Magic Hunter ?

Chapitre 1 : Magic Hunter ?

Chapitre final

6349 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/01/2022 11:07

Magic Hunter ?

 

 

Cette fanfiction participe aux Défis d’écriture du forum Fanfictions .fr : Crossover improbable - (janvier février 2022).

 

La matinée était déjà bien avancée, j'avais déjà eu ma dose de café, voire plusieurs, et pourtant, j'avais beau cligner des yeux, je ne rêvais pas. Je tenais bien cette lettre bizarre, fermée avec un cachet tout aussi inhabituel qui semblait plutôt ancien. Je regardai perplexe l'adresse écrite sur l'enveloppe en papier épais qui m'avait été envoyée ce matin :

 

Ville de Tokyo,

Arrondissement de Shinjuku 

Immeuble Saeba

Salon du quatrième étage

Kaori Makimura 

 

Mais ce qui m'étonnait plus encore, c'était comment cette lettre était arrivée là…

 

- Un hibou ? avait demandé mon partenaire en pointant l'animal du doigt. Qui peut donc bien t'envoyer un courrier par hibou ? 

 

Assise sur le canapé à côté de Ryo, je haussai les épaules, bien trop abasourdie par l'animal en face de moi pour répondre. Il semblait attendre quelque chose et claqua du bec d'un air impatient, me faisant sursauter.

 

- Ben ouvre donc !! 

 

Je faillis m'excuser : j'en avais presque oublié la lettre que je tenais toujours entre mes mains tant la situation était incongrue. Le hibou planté là, en plein jour dans mon salon, m'avait apporté un courrier… J'avais l’impression d'être encore en train de dormir et de rêver, sauf que je m'étais bien pincée discrètement une ou deux fois et ni la lettre, ni le hibou n’avaient disparu.

 

Je me ressaisis et décachetai l’enveloppe pour en sortir délicatement une feuille sur laquelle s’étalait une écriture fine et des kanjis parfaitement tracés avec une encre verte. Qui donc utilisait une encre verte pour écrire quelque chose qui semblait officiel ? 

 

Ryo se pencha au-dessus de mon épaule pour lire en même temps que moi. 

 

Mademoiselle, 

Vous êtes cordialement invitée à l'école de sorcellerie Mahoutokoro. 

Il semblerait que vos aptitudes n’aient pas été repérées à temps et nous aimerions nous entretenir avec vous concernant les options qui s’offrent à vous. 

Je suis sûre que vous comprendrez l’importance de la situation et je compte sur vous pour respecter le Code International du Secret Magique. 

Je vous attends donc le 15 juillet 14h à l’académie Mahoutokoro. 

Vous pouvez envoyer votre réponse par retour de hibou. 

Ushimi Soga, directrice adjointe.

 

Soudain, je compris et me retournai vers mon imbécile de partenaire, le menaçant du doigt. 

- En fait, c'est toi qui me fais une blague c'est ça ? avoue, crache le morceau Ryooooooooo !!! 

 

L'interpellé se désigna du doigt en secouant la tête. 

- Crois-moi, je suis loin de penser à des trucs comme ça… 

 

Je penchai la tête sur le côté tentant de juger la véracité et l'honnêteté de ses propos. Et je dus me rendre à l'évidence, Ryo n'avait jamais eu autant d'imagination sauf pour ce qui était de monter des plans douteux pour draguer ou mater les filles dans les vestiaires : 

- Tu as raison, trop compliqué pour ton cerveau dégénéré.

- Tiens, regarde, y a même un billet !! ajoutai-je en regardant encore dans l'enveloppe.

 

Mais quand je lus le ticket plus en détail, mon étonnement monta encore d'un cran.

- Nan mais vraiment, ceux qui ont inventé cette histoire sont vraiment perchés... Gare de Shinjuku, Voie 9 ¾ … C'est hallucinant cette histoire…

 

Ryo haussa les épaules, se désintéressant du sujet, et retourna à la lecture de ses magazines dépravés. La colère me monta au nez : je pourrais être victime d'un chantage, d'un violeur, d'un de nos ennemis ou que sais-je encore, mais lui n'en avait absolument rien à faire et préférait encore lire ces torchons. Le marteau me démangeait. Je soufflai, tentant de maîtriser ma colère puis je saisis un stylo et retournai le parchemin pour y apposer ma réponse :

 

La magie, ça n'existe pas. La voie 9 ¾ n'existe pas plus. Merci pour la blague originale cependant. 

Bien à vous

Kaori Makimura 

 

Satisfaite, je refermai l'enveloppe et, ayant du mal à croire ce que je m'apprêtais à faire, je la remis au hibou qui la prit obligeamment entre ses serres avant de s'envoler par la fenêtre ouverte. Hallucinant. 

