Yes or No ?
Dans la pénombre, je crus voir ses yeux pétiller pendant une fraction de seconde. Je devais me sortir de là, trouver une échappatoire. Vite, très vite, parce que je sentais que j'allais craquer et embrasser un patient n'était pas du tout, mais alors pas du tout, déontologique. Je réussis à prononcer :
- "Pas tant que vous sentirez aussi mauvais ..."
Il rit doucement, baissant la tête et s'enfonçant dans ses oreillers, manifestement gêné. Je soupirai de soulagement, ma remarque avait exactement eu l'effet escompté.
- "C'est si terrible que ça ..."
- "Vous n'imaginez même pas ..." Répliquai-je, essayant de retrouver un ton léger. "Venez avec moi. Vous allez prendre une douche bien chaude, ça va vous faire du bien. Pendant ce temps, nous allons aérer un grand coup ici, changer les draps et diffuser des huiles essentielles."
- "Alors, si vous avez bergamote, j'adore la bergamote ..." Dit-il en se mettant assis sur le lit.
- "Hé, ça va les exigences ..."
Il rit de nouveau pendant que je passais son bras par-dessus mes épaules pour l'aider à se lever et à se diriger vers la porte. Sa première crise de manque l'avait épuisé et nous devions profiter de l'accalmie qui se profilait pour prendre soin de lui, avant que son corps et son cerveau ne recommencent à le faire souffrir en se jouant de lui.
- "Vous avez attaché vos cheveux ..."
- "Vous êtes un sacré observateur ..." Répliquai-je d'un ton moqueur, amusée qu'il remarque ce détail.
- "Ça vous va bien ... Êtes-vous inaccessible ? Votre cœur est-il déjà pris ?"
- "Arrêtez avec vos théories à la noix, Monsieur Angel ... Je viens d'être tirée du lit à deux heures du matin. Et j'étais seule dans mon lit, si vous voulez tout savoir ... Et je n'avais tout simplement pas le temps de me coiffer ..."
Il rit doucement :
- "Vous êtes une adversaire tenace, Docteur Natori ..."
- "Vous n'avez pas idée ... Au fait, vous ne m'appelez plus Kazue ?"
- "Tant que vous me donnerez du "Monsieur Angel" non ..." Dit-il.
Je répondis alors du tac-au-tac :
- "Bien, Mick. Alors, à la douche maintenant. Vous puez ..."
- "A vos ordres, Kazue ..."
Quelques instants plus tard, Mick avait regagné sa chambre et venait de s'endormir, épuisé mais apaisé, alors que j'avais gardé ma main sur son front. Il était propre comme un sous neuf, rasé, emmitouflé dans des draps propres et une couverture chauffante pendant que le diffuseur répandait une agréable odeur d'orange douce.
Himika avait été d'une efficacité redoutable, comme à son habitude : nous avions bouclé notre tâche en moins d'une demi-heure et nous prenions une petite pause dans mon bureau.
- "Il est toujours bon ton café, comment tu fais ?" Murmurai-je.
- "Petit secret du chef" Répondit-elle en souriant. "Je t'ai fait une thermos comme tu me l’as demandé tout à l’heure. Tu en auras peut-être besoin ..."
- "Merci, Himika. On dirait ma mère quelques fois ..." répliquai-je en baillant à m'en décrocher la mâchoire.
- "Essaie de dormir. Je prends le premier tour de garde. A tout à l'heure !"
- "A tout à l'heure ..." Répondis-je et j'allais m'écrouler sur mon canapé.
Je dormais déjà quand Himika referma doucement la porte derrière elle.
Au cours des dix jours qui suivirent, je dormis peu et restais la plupart du temps au chevet de Mick. Il passait le plus dur des crises de manque, entre sensation de froid intense, tremblements, nausées, crampes, vomissements. Son cerveau faisait souffrir son corps pour obtenir enfin la douce libération apportée par la drogue. Cependant, il tenait bon, ne réclamait plus d'analgésiques, ne se montrait plus agressif même quand la douleur était telle qu'il avait l'impression que ses muscles disparaissaient en lambeaux. Il faisait de terribles cauchemars au cours desquels il délirait, balbutiant en anglais des paroles incompréhensibles. Dès qu'une accalmie se profilait, j'en profitai pour pratiquer les injections de sérum.
