Le fléau

Chapitre 7 : La croisière de Sakura – Partie 1

5896 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 16/10/2021 22:29

Les vacances d’été étaient enfin arrivées, et Sakura avait brillamment réussi son premier trimestre à l’école. Evidemment, quand on devient professeur, la réussite ne se calcule pas de la même manière qu’un élève, avec des examens et des notes. Mais sur l’échelle de Sakura, elle estimait avoir réussi ce début d’année. Tous les élèves l’appréciaient, ils prenaient plaisir à venir en cours de sport ou à participer aux clubs après l’école. Il y avait toujours quelques irréductibles, soi-disant « allergiques au sport », mais dans l’ensemble ça allait.

Elle était surtout fière d’avoir repris le club d’athlétisme et entrainé un petit groupe d’élèves pour la compétition interlycée à venir. D’ailleurs en cette période de vacances scolaires, elle passait quasiment tous ses après-midis avec eux pour continuer l’entrainement.

Mais pour l’heure, elle ne pensait ni à ses élèves, ni à l’école, mais à son voyage qui était sur le point de commencer.


A la proue d’un bateau de croisière, Sakura était tout excitée. Elle s’imaginait telle Rose dans Titanic, elle n’avait néanmoins pas de Jack et espérait que sa première croisière se passerait mieux. Enfin, le trajet n’avait rien à voir. Bref, ce n’était pas le Titanic.

- Okinawa, nous voilà ! cria-t-elle lorsque la sirène du paquebot retentit pour annoncer son départ.

Okinawa n’était pourtant qu’une étape de la croisière, mais Sakura mourait d’envie d’y aller. C’était la première fois qu’elle faisait une croisière, et la première fois qu’elle allait visiter Okinawa. Evidemment, elle verrait d’autres lieux lors des étapes, mais c’était pour elle le point culminant du parcours.

Pour Azusa, c’était aussi la première fois qu’elle allait faire une croisière. En revanche, les autres n’en étaient pas à leur coup d’essai. En effet, Toya qui était maintenant ingénieur dans l’aéronautique, travaillait pour une grosse société qui fabriquait des pièces pour les avions et les bateaux, et en assurait leur maintenance. Les employés bénéficiaient fréquemment de réduction pour eux et leur famille, sur des croisières opérées par leurs partenaires. Il en avait donc souvent fait profiter sa conjointe et son père. Quant à Tomoyo et sa mère, elles n’avaient pas besoin de réductions pour partir en croisière, et avaient déjà eu l’occasion d’en faire quelques-unes. Mais Sonomi avait malgré tout refusé de se joindre à eux cette fois, son travail l’accaparait beaucoup ces derniers temps.

Ils étaient donc tous les six réunis pour cette croisière. Le plan était clair. Toya et Kaho vivent leur vie de couple, à terre ou sur mer, peu importe, « ils sont grands et autonomes » comme l’avait souligné Tomoyo. Fujitaka jouait les baby-sitters, il était tellement heureux de passer ses vacances pour la première fois avec sa petite fille, qu’il n’avait pas senti venir le guet-apens. Et pendant ce temps, les deux amies profitaient de leurs journées, partagées entre cocktails à la piscine, activités sportives, et sorties le soir en discothèque pour danser. Elles avaient d’ailleurs pris une cabine commune, et Azusa partagerait celle de son grand-père. Les cabines étaient néanmoins côte à côte, pour que Sakura soit là pour sa fille en cas de besoin. Une fois de plus, Tomoyo avait tout prévu.