 

Le lendemain, je descendis observer Ryo vider quelques chargeurs dans notre salle de tir au sous-sol de l'immeuble, en ayant totalement oublié toute cette histoire de hibou. Je lui demandai pour la énième fois de m'entraîner encore et pour la énième fois, il refusa…. Encore … J'allais avancer d'autres arguments quand je fus interrompue par un chuintement aigu venant du soupirail que nous avions fermé par une fenêtre teintée, blindée et parfaitement insonorisée. 

 

Nous échangeâmes un regard interloqué et inquiet. Mon partenaire se mit en position et me fit un signe de tête que je compris sans difficulté. Je m'avançai vers la fenêtre et me tint prête à en libérer l'ouverture. Je n'attendais plus que son signal. 

 

- Maintenant !! 

 

J'ouvrai la vitre d'un coup sec. Ryo s'apprêta à tirer mais n'appuya pas sur la détente. Au contraire, ce qu'il vit le fit tomber à la renverse. Je me retournai vers la fenêtre pour comprendre et le rejoignis, les fesses à terre. Là, devant nous, dans l'étroitesse de l'ouverture donnant sur la rue, se trouvaient coincés non pas un, mais deux hiboux, tenant chacun dans leurs serres une enveloppe identique à celle de la veille. Sur le devant de l'enveloppe était écrit : 

 

Ville de Tokyo,

Arrondissement de Shinjuku,

Immeuble Saeba

Sous-sol, Salle de tir

Kaori Makimura


- Ryo…, soufflai-je, abasourdie et quelque peu apeurée.

- Mais qui donc t'envoie ces lettres ? Et comment ils connaissent cette salle ? Je vais voir ça avec Mick. Je vois mal Falcon inventer un truc pareil.

 

Falcon… Il avait appelé notre ami mercenaire par son nom de guérillero et pas par les surnoms un peu débiles qu'il avait l'habitude d'utiliser à son encontre. Pas de Luciole des mers, pas de Tête de poulpe, pas d'Eléphant ou de Mammouth. Non, il l'avait appelé Falcon… Ryo était inquiet.

 

Il se releva et, sur le pas de la porte, se retourna pour me dire : 

- Ne répond pas cette fois, ils vont bien finir par se lasser. 

 

Je n'arrivai pas à formuler la moindre réponse alors je me contentai de hocher la tête, le regard bloqué sur les deux volatiles en train de piaffer qui tentaient de s'extirper de la petite fenêtre donnant sur la rue. Ils en venaient même à se donner des coups de griffes, s'arrachant quelques plumes qui venaient s'échouer sur le sol. Mon sol. Que j'avais nettoyé ce matin. Je bondis sur mes pieds, saisis un balai et tentai de les pousser vers l'extérieur, à grands coups de :

- Ouste, foutez-le camp et allez semer vos plumes ailleurs, j'ai déjà répondu hier : la magie, ça n'existe pas !!!

 

Je refermai la fenêtre, balayai les quelques plumes qui trainaient par terre suite au combat des deux chouettes et remontait dans l'appartement, vaquer à mes occupations. Mais j'avais beau faire, je n'arrivais pas à me sortir de la tête tous ces volatiles qui s'enchaînaient depuis la veille et ces trois lettres écrites à l'encre verte. J'attendais Ryo avec une impatience grandissante, les yeux rivés sur l'horloge.

 

Il revint vers dix-sept heures, de mauvaise humeur :

- Je suis allé au Cat's mais Falcon m'a juré qu'il n'y était pour rien. Ça ne m'étonne pas, mais je préférais en être sûr. Après tout, je n'aurais jamais pensé trouver son crâne chauve derrière un comptoir à essuyer des assiettes à longueur de journée. Alors élever des hiboux de Hokkaido, au final, pourquoi pas…

 

Il s'affala dans le canapé.

- Je suis ensuite allé poser des questions à Mick et je l'ai attiré au Kabucki Cho, histoire de noyer le poisson.

- Ben voyons, lâchai-je, pas dupe de la pitoyable excuse pour aller faire la fête dans le quartier chaud.

- Mais lui aussi m'a juré qu'il n'y est pour rien, il ne savait même pas qu'il y avait des hiboux au Japon.

- Donc, on se retrouve au point de départ et on ne sait toujours pas à qui on doit cette mauvaise blague. Mais si ce n'est pas nos amis, qui reste-t-il ?

 

Nous échangeâmes un regard. J'étais inquiète, je me rappelais bien les attaques du Renard d'Argent et j'avais eu beaucoup de chance en gagnant contre lui, il y a des années. Mais là, l'ennemi semblait bien plus rusé.

- Ou aloooooorrss, s'écria mon partenaire, ça y est ! Un mec est tombé sous ton charme et il essaie de gagner ton cœur par des moyens originaux !!! Oooooh, c'est romantique Kaoriiiii !!!

