Choco, qui es-tu ?
Prologue
La nuit du 25 décembre à 6 h 30 du matin. Kawagoe Haruma est réveillé par des coups frappés sur la vitre de sa fenêtre. Encore dans les bégonias, il va ouvrir, sans même se demander qui peut bien frapper à la fenêtre alors que son appartement se trouve au premier étage. Il voit alors une charmante pin-up, assise sur une moto volante et portant un bonnet de Père Noël, qui lui remet un paquet particulièrement lourd. Ce paquet, une fois ouvert, révèle une ravissante jeune fille d’environ 13 ans, vêtue seulement d’une courte nuisette et d’une petite culotte rose.
-C’est quoi, ça, demande-t-il effaré ?
-Ben, c’est la petite sœur que tu avais demandée. Si ça ne te convient pas, pleins-toi à Dieu. Moi, je ne fais que livrer !
Puis elle s’envole sans demander son reste.
Kawagoe Haruma, jeune homme de 19 ans, étudiant en première à l’université, plutôt timide et pudique, sans aucun doute encore puceau. Lorsqu’il avait 9 ans, sa mère avait fait une fausse couche et ne pouvait plus avoir d’enfant. Haruma, qui était persuadé d’avoir une petite sœur, pria avec conviction le Père Noël :
-Santa-san, apporte-moi une petite sœur. Je la chérirai, je la défendrai et je m’occuperai bien d’elle. Je t’en prie, Santa-sa…
Et voilà que dix ans plus tard, son vœu était réalisé ! Mais la tenue de cette fille, déjà bien formée, le mettait mal à l’aise. Il lui demanda de mettre quelque chose en prenant ce qu’il fallait dans sa commode.
-Mais ça n’a pas d’importance entre frère et sœur. C’est écrit là.
Elle avait à la main un petit livre qui était, en quelque sorte, un « guide de petite sœur », qu’elle consultait chaque fois qu’elle ne comprenait pas un mot ou une situation. C’est pourquoi il lui donna le nom de « Choco », dérivé du mot japonais « anchoko » (guide).
Choco, dont l’origine était pour le moins surnaturelle, était parfaitement innocente et ignorante des choses de la vie. Aussi comptait-elle sur son onÄ«chan pour les lui apprendre. Haruma dut commencer par lui acheter des vêtements plus adaptés, puis la présenta partout comme sa petite sœur qui venait de la campagne et dont il allait s’occuper quelques temps. Ashirai Makoto, sa voisine de palier était assez dubitative.
-Elle est bien trop mignonne pour être ta petite sœur. Allez, avoue, voyou !
Makoto était une jeune femme d’environ 25 ans, relativement exhibitionniste, qui offrait aux yeux offusqués d’Haruma des tenues bien trop courtes, laissant admirer ses dessous, et des décolletés plongeants qui le faisaient rougir jusqu’aux oreilles, sa poitrine étant assez fournie. En fait, elle était le célèbre top model Otokami Alisa. Mais une fois décoiffée, démaquillée et après avoir changé de vêtements, elle devenait méconnaissable, ce qui lui permettait de préserver sa vie privée.
Le jour de l’an, la propriétaire de la pension où ils habitaient leur annonça son prochain départ.
-Je commence à me faire trop vieille pour ça. Il est temps de prendre ma retraite et d’aller habiter chez mon fils. Mais ne vous inquiétez pas, rien ne changera pour vous. Ma petite fille va prendre la relève.
Avant de partir, elle avait offert à Choco, comme cadeau de Nouvel An, une petite somme d’argent. Elle lui conseilla d’acheter un journal et d’y noter tout ce qu’il lui arriverait. Depuis ce jour, Choco tint assidument un journal intime. Quelques jours après le départ de la propriétaire arriva sa petite fille Serikawa Chitose. C’était une jeune femme d’environ 20 ans. Elle venait d’être diplômée et ne put refuser à son obÄsan de s’occuper de la pension. Elle était plutôt mince, ce qui faisait ressortir encore d’avantage son opulente poitrine et portait des lunettes. Dès qu’elle vit Haruma, elle eut le coup de foudre pour lui. Hélas, ce n’était apparemment pas réciproque, bien qu’il se conduisît toujours avec elle très aimablement. Par contre, elle plut tout de suite à Makoto, qui avait sans doute une tendance lesbienne et qui ne pouvait s’empêcher, la prenant par derrière, de lui tripoter les seins. Un jour, Choco vit un soutien-gorge dans le linge que rangeait Chitose.
-Kanrinin-san, c’est quoi ça ?
-Comment, tu n’as jamais vu de soutien-gorge ?
-Non, faites voir, faites voir, allez !
Devant l’insistance de Choco, Chitose lui montra son soutien-gorge. Choco le trouva génial, et le soir même demanda à Haruma de lui en acheter un. Il finit par accepter de lui donner l’argent pour qu’elle aille se l’acheter seule.