C’était sans compter le septième passager, Kérobéro, qui s’était engouffré dans le sac de Sakura avant de partir. Quand elle lui avait parlé du « all inclusive » de la croisière, il n’avait pas pu s’empêcher de saliver à l’idée de manger à volonté du matin au soir. Tomoyo avait déjà rencontré Kéro, en sa présence, il n’avait donc pas besoin de se cacher. Ils avaient finalement une cabine pour trois. Manger autant qu’il pouvait était la raison officielle qu’il avait donnée à Sakura quand elle l’avait vu dans son sac juste au moment d’embarquer. Il était trop tard pour le renvoyer à la maison, elle allait devoir faire avec. Mais la vraie raison pour laquelle il voulait venir, c’était pour voir Kaho Mizuki. Depuis que Sakura lui avait parlé d’elle, il n’avait qu’une idée en tête, la rencontrer. Une personne ayant le pouvoir de ressentir les cartes de Clow et tirant ses pouvoirs de la lune attirait forcément sa curiosité. Il voulait en savoir plus, et surtout si Kaho était vraiment Yué. Une confrontation s’imposait, il espérait bien s’entretenir avec elle au cours de cette croisière. Ce qui n’allait pas être simple puisque le bateau pouvait accueillir pas loin de 2 000 passagers. Il devait avant tout rester discret et ne pas se faire remarquer.


Une heure après son départ, le paquebot avait pris son rythme de croisière, et partait pour douze jours de voyage mémorables, qui allaient laisser à tous les passagers un souvenir indélébile.


***


Le bateau voguait depuis quelques jours déjà, tout se passait très bien pour la famille de Sakura.

La première escale avait été à Shimizu, près du mont Fuji. Evidemment, ils n’avaient pas pu faire d’excursion dans la montagne, il n’y avait pas assez de temps pour ça, mais ils avaient pu profiter du paysage et découvrir la ville.

La seconde escale était Osaka. Sakura qui avait déjà visité la ville à quelques reprises avait souhaité rester sur le bateau pour continuer à profiter des installations et du confort sur place. Le bateau contenant huit piscines, elle voulait toute les essayer ! Mais Kéro en avait décidé autrement. Une des spécialités culinaires d’Osaka est le takoyaki. Les takoyakis sont des beignets avec un morceau de poulpe à l’intérieur, et Kéro en raffole ! Il avait ainsi forcé Sakura à poser pied à terre, pour aller lui en chercher. N’ayant pas pu sortir de sa cabine pour le moment, il lui avait indiqué que lui rapporter des spécialités locales était la moindre des choses qu’elle pouvait faire pour lui. Un comble quand on sait que c’est lui qui avait décidé de s’inviter à la croisière, en toute connaissance de cause. Accompagnée de Tomoyo, elle était donc allée acheter des takoyakis pour son « gardien de pacotille ». Kéro avait tout mangé, il ne lui en avait même pas laissé un. Cerise sur le gâteau, des takoyakis avaient été servis lors du diner. Elle aurait donc pu s’abstenir de sortir pour faire plaisir à Kéro, mais au moins, elle put elle aussi en manger.

En ensuite, cap sur les iles d’Okinawa, la destination tant attendue par Sakura. La distance étant relativement longue, ils allaient passer une journée entière en pleine mer sans faire d’escale. Une journée qui s’annonçait sous le signe de la détente et du farniente, mais qui n’allait malheureusement pas se passer comme prévu.


***


Dans la piscine pour enfant, Sakura apprenait à nager à sa fille. Azusa avait déjà un peu appris lorsqu’elles avaient passé un week-end dans la maison de son arrière-arrière-grand-père, mais Sakura avait décidé de continuer l’apprentissage. Elle se débrouillait très bien pour son âge, et Sakura la voyait déjà championne olympique.

- C’est super Azusa, tu nages de mieux en mieux ! Je suis très fière de toi.

- Merci Maman, je fais de mon mieux.

- On a eu raison d’aller dans la piscine pour enfant, continua Tomoyo, il y a beaucoup moins de monde ici.

- Oui, c’est mieux pour apprendre à nager. Mais d’ici quelques jours, on pourra aller dans la vraie piscine, tu apprends vite, ça ne te posera aucun problème.

- Tu es sûre Maman ? Dans la piscine des grands, je ne touche pas le fond, j’ai peur de me noyer.

- Mais non, ne t’inquiète pas. Je suis sûre que tu vas y arriver. Tu étais certainement une grande championne dans une vie antérieure.

- C’est quoi une vie intérieure ?

- Une vie antérieure Azusa, répondit Sakura en insistant sur le « antérieure ».

- C’est quoi une vie « antérieure » ? demanda alors Azusa en insistant aussi sur le mot, comme sa mère l’avait fait.