 

La moutarde me monta au nez instantanément et le voir devant moi, la bouche en cœur, les yeux fermés et les mains enlacées contre sa joue, se moquant clairement de mon côté fleur bleue, me fit faire un bond. Il se retrouva encastré dans le plancher sous une massue de cent tonnes estampillée "Toquart". Je montai me coucher, sachant pertinemment que j'aurais bien du mal à trouver le sommeil tant ma colère contre cet imbécile était immense. Nan mais quel con !! Mais pourquoi avait-t-il fallu que je tombe amoureuse d'un dégénéré pareil !

- Quel con, quel con, quel con ! me dis-je en massacrant à coup de poing un coussin que j'imaginais à son effigie.

 

Puis, vidée de toute énergie, je m'affalai les bras en croix sur mon lit et m'endormis en murmurant un dernier : Mais quel con !

 

 

Le jour suivant, je me réveillai de bonne heure et, encore à moitié endormie, descendis me faire un café. La fenêtre ouverte du salon laissait entrer l'air frais du matin, rafraîchissant l'appartement. Je la fermerais plus tard. Là, il me fallait vraiment mon café.

 

J'entrai dans la cuisine et en ressortis quelques minutes plus tard, un peu plus réveillée grâce aux effluves magiques de la boisson bénie, mais je stoppais net mes pas quand je fus accueillie dans le salon par quatre hululements ravis. Quatre hiboux qui me regardaient, perchés sur le dossier du canapé, fiers du travail accompli, puisque, posées sur la table basse, je pouvais voir quatre lettres identiques à celles des jours précédents.

 

Je hurlai, lâchai la tasse qui alla s'écraser au sol, maculant le carrelage et mon pantalon de pyjama du liquide noir et brûlant. Je jurai en empoignant le premier objet qui me tombait sous la main et chassai les volatiles à grands coups de chaise. Les oiseaux s'envolèrent par la fenêtre, les yeux exorbités. Puis, entendant quelque chose dévaler les escaliers derrière moi, je me retournai, prête à lancer mon arme improvisée avant de réaliser qu'il s'agissait de mon partenaire.

- Mais qu'est-ce qu'il te prend de crier comme ça !! m'invectiva-t-il, parfaitement réveillé alors que d'habitude il dormait encore profondément à cette heure-là.

- Des hiboux !! Quatre cette fois, là dans le salon ! Ils m'ont fait lâcher mon cafééééé !! lui répondis-je en m'asseyant par terre, pleurant toutes les larmes de mon corps.

 

Mes nerfs lâchaient, cette fois c'en était trop. Et si je ne répondais pas, demain, y en aurait combien ? Le pire, c'est que je ne pouvais même plus répondre, j'avais chassé tous les hiboux et eux seuls connaissaient l'adresse de l'expéditeur.

 

Ah, ça y est, je me mettais même à croire que ces hiboux étaient dressés spécialement pour distribuer le courrier.

Mais qui donc faisait ça ?

 

D'un coup, mes pleurs se transformèrent en rire incontrôlable. Je devenais folle et Ryo semblait être parfaitement d'accord avec cette théorie, vu la façon dont il me regardait à cet instant.

 

Puis d'un coup, sans prévenir, il se précipita vers l'entrée et l'ouvrit à la volée, son arme pointée vers les visiteurs. Je cessai de rire, le trio à notre porte étant bien trop absurde pour être drôle. Il y avait là une japonaise d'un certain âge, vêtue d'un kimono des plus traditionnel mais aux couleurs bien trop extravagantes et avec un chapeau pointu sur la tête. Un homme à la barbe et aux cheveux aussi blancs que la neige, a priori étranger, qui portait quant à lui une robe vert bouteille et des lunettes en demi-lune. Il me regardait les yeux pétillants de malice. Et derrière lui, se dressait un homme d'une stature imposante. Notre ami Falcon était l'homme le plus grand et le plus musclé que je connaissais, mais celui-là le dépassait au moins d'une bonne tête et faisait presque deux fois sa carrure. J'étais bouche bée.

 

Les trois entrèrent sans y être invités, le géant devant généreusement se baisser pour passer la porte, et se faufilèrent devant Ryo qui ne réagit même pas tant il était lui aussi éberlué. Les deux étrangers vinrent s'asseoir dans le canapé en m'inspectant de haut en bas avec grand intérêt. Le géant me regardait également, souriant derrière son impressionnante barbe broussailleuse, comme s'il venait de retrouver une amie de longue date. Sauf que je ne l'avais jamais vu, moi.