Et puis, enfin, la onzième nuit se déroula sans encombre et Mick dormit paisiblement, et moi de même, callée dans le fauteuil juste à côté de son lit. Quand il se réveilla, il avait toujours la nausée, froid et mal partout, mais semblait moins en proie au désespoir. Je ne pus malheureusement pas m'attarder à son chevet car on nous amena une victime.
- "Plaie par balle, Kazue." dit simplement Naoko en entrant dans la chambre de Mick.
- "J'arrive." dis-je avant de me tourner vers Mick : "Je reviens tout à l'heure. Essayez de vous reposer."
Je ne parvins pas à croiser son regard. A chaque fois qu'il apercevait Naoko ces derniers jours, il fixait avec horreur son visage tuméfié qui se parait de teintes mauves et bleues.
- "Arrêtez de vous en vouloir. Nous vous l'avons tous dit. C'était un accident ... Je ... Je reviens vous voir tout à l'heure..."dis-je et je partis en direction du bloc opératoire.
L'opération de notre victime avait été simple mais nous avait pris du temps. Beaucoup de temps. Elle m'avait paru interminable et je n'avais pas pu empêcher mon esprit de revenir, encore et encore, vers mon patient de la chambre numéro trois.
Et ce fut presque quatre heures plus tard que je poussai à nouveau sa porte. Je trouvai alors Mick d'une humeur massacrante. Agressif, il refusa de toucher à son repas.
- "Vous maigrissez à vue d'œil, Mick. Vous devez vous nourrir ..."
- "Pas faim. Pas envie."
- "Mick ..."
Il secoua la tête.
- "Mick ? Que se passe-t-il ?"
- "J'ai blessé votre collègue."
- "Vous étiez en état de manque. Nous vous avions prévenu que cela pouvait vous rendre violent."
- "Kazue ... Vous avez vu son œil ? Vous vous rendez compte de ce que j'ai fait ?"
- "Mick ... Vous vous êtes déjà excusé, et pas qu'une fois ... Pas la peine de vous mettre dans cet état. Même elle ne vous en veut pas. C'était un accident ..."
- "Non, non, non, Kazue. Accident ou pas, ce n'est pas une excuse ... J'ai massacré des types pour moins que ça ... On ne touche pas à une femme. Jamais. Question de principe. C'est facile de jouer les gros bras devant plus faible que soi."
- "Ce n'était pas vous mais le manque de drogue qui vous a fait réagir comme ça."
- "N'empêche ..."
- "C'est les risques du métier, Mick. De notre métier. Et nous étions prêts, c'est pour ça que nous avions demandé à Ryo de se tenir disponible en cas de problème ..."
Il prit une moue méprisante et lança d'un ton excédé :
- "Ryo ... toujours Ryo. Toujours lui ... Le Sauveur de ces dames ! Le Chevalier Blanc toujours là au bon moment ..."
Il détourna le regard. Je sentais bien que s'il avait pu, il aurait serré les poings pour frapper le matelas :
- "Je peux vous poser une question ? J'ai besoin de savoir ..."
- "Allez-y ..." répondis-je.
- "Vous avez succombé ? Est-ce que Ryo vous a séduite ? Vous avez eu recours à ses services, vous étiez sa cliente donc il a essayé de vous séduire. Est-ce que vous avez cédé à son petit numéro de "je ne suis pas si débile que ça, je suis un grand romantique en réalité !" ?"
J'en restai d'abord sans voix et puis il me regarda à nouveau. Et son regard me pétrifia : colère, rancune, rage contenue. Un autre que lui m'aurait posé cette question, je l'aurais envoyé paître avec une belle paire de gifles en prime.
Mais, j'avais envie de lui répondre. De lui avouer ... Pour le rassurer ? En un sens oui. Pour lui faire comprendre que Ryo ne serait pas un obstacle. Répondre honnêtement à cette question signifiait aussi que j'acceptai d'avancer. Je n'eus cependant pas la force de soutenir son regard quand je lui répondis :
- "Oui et non. J'ai eu le béguin pour lui, je dois bien le reconnaître. Je venais de perdre mon fiancé ..."