- Très bonne question ma petite Azusa. Alors Sakura, qu’est-ce que c’est une vie antérieure ? lui demanda Tomoyo.

- Euh… répondit-elle, embêtée, comment répondre simplement.

Azusa était encore une petite fille, et Sakura n’aimait pas trop aborder le sujet de la mort avec elle.

- Tu sais, continua-t-elle, je t’ai déjà dit que quand j’étais toute petite, ma maman est tombée malade, et qu’elle est partie rejoindre les anges dans le ciel. Et bien, certaines personnes pensent que les anges et le ciel n’existent pas. Mais à la place, quand une personne meurt, son esprit va dans le corps d’une autre personne, et il oublie tout ce qu’il a fait avant. Mais quelques fois, quand une personne se rappelle de choses qui n’ont jamais existé, ou qu’il a des capacités particulières, on dit que ce sont des souvenirs de sa vie antérieure. Si dans ta vie antérieure tu as été une grande nageuse, c’est peut-être pour ça qu’à seulement cinq ans tu nages aussi bien.

- Mais c’est vrai tout ça ?

- Et bien… personne ne le sait. Et à ton avis, pourquoi personne ne le sait ?

- Parce que personne ne s’en souvient ?

- Voilà, tu as tout compris, répondit Sakura en souriant.

- Par exemple, je pense que ta maman était une grande magicienne dans une vie antérieure, s’amusa Tomoyo.

- Woé, Tomoyo, ne raconte pas n’importe quoi.

- Ah bon Maman, tu étais magicienne ? Comme Hermione ?

- Mais non, enfin je ne sais pas, n’écoute pas Tomoyo, elle dit ça pour m’embêter.

- J’aime bien embêter ta maman, quand on lui fait des blagues elle réagit tout de suite au quart de tour.

- Allez Azusa, il est temps de retourner voir ton grand-père. Tomoyo et moi, on va aller dans la piscine pour les grands.


Sakura avait vu son père au loin qui venait à leur rencontre. L’occasion idéale pour lui laisser Azusa pour qu’ils s’amusent ensemble. Il adorait s’occuper de sa petite fille, et elle aussi aimait passer du temps avec lui. Pendant les cinq années qu’elles avaient passé à Paris, elles avaient vu régulièrement Fujitaka en visioconférence, mais il n’avait jamais pu faire ce que les grands-parents font habituellement avec leurs petits enfants : jouer avec eux, les gâter, les emmener promener. Désormais, il rattrapait le temps perdu en passant le plus de temps possible avec Azusa. Sakura, qui avait élevé seule sa fille pendant cinq ans, pouvait maintenant souffler un peu et passer du bon temps avec Tomoyo et ses autres amis.

Kéro aurait préféré qu’elle passe son temps à chercher et capturer les cartes. En effet, elle n’en avait que quatre en sa possession, elle était encore loin du compte. Mais les cartes étaient vraiment imprévisibles. Elle avait beau s’être entrainée à les détecter, tant qu’elles ne se manifestaient pas d’elles-mêmes, elle était incapable de sentir leur présence. Elle en était donc réduite à devoir attendre leur apparition pour les capturer.


Mais pour le moment, c’étaient les vacances, elle espérait bien en profiter en compagnie de sa famille et Tomoyo, sans qu’une carte vienne les perturber. Le bateau était vraiment gigantesque, elle ne s’imaginait pas qu’il pouvait y avoir tant de choses à l’intérieur. Il faisait environ 350 mètres de long. Quand elle avait lu la brochure avant de partir, 350 mètres ne lui avaient pas semblé si grands. Après tout, beaucoup de bateaux approchent cette taille, voir même la dépasse. Mais quand Toya lui avait fait remarquer que 350 mètres, c’est la longueur de la rue où il habite, elle avait tout de suite réalisé l’ampleur de la construction. Un bateau grand comme une rue ! Et si la taille ne suffisait pas, il était haut de dix-huit étages, soit plus haut que n’importe quelle résidence à Tomoeda, qui ne dépassait généralement pas les cinq étages.