 

La japonaise qui était restée debout se tourna vers moi et s'inclina :

- Mlle Makimura, je suis désolée de vous déranger ainsi et je suis vraiment fort gênée que vous n'ayez pas été repérée quand vous étiez enfant. Ce sont ces messieurs, en vacances dans notre pays qui se sont rendus compte de vos capacités. Vous êtes complètement passée sous nos radars et je m'en excuse.

Et elle se mit à genou pour s'incliner encore davantage devant moi. Je bougeai enfin et me précipitai pour la relever, les joues en feu. Qu'une dame vénérable s'incline ainsi devant moi était tout à fait inconcevable.

- Mais non, voyons, il doit y avoir une erreur, je ne comprends absolument pas de quoi vous parlez, redressez-vous madame, je vous en prie. 

 

Je l'accompagnai prendre place sur le canapé, à côté des deux hommes. Je m'évertuai à ne pas trop les fixer, surtout pour contraster avec mon abruti de partenaire qui ne se gênait pas pour les dévisager, la bouche ouverte, en les montrant du doigt. Je lui lançais un regard noir, remerciant le ciel que nos trois invités lui tournent le dos.

 

Je me postai devant eux, et m'inclinai en leur demandant poliment :

- Que puis-je vous servir à boire ?

- Du thé, s'il vous plaît, répondit en anglais le vieil homme aux cheveux blanc, et pourtant, miraculeusement, je comprenais tout. Hagrid aurait souhaité un jus de citrouille mais il se doute bien que vous n'avez pas cela ici, alors il prendra du thé également.

- Du thé pour moi aussi, si vous le voulez bien, demanda la vieille dame.

 

Je m'inclinai et disparus dans la cuisine, Ryo sur les talons.

- Tu les connais ? murmura-t-il

- Pas du tout.

- Mais tu leur prépares du thé ?

- Qu'ils soient inconnus ne m'interdit pas d'être polie, que je sache. Puis ce sont des vieilles personnes, ils méritent le respect, me justifiai-je en murmurant également pour ne pas être entendue de nos invités.

- Oui mais, si ce sont eux qui envoient ces messages… Ils ont quand même poussé la blague un peu loin, non ? Tu as vu comment ils sont habillés ? Et puis l'autre là, regarde, il est même plus grand que Tête de poulpe !!! Tu savais que ça existait toi, des gens plus grands de ma Luciole des mers ?

 

Ah… Le retour des surnoms débiles ! Il ne devait pas être inquiet. Il avait dû sentir leur aura et les trois énergumènes dans le salon ne dégageaient pas d'animosité, confirmant ma propre impression. Cela contribua à me rassurer un peu et je continuai la préparation du thé.

 

- Ecoute, si c'est vraiment eux, autant être polis et avenants, comme ça, ils vont nous dire ce qu'ils veulent et ils repartiront aussi soudainement qu'ils sont arrivés. Non ?

- Ah oui, ça, parlons-en !! Comment ça se fait qu'ils soient apparus comme ça derrière notre porte d'entrée ? Hein ? Avec un gros costaud comme lui, j'aurais au moins entendu des pas dans les escaliers mais là, non, juste un petit "pop" de rien du tout derrière la porte.

 

Je haussai les épaules et posai la théière et les tasses sur un plateau et je m'apprêtai à retourner dans le salon.

- Kaori !!! C'est pas normal tout ça, méfie-toi ! me souffla-t-il en me retenant par le bras.

 

Je levai la tête vers lui et vis une réelle inquiétude dans ses yeux qu'il posait sur moi. C'était la première fois qu'il montrait ainsi ses sentiments. J'en fus particulièrement émue. Je hochai la tête et lui sourit timidement avant d'entrer dans le salon, le cœur battant. Je déposai le plateau sur la table et m'agenouillai pour les servir, n'osant ni les regarder ni dire quoi que ce soit, alors même que les questions se bousculaient dans ma tête.

 

- Pardonnez notre visite sans prévenir, mais votre premier retour était des plus direct et votre absence de réponse aux suivantes nous ont convaincus de nous déplacer. Mais avant de rentrer dans le vif de sujet et vous parler de la raison de notre visite, laissez-moi nous présenter. Je suis Albus Dumbledore, directeur de l'école de sorcellerie de Poudlard en Angleterre, et voici Hagrid, notre garde-chasse.

- Quant à moi je suis Ushimi Soga, directrice adjoint de l'académie de magie Mahoutokoro, ici au Japon.

 

Un éclat de rire me fit sursauter et attira tous les regards. Ryo était affalé par terre, se tenant les côtes d'une main et frappant le sol de l'autre, les larmes aux yeux. J'étais morte de honte. Certes, la situation était risible, mais il n'avait vraiment aucune tenue. Je me retournai vers nos invités, mortifiée.

