Les Manuscrits de l'Apocalypse (saison 2)

Episode 41.1 : Champ de bataille.

Le sol se morcelait ici et là et une violente lumière émergeait par gerbes d’étincelles des entrailles de la Terre.

- Je ne pourrai pas, affirma sèchement Sakura. J’en suis incapable.

Dominique la dévisagea longuement pour croiser ce regard qu’elle fuyait intentionnellement.

- Sakura. Tu peux m’en vouloir, si tu veux, mais...

- Je ne t’en veux pas ! se plaignit-elle d’un coup. Je comprends... presque. Mais tu ne nous as jamais rien dit !

Kerobero voulut regagner sa place, étourdi par le choc, mais ne put entrer dans le cercle. Gothar se posa à côté de lui et inclina la tête :

- Je n’ai pas l’essence d’un Gardien, mais je dois pouvoir canaliser la force du feu...

- Tu es sûr ? Bien...

- Sakura, Nathalie ne savait pas elle-même qu’elle possédait l’esprit bienfaiteur de la Terre en elle. Elle ne l’a découvert qu’au dernier moment, quelques jours avant qu’elle ne nous quitte. Tout comme Yue actuellement, Tara prenait de plus en plus de place en elle. Yue grandit en Mathieu mais ne veut pas s’approprier ce corps.

- Mais ce corps n’est pas réel.

- Grâce à ton frère, si. Il a ouvert les yeux de Yue. Il lui a montré le bonheur. Il lui a aussi fait comprendre que Mathieu avait sa propre existence et Yue l’a respecté. Au point d’en souffrir.

Thomas s’approcha sans savoir quoi faire.

- Tara ne te le dira pas, mais elle m’aime profondément. Parce qu’elle aimait Clow, ma chérie.

Sakura tourna la tête vers sa gardienne.

Le temple vibrait intensément et des colonnes de flammes jaillissaient de partout. Comme si la terre se préparait à mourir par cette plaie qui suppurait. Au milieu de ce décor apocalyptique, une femme, une enfant et leur sentiment.

- Maman...

- Sakura, la rappela son père. Tara a accordé durant toute son existence la place à Nathalie pour que Nathalie vive pleinement sa vie sur terre... avec la réincarnation de celui qu’elle avait aimé. Elle a laissé la place à un esprit humain. Elle savait pourtant que de cette façon, elle se condamnait elle et Nathalie. Quand ta mère commença à montrer des signes de faiblesses parce qu’elle ne pouvait contenir deux âmes en un seul corps, Tara lui apparut et elles décidèrent de tenter cette dernière chance. J’étais cette dernière chance, lui expliqua-t-il, les larmes aux yeux. Mais à l’époque, je n’avais plus aucun pouvoir...

- Papa...

- Et j’ai échoué, Sakura. J’ai échoué... articula-t-il, la gorge nouée. J’ai tué... Nathalie... mon ange...

Il tourna la tête sur le côté et Sakura vit un filet de larmes glisser sur sa joue.

- Nous serions mortes de toute façon, lui avoua Tara... Tu nous as ôté toute souffrance. Tu as facilité notre envol et tu nous as libérées. Grâce à mon pouvoir de Life, j’ai pu maîtriser notre mort. Et nous sommes restées ici-bas car nous avions chacune un but : Nathalie voulait veiller sur toi, Sakura. Et je voulais aider Yue à ne pas sombrer dans une folie qui les aurait tués tous les deux.

- Papa... Tu crois que j’ai suffisamment de pouvoirs ?

- Bien sûr, sourit-il en se tournant vers elle. Evidemment. Plus que quiconque n’en aura jamais.

- Mais il faut... que j’ôte la vie de Yue... ? demanda-t-elle en s’agenouillant près de lui.

- Tu ne maîtrises pas parfaitement ton pouvoir. Il te faudra Death.