Il possédait huit piscines, soit huit fois plus qu’à Tomoeda, parmi lesquelles une piscine pour enfants et une piscine à vague. Il y avait évidemment des piscines plus classiques, plus calmes, dans lesquelles il était possible de faire des longueurs. Certaines étaient à l’extérieur, d’autres à l’intérieur.

Evidemment, les piscines n’étaient pas le seul divertissement à bord. Tous les soirs, des animations étaient organisées sur les ponts supérieurs, mais aussi dans les étages inférieurs. Les spectacles en intérieur étaient organisés dans une salle sur trois étages, du parterre jusqu’au balcon, comme dans les théâtres.

Pour les cinéphiles, une salle de cinéma était présente à bord, dans laquelle étaient diffusées les dernières nouveautés. Néanmoins, contrairement aux spectacles inclus dans le prix de la croisière, l’accès aux salles de cinéma était payant.

Dans les autres activités non incluses dans le prix, une salle de jeux vidéo, ainsi que deux fois deux salles d’escape game. Sakura et sa famille en avaient déjà fait une et avaient brillamment réussi à sortir avant la fin du temps imparti.

Le sport n’était pas délaissé puisqu’il y avait plusieurs murs d’escalade, deux terrains pouvant accueillir différentes activités comme du tennis, du football, ou encore du basketball. Le matin, certaines piscines étaient réquisitionnées pour donner des cours d’aquagym ou des matchs de waterpolo. Et évidemment, une grande salle de sport.

La première journée, Sakura avait passé une bonne partie de son temps à chercher la piste de ski dont Toya lui avait parlé, avant de se rendre compte qu’il s’était une fois de plus joué d’elle.

Pour manger, il n’y avait pas loin de vingt restaurants. Certains étaient inclus dans le forfait all-inclusive de la croisière, d’autres étaient en supplément, comme par exemple les restaurants thématiques offrant des spécialités culinaires d’autres pays.

Le soir, des clubs et discothèques ouvraient jusqu’à tard dans la nuit. L’accès était gratuit, et les consommations étaient payantes ou gratuites, en fonction du niveau de forfait all-inclusive prit par les passagers. Pour Sakura et Tomoyo, c’était le forfait maximum. Evidemment, l’abus d’alcool étant dangereux pour la santé, elles consommaient avec modération.

Et enfin, pour ceux à qui il restait encore un peu d’argent, il y avait le casino. Pas un pachinko avec des machines à sous comme on avait l’habitude de voir au Japon, non, un vrai casino avec une large panoplie de jeux.


Cet après-midi, les deux amies avaient décidé de tester les toboggans géants. L’entrée des toboggans était au 18ème étage, et après plusieurs virages serrés et de grandes descentes, elles arrivaient deux étages plus bas, dans une piscine prévue pour les réceptionner. Dès l’arrivée, il fallait sortir pour laisser la place au suivant et éviter toute collision. Tomoyo avait voulu rester pour réceptionner Sakura qui était juste derrière elle, mais elle s’était fait disputer par un membre de l’équipage qui lui avait demandé de sortir immédiatement.

Après quelques descentes, elles partirent pour la piscine à vagues. Sakura, qui nageait souvent à Tomoeda, voulait profiter de la diversité des piscines mises à disposition sur le bateau pour faire un peu autre chose que simplement des longueurs. Elle aurait aimé être avec Azusa, mais elle était vraiment trop petite pour ce genre de piscines.

Elles partirent ensuite se relaxer dans un jacuzzi. A quelques endroits autour des piscines, il y avait des jacuzzis qui pouvaient accueillir un petit groupe de personnes. Dès qu’une place se libéra, elles foncèrent dans l’un d’eux avant que d’autres ne prennent la place. A peine étaient-elles posées, que deux garçons s’approchèrent d’elles et leur adressèrent la parole.

- Salut les filles, on peut se joindre à vous ?

Elles n’eurent même pas le temps de répondre qu’ils étaient déjà rentrés dans le jacuzzi et placés face à elles. « Encore des dragueurs », pensa Sakura. Ca commençait à devenir une habitude. Dès qu’elle se retrouvait sans Azusa, des garçons venaient la draguer avec la discrétion et la subtilité d’un troll des montagnes. Il faut dire qu’avec son petit maillot de bain rose deux-pièces que lui avait acheté Tomoyo, elle attirait les regards. Et malheureusement, certains garçons étaient un peu trop entreprenants.