- "Le premier ?" dit-il avec un sourire sarcastique, le ton légèrement rancunier.
Je ne pus m'empêcher de sourire. Il se rappelait donc que j'avais eu deux fiancés et j'avais réussi à attiser sa jalousie. Je répondis :
- "Le premier et le seul véritable. Shinishi ... Il ... Il a été assassiné."
Il me regarda, surpris et changea immédiatement de ton:
- "Oh ... Que s'est-il passé ?"
D'un seul coup, je n'osais plus parler. ça faisait déjà la deuxième fois que je parlais de Shinishi avec lui alors que je n'avais pas prononcé son prénom depuis des années. Six longues années.
- "Je ... Je ne veux pas vous ennuyer avec ça, Mick."
Il me regarda, plongeant ses yeux dans les miens et me dit d'une voix douce :
- "Vous ne m'ennuyez pas. Ca me fera penser à autre chose ... et aussi ... bah ... j'avoue que j'aimerais vous connaître un peu plus."
Je respirai un grand coup et, finalement, après avoir un peu hésité, j'acceptai :
- "D'accord ... Mais à charge de revanche..."
- "De quel genre, la revanche ?" me demanda-t-il, intrigué.
- "Je vous raconte mon histoire et vous me dites quel type vous avez massacré pour défendre une femme ..."
- "Oh, ça ... ça risque d'être long ... Parce qu'il y en a pas mal ..." répliqua-t-il d'un ton énigmatique.
- "J'ai tout mon temps." dis-je en croisant les bras, histoire de montrer ma détermination et dissimuler en même temps mes mains qui commençaient à trembler d'émotion : j'allai enfin apprendre quelque chose sur le passé de Mick Angel :
- "Que diriez-vous de profiter de ce moment d'accalmie pour pratiquer les injections ? et je vous raconterai mon histoire ... ça vous aidera à passer le temps ... ou à vous endormir ..." ajoutai-je pour le détendre un peu.
Il me sourit en levant sa main zébrée d'écarlate.
- "Alors topez-là ! Marché conclu, Kazue ..."
Je posai délicatement ma main sur la sienne, prête à me lancer dans mon récit. Je m'installai en face de lui, laissant sa tablette entre nous et je commençai mon méticuleux travail sur ses mains. Je lui racontai tout. Tout ce qui n'était jamais sorti de ma bouche depuis toutes ces années : Shinishi, notre rencontre à la faculté de médecine, nos projets, son idéalisme, ma colère face à sa naïveté quand les industries Kitagawa lui avaient demandé de mettre au point des abeilles tueuses, censées sauver l'espèce de l'extinction.
- "Mais, ils voulaient développer une arme, c'est ça ?" Me demanda Mick.
- "C'est ça. Quand il a enfin compris, il m'a tout avoué et il a tenté de mettre au point un antidote."
- "Oui. Un poison qui se guérit n'est plus vraiment un poison."
- "C'est ça. Sauf que, quand il a découvert ça, le père Kitagawa a mis un contrat sur sa tête. Shinishi a été renversé par une voiture mais j’ai tout de suite compris que ce n’était pas un accident. Et puis, je me suis dit que le seul moyen de tout arrêter était de finaliser l'antidote.
- "C'est là que vous avez fait appel à Ryo ?"
- "Pas vraiment ..."
Je racontai alors mon projet de vengeance, mon plan pour entrer dans la propriété Kitagawa dans laquelle se trouvait le laboratoire de Shinishi : approcher le fils du patron et faire en sorte qu'il me demande en mariage.
- "Quoi ? Vous avez fait quoi ?" me demanda-t-il, les yeux écarquillés.
- "J'ai prétendu que je ne coucherais jamais avec un homme qui ne serait pas mon mari et il m'a demandée en mariage deux jours plus tard ... Il faut dire que j'avais mis le paquet ..."
- "Non, me dites rien ... je serai tenté de vous demander de m'épouser aussi ..."
Je souris.
- "Le jour de la cérémonie, je me suis faufilée dans son labo, j'ai volé tout ce que j'ai pu, une sauvegarde informatique et quelques abeilles dans un tube à essai. C'est en m'évadant de la propriété que je suis tombée sur Ryo et Kaori. Au sens propre du terme, d'ailleurs ..."