Elle ouvrit grand les yeux... Death... La force suprême avait elle-aussi été absorbée par Curse ! Sakura se leva d’un coup en sentant le Fleau chuter vers elle. Le corps de Brice retomba au sol, l’homme s’était évanoui sous la force des multiples attaques simultanées. Une aura sombre s’éleva alors du corps et se mit à ricaner, parcourue par de grandes vagues de noirceur, écartant de larges ailes sombres au-dessus d’eux.

- Bien... maintenant que vous m’avez fait renaître en tant que Force, je vais pouvoir me répandre.

- Sakura ! cria Yolis. C’est maintenant ou jamais, quitte ce cercle !! Tu nous gênes !

Ruby se posa derrière Yue :

- Je vais tenter de le remplacer.

- Non, lui souffla Dominique. Yue est encore parmi nous... Sakura !

- Oui, papa... J’ai compris.

Curse continuait à grandir et repoussait peu à peu les limites du cercle des gardiens, les faisant reculer peu à peu. Il lança un éclair de pouvoir obscur sur Sakura et elle roula vers Brice. Curse les visa tous les deux et le sol explosa littéralement, projetant des morceaux de sol dans tout le quartier. De longs bras de pouvoirs s’élevèrent ainsi du sol comme libérés d’une prison magique, et le rejoignirent lentement, développant encore son pouvoir. Il prit encore plus d’ampleur et visa Yolis, les autres puissances de l’éternel demeurant figées de surprise, bien au-dessus de la masse sombre :

- Bien, articula-t-il d’une voix grondant sourdement dans l’air chargé, je vais vous supprimer les uns après les autres !

- Où est Sakura ? hurla Yolis.

- Elle s’est transférée ailleurs, lui cria Kero. Vous n’avez rien vu ?! Vite ! Il faut refermer le sceau terrestre !

- Mais nous ne sommes que deux, désormais !!!

Sakura déposa le corps près des marches. La demeure d’Anthony était assez éloignée pour que personne ne les cherchât ici. Elle se leva et tendit les bras au-dessus du corps inerte :

- Puissance de la Vie et de la Mort. Par le lien qui vous unit à l’Univers, liez-vous au sceau terrestre !

Les deux sphères de lumière quittèrent le corps et lui apparurent dans toute leur simplicité et leur immensité.

- Life, Death, les implora-t-elle. Je sais que vous devez me juger... mais j’ai un service à vous demander avant. C’est très important.

- Pour le monde ? la fixa Death.

- Pour moi, avoua-t-elle. C’est un peu égoïste mais deux de mes amis...

- Nous allons fusionner pour toi, Sakura, lui sourit Life. Ne t’inquiète pas. Tu as fait tes preuves.

- Nous devions trouver un élu, souligna Death. Nous l’avons désormais.

- Comme il l’a été écrit, les forces de l’éternel doivent retourner à leur repos et plus aucun sorcier de ce monde ne devra les éveiller. Par le passé un grand pouvoir fut subtilisé à nos sœurs par un Sorcier très puissant, que cela demeure une épreuve du passé. A jamais.

- Oui. Mais je pense être la dernière. Et j’ai libéré toutes les cartes de l’éternel qui avait été divisée.

- Non, Sakura, il reste Transfert que tu as de toi-même divisée pour arrêter Curse.

- Vous... vous avez raison.

- Soit, Sakura. Nous nous en chargeons, elle va revenir à sa forme originelle et nous allons te céder une parcelle de notre pouvoir de vie éternelle pour tes deux amis. Alors se refermeront les portes du monde sous-terrain !

Les deux forces s’illuminèrent et se rejoignirent, se fondant en un seul corps, se glissant en Sakura pour l’ultime transfert. Sakura sentit une plénitude incroyable la traverser et elle se concentra sur son pouvoir de Transfer. Elle réapparut auprès de Yue et positionna ses mains sur le visage froid de l’être ailé :

- Yue... articula-t-elle. J’ai été heureuse d’être ton amie. Si jamais cela tournait mal...

- Aie confiance en toi, lui souffla Samantha.

Dominique approcha de Tara et celle-ci sourit sans lâcher sa position pour maîtriser le Fléau..

- Nous nous reverrons, Dominique. Un jour. Mais tu me garderas à jamais dans ton cœur.