- Sorry, we don’t speak Japanese[1], dit-elle, avec pour objectif de faire repartir les envahisseurs.

- That’s OK, we can speak English[2], lui répondit un des deux garçons.

Mauvaise stratégie, elles étaient tombées sur des anglophones.

- En fait, nous sommes françaises, continua-t-elle dans la langue de Molière.

Après ses cinq années passées en France, Sakura était capable de parler français sans trop de problèmes. Même si elle avait un fort accent, les Japonais ne parlant généralement pas français ne sauraient pas faire la différence.

Les deux garçons étaient bouche bée. Ils étaient devant deux filles d’apparence japonaise, qui venaient de leur répondre en anglais et dans une langue qu’ils ne comprenaient pas.

- Allez, arrêtez de nous faire marcher, on sait bien que vous êtes japonaises. On est deux, vous êtes deux, on est célibataire, c’est probablement aussi votre cas, autant profiter de cette croisière pour faire connaissance et voir où ça nous mène.

- Mais nous ne sommes pas célibataires, répondit alors Tomoyo en passant son bras au tour du cou de Sakura. Nous sommes ensemble, et nous n’avons pas besoin de votre présence à nos côtés.

- Mais aucun problème, en plus moi les lesbiennes ça m’a toujours excité !

Sakura se leva et poussa le garçon qui venait de parler. Il tomba à la renverse hors du jacuzzi. Elle s’adressa ensuite à l’autre en criant.

- Ecoute-moi bien, espèce de gros lourd, toi et ton copain vous allez dégager d’ici rapidement. On n’est pas là pour assouvir vos fantasmes de pervers. Et si tu te rapproches encore de nous, je te jure que je te mets mon poing dans la…

Voyant que tout le monde s’était retourné dans sa direction, elle s’arrêta net. Elle n’avait pas prévu d’attirer autant l’attention sur elle, mais c’était trop, elle n’avait pas pu contrôler sa rage. De toute manière, elle n’avait pas à retenir sa rage.

Le garçon n’avait pas bougé d’un cheveu, et le regard des autres passagers pesait peu à peu sur lui.

- Elle a raison, dégagez d’ici, cria un homme un peu plus loin.

- Bien joué, jeune fille, cria un autre, ne vous laissez pas faire.

- Il y en a marre des gros lourds, ajouta une femme.

Le garçon sortit alors du jacuzzi pour aider son ami à se relever, puis partirent tous les deux sous le brouhaha des autres passagers qui les observaient.

En sortant de la zone de la piscine, ils se trouvèrent nez à nez avec un homme qui faisait bien une tête de plus qu’eux.

- Si vous vous approchez encore de ma petite sœur, vous recevrez son poing dans la figure comme elle vous l’a expliqué, mais ensuite je vous jette par-dessus bord. C’est compris ?

- Oui très bien, on a compris, on ne s’approche plus, juré.


Toya s’approcha du jacuzzi où étaient installées les deux filles.

- Je vois que tu n’as plus besoin de moi, Sakura. Il est loin le temps où je volais à ton secours.

- Ah, salut Toya, oui tu sais, je suis une grande fille maintenant ! Je peux me débrouiller toute seule.

- C’est quoi ton proverbe déjà ? Frapper d’abord, discuter ensuite ?

- Grr… Arrête de faire ton méchant. Je sais bien que sous tes airs de tyran, tu es toujours là pour moi.

- Tu veux venir avec nous dans le Jacuzzi Toya ?

- Merci pour la proposition, mais on a déjà des choses de prévues avec Kaho.

Des mains se posèrent sur ses épaules, c’était Kaho qui venait d’arriver discrètement derrière lui.

- Ca peut attendre mon chéri, passons un peu de temps avec ta sœur et son amie.

Toya et Kaho s’installèrent tous les deux dans le jacuzzi face à Sakura et Tomoyo.