Je poursuivis mon histoire, tout en omettant quelques détails sur les effets secondaires de l'antidote, ne souhaitant pas raviver notre confrontation sur le sujet.
Je racontai comment Ryo, Kaori et moi avions fait exploser toutes les abeilles pour fuir ensuite par les égouts. J'hésitais un moment avant de lui avouer ce qui s'était passé ensuite entre Ryo et moi, et puis finalement, je me lançai, sentant que j'avais besoin de me libérer de cette histoire.
Quand je lui décrivis Ryo en train de me passer ma bague de fiançailles au doigt, son regard s'assombrit, pour ma plus grande satisfaction. Mais quand je poursuivis en disant que je l’avais giflé tout de suite après car cet imbécile avait prononcé une remarque idiote "Allons tirer un coup !" ou un truc de ce genre, Mick éclata de rire.
- "Hoooo, c'est bon, Mick ! C'est vraiment pas drôle !!!"
Il ravala son rire mais son sourire espiègle et ses yeux qui pétillaient firent à nouveau danser les fourmis qui avaient élu domicile dans mon estomac. Je poursuivis :
- "Ensuite ... C'est ensuite que ça a été le plus dur. Mon objectif atteint, je ne savais plus trop quoi faire de ma vie. J'ai pensé partir et puis ..."
- "Et puis vous êtes restée parce que vous êtes tombée amoureuse de ce crétin fini ?" demanda-t-il, visiblement contrarié.
- "Oui. Entre autres. Ce ne fut l'unique raison, mais, oui. Et puis, un jour, il est venu ici, pour une épaule démise. Le Doc était occupé avec son adversaire alors je l'ai soigné. Et ..."
Il remua un peu, cherchant une position plus confortable. Il commençait à devenir pâle.
- "J'ai bientôt terminé. Encore deux zones à piquer. Je vais peut-être me taire, je vous embête avec cette histoire."
- "Non, non, ça me fait du bien de discuter un peu avec vous... D'entendre votre voix ..."
Je piquai encore deux fois et commençai à ranger. Lorsque je l'aidai à s'allonger et à se caler dans ses coussins, il me sourit tristement avant de me demander :
- "Et ?"
- "Et ?"
- "Vous avez soignez Ryo, et ... ?"
Je sentis mon cœur battre plus vite alors que j'avouai ce que je n'avais jamais avoué à personne :
- "Et j'ai réussi à l'embrasser. Nous étions parfaitement seuls et rien ne l'aurait empêché de poursuivre. Et pourtant, il m'a repoussée en disant simplement qu'il n'était pas un type pour moi et je ne me rappelle plus du reste. Il a eu droit à une autre gifle et il est parti sans se retourner. C'est quelques mois plus tard que j'ai compris que son cœur appartenait à une autre."
Mick détourna le regard et je devinai sa peine en voyant sa mâchoire se crisper. Je m'assis sur le bord de son lit, juste à côté de ses jambes étendues.
- "Kaori ..." murmura-t-il.
- "Oui. Kaori ..." Je m'en voulais un peu de de lui parler d'elle et de raviver ainsi son chagrin mais j'éprouvai le besoin de lui faire comprendre que personne ne pourrait se mettre entre ces deux là, que sa vie devait continuer, que d'autres femmes que Kaori croiseraient à nouveau sa route. Si ce n'était pas déjà le cas ...
Je poursuivis :
- "Ma rivalité avec elle a persisté encore quelques temps, jusqu'à ce qu'elle vienne trouver refuge ici, alors qu'un tueur à gage avait mis un contrat sur sa tête."
- "Comment ? Je veux dire, comment est-ce que vous avez compris ? Ryo vous a dit quelque chose ?"
Je secouai la tête :
- "Non. Il ne m'a jamais rien dit. C'est les massues, la faille."
- "Les massues ?"
- "Pendant son séjour ici, le Doc a fait une remarque déplacée et Kaori l'a assommé. Et puis, quand il a recommencé, elle a voulu à nouveau l'assommer, mais il a réussi à esquiver, en lui expliquant que ses attaques étaient prévisibles ..."
Mick resta un moment silencieux avant de dire :
- "Et donc, si le Doc arrive à prévoir les attaques de Kaori ..."