- Au revoir Nathalie. Je t’ai aimé plus que ma vie, tu le sais, et ça ne changera pas.

- Je le sais...

Elle se tourna vers Curse, surpris de voir réapparaître Sakura.

- Tara, la rappela Dominique. Si je t’ai aimée, c’est sûrement parce que Clow avait plus que du respect pour toi, gardienne toute-puissante. Il t’a peut-être aimée.

- Merci, dominique.

Yue se détacha peu à peu de Mathieu, s’élevant au-dessus du corps humain, déployant peu à peu ses ailes de lui-même. Le jeune homme ouvrit difficilement les yeux tandis que Curse s’agitait pour détruire Yolis.

- Je vais tous vous détruire ! gronda-t-il de sa terrible voix caverneuse.

Katya concentra son pouvoir dans ses mains et sa prière trouva enfin sa raison d’être : l’Arbre sacré entra en résonance avec les gardiens. Yue leva aussitôt son sceptre vers le Fléau, Yolis lui lança un signe de tête et Kero fit un pas en arrière, remerciant Gothar d’une inclinaison respectueuse.

- Par le pouvoir des cinq piliers de la Création ! clama Tara. Nous t’ordonnons de regagner ton sommeil, puissance suprême de l’Eternel !

Le sceau terrestre apparut au sol et les trois cercles se mirent à tourner dans une ronde infernale qui arracha à Curse un hurlement de douleur. Tandis que les forces de l’Eternel regagnaient le sceau une à une en saluant leur maîtresse, les quatre Agents se posèrent au sol, unissant leur force dans une ronde lente. Twin, les jumeaux, Libra, l’équilibre, Change, l’échange et Hope, l’espoir...

- Hope... remarqua Sakura. Tu étais...

La carte de la Vie éternelle et la carte de la Lumière Eternelle posèrent une main sur le corps translucide de Curse et tout se mit à briller, cédant un peu de force au mécanisme ancestral.

- Au revoir, souffla Tara. Au revoir, Sakura. Au revoir Thomas.

- Merci, souffla Yue. Au revoir Mathieu. Au revoir et Merci Thomas.

- A une prochaine fois, plaisanta Yolis. C’était sympa, Sakura. Tu es une grande magicienne.

Un à un ils se mirent à scintiller avant de se décomposer en particules de lumière ardente. L’arbre sacré à son tour explosa en milliards de particules qui rejoignirent le sol accidenté. Kero perdit d’un coup le reste de son pouvoir et Gothar fut rejeté en arrière.

Le sol se referma dans un grondement gigantesque et le calme finit par réinvestir les lieux. A ce moment précis tout se défigea. Les morceaux du temple tombant au sol, la souche de l’arbre craquant de toute part, l’air balayant la zone si calme à présent.

Sakura tomba à genoux, épuisée.

Kero se précipita vers Tiffany qui battait des paupières.

Episode 41.2 : Le calme après la tempête.

Sakura observait le livre de Clow devenu livre de Sakura puis livre de l’Eternel, posé entre ses mains entre les deux rangées d’étagères de la cave. Thomas était assis sur les marches et patientait en silence.

- Tu n’es pas triste, Thomas ? demanda-t-elle alors.

- Tu m’as permis de garder un ami, tu nous as sauvés de l’Apocalypse.

- Mais maman a définitivement disparu. Et tu la voyais...

- Ne sois pas bête, se leva-t-il en approchant pour la serrer contre lui, rangeant le livre sur les étagères. Tu ne dois pas être triste parce que maman n’es plus là. Elle est retournée là où elle devait vivre et elle nous y attend. Car un jour nous la retrouverons là-haut. Yue ne faisait pas partie de ce monde, tu le sais. Il a dû retourner à la Sphère, avec Yolis.

- Oui, tu dois avoir raison, murmura-t-elle en essuyant ses larmes. Si maman est heureuse, fit-elle en regagnant la porte, alors je dois l’être aussi.

- Bien dit ! Bonne journée, petite monstre !