- Alors, comment ça va les filles ? Vous passez du bon temps ? Je ne sais pas si vous savez, deux types se sont fait agresser dans le coin. Je les ai croisés, ils couraient comme s’ils voulaient échapper à quelqu’un. Les rumeurs disent que c’est une fille étrange qui est à l’origine de ça.

- Woé ! répondit simplement Sakura.

- Oui oui, on sait, enchaina Tomoyo. La fille étrange en question, c’est Sakura. Ils étaient un peu trop entreprenants, alors Sakura leur a réglé leur compte. Vous auriez dû voir, c’était impressionnant, dommage que je n’avais pas mon téléphone pour filmer la scène, ça valait le coup d’œil. Elle en a jeté un par terre, et elle a menacé l’autre.

- Régler leur compte, tu exagères un peu Tomoyo. Je ne l’ai pas vraiment jeté par terre. Je l’ai un peu poussé, et il est tombé. Quant à l’autre, ce n’étaient pas des menaces, je lui ai juste fait comprendre qu’il ne fallait plus qu’il s’approche de nous.

- Plus exactement, tu as dit « si tu te rapproches encore de nous, je te jure que je te mets mon poing dans la… ». Ca sonne un peu comme une menace, non ?

- Ils l’avaient bien mérité, conclut Sakura.

- Il parait aussi qu’un beau et grand jeune homme les a aussi menacés, ajouta Kaho en se tournant vers Toya.

- Oui, c’est vrai que je leur ai dit de rester loin de ma petite sœur, répondit Toya un peu gêné. Mais c’est comme ça, personne ne touche à ma petite sœur. Il n’y a que moi qui ai le droit de l’embêter.

- Je me souviens que déjà à l’école tu étais toujours là pour elle. Tu as un grand cœur, c’est pour ça que je t’aime autant.

- Regarde, chuchota Tomoyo à l’oreille de son amie, c’est mignon, elle lui fait des compliments et lui il est tout gêné, vous vous ressemblez beaucoup en fait.

- Bon, sinon vous faites quoi ce soir les filles ? demanda Toya pour couper court à la conversation. Il y a un super spectacle sur le pont numéro 16 qui est organisé à 21h. On y va tous ensemble ?

- Ah non, désolée, répondit Sakura, on a d’autres plans pour ce soir.

- Ce soir, on va jouer au casino ! continua Tomoyo.

- Le casino ? J’espère que vous savez ce qu’on dit sur les casinos ? La banque gagne toujours.

- Ne t’inquiète pas, grand frère, on y va avec un budget limité. Et quand on aura tout dépensé, on rentre. On fait ça pour s’amuser, pas dans l’espoir de devenir riche.

- Je continue à dire que c’est de l’argent dépensé bêtement, mais vous faites ce que vous voulez, vous êtes grande.

- Tout à fait. Papa garde Azusa ce soir, vous n'avez qu'à y aller avec eux.

- Ne t’inquiètes pas Toya, je garderai un œil en permanence sur ta sœur quand nous serons au casino.

- A vrai dire, je ne sais pas si ça me rassure vraiment. J’ai l’impression que quand vous êtes ensemble, les problèmes se multiplient. C’était déjà comme ça à l’école.

Alors que la discussion continuait, Sakura observait Kaho qui semblait comme perdue dans ses pensées.

- Tout va bien Kaho ? lui demanda-t-elle.

- Tout va bien, Sakura. J’avais l’impression d’avoir… vu quelque chose. Mais ce n’était qu’une impression, j’ai dû me tromper.

- Quelle heure est-il au fait ? demanda alors Tomoyo.

- Il est 16h50, répondit Toya.

- Déjà ? Sakura, il faut se dépêcher, on a notre réservation pour l’escalade à 17h.

- Ah mince, c’est vrai, on n’a pas vu le temps passer. Bon, on doit vous laisser, on se retrouve ce soir pour manger ensemble, vite Tomoyo.

En se précipitant pour sortir du jacuzzi, elles envoyèrent de l’eau un peu partout à côté, y compris sur les autres passagers qui passaient à cet endroit-là. Ce qui leur valut un « attention jeunes filles ». Tomoyo fit ensuite tomber sa serviette dans l’eau, puis se cogna la tête contre celles de Sakura lorsqu’elles se baissèrent toutes les deux pour la ramasser. Et enfin, après avoir couru quelques mètres, Sakura fit demi-tour pour reprendre ses tongs qu’elle avait oubliées.