-Mais il est écrit là que les premiers sous-vêtements doivent être achetés avec un membre de la famille !
Effectivement, il était, en quelque sorte, la seule famille de Choco. Malgré sa gêne, il dut donc l’accompagner au magasin de lingerie. Sa gêne se transforma en panique lorsqu’il vit entrer dans la boutique Sonosaki Ayano. Ayano était la fleuriste du quartier, et il en était secrètement amoureux. Enfin, il croyait que c’était secret, mais en fait, tout le monde le savait. Qu’allait-elle penser de lui en le voyant choisir un soutien-gorge ? Surtout que Choco se trouvait à ce moment-là dans la cabine d’essayage.
Par la suite, Choco se fit deux nouveaux amis : Kakeru et Yurika.
En récupérant un volant de badminton coincé dans un arbre, elle en était tombée. Fort heureusement, Kakeru qui passait par là à ce moment amortit sa chute. C’était un jeune garçon du même âge que Choco, aux charmes de laquelle il succomba tout de suite. Ses parents tenaient des bains publics, et il tenait souvent la caisse pour les aider. Quant à Yurika, elle la rencontra dans des circonstances curieuses. Pour échapper à sa prochaine leçon particulière, elle tenta de se sauver par la fenêtre de toilettes publiques. Mais, vu l’étroitesse de la dite fenêtre et la largeur de ses hanches, elle resta coincée. C’est Choco, passant par là, qui l’aida à s’extraire de son piège. Yurika, pauvre petite fille riche avait besoin de s’évader un peu de son éducation astreignante. Elle était seule, son père travaillant à l’étranger et était entourée d’une armée de servantes, cuisinier, jardinier, chauffeur…etc. Sa rencontre avec Choco lui apportait une bouffée d’air pur. Lorsqu’elle vit Kakeru pour la première fois, elle eut un coup de cœur pour lui. Hélas, elle s’aperçut très vite qu’il était amoureux de Choco.
Ayano avait réussi à se réconcilier avec son ex-fiancé et allait se marier. Cette nouvelle plongea Haruma dans une telle dépression que Choco s’en inquiéta. Elle écrivit alors une lettre à Ayano pour lui demander de ne pas faire autant souffrir son onÄ«chan. Lorsqu’il l’apprit, Haruma se mit dans une belle colère, et Choco, désolée d’avoir gaffé, quitte la maison sous la pluie. C’est dans le petit parc près de la pension qu’Haruma la retrouva et s’excusa de s’être emporté. Plus tard, Choco étant endormie, il vit dans son journal intime à quel point elle s’était inquiétée pour lui. Il ajouta alors ce petit mot sur la dernière page écrite :
« Merci de t’être inquiétée pour moi.
Je vais mieux maintenant. Je t’aime.
Ton onÄ«chan. »
Quelques temps plus tard, l’université d’Haruma préparait son festival. Un jour, Haruma qui avait oublié un cahier à la pension, demanda à Choco de le lui amener. Fière d’une telle mission, elle se rendit à l’université pour la remplir. Haruma l’invita alors à manger à la cantine du campus. C’est là que Tamami, accompagnée de sa complice Koromi les retrouva. Tamami était la senpai d’Haruma. Elle lui proposait souvent des petits boulots pas toujours très intéressants pour lui. La pension que recevait Haruma de ses parents étant très modeste, il était souvent forcé d’accepter. Quant à Koromi, c’était une dingue du cosplay et en voyant Choco, elle voulut absolument la « cosplayer ». Pour le festival, la classe de Tamami allait faire un « Maid café » et Choco se retrouva enrôlée d’office comme serveuse. Choco, ravie de jouer ce rôle, invita tout le monde à venir la voir. Makoto et Chitose, bien sûr, mais aussi Kakeru et Yurika. Lorsque Makoto et Chitose arrivèrent, Koromi, impressionnée par leurs opulentes poitrines leur tomba dessus pour les enrôler également. Ce que Makoto accepta de bonne grâce, obligeant Chitose à accepter aussi. Yurika arriva ensuite avec sa camériste. Cette dernière était gênée par toutes ces servantes amatrices. Mais lorsqu’un client, particulièrement grossier insista auprès de Chitose pour avoir son numéro de téléphone, elle alla le remettre à sa place.
-Être une servante consiste à servir son maître, lui dit–elle. Mais vous semblez ignorer que le maître a le devoir de traiter sa servante avec dignité. Si c’est le cas, je me ferai un plaisir de vous l’enseigner !
Le client, perdant la face en public, dut s’excuser humblement de son attitude grossière.
Pendant ce temps, la cousine d’Haruma, Aki, se trouvait en ville pour affaires. Après avoir expédié son rendez-vous, elle décida de retrouver son cousin « Haru-bou » à l’université, dont elle était une ancienne élève. Affolé, Haruma fit tout son possible pour l’empêcher de se rendre au « Maid café ». Peine perdue. Choco, qui faisait une pause, le vit de loin et accourut vers lui en l’appelant.
