Partenaire
Le lundi ils eurent une nouvelle enquête. La victime était un procureur. Lucie les avait prévenu que les choses pourraient être administrativement un peu compliquées. Il avait été retrouvé chez lui, une seringue à la main et tout semblait vouloir indiquer une overdose mortelle. Fred et Alice se rendirent sur place.
L'appartement était au 4ème avec un ascenseur en panne. Sans vraiment lui demander son avis ou en discuter avant, Alice chargea Fred sur son dos avec l'aide de ce dernier, laissant à Nassim le soin de monter le fauteuil. La lieutenante franchit les volées de marches jusqu'à leur victime sans se plaindre alors que Nassim se débattait avec le siège sans savoir comment le prendre.
Une fois en haut elle le redisposa doucement sur le fauteuil que Nassim tenait en place et tout retourna à la normale. Fred les remercia en saluant leur esprit d'équipe et s'en fut vers la scène de crime. Alice et Nassim le suivirent en échangeant un regard satisfait. IL était toujours complique d'aider le capitaine sur son handicap sans qu'il ne le prenne mal.
- Cap'taine Alice ! Quelqu'un pour toi.
La-dite lieutenante suivit la voix du capitaine et vit tout de suite de qui il voulait parler. Félix était là. Il avait à ses côtés un petit jeune, sûrement un stagiaire. Après quelques salutations, Félix le briefa. Feu le procureur était un consommateur occasionnel de drogue mais étant donné sa minutie avec la chose, il était peu probable qu'il se soit injecté une dose létale par erreur. Toutefois, encore selon Félix, le bonhomme n'avait pas du tout le profil du suicidé.
- Et même s'il avait voulu mettre fin à ses jours, il ne l'aurait pas fait comme ça. Par souci de l'image.
- Je te connais, non ? , demanda soudain Fred au stagiaire de Félix.
- Si. Vous m'avez aidé il y a quelques années alors que je vous avais pris en otage.
- Nahim Brahi ! Je me souviens de toi. Alors comme ça tu veux être juge ?
- Oui. C'est dur avec un casier comme le mien mais maître Duval m'a accepté quand même.
- Et que devient ton ami Jordan ?
- Lui il veut devenir prof. C'est pas facile non plus mais on s'entraide. C'est grâce à vous.
- Non c'est grâce à Mohand.
Nahim hocha la tête avec un sourire triste. Tous connaissaient l'affaire sauf Félix. Nassim y avait assisté de l'extérieur et Alice avait lu le rapport, Félix, lui, après son entretient avec Nahim n'avait pas voulu regarder le casier du jeune homme. Sa détermination et sa bonne foi parlait pour lui.
- Continues de bien bosser comme ça et un jour peut-être on travaillera directement ensemble.
- Je l'espère capitaine. Merci.
Félix et Nahim quittèrent la pièce tout en précisant qu'ils restaient disponibles pour les besoins de leur enquête. Celle-ci fut relativement rapide. La femme du procureur avait une amante qui s'avéra être aussi la fournisseuse de l'homme de loi.Même si c'est la dernière qui commença par s'accuser, rapidement l'épouse avoua son crime pour éviter la prison trop lourde à son amante. Fred s'arrangea pour que les deux femmes puissent être mises dans la même cellule avant leur transfert.
À peine 36 heures après le début de l'enquête, celle-ci était close. Fred était sur le quai avec Alice. Il se voyait déjà rentrer chez lui, son canapé et sa bière, peut-être Ben serait-il à la maison. Mais à peine pensait-il cela que la voiture que louait son fils s'arrêta à quelques mètres d'eux.
- Salut papa ! Alice tu viens ?
Sa lieutenante ne paraissait pas surprise de cette demande et s'avançait déjà vers la voiture. Comme à son habitude avec les deux jeunes, Fred réagit comme un parent surprotecteur.
- Où est-ce que tu vas là ?
- Je vais avec Ben au cinéma. On comptait manger ensemble après mais si tu veux je te le ramène à la fin du film.
Elle avait répondu sans s'arrêter et atteint la voiture à la fin de sa phrase. Elle attendit une poignée de seconde pour savoir s'il allait répondre puis monta dans le véhicule. Fred les regarda s'éloigner. D'abord il ne sut pas trop comment réagir puis, choisissant la solution de facilité, commença à pestiférer sur son adjointe.
C'est ainsi que Lucie le trouva. Il était toujours tourné en direction de là où Ben et Alice avait disparu et continuait sa diatribe à l'encontre de sa lieutenante. Au début elle ne dit rien et s'installa simplement à côté du capitaine. Ce dernier adoucit peu à peu ses propos avant de se taire tout à fait. Un observateur extérieur aurait pu dire qu'un malaise s'était installé entre eux et que chacun attendait que l'autre parle.
Il en était assez différemment à la vérité. Lucie et Fred se connaissaient assez pour savoir qu'ils voulaient pouvoir se parler tranquillement, ils devaient être eux-même apaisés. Et Alice ne faisait pas partie de ces sujets qui les aidaient à garder leur calme. Il n'était donc utile de parler qu'en étant sûr de pouvoir se contenir au nom de la diplomatie ou de trouver un autre sujet.
La deuxième option n'étant pas envisageable, restait la première. Si leur silence en était un bon marqueur, ni Fred, ni Lucie ne voulait s'y risquer. Alors ils restèrent simplement l'un près de l'autre et s'ils ne disaient rien cela traduisaient leur désir de profiter de ce moment partagé autant que possible. Finalement après près d'une heure, Lucie posa sa main sur le genoux de Fred et dit :
- Allons manger quelque part.
Elle se leva et Fred la suivit.