Elle sourit et traversa le couloir pour gagner ses patins dans l’entrée, à côté de son cartable.

Thomas fronça les sourcils en sentant le livre vibrer doucement.

« Tant de pouvoirs dans un si petit objet, songea-t-il, jusqu’à quand demeurera-il clos ? »

La journée était splendide. Le vent était délicatement frais et les arbres arboraient de fabuleuses couleurs. La vie avait repris son cours. Sakura se laissa porter par ses patins et longea les rues dans un délice non dissimulé.

« Bonjour, je m’appelle Sakura. Et j’ai 17 ans. C’est ma dernière année au lycée Seijo. Et je crois que je m’en souviendrai !»

Arrivée à l’intersection, elle bondit sur le trottoir et se laissa rouler jusqu’à la maison de son ami qu’elle salua en passant.

 « Lui, c’est Mathieu. Il est adorable. En fait, il cachait une seconde personnalité bien mystérieuse mais tellement humaine, finalement. Anthony a racheté cette maison pour la lui offrir. Il y tient beaucoup même s’il sait désormais qu’il n’y a jamais vraiment vécu. Je crois qu’il va s’installer ici, à Tomoeda. Parce que c’est ici que vit la personne que son cœur a choisie. Et moi j’en suis vraiment heureuse. Mathieu est quelqu’un qui m’a tant apporté. Qu’il soit heureux me comble de joie. Je l’aime. Mais je crois qu’au fond de moi, je l’ai toujours un peu aimé. »

Elle fila vers le lycée et salua une connaissance qui aménageait non loin.

« Inutile de vous présenter Linda. Je crois que finalement, elle va rester au Japon. Papa a décidé de faire d’elle le professeur qu’elle a toujours rêvé d’être. Tant mieux. Papa a toujours su cerner les gens. Depuis le début. Avec ou sans pouvoirs. »

« Ca n’a peut-être l’air de rien, mais je suis la CardCaptor de la légende. Celle qui a fait pencher la balance. Tout ça n’a presque plus de sens... Car plus rien ne reste de cette aventure. Plus rien sauf quelques souvenirs que je n’ai pas voulu perdre. Mes amis par exemple, et mon entourage. Mais le monde ne méritait pas de garder en tête les horreurs de ces derniers mois. Alors un ami à moi a fait marcher son désormais faible pouvoir de mémoire.

Brice était adossé à l’entrée du lycée et il la salua alors qu’elle freinait.

« Brice est encore là, lui aussi. Nos rapports n’ont pas toujours été idylliques mais il est appréciable, quand on le connaît mieux. C’est lui qui a invoqué le Fléau afin que celui-ci envahisse son corps. A l’origine de toute cette histoire, un mouvement de sorciers, le Quatrième Cercle crut voir en lui l’élu de la Légende. Puis, Clow l’ayant dépassé grâce à un enseignement mystérieux, on lui demanda d’épier son adversaire et ami. Dans cette nouvelle vie, les derniers membres du Cercle l’ont envoyé à moi pour qu’il se sacrifie de lui-même... C’est quelqu’un de courageux, de déterminé et il m’a beaucoup appris.

- Je m’en vais, chasseuse.

- Tu t’es décidé ?

- Oui. Après avoir été manipulé durant presque deux vies entières, j’ai envie de manipuler mon propre destin.

- Tu as bien raison, chacun en est le seul et unique maître ! Je te souhaite de vivre une vie passionnante.

- Je voulais te remercier de m’avoir laissé la vie sauve. Je sais que tu ne m’as jamais blessé quand Curse avait pris possession de moi. Et ça me touche tout particulièrement, quand je repense à ce que je vous ai fait, à Lionel et à toi. Vous n’avez pas le droit d’être malheureux.

- Bonjour, monsieur ! les interrompit une jeune femme.

- Tiffany... Pourquoi dis-tu « monsieur » ?

- Mais parce que je ne le connais pas ! Tu fais les présentations ?

- Brice ! rouspéta Sakura. Je t’avais demandé...