- Onīchan ! Onīchan !
Aki était plutôt surprise. Elle savait qu’Haruma était fils unique.
-Haru-bou, tu n’as pas de petite sœur, n’est-ce pas ? Alors qui est-ce ?
-Ça, je n’en sais vraiment rien. Tiens, viens voir le club de danse moderne.
En s’éloignant avec Aki, il se retourne et dit à mi-voix à Choco : « Pardon. » Choco est profondément choquée. Elle s’éloigne tristement en pensant :
Je suis pourtant la petite sœur d’OnÄ«chan. Pourquoi OnÄ«chan a dit qu’il ne me connait pas. Alors, ça veut dire que je n’existe pas réellement.
Et sous les yeux horrifiés de Yurika, elle disparaît. Seule restèrent à terre sa tenue de serveuse, sa coiffe et ses chaussures. Mais elle n’avait pas disparu que physiquement. Toute trace d’elle s’était également évanouie. Plus personne ne se souvenait d’elle, jusqu’à son journal redevenu vierge.
Choco avait disparu, et pourtant, tous ceux qui l’avaient connue sentaient qu’il leur manquait quelque chose, une vague réminiscence, mais rien de plus. Haruma revoyait sans cesse la scène où sa mère lui avait annoncé qu’il n’aurait plus jamais de petite sœur. Sans savoir pourquoi, il se sentait mal à l’aise, lorsqu’il vit par hasard le journal de Choco. Il était complètement vide, à l’exception d’un petit message écrit de sa main :
- Merci de t’être inquiétée pour moi. Je vais mieux maintenant. Je t’aime. Ton onÄ«chan.
OnÄ«chan ? OnÄ«chan ! La mémoire lui revint brusquement, et un flot de souvenirs l’assaillit. Comme un fou, il sortit de la pension pour chercher Choco, sa petite sœur. Mais il ne la trouva à aucun endroit où elle aurait pu se rendre. Désespéré, il s’assit dans le petit parc, et se mit à pleurer.
-J’avais promis… J’avais promis de la chérir, de la protéger et de bien m’occuper d’elle. Mon Dieu, mon Dieu, je t’en supplie, cette fois je la chérirai vraiment ! Alors… Alors…
À ce moment là, Chitose vint le chercher.
-Kanrinin-san, qu’avez-vous dit ?
-Je vous ai demandé ce que vous faisiez là.
-Non, juste avant ça !
-Je vous ai dit « Choco-chan vous attend à la maison. »
-Kanrinin-san, Choco, où est-elle en ce moment ?
-Mais… dans votre appartement, comme d’habitude.
Il se précipite à la pension, monte les escaliers quatre à quatre, ouvre la porte de l’appartement. Choco était là, en train de préparer le repas du soir. Il la prend dans ses bras, la serre contre son cœur en lui disant :
-Pardon… Pardon… Pardon…
La veille de Noël était arrivée. Avec l’aide de Chitose, Choco fit toute une série de gâteaux pour les offrir à tous ses amis et relations. Elle avait invité tout le monde à réveillonner chez elle. Yurika, qui d’habitude passait le réveillon avec son père, dans un restaurant ultra-chic avait refusé de ce rendre à cette « minable petite fête ». Hélas, son père, prétextant faussement un travail urgent à faire ne viendrait pas. En fait, il préférait passer la soirée (et sans doute la nuit) avec une demi-mondaine au décolleté prometteur. Yurika regretta d’avoir refusé l’offre de Choco, d’autant que celle-ci s’était déplacée pour lui apporter son cadeau. Choco avait fait la tournée des commerçants pour leur offrir leur cadeau. En chemin, elle rencontra Kakeru à qui elle offrit le sien. Arrivée au petit parc, elle vit une jeune femme qui visiblement n’avait pas le moral. Il s’agissait d’une des assistantes du Père Noël, celle-là même qui avait livré Choco à Haruma. Elle avait été réquisitionnée pour effectuer des livraisons, certains employés étant tombés malades. Or cela n’était plus ses fonctions et elle pestait contre cet état de fait. Pour lui redonner le sourire, Choco lui offrit le dernier gâteau qu’il lui restait. Elle avait fait là une bourde, car c’était celui d’Haruma. Lorsqu’elle le rencontra en chemin, elle s’excusa de n’avoir rien à lui offrir.
-Ne t’en fais pas. J’ai déjà eu le plus merveilleux des cadeaux de Noël.
Yurika était venue, mais n’osait pas entrer dans la pension, à cause de ce qu’elle avait dit à Choco et elle s’était réfugié dans le petit parc. C’est Kakeru qui, la prenant par la main, l’obligea à rentrer. La soirée fut fort gaie et les invités, après avoir mangé les délicieux mets préparés par Chitose et s’être bien amusés, ne regrettèrent pas d’être venus.
Cela faisait un an, jour pour jour, que Choco avait fait irruption dans la vie d’Haruma…