- "Un pro comme Ryo devrait réussir à les éviter sans aucun problème, non ?" Poursuivis-je.
- "Raisonnement on ne peut plus logique, en effet ..."
Il ferma les yeux quelques instants mais je ne sus pas si c'était pour maîtriser sa douleur physique ou ses sentiments bafoués.
- "Je vais vous laisser. Vous devez vous reposer." Dis-je en me levant.
- "Non, non, ça va. Restez, s'il-vous-plait. ça m'aide à ne pas penser à la douleur."
Je me rassis et il reprit doucement :
- "Donc, il ne les évite pas. Pourquoi il ne les évite pas ? Parce qu'il aime avoir mal au crâne ?"
- "Parce qu'elles le stoppent dans son élan. Elles permettent de maintenir le statu quo entre eux. Il fait semblant de draguer tout ce qui bouge, elle l'en empêche. Du coup, il a une excuse pour ne pas avoir de femme dans sa vie."
- "Et les visites nocturnes ?"
J'éclatai de rire :
- "Les visites nocturnes ... Parlons-en ! En a-t-il seulement réussi une seule ? Non parce que, franchement, il s'y prend comme un pied ! En même temps, avec tous les pièges que Kaori imagine, je ne vois comment il pourrait y arriver !"
Il rit avec moi.
- "Mais je ne sais pas trop" continuai-je. "Je n'ai pas pensé à observer tout ça quand j'ai dormi chez eux. Je me demandais plutôt dans quelle maison de fous j'avais atterri ... Mais ça reste encore une piste à explorer, j'avoue ... et je ne vais pas aller dormir là-bas pour vérifier ma théorie ..."
Il rit à nouveau mais il semblait de plus en plus fatigué. Je culpabilisai à nouveau de tenir ainsi la conversation et je me levai du bord de son lit.
- "Et vos sentiments pour Ryo ?"
- "Quoi mes sentiments pour Ryo ?" Demandai-je en me tournant vers lui.
- "Vous êtes toujours amoureuse de lui?"
- "Non. Je crois d'ailleurs que je ne l'ai jamais vraiment été. Il s'agissait d'un béguin. Une attirance. Qui m'a aidée à passer à autre chose et à accepter la mort de Shinishi. Ce qui n'est pas encore fait, je pense. Shinishi me manque encore."
Il me regarda tristement. J'ajoutai :
- "Mais ne vous en faites pas. Je vais bien. Il est temps de vous reposer maintenant."
Il semblait de plus en plus fatigué, je vérifiai une dernière fois qu'il était bien installé, remis correctement les couvertures autour de lui quand il me murmura :
- "Et moi, j'y arriverai, vous pensez ? J'y arriverai à faire comme Ryo ?"
Persuadée qu'il parlait de son sevrage à l'Angel-Dust, je tentai de détendre l'atmosphère par une petite plaisanterie légère :
- "A quoi ? A éviter les massues de Kaori ?"
- "Non. A vous voler un baiser ..."
Je ne pus me retenir de rire, gênée par une approche aussi directe.
- "On verra. Quand vous pourrez vous raser seul, je pense qu'on pourra éventuellement réfléchir à la question."
Il sourit, passant son avant-bras sur sa joue, faisant crisser sa barbe naissante.
- "Effectivement, j'ai rarement été aussi négligé, je dois avouer ..."
- "Je le ferai demain si vous voulez ... Mais ça ne comptera pas, soyons bien d'accord."
Il me sourit, surjouant sa reddition :
- "Je vous ai déjà dit que vous étiez une adversaire redoutable ?"
- "Oui. Reposez -vous. Vous me raconterez votre histoire une autre fois."
J'allai ensuite prendre les constantes de notre autre pensionnaire, ce qui me permit d'éloigner de mon esprit, pour un temps, les paroles de Mick qui tenait tant à me voler un baiser.
Quand je sortis de la chambre numéro deux, laissant à notre nouveau patient le temps de se réveiller de son anesthésie, il était tard et je décidai d'aller grappiller quelques heures de sommeil avant la prochaine crise de manque de Mick. Alors que je m'endormais doucement sur le sofa de mon bureau, je songeai, à moitié consciente, qu'après tout, je pourrai un jour accéder à sa demande.