Il éclata de rire et lui pinça la joue :

- Tu resteras à jamais la petite fille naïve que j’ai connue, je crois...

Tiffany lui tira la langue dans un sourire explicatif.

L’homme déposa une bise sur son front et s’en alla en lui lançant un simple au revoir.

- Il s’en va comme monsieur Larson ! fit remarquer Tiffany.

- Larson ? les coupa Kero en les rejoignant. C’est qui ?

« Oui, bon, vous devez vous demander ce qui lui est arrivé, à lui. Kerobero nous a tout expliqué : leur vie passée... Cet amour dont on les a privés pour que Kero, enfin... Alessandro devienne Kero ! Ce lien qui les a toujours unis l’un à l’autre, même si ce n’était pas évident au début. Ca a été une énoooorme surprise pour moi. Mon petit nounours avec ma cousine et meilleure amie ! Tiffany me semble plus mature encore qu’elle ne l’a jamais été. Non, pas plus mature, plus épanouie. Elle a compris les sentiments qui l’animaient depuis toujours. Et même si elle me témoigne un peu moins son amitié, elle reste à jamais cette cousine qui m’est si chère et qui a, elle aussi, tant fait pour moi. Et ça ne serait que justice de dire que je l’aime profondément.

- Alors tu finis l’année scolaire avec nous, au fait ? lui demanda Tiffany en resserrant son col et sa cravate.

- En fait, non. Je n’ai aucun dossier scolaire, et je crois que je n’ai pas vraiment le niveau !

- Eh oui, intervint Lionel, arrivant le cartable sur l’épaule. Dommage que les facs de jeux vidéos demandent des diplômes ! Moi au moins, j’ai obtenu l’accord du lycée !

- Moque-toi, mais je te prends à « Chtatrapozor 5 Ultra + » quand tu veux, morveux !

- Tu l’as acheté ?!!! bondit Sakura. Avec mon argent, je suppose !

- Evidemment ! Eh eh eh !

- Grrrr ! On va être sur la paille, avec toi à la maison !!!

La sonnerie les rappela à l’ordre et ils quittèrent Kero devant l’enceinte en se donnant rendez-vous plus tard.

Des pas s’approchèrent et il sourit :

- Heureux de ton existence, mon cher Alessandro ?

- Kero, Anthony, se retourna-t-il. Mon prénom est Kerobero, ça ne changera jamais. Bonjour Katya.

Elle lui adressa un simple salut respectueux et Samantha arriva en courant.

- Ils sont encore là, eux ? nota Kero.

- On est les gardiens de Dominique, je te rappelle ! lui rétorqua-t-elle.

Gothar sortit la tête du sac :

- Etre gardien, ce n’est pas passer ses journées à faire les magasins !

Elle le cogna derrière la tête et il s’envola hors du sac, l’obligeant à lui courir après pour le cacher.

- Vous restez un peu à Tomoeda ?

- Pas trop longtemps. L’Angleterre me manque, avoua Anthony. Mais je tiens à être sûr du bonheur de Sakura.

- Il cherche surtout le courage de me demander quelque chose, confia discrètement Katya, le sourire coquin.

Kero fronça les sourcils sans comprendre.

- Et le sceptre de Clow ? demanda-t-il.

- Parti dans les méandres du temps duquel il est venu, expliqua Anthony en se tournant vers la cour déserte du lycée. Quand Brice nous a affrontés, il y a trois ans, j’avais confié ma clef à Dominique. A l’époque, il ne pouvait pas s’en servir. Mais je lui avais demandé de la céder à son alter-ego qui viendrait du futur. Elle est maintenant retournée dans le passé, sourit-il en tirant sur la chaîne qu’il portait au cou. Et c’est moi qui l’ai depuis lors.

- Ce n’est pas gênant de laisser ses pouvoirs à Dominique ?

- Non, sourit le jeune homme. C’est quelqu’un de bien. Il n’en a jamais abusé, si ce n’est pour souffler quelques encouragements discrets à sa fille...

- Anthony, murmura Katya. Je dois y aller, papa s’en va dans peu de temps... je veux être là.

