Addiction

Chapitre 16

1021 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/04/2020 20:06

Comme personne ne savait où il était parti, personne ne demanda de compte à Caïn lorsqu'il rentra. Ce dernier fit en sorte que la démission de Legrand soit administrativement effective avant de présenter le papier à Lucie. Elle le lut sans montrer aucune réaction puis se leva et sortit. Borel dévisagea le capitaine du regard après que Lucie lui soit passée devant, le visage totalement fermé.

- Qu'est-ce que vous lui avez fait encore ?

- Legrand a démissionné.

Borel mit une seconde à intégrer l'information mais ne parut pas surpris outre mesure. Il était juste désolé que cela se soit fini de cette façon. Il sortit pour essayer de trouver Lucie mais cette dernière avait bel et bien quitté le commissariat. Malgré la confiance du capitaine, le lieutenant était inquiet.

- Capitaine promettez-moi que vous irez la voir.

Caïn voulut résister aux yeux larmoyants de Borel mais son expression de chien battu eut raison de lui et il céda dans un soupire.

- J'y passerais en rentrant ce soir.

Malgré le ton traînant que Caïn avait utilisé, Borel se montra rassuré. Ils essayèrent de reprendre le travail mais l'absence de Lucie rendait les choses étranges alors Caïn décréta qu'ils feraient toutes les tâches de terrain qu'ils avaient sur les bras. Que n'avait-il pas dit là ? Borel et lui naviguèrent de maisons en maisons pour demander quelques renseignements ou précisions sur un vague témoignage souvent vieux de plusieurs semaines. À la fin de la journée ils étaient éreintés.

Caïn s'arrêta juste devant l'entrée du SRPJ. Il laissait à Borel le soin de déposer le fruit de leur travail au bureau. Ils traiteraient tout cela le lendemain. Le lieutenant sortit de la voiture mais garda une main sur la portière. Le capitaine avait très bien comprit ce qu'il voulait dire par là mais Borel éprouva tout de même le besoin de verbaliser.

- Vous y aller n'est-ce pas ?

- Il va falloir que vous appreniez à lui lâcher la grappe, Borel.

- On ne peut pas en dire autant pour vous …

Sans rien dire de plus il lâcha la voiture et rentra au SRPJ. Caïn resta là, pendant quelques secondes, étonné par l'audace de Borel, ou par ce qu'il avait voulu insinuer peut-être. Il n'eut aucun mal à sortir du parking au trois quart vide et prit un chemin qu'il avait maintenant l'habitude d'emprunter.

Arrivé devant chez Lucie, il alla sonner à la porte en prenant sur ses genoux son argument de poids.Il avait sonné au moins deux fois et avait commencé à frapper à la porte lorsque celle-ci s'ouvrit. La Lucie qu'elle dévoila laissa Caïn totalement coi.

Elle ne s'était pas changée depuis qu'elle avait quitté le SRPJ. Elle n'avait pas détaché ses cheveux mais ils étaient tant en bataille que peu restaient encore pris dans l'élastique. Mais ce qui avait le plus marqué Caïn, outre la posture voûtée, presque prostrée, c'était le visage de Lucie.

Elle avait une teinte globale rougeaude tant par ses joues que par ses yeux. Le peu de maquillage qu'elle mettait habituellement avait coulé et agrandissait encore son regard perdu. Pendant un instant Caïn se demanda vraiment s'il avait bien fait de venir et puis l'habitude reprit le dessus.

- Allez Lucie tu vas prendre ta douche et te changer et ensuite je t'annoncerais avec un sourire que j'ai des pizzas.

- Fred je ne suis pas d'humeur.

Mais déjà il avait fait passé en force ses roues et Lucie s'était, malgré elle, poussée pour le laisser passer. Et quand il commença à faire comme chez lui dans la cuisine, elle s'éclipsa, les épaules basses, vers la salle de bain. Elle y resta bien une demi-heure mais quand elle ressortit Caïn l'accueillit avec les pizzas gardées au chaud et le canapé prêt à les recevoir. Lucie ne se fit pas prier et entama sa part avant même que Caïn ait pu ramener la sienne.

Elle avait enfilé un pantalon ample et un sweat large tout en allant pieds nus. Elle ne pouvait pas avoir l'air d'aller plus mal. Caïn fit donc la seule chose qu'il pouvait faire : il s'installa sur le canapé, mangea à côté d'elle sans poser aucune question et une fois qu'elle eut dévorée sa pizza, la laissa finir la sienne. Quand elle termina celle-là aussi, Lucie se recroquevilla et attendit.

Au bout d'une heure elle n'avait toujours rien dit mais se mit soudain à pleurer. Ce fut d'abord un tressautement d'épaules léger accompagné ça et là d'un reniflement.Caïn n'étant là que dans le but de faire attention à elle le remarqua tout de suite. Il se débattit avec ses jambes pour s'approcher d'elle sans trop de brusquerie. Cela fut bien plus compliqué que prévu pourtant il parvint à passer son bras autour d'elle au moment où elle éclata en sanglots.

Au départ elle ne bougea pas. Caïn ne savait pas quoi dire, il n'avait même aucune idée de la cause précise de son chagrin. Mais la voir ainsi lui tordait le ventre. Ses yeux avaient même commencé à le démanger lorsque Lucie se réinstalla pour se mettre le plus en boule possible et utiliser les cuisses de Caïn comme un repose-tête. Le capitaine prit très au sérieux son rôle d'oreiller et se ressaisit. Il était là pour Lucie même si celle-là continuait de pleurer en silence.

Il essaya d'abord de lui effleurer les cheveux. N'ayant obtenu aucune réponse négative il continua appuya un peu plus ses caresses. Finalement le geste devint machinal. Caïn sentit le moment où Lucie arrêta de pleurer, en revanche il ne se rendit compte qu'ensuite qu'elle s'était endormie. Il lutta aussi longtemps qu'il put mais finit par sombrer lui-aussi dans le sommeil.


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