 

- Je suis désolée et vous prie d'excuser le comportement de mon partenaire. Il est vraiment… Enfin… C'est juste que nous avons bien compris que vous cherchiez à nous faire tourner en bourriques et au début j'aurais bien été tentée de rire moi aussi. Mais vraiment… La magie ? Nous ne sommes plus des enfants, la magie ça n'existe pas. Alors que pouvons-nous faire pour vous ? Vous venez pour une affaire, non ? S'agit-il d'une personne disparue ? D'un chantage ? 

- Ni l'un ni l'autre, me répondit le dénommé Dumbledore, le regard toujours bienveillant derrière ses lunettes demi-lune. Il semblait même très amusé par la situation.

- Mais alors, que faites-vous ici ? Et comment se fait-il que je vous comprenne parfaitement ? demandai-je.

- Tu es une sorcière, Kaori, aboya joyeusement le susnommé Hagrid, me faisant sursauter.

- Et il s'agit simplement d'un sortilège traducteur, expliqua Dumbledore.

- Je suis une… Un sortilège ?

 

C'en était trop. J'aurais vraiment voulu rester sérieuse, vraiment. Mais je n'avais pas eu mon café ce matin et avec l'autre crétin qui ne s'arrêtait pas de rigoler, je n'arrivai plus à me contrôler. Je le rejoignis donc dans son fou rire.

 

- Il suffit !!! s'insurgea Mme Soga.

 

Ryo et moi-même nous redressâmes, les yeux encore mouillés des larmes de joie que notre fou-rire nous avait arrachées. Nous tentions tant bien que mal de retrouver notre sérieux devant l'air sévère de la directrice adjointe, mais les yeux pétillants de malice de Dumbledore et le large sourire d'Hagrid n'aidaient en rien. Je me râclai la gorge, m'agenouillant à nouveau devant la table, les mains sur les genoux. Ryo s'assit en tailleur à côté de moi, bougon d'avoir été si soudainement rappelé à l'ordre.

 

- Oh, ça va hein, les blagues c'est fait pour rigoler, non ?

- Il ne s'agit pas de blague comme vous semblez le croire, Monsieur Saeba. Mademoiselle Makimura est réellement une sorcière et aurait dû rejoindre notre école il y a de cela vingt ans.

- Et pourtant, ça s'est pas fait. Ça vous arrive souvent d'oublier de convoquer vos élèves, hein, vieille chouette ? asséna Ryo en croisant les bras sur son torse.

 

Mme Soga sursauta devant l'insulte, je me frappai le front de la paume de la main, toujours étonnée du manque d'éducation de cet homme. Certes, il avait passé la moitié de sa vie dans la jungle avec des guérilleros pour seule compagnie, mais quand même, ça n'excusait pas tout. Je soupirai tandis qu’elle expliquait :

 

- Non, c'est bien la première fois que cela arrive. Mais il semblerait que Mademoiselle Makimura ait été victime d'un accident de voiture dans son enfance, à la suite duquel elle fut adoptée, changeant de nom. Cela devrait expliquer les choses. Ça ne les excuse pas, bien évidemment, mais j'espère que cela suffira pour nous faire pardonner ce manquement.

 

J'avais vraiment du mal à intégrer l'information. Moi ? Une sorcière ? Ridicule… La magie n'existait pas, elle n'avait jamais existé. Et puis quoi encore ? Ce serait quoi après ? Les fantômes ? Je secouai la tête.

 

- Je pense vraiment qu'il y a une erreur. Je veux dire, je le saurais si j'étais une sorcière, non ?

- Ne se passe-t-il jamais rien de bizarre ou d'inhabituel quand vous êtes en colère ou que vous avez peur ? me demanda Dumbledore en désignant le trou du plancher où j'avais enseveli Ryo la veille au soir.

- Quand je suis en colère ?

 

Et tout se mis en place dans ma tête. Je n'arrivais à invoquer mes massues et autre kompéitos que quand Ryo me poussait à bout. Et en y pensant, c'est vrai, comment justifier qu'une nana comme moi arrive à soulever des massues de plusieurs centaines de tonnes ? Alors je serais une sorcière ? Je levai à nouveau le regard vers le vieil homme qui me regardait sereinement et son géant qui me souriait de toutes ses dents.

 

- Pffff… Je l'ai toujours dit moi, que t'étais une sorcière !! marmonna l'idiot à côté de moi.

 

Je perdis toute bonne humeur, me redressai d'un coup et l'aplatissant comme une crêpe devant le regard ahuri de nos invités.

 

- Qu'est-ce que j'disais, ajouta-t-il de sous la massue.

 

Le vieil homme se gratta la barbe et se pencha vers Mme Soga :

- Je pense qu'il serait bon également, d'envisager le fait que celui-là soit un sorcier aussi, parce que survivre à cela, vous admettrez que ce n'est pas donné à tous les Moldus.

 

Je tiquai devant ce mot inconnu :

- Pardon, je pense n'avoir pas compris ce mot, Moldus ?

