Partenaire
- Pardon ? Vous avez fait quoi ?! Vous vous foutez de moi j'espère ! Je ne travaillerais pas avec elle !, s'indigna Caïn.
- Ce n'est pas une proposition. Le transfert est déjà fait. Alice est votre nouvelle lieutenante et vous travaillerez avec elle comme telle !
- On voyait bien que ça n'allait pas entre vous et votre Aimé mais pas au point que vous l'envoyiez à l'autre bout de la France.
- Aimé a pris seul la décision de sa mutation.
- Ce n'était pas une raison pour me coller la parigot dans les roues juste après.
- Il va falloir que vous révisiez votre langage car dès demain elle ne vous quitte plus, c'est un ordre capitaine.
Si Caïn avait répondu après cela, il aurait dépassé les bornes, ils le savaient tous les deux alors il tourna les roues et sortit. Dès qu'il fut dehors la pression à l'intérieur redescendit. L'air était toujours aussi électrique lorsque Fred et Lucie s'affrontaient. Borel en avait mal aux poings d'avoir été si tendu. Lucie paraissait lessivé. Personne ne chercha à aller voir le capitaine, il était d'ailleurs plus que probable qu'il eut renvoyé quiconque aurait osé approcher.
Lucie savait que la nomination d'Alice ne pouvait pas faire plaisir à Caïn mais elle n'avait pas imaginer une réaction si extrême de sa part. Elle aurait pensé que l'annonce du départ de son ancien lieutenant le mettrait dans une bonne disposition, qu'il laisserait au moins une chance à Alice avant de la passer au grill. Apparemment non. Pour une raison ou une autre, le capitaine avait développé une animosité tenace envers la jeune fille. Elle semblait l’excéder au plus haut point alors même que, depuis sa sortie de l'hôpital, il ne l'avait pas revu.
Malgré tout cela la commandante était restée sur sa décision d'intégrer Alice à l'équipe. Elle avait le profil idéal pour faire équipe avec Caïn. Elle était jeune, dynamique, procédurière comme pas deux mais surtout elle avait un caractère bien trempé. Contrairement au capitaine, elle connaissait la loi sur le bout des doigts et s'appliquait toujours à la suivre. À son ancien poste de capitaine elle avait résolu un bon nombre d'affaires malgré son jeune âge mais n'avait surtout jamais travaillé hors procédure. Elle équilibrerait leur équipe.
Vu la réaction du capitaine, il faudrait laisser faire les faits.Leur première enquête ensemble serait déterminante. Alice aurait certes le soutient de Lucie et Borel mais cela ne lui servirait pas forcément à gagner les faveurs du capitaine. Heureusement, ou non, dès le lendemain matin ils avaient une affaire. Lucie ne voulut pas s'imposer avec eux mais ne se sentait pas non plus de les lâcher seuls dans l'arène. Elle envoya Borel avec eux. Il pourrait lui dire comment les choses se passaient.
Le capitaine avait apparemment abandonné l'attitude agressive. Il se contentait d'ignorer totalement l'existence de son lieutenant. Il ne répondait à aucune de ses questions. Stunia, elle, était ravie de voir la jeune Alice sur le terrain qui respectait scène de crime et PTS. C'est d'ailleurs en dialoguant avec ces derniers qu'elle découvrit plusieurs irrégularités. Comme Caïn avait trouvé le moyen de l'abandonner sur la scène de crime, elle enquêta de son côté. Borel avait suivi le capitaine.
Caïn prit un soin particulier à se déplacer toute la journée pour l'enquête afin de ne jamais avoir à récupérer sa lieutenante. À la fin de la journée il revint au SRPJ avec une idée assez précise de ce qui était arrivé. Comme d'habitude, il ne lui manquait plus que des preuves. Borel essayait de le modérer mais son avis sur le « coupable » était fait.
Lorsqu'ils rentrèrent au SRPJ, Caïn fila dans son bureau sans rien regarder autour de lui. Borel, lui, s'intéressa de près au travail fourni par Alice. Elle avait réuni toutes les informations sur tous les suspects, noté tout ce qui sortait de l'ordinaire et tous les points sur lesquels ils serraient susceptibles de mentir. Borel scrutait différents éléments en demandant parfois quelques précisions avant de se fendre dans un grand sourire. Il fit signe à Alice de le suivre et se dirigea vers le bureau du capitaine.
- Capitaine. On tient notre coupable. Alice est d'accord avec vous. C'est le frère qui l'a tué. Il nous a menti sur son activité et sur l'endroit où il était au moment du meurtre. De plus elle a trouvé, sur le terrain, plusieurs traces qui corroborent ce que vous pensiez.
Caïn resta une longue minute sans bouger. Il regardait fixement Borel mais son attention était ailleurs. Finalement il cligna des yeux et sortit. Alors qu'il s'apprêtait à passer la porte il dit :
- Capitaine Alice avec moi.
L'interrogatoire du-dit frère fut un chef d’œuvre. Ils ne lui laissèrent aucune chance. Caïn l'accablait jusqu'à ce qu'il se réfugie derrière un fait qu'Alice venait alors détruire avec une preuve. En moins d'une heure ils avaient des aveux complets et signés. À aucun moment Caïn ne félicita son lieutenant, pas même lorsque celle-ci loua sa perspicacité d'avoir tout compris sans la moindre preuve.
Il la ramena jusqu'au SRPJ mais la laissa devant la porte dans descendre lui-même. Alice ne posa aucune question et le regarda s'éloigner dans la nuit. À l'intérieur Lucie et Borel l'attendaient pour la féliciter. La commandante cacha assez mal sa déception que Caïn soit rentré chez lui alors qu'elle s'était fait une joie d'imaginer quelques remarques bien senties qu'elle aurait pu lui envoyer. Ils fêtèrent ça avec un dîner dans un restaurant non loin de là.
- Il est quand même mauvais avec vous, répéta encore une fois Nassim.
- C'est pas grave. J'en ai vu passer d'autres. Ça me change d'avoir quelqu'un qui ne m'aime pas non pas parce que je suis une femme ou parce que je suis jeune mais simplement parce que ma tête ne lui revient pas.
- Borel a quand même raison. Il y va un peu fort parfois.
- Moi je suis plutôt contente de cette enquête. J'ai enfin pu comprendre comment vous aviez pu supporter de rester avec lui.
Alice n'eut même pas besoin de préciser sa pensée. Elles souriaient d'un air complice. Borel voyait très bien ce qu'elle voulait dire. Malgré tous ses défauts, le capitaine était un flic hors pair. Même s'ils avaient tous du respect pour la personne de Frédéric Caïn, ils décidèrent de ne pas parler boulot. Ainsi Alice en apprit bien plus sur les gens avec qui elle allait partager sa vie.