- Je viens avec toi, si tu veux. Kero ? pivota-t-il vers le jeune homme au cheveux dorés. J’ai beaucoup pensé à la mission de Clow et à ses agissements et je serai heureux de pouvoir... me racheter.

- Hors de question, le dévisagea-t-il. Au début de tout, nous avons accepté ton marché. Notre mémoire contre ton affiliation. Il n’y a plus de dette entre nous ! Juste...

- Notre amitié, souffla Antony en lui tendant la main.

Kero l’empoigna avec force en lui rendant son sourire chargé d’un profond respect.

« Anthony a quitté le Japon sur ces mots et on n’entendit plus parler de lui. Kero pense qu’il a été lourdement touché par sa propre responsabilité, et qu’il s’en est longtemps voulu. Ca m’a rendu triste au début. Anthony avait toujours été un soutien en amitié, en courage. J’ai bien fait quelques recherches en Angleterre mais je n’ai jamais retrouvé sa trace. Avec le temps, je me suis dit qu’ils avaient probablement trouvé un petit paradis perdu dans un coin du monde... »

« Un pli un jour m’est parvenu... d’Inde ! C’était Katya, enfin, ce n’était pas signé ; il y avait seulement dans le colis une petite lune en terre et ces mots : Lorsque la lune n’est plus visible, personne n’ose penser qu’elle n’existe plus. »

Episode 41.3 : Au revoir.

Quand le soir arriva, le ciel au-dessus du parc se mit à scintiller.

« Je pense savoir où j’en suis dans ma vie. Bien souvent, j’ai été envahie par le doute, mais toutes ces aventures semblent avoir eu un ascendant positif sur mon moral et sur mon corps. Je me sens bien. Libérée, presque. Et même si certaines de mes questions restent encore sans réponse, je crois que le temps saura m’apporter ce que j’attends de la vie qui commence. »

Sur un banc, Lionel prit lentement sa main :

- J’ai téléphoné à ma mère, souffla-t-il.

- Comment va-t-elle ?

- Elle n’a presque rien dit, comme d’habitude.

- Le principal, c’est que tu lui pardonnes son mensonge, comme je l’ai pardonné à Papa. Tous deux ont agis avec le poids de ces vies passées. Ta mère comme mon père devait obéir à l’instinct et au destin. Ne les blâmons pas pour ça.

- Tu as changé Sakura, nota-t-il.

- Ah bon ? En quoi... ?

- Je ne saurais dire, la dévisagea-t-il longuement. Tu as changé, c’est tout.

Elle se tourna vers le ciel et haussa les épaules :

- Nous changeons tous. C’est ce qui nous fait progresser.

- C’est ça qui a changé ! sourit-il. Cette sensibilité réfléchie dont tu fais preuve.

Elle fit la moue :

- Parce qu’avant, j’étais bourrue et bête ?!

Il éclata de rire.

- Non, tu étais plus instinctive. Tu n’avais pas ce recul sur les choses.

- Peut-être.

Il s’agenouilla d’un coup à ses pieds et elle regarda tout autour, un peu gênée :

- Que t’arrive-t-il, Lionel ?

- Eh bien... Je crois que j’ai trop attendu la dernière fois que j’avais besoin de parler avec toi, alors cette fois, je ne ferai pas cette erreur.

- Ah oui...

- Sakura, je sais que je ne suis pas parfait, je sais que nous deux par contre, c’est un rêve qui ne s’est jamais arrêté, à travers les épreuves et le temps, à travers cette période longue et difficile de notre adolescence. Alors je voudrais à mon tour sceller notre destin, dit-il en sortant un écrin qu’il lui tendit en l’ouvrant lentement.

- Mais, Lionel...

- Je voudrais que nous devenions un couple modèle Sakura... Bon peut-être pas modèle, mais que nous formions ce duo que nous vivons intérieurement sans jamais nous l’avouer, depuis si longtemps.

- Peut-être depuis toujours, sourit Sakura. Je suis d’accord, Lionel, évidemment.