- Eh !!! Je suis mou de rien du tout moi !!! tonna Ryo en s'extirpant des débris du sol. J'ai un mokkori des plus vigoureux même, si vous voulez savoir !

 

Je baissai la tête et me pinçant le nez… Vraiment… Il ne pensait vraiment qu'à ça…

- Nan, Moldus… Les personnes sans pouvoir magique, répondit Hagrid de sa voix bourrue, comme s'il s'agissait d'une évidence.

 

Je désignai Ryo du doigt, alors qu'il faisait de même.

- Alors, ce serait un sorcier aussi ?

- Moi ?

 

Et à nouveau, tous les deux, nous éclatâmes de rire.

- Nan, mais là, c'est impossible. Tous ces trucs, là, c'est ce qu'il a appris dans la jungle c'est tout, justifiai-je entre deux éclats de rire. Il a été élevé à la dure et on l'a entraîné pour survivre à plein de choses, c'est tout.

- A des massues de cent tonnes également ?

 

Je ne trouvai rien à répondre et Madame Soga sembla donc donner plus de poids à l'argumentaire de Dumbledore qu'au mien. On dirait que le vieux sage était quelqu'un d'important dans leur monde et elle abonda en son sens quand elle interrompit à nouveau notre fou-rire, passablement énervée :

- Bien ! Croyez-le ou non, mais vous êtes des sorciers, tous les deux, et en tant que sorciers, vous êtes soumis aux mêmes lois que nous. Et la plus importante est le Code International du Secret Magique. En d'autres termes, les Moldus - elle jeta un regard noir à Ryo pour le défier de rire à nouveau - ne doivent en aucun cas connaître notre existence.

 

Nous hochâmes tous les deux la tête pour lui faire savoir que nous écoutions. Mais pour ma part, je devais me mordre la lèvre pour garder mon sérieux, connaissant Ryo, il devait sûrement en faire de même. 

 

- C'est vraiment important, insista-t-elle. Il serait donc bien pour notre sécurité, Mademoiselle, que vous arrêtiez d'écraser le jeune homme dans la rue, en présence de tous les Moldus qui circulent dans cette ville. C'est aberrant que vous n'ayez pas encore été signalés au Ministère… C'est Monsieur Hagrid, ici présent, qui vous a vus la semaine dernière…

- Oui, j'étais en ville pour me reposer avant d'rentrer à Poudlard. Ça f'sait des s'maines que j'chassais un Kitsune dans les montagnes, intervint le garde-chasse d'un air réjoui.

- Un Kitsune ? demandai-je.

- Une sorte de renard à huit queues. Un animal fantastique, un peu malicieux. Magnifique. Ça f'sait des années qu'j'voulais en voir un. Alors quand l'professeur Dumbledore m'a offert d'partir en vacances au Japon, j'ai pas hésité, c'est ici qu'j'avais le plus d'chances d'en voir, expliqua-t-il, ravi.

 

- Bref, reprit Mme Soga après s'être raclé la gorge, je disais donc que c'est Mr Hagrid qui vous a repéré la semaine dernière et qui a averti le Professeur Dumbledore…

- Oui, comprenez, j'parle pas Japonais, puis j'fais pas d'magie, puis j'savais pas où s'trouvait votre école, alors j'ai d'mandé à…

- Qui m'a contacté, termina la directrice adjointe de l'école japonaise, tellement énervée d'être sans cesse interrompue qu'elle en perdait son chapeau.

 

Elle semblait être pressée de quitter cette maison et les deux hommes qui l'accompagnaient. Le professeur Dumbledore, lui, restait silencieux, apparemment très amusé par la situation. Il finit par prendre la parole.

 

- Ce que la directrice adjointe Soga essaie de vous dire, malgré les interruptions de Hagrid, c'est que vous avez deux choix : vu votre âge à tous les deux, votre cerveau est arrivé à maturité et il sera difficile de suivre le cursus scolaire mais ce n'est pas impossible, vous en aurez la possibilité. Ou alors, vous renoncez à vos pouvoirs dans le but de sauvegarder le Secret Magique.

 

Il se leva :

- Merci pour le thé, Mademoiselle Makimura. Je pense que vous avez maintenant beaucoup à discuter et à méditer. Nous allons donc vous laisser la soirée et la nuit pour réfléchir et viendrons chercher votre réponse demain, si cela vous convient.

 

Je hochai la tête, soudain sérieuse. Je ne savais pas pourquoi, mais cet homme m'inspirait le respect, comme un vieux grand père qu'on adore. Il semblait incarner la sagesse et la bienveillance et mon instinct me soufflait qu'il était aussi d'une ruse et d'une intelligence supérieure malgré l'éclat de malice dans ses yeux. Quand il parlait, j'avais vraiment envie de l'écouter et de le prendre au sérieux. En fait, il me faisait penser au Doc, le seul homme que Ryo vouvoyait et respectait.

