mais rien n'arrêtait ma chute.

J'allais mourir.


- "Papaaaaaa !"




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