Il sourit et se releva sensiblement pour poser la main sur sa joue. Leurs regards se fondaient l’un dans l’autre comme jamais et Sakura déposa un baiser sur les lèvres du jeune homme en passant une main sur sa joue.

- Ce que c’est beau, souffla Nadine, de sa cachette. On se croirait dans un des contes où le prince parvient enfin à rejoindre sa princesse en haut du donjon.

- Il ne te manque pas un dragon, un monstre ou un vampire ? sourit Sonya.

- Non, c’est très bien comme ça !

- Et vous savez quoi ? demanda Yvan à mi-voix. Dans les temps anciens on racontait qu’un baiser, c’était un échange d’âme et quiconque embrassait une personne y perdait son esprit et sa volonté ! C’est de là que vient le mythe des baisers entre princesse et crapaud !

- Très intéressant, mon petit crapaud, sourit Sandrine. Tu ne voudrais pas embrasser une belle princesse ?

- Si, bien sûr... Elle est où ?

Elle le cogna et leurs amies pouffèrent.

« Mes amies n’ont pas perdu la mémoire. J’ai préféré conserver cette vérité dans leurs esprits. Elles sont mon équilibre et resteront mes amies à tout jamais. Nadine cherche encore sa voie et Sonya nous prépare un beau mariage. Monsieur Terada a enfin trouvé un poste fixe au nord de Tokyo. Ils seront heureux, j’en suis sûre. »

« Sandrine et Yvan m’ont avoué que notre petite aventure leur avait servi de modèle et qu’ils agissaient désormais avec plus de maturité dans leur vie de tous les jours. L’an prochain, Yvan a décidé de rentrer dans une faculté de littérature. A mon avis, c’est pour écrire des contes pour enfant. Je crois que c’est Tiffany qui a fait germer cette idée dans sa tête, il y a longtemps. »

- Les filles, les rappela Tiffany. N’oublions pas notre cadeau pour Sakura et Lionel !

- C’est plutôt ton cadeau pour eux deux, non ? la taquina Kero, sa main dans la sienne.

- Voui ! Et j’ai placé des caméras tout autour !

- Ah... ah... j’aurais dû m’en douter ! Mais attends ! sursauta-t-il, je ne serai même pas dessus, cette fois !!!!

Elle posa une main sur sa bouche pour le faire taire et les quatre amis déclenchèrent les interrupteurs qui illuminèrent le parc et firent jaillir des fontaines d’étincelles de partout, colorant le ciel et les allées dans de gigantesques éclats de lumière.

- Ma mère a loué cette partie pour la soirée et on a obtenu l’autorisation pour les feux d’artifice, expliqua Tiffany, rayonnante. C’est encore plus beau ainsi ! Je crois que je vais défaillir !!! Mon final en fera pâlir plus d’un !!!

Dominique patientait près de la voiture, bras croisés. Une portière du fourgon s’ouvrit et Suzanne en descendit :

- Quelle drôle d’idée peut avoir ma fille, sourit-elle maladroitement en approchant.

- Merci Suzanne pour les vidéos. Elles ont été si importantes.

Elle rougit et il passa sa veste sur ses épaules dénudées.

- J’ai fait un rêve étrange, Dominique.

Il acquiesça. Sakura lui avait expliqué cette requête de Tiffany auprès de Tara quelques jours auparavant.

- J’ai rêvé de Nathalie et elle... me remerciait pour ce que je faisais.

- Je rêve souvent d’elle aussi.

- C’était si réel. Et je me suis dit que j’étais peut-être un peu idiote de vous en vouloir autant, professeur.

- C’est oublié.

- Ah non ! Je voudrais faire quelque chose pour vous...

- C’est oublié, Suzanne.

- Mais j’y tiens, s’emporta-t-elle. Attention, vous recommencez à être autoritaire !

- Mais je ne l’ai jamais été !

- Grrrr ! Vous n’avez pas changé en fait !

Il éclata de rire et elle se calma peu à peu, se laissant bercer par les couleurs chatoyantes du ciel qui commençaient à attirer les badauds.