 

Il tendit obligeamment la main pour aider Mme Soga à se lever, puis ils se dirigèrent vers la porte. Je me levai à mon tour, imitée par Ryo et nous les accompagnâmes sur le seuil. Ils passèrent tous les trois la porte et se retournèrent vers nous. Mme Soga et Dumbledore s'inclinèrent pour prendre congés, puis Dumbledore tendit son bras, invitant Hagrid à le soutenir. Le demi géant s'y agrippa, puis après un dernier sourire en coin de la part du directeur anglais, ils disparurent en un pop sonore.

 

Je hurlai en sursautant, m'accrochant à Ryo à côté de moi :

- T'as… T'as vu… Ils ont… Pouffff, plus là…

 

Il ne me répondit pas et quand je tournai la tête pour le regarder, je le vis la bouche ouverte, les yeux exorbités, le dos vouté et le doigt pointé vers là où se trouvaient encore quelques instants auparavant les trois sorciers avec qui nous avions passé la matinée. Parce que oui, après avoir vu ce que j'avais vu, il ne m'était plus permis de douter : la magie existait.

 

J'étais donc une sorcière et Ryo également. J'avais envie de rire autant que j'étais terrorisée. J'avais envie d'y croire autant que je m'y refusais. Je retournais m'affaler dans le canapé et Ryo m'y rejoins. Nous restions épaule contre épaule, les yeux dans le vide devant nous, mais incapables de dire un mot, assommés que nous étions par ce que nous venions d'apprendre.

 

La magie existait.

Nous étions des sorciers.

Et un trio improbable venait de s'évaporer devant nos yeux.

Comme ça, en un claquement de doigts.

Pouff, plus là…

 

- Il était grand quand même, Hagrid, hein ? soufflai-je à Ryo après quelques minutes.

- Ouais… Deux Umibozu… au moins…

 

Nous nous regardâmes et éclatèrent de rire à nouveau, libérant la tension que nous avions accumulée.

 

- Bon, t'en penses quoi toi ? me demanda Ryo après un bon moment.

 

Je pris un moment pour organiser mes pensées. Depuis qu'on m'avait annoncé cette éventualité, une partie de moi s'était mise à rêver. Il y avait tant de possibilités, je m'en ouvris à Ryo.

 

- La magie !!! Je ne sais pas trop ce qu'on pourrait faire si on maîtrise nos pouvoirs, mais ça serait plutôt chouette. Imagine si on arrive à multiplier la nourriture !! Fini la faim dans le monde !! Si on arrive à faire tomber la pluie ! Hop, plus de sécheresse !!

- Tu oublies leur loi là, le code du secret …

- Ouais, mais regarde, tout ce qu'on fait en tant que City Hunter, c'est aussi au mépris des lois et au final, on n'a jamais été arrêtés.

- Parce qu'on a notre policière de choc et de charme dans notre poche.

 

Je me rembrunis, baissant la tête.

- Tu n'y crois pas hein, c'est ça ?

- Je sais pas, j'avoue que j'aime bien ma vie comme elle est. Franchement, moi ? Sorcier ?

- Mais Ryo, comment expliques-tu les massues alors ? Puis si ça se trouve c'est aussi la magie qui t'a fait survivre au crash de l'avion de tes parents.

 

Il ne répondit pas, soudain redevenu pensif. Je me frappais mentalement, il n'aimait pas penser à cette période de sa vie et je le comprenais.

- On fait quoi alors ?

 

Ryo haussa les épaules.

- J'aime pas le changement. Ma vie me satisfait. Toi et moi, on est City Hunter et ça me va bien comme ça. Notre partenariat, tout ça, ça marche. Toi et moi, c'est déjà magique en soit et je n'ai pas besoin de plus de magie que ça. 

 

Et il se leva, le bougre, me laissant comme ça, les joues en feu et les papillons s'affolant dans mon ventre, affalée dans le canapé. Mais il avait ouvert une brèche et le doute s'infiltra dans mes pensées. Et si la magie changeait tout ? Je n'avais pas envie que ça change…

 

Le lendemain, ma décision était prise et je savais que Ryo n'avait également pas changé d'avis. Nous attendions donc Dumbledore, Soga et Hagrid de pied ferme et déterminés. Ils arrivèrent de la même façon que la veille et cette fois-ci j'entendis moi aussi le petit pop signifiant leur arrivée. Je leur ouvris avant même qu'ils ne toquent et les invitai à entrer.

 

Hagrid me sourit tout aussi chaleureusement que la dernière fois et j'eus un pincement au cœur : j'aurais peut-être bien voulu le connaître davantage. Mais je secouai la tête. De toute façon, il allait rentrer dans son pays. Alors à quoi bon avoir des regrets ?