- Tu vois, dit Toya à sa compagne, j’avais raison. Quand elles sont ensemble, les problèmes se multiplient.

- Ahah, oui tu as raison, je me souviens encore quand elles étaient dans ma classe à l’école primaire. Mais ce n’est pas vraiment ça qui m’inquiète.


***


Après la session d’escalade et le repas du soir, Sakura et Tomoyo s’étaient préparées pour aller au Casino, et le reste de la famille s’était préparé pour aller au spectacle du soir. A l’entrée du casino, était écrit : « tenue correcte exigée ». Elles avaient donc fait un effort vestimentaire pour pouvoir rentrer. Tomoyo était un peu déçue, depuis le début du voyage, Sakura n’avait pas encore pu essayer les tenues excentriques qu’elle lui avait préparées. Mais ce n’était que partie remise.

Alors qu’elles faisaient la queue pour rentrer, en se retournant elles étaient tombées nez à nez avec les deux garçons de la piscine. Sakura n’avait même pas eu le temps de dire le moindre mot, qu’ils avaient fait demi-tour à toute vitesse. Visiblement, les menaces avaient porté leurs fruits.

Sakura et Tomoyo avaient chacune échangé 10 000 yens[3] pour la soirée. Une somme suffisante pour jouer pendant quelques heures sans prendre trop de risques, mais clairement pas assez pour rejoindre les grosses tables de poker. Ce n’est pas grave, elles n’en avaient pas l’intention. Elles avaient commencé avec la classique machine à sous. Pendant le repas, Kaho avait pourtant essayé de lui expliquer pourquoi on appelait ça le bandit manchot, et pourquoi statistiquement elle n’avait que très peu de chance de gagner. Mais les mathématiques, ce n’était pas son fort, elle avait décroché au bout de quelques minutes d’explications, et avait déjà tout oublié une fois arrivée dans le casino. De toute manière, comme elle l’avait dit à Toya, elles ne venaient pas pour gagner, mais pour s’amuser.

Elles avaient donc commencé par jouer… aux machines à sous. Après une vingtaine de parties sans rien avoir gagné, elles avaient décidé de changer de machine. Elles avaient pensé que la leur était probablement maudite. Mais la nouvelle n’était pas beaucoup mieux. Et surtout, quelques minutes après avoir quitté la première, une grand-mère qui avait repris leur place venait de gagner le jackpot ! Sakura ne savait pas combien elle avait pu gagner, mais elle avait entendu beaucoup de jetons tomber de la machine. En tout cas, pour sa part, elle avait perdu 3 000 yens, et à peu près la même somme pour Tomoyo. Dégoutées de ce qui venait de se passer, elles décidèrent de changer de jeu.

Elles passèrent alors à une table de black jack. Elle ne savait pas jouer au black jack, mais Toya lui en avait parlé pendant le repas. Il avait même ajouté qu’il était possible de gagner en comptant les cartes, mais qu’il ne fallait pas se faire repérer, car c’était interdit. Sakura commença alors à compter dans sa tête à chaque carte posée « un, deux, trois, quatre, cinq… », mais ne voyait pas vraiment ce que ça pouvait changer. Puis, quand elle accusa le croupier de tricher, car avec 22 points[4] elle avait mieux que lui et aurait dû gagner, Tomoyo décida de faire une pause pour lui réexpliquer les règles. Une fois tout assimilé, elles retournèrent jouer. Sakura perdit les premières manches, le temps de bien comprendre, mais se prit rapidement au jeu. Elle remporta plusieurs manches, permettant de faire remonter son solde de jetons. Pour le moment, elle préférait le black jack aux machines à sous, elle avait l’impression de faire plus de choses que simplement appuyer sur un bouton. L’illusion d’avoir son destin en main. Mais, à chaque fois quelle gagnait un peu d’argent, elle reperdait tout ensuite. Après une heure à la table, elle en avait marre et décida d’abandonner.