- Nathalie est heureuse, désormais. Et sans moi, indiqua-t-il.

- Oui, c’est vrai. Vous avez raison. Encore...

« Ca a l’air de s’arranger entre Papa et Suzanne, peut-être deviendront-ils amis. Je l’espère en tout cas. Cela fera plaisir à maman. Où que tu sois maman... Je t’aime ! Je t’aime du plus profond de mon cœur. Car pour moi, tu ne m’as jamais quittée ! »

« Je t’aime... »

Du plus haut d’une tour dans le lointain, deux êtres ailés observaient le spectacle.

- Tu n’as jamais réellement cru qu’elle échouerait, souffla Yolis à la silhouette à peine visible qui souriait en baignant l’étage de la tour dans une lumière douce.

- Bien sûr que non. Mais elle devait ouvrir les yeux sur son pouvoir pour mieux s’en défaire. Et d’ailleurs son pouvoir n’est pas mort, regarde, elle brille tant encore.

- Dis-moi, Destiny... Pourquoi lui avoir fait croire que les forces retournaient à la terre ?

- Personne ne pourra ainsi supposer pouvoir en capturer une parcelle et reformer ces objets magiques qui ont tout accéléré : les cartes. Personne à présent ne dérangera la nature. Elle a retrouvé sa liberté, elle est retournée à l’état sauvage. La mort est redevenue vie et l’obscurité lumière.

- Je le savais. Je savais très bien que tu nous menais par le bout du nez. Tout devait bien se terminer.

- Mon cher gardien de l’éternel. Tout se finira toujours bien mais c’est parce qu’on croit que ce n’est pas le cas, c’est parce qu’on a d’un coup cette pointe de pessimisme qu’on trouve la force en nous de dépasser les obstacles, de coucher les murs qui se dressent sur notre route. Clow l’avait compris si vite.

- Aussi puissant que tu sois, tu as pourtant ressenti une faiblesse dans ce jeu, n’est-ce pas ?

- Oui... Leurs sentiments ! Si tu te demandes pourquoi je suis apparue à Thomas quand sa maman est décédée, sache que c’était pour refaire naître l’espoir en lui. Le destin de cet enfant était bien sombre... Alors je lui ai montré que le Destin ne l’abandonnerait pas.

- Que de belles phrases ! On croirait entendre Tara ! Elle me manquera, soit dit en passant...

- Yue t’attend pour clore la sphère que ces mages stupides ont entrouvert il y a des siècles. Ce fut un plaisir, Yolis.

- Merci, Destiny...

Il s’éloigna et se retourna tout en s’envolant :

- Et maintenant ?

- Maintenant, sourit la femme à peine lumineuse en ouvrant les bras pour disparaître et se répandre sur le monde. Tout doit recommencer, un nouveau cycle s’ouvre, Gardien. Un nouveau cycle...

Thomas reposa le livre entre les rangées et sursauta en sentant une main se poser sur son épaule.

- Maman... ?

Elle pencha la tête et lui sourit majestueusement.

- Ne crains pas le pouvoir de ce livre. Il est neutre. Quant à moi, je reviendrai vous voir...

- Promis ?

Elle acquiesça et s’envola en silence.

- A bientôt alors, murmura-t-il pour lui-même avant de se tourner vers le livre qui luisait très faiblement. A bientôt.

« La vie a continué. La vie, les vies, le passé, le présent, les joies, les déceptions, les morts et les naissances. Des cycles se sont accumulés dans le calme et la plénitude de nouveaux présents. Je n’oublierai jamais cet épisode de ma vie. J’y ai appris de belles valeurs, je m’y suis fait des amis pour la vie. J’y ai trouvé l’Amour, et retrouvé ma maman. »

« Et même si désormais tout est fini... Je garde l’espoir »

« L’espoir d’ouvrir un jour ce livre et de retrouver ce petit diable... faire de moi son élue. »

« A mes quatre gardiens »

« A toi, maman »

« Ici se clôt la dernière page des Manuscrits de la CardCaptor. »

« Sakura »