 

Je leur servis une tasse de thé et pris place devant eux, à nouveau agenouillée sur le sol, les mains sur les genoux et la tête baissée, nerveuse.

- Alors, commença Dumbledore, avez-vous pris votre décision ?

 

- Oui, nous allons renoncer à nos pouvoirs. Notre vie nous convient parfaitement telle qu'elle est actuellement, répondit Ryo alors que ma bouche était trop sèche et ma gorge trop nouée pour émettre le moindre son.

 

Je n'arrivais pas à savoir si c'était la bonne décision. Mes massues allaient me manquer et j'allais devoir trouver une autre façon de mater l'énergumène qui ne maîtrisait pas son mokkori quand une jolie femme se trouvait dans les parages. Mais soudain, l'évidence m'apparut clairement. Je me levai et fulminai :

- Alors c'est ça hein, tu as enfin trouvé un moyen de me débarrasser de mes massues, n'est-ce pas ? Mais tu ne t'en tireras pas comme ça, pervers !! Falcon m'a appris l'art des pièges, tu n'auras toujours pas droit aux visites nocturnes chez les clientes.

 

Devant l'air penaud et faussement outré de l'homme qui me servait de partenaire, je sus que j'avais visé juste. Je me retournai vers les trois sorciers sur le canapé :

- Il va falloir trouver une solution. Je vous implore de croire que mes massues sont plus que nécessaires avec cet imbécile. Hagrid a dû vous dire pourquoi je me mets en colère, non ?

- En fait, nan, j'ai juste vu l'résultat d'ta colère, pas la cause, répondit le géant.

- Ah voilà, ben je vais vous le dire moi, la cause de mes massues…

 

Mais je n'eus pas le temps de finir ma phrase que la porte d'entrée s'ouvrit sur une jolie jeune femme bien connue. Celle-là même qui se croyait chez elle ici et qui débarquait pour nous filer les affaires les moins rentables au monde. Celle-là même qui jouait de la capacité irréfléchie de Ryo de montrer la force de son mokkori à tout le monde et qui en profitait pour nous faire travailler gratuitement. Celle que Ryo avait nommé notre policière de choc et de charme : Saeko.

 

Et ça ne loupa pas :

- Bonjour la compagnie, j'aurais besoin de vos services ! Si tu es d'accord, Ryo-chou ! lança-t-elle joyeusement.

 

Et Ryo-chou bondit, comme un chien sifflé par son maître, la fierté bien dressée devant la paire de jambes et le décolleté qui s'agitaient devant son nez, se débarrassant de ses vêtements alors qu'il volait dans les airs à sa rencontre...

- Saeko-chaaaaaaaaaan !! Tout ce que tu veux, mais ça te vaudra bien deux coups !!!

- A mettre sur mon compte bien entendu, minauda-t-elle.

 

Elle n'avait toujours pas fait attention aux trois personnes assises sur mon canapé, malgré la taille imposante de l'un, le chapeau pointu violet de l'autre et la barbe et les cheveux neige du troisième. Je vis rouge et une massue d'un tonnage bien supérieur à ma moyenne encastra mon partenaire exhibitionniste dans le mur à côté de la porte d'entrée, figeant Saeko dans une attitude pas le moins du monde étonnée.

 

Je me retournai vers Dumbledore.

- Vous ne POUVEZ pas m'enlever ces massues… plaidai-je.

- En effet, elles semblent bien être d'utilité publique, avoua le directeur.

- Soit, je pense que nous sommes d'accord, ajouta Mme Soga, choquée du comportement de Ryo, nous allons donc repartir. Après tout, depuis vingt ans, vos massues passent inaperçues, cela pourrait bien continuer. 

Ils se levèrent et me saluèrent avant de partir tout aussi rapidement qu'ils étaient arrivés. Je les accompagnai et discernai un vague "C'est pô juste" dessous la massue avant d'entendre distinctement trois personnes prononcer :

- Oubliettes !

 

Soudain, j'eus l'impression de sortir d'un long sommeil et j'étais vraiment incapable de me souvenir de ce que je faisais devant la porte d'entrée et comment j'étais arrivée là. Je jetai un œil autour de moi et découvrais Ryo sous une de mes massues sur le mur et Saeko, droite comme un i à côté de lui. Je compris alors ce qui avait dû se passer et me tournai vers mon amie, les poings sur les hanches.

- Franchement, Saeko, quand tu débarques, ça finit toujours de la même façon. Vraiment, un jour, je vais finir par te faire payer les réparations des murs et du plancher.

Puis je tournai les talons pour aller me faire couler un café.

- Et hors de question de travailler gratuitement cette fois !! ajoutai-je de la cuisine.

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