Elle partit retrouver Tomoyo qui était en train de boire un cocktail au bar. Elle avait quitté la table un peu plus tôt après avoir fini tout son argent.

- Alors Sakura, tu as fini ? Tu as perdu tout ton argent ?

- Et bien non, il me reste encore 4 000 yens ! J’ai réussi à tenir tout ce temps sans tout perdre.

- Mais tu es forte, ma petite Sakura, pourquoi tu n’as pas continué ?

- C’est trop déprimant, dès que je gagne un peu, je reperds tout aussitôt. Et ça n’en finit pas, c’est beaucoup trop long. L’heure passe, le spectacle sur le pont va bientôt terminer, il va falloir que j’aille récupérer Azusa.

- Mais il te reste 4 000 yens, on avait dit qu’on dépensait tout.

- Viens, suis-moi, dit-elle à son amie en lui tendant la main.

- Mais tu m’emmènes où ? lui demanda Tomoyo.

- On va jouer au truc avec la bille.

- Mais de quoi tu parles ?

- Tu sais, on lance la bille dans un truc qui tourne, ça tombe sur un numéro, on et gagne si on a le bon.

- Ah, tu veux parler de la roulette ?

- Oui, ça doit être ça, je ne connais pas tous les noms.

Une fois arrivée devant la table de roulette, Sakura demanda au croupier comment jouer.

- Vous placez vos jetons sur le tapis, sur un numéro, entre plusieurs, ou dans une zone, et si la bille s’arrête dessus, vous remportez la manche. Vos gains dépendent de…

- OK, je mise tout sur le 27, le coupa Sakura.

- Tout ? Vos 4 000 yens ? lui demanda-t-il en regardant ses jetons. Si je peux me permettre, ce n’est pas la meilleure stratégie.

- Tout sur le 27, répondit-elle poliment, mais fermement en déplaçant ses jetons vers le numéro.

- Faites vos jeux, annonça le croupier aux autres joueurs, pour qu’ils placent leur mise.

Puis il lança la bille et ajouta :

- Rien ne va plus.

- Mais, qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Sakura à Tomoyo.

- Mais non, tout va bien ne t’inquiètes pas Sakura, c’est juste ce qu’on dit après avoir lancé la bille, pour signaler aux joueurs qu’ils ne peuvent plus miser.

Sakura et Tomoyo suivaient du regard la bille qui tournait, la tension était à son comble au fur et à mesure de sa progression. Puis lorsqu’elle devint immobile, le croupier annonça :

- 27, rouge, impair et passe.

Sakura n’avait pas compris la moitié de ce qu’il avait dit, mais elle avait retenue le plus important, 27.

- Woé, j’ai gagné, cria-t-elle !

- Oui Sakura, tu as gagné !

- Mais combien j’ai gagné ? demanda-t-elle au croupier.

- Et bien, vous avez gagné 35 fois la mise.

- 35 …

- Soit dans votre cas, 140 000[5] yens.

- 140…

- Milles yens, compléta Tomoyo.

Sakura sauta dans les bras de son amie pour célébrer sa victoire.

- J’ai gagné !! Trop génial ! J’ai eu raison de venir là, on va pouvoir aller faire du shoping.

Mais alors qu’elles sautillaient de joie toutes les deux, une grosse secousse se fit sentir. Une voix prit la parole dans les haut-parleurs.


« Ici votre capitaine, nous traversons actuellement une zone de tempête. Pour votre sécurité, nous vous demandons de bien vouloir rester dans vos chambres si vous y êtes, ou de suivre les consignes des membres de l’équipage qui vous expliqueront quoi faire. Je vous tiendrai informé de l’évolution de la situation. »


Une fois le message terminé, une seconde secousse frappa le bateau. Déséquilibrée, Sakura se cogna violemment la tête contre le bord de la table de jeu en tombant par terre. Du sang coulait sous ses cheveux, elle venait de perdre connaissance.


[1] Désolée nous ne parlons pas japonais.

[2] C’est bon, nous pouvons parler anglais.

[3] Environ 80€ à l’heure où j’écris cette fanfic.

[4] Au black jack, il faut avoir le meilleur score, mais sans jamais dépasser 21.

[5] Environ 1 100 euros.

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