Inconnue au bataillon

Chapitre 2

1594 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/06/2018 10:35

Quand Delambre reprit conscience elle sentait que tout son corps était lourd de sommeil presque autant que d'avoir été gracieusement chauffé. Elle aurait pu craindre pour un coup de soleil, mais elle se sentait à l'ombre. Elle mit quelques secondes à comprendre ce qui l'avait réveillé. C'était comme un battement irrégulier qui venait de devant elle mais faisait écho derrière. La commandante aurait pu ouvrir les yeux pour savoir mais elle préférait profiter pleinement des dernières brume de sa sieste qui commençaient déjà à disparaître.


Elle était parfaitement détendue quand soudain elle entendit au loin des éclats de voix. Elle sut tout de suite qu'elle connaissait la personne qui riait sans pouvoir parvenir à l'identifier. Et puis il parla. C'était Fred. Qu'est-ce que Caïn faisait ici ? D'un seul coup tout lui revint en mémoire. La belle journée. La promenade. Le coup de feu. La fille. La voiture. Lucie ouvrit les yeux. Elle s'était effectivement endormie dans la voiture du capitaine. Ce dernier était un peu plus loin en contrebas. Delambre le vit tout de suite. Il jouait au basket avec un autre homme en fauteuil. Le terrain était grillagé et installé sur une falaise surplombant la mer.


Dans le ciel rouge, le soleil était bas. Delambre n'osait même pas se demander combien de temps elle avait dormi. Les températures commençaient à baisser pourtant elle était toujours bien au chaud. La commandante comprit vite. Caïn avait dû l'entourer de sa veste avant de descendre. Elle lui en était reconnaissante malgré cet étrange sentiment qui se glissait en elle dès que le capitaine se montrait gentil ou aimable sans raison. Elle était comme sur ses gardes. Pour le moment il était plus loin et n'avait pas vu qu'elle s'était réveillée.


Delambre ne bougea pas et observa son capitaine un instant. Côtoyer Fred depuis plus de 6 ans maintenant lui avait permis de briser nombre de clichés qu'elle avait sur les personnes en fauteuil sans même s'en rende compte. Ils n'étaient ni des boulets, ni des saints. Malgré cela elle n'aurait jamais cru qu'un match de handi-basket puisse être si mouvementé. Elle se prit à simplement suivre les actions pendant plusieurs minutes. Delambre n'avait jamais vu le garçon avec qui jouait Caïn mais une chose était sûre, lui au moins avait un fauteuil adapté au sport. Pourtant sa supériorité n'était pas si marquée.


Le capitaine se défendait comme un beau diable. De là où elle était Delambre pouvait voir sa concentration et ses sourires. La commandante n'y tint plus et finit par ouvrir la portière et sortir. Elle hésita un instant puis, au lieu de la laisser sur la banquette, réajusta la veste de Caïn sur ses épaules avant de se décider et de l'enfiler complètement. Elle mettrait ça sur le compte de la fatigue.


Les garçons ne remarquèrent pas sa présence avant qu'elle arrive au niveau du grillage. Ce fut le compagnon de Caïn qui la vit en premier. Il lui donna un coup de coude et la désigna avec un clin d’œil et un sourire qui voulait tout dire. Lucie était encore trop empâtée de sommeil pour lever les yeux au ciel. Le capitaine se tourna vers elle. Il sembla se donner un instant pour évaluer à quel point est-ce qu'elle dormait encore puis lui envoya la balle. Delambre rattrapa la ballon plus parce que Caïn lui avait fait une bonne passe que grâce à son niveau de réactivité.


  • Alors la belle aux bois dormants s'est réveillée finalement sans le baiser de son prince ? Dommage.
  • Si vous n'aviez pas fait un tel boucan peut-être aurais-je dormi un peu plus.
  • Jusque là ça n'avait pas l'air de te déranger plus que cela.


Lucie lui renvoya la balle avec force et décida d'échanger de sujet. Elle ne pouvait pas rester sur ce terrain là en n'ayant aucune idée de combien de temps elle avait dormi.


  • Et si tu me présentais plutôt ?
  • Moi c'est Sacha. J'ai rencontré Fred durant son enquête sur la mort du professeur Mils. Je faisais partie de l'association pour pouvoir retrouver mon père.
  • Lucie Delambre. Je suis la nounou du capitaine Caïn et accessoirement sa patronne.
  • J'aurais pensé que c'était l'inverse.

Delambre s'apprêtait à lui en demander la raison lorsqu'elle vit qu'il avait subrepticement baissé les yeux vers la veste qui la couvrait. Pour éviter toute autre remarque qui se retournerait immanquablement contre elle, la commandante se redressa et serra la main de X. À peine ce dernier lui avait demandé si elle savait jouer au basket que déjà Caïn lui avait fourré le ballon entre les mains. Delambre fit quelques dribbles. Cela faisait une éternité qu’elle avait pas joué. Face à elle ses adversaires avaient les mains sur les roues et la détermination dans le regard.


  • Je ne m'y connais peut-être pas très bien en handisport mais deux contre un j'appelle ça de la triche.
  • Alors Delambre ! Vous n'allez pas reculer devant deux demi-hommes tout de même.
  • Comme si je ne vous connaissais pas assez pour croire encore à ces conneries, grommela-t-elle.


Elle aurait pu leur rendre la balle et se contenter de les regarder jouer comme elle l'avait fait plus tôt mais cela aurait été comme admettre sa défaite et Delambre n'était pas du genre à abandonner avant d'avoir combattu. Elle se concentra. De là où elle était, si elle marquait, elle empocherait 3 points directement. Les garçons la virent faire mais n'intervinrent pas. L'occasion était trop belle de juger son niveau. À la surprise générale, y compris celle de Delambre, la balle passa l'anneau sans un bruit.


Dès qu'elle eut fait un rebond, le match était reparti. Sacha avait filé pour attraper la balle et avant que Delambre n'ait bougé, il l'avait envoyé à Caïn à l'autre bout du terrain. Au début la commandante faisait attention aux fauteuils et ne courait pas vraiment, non pas qu'elle les sous-estime mais presque malgré elle. Pourtant après avoir encaissé 2 paniers en mois de 5 minutes, ces inhibitions ne firent pas long feu. Plus elle se donnait à fond, plus elle se rendait compte de son incapacité. Ils jouaient en équipe et ils jouaient bien, ses deux jambes ne pouvaient rien y faire.


Delambre avait bien perçu qu'au départ Sacha était un peu dubitatif. Au fur et à mesure que leur score grandissait il regagnait le sourire. Lucie se félicitait au moins de cela pour faire passer la défaite monumentale qu'elle était en train de se prendre. Avec le temps l'écart entre eux n'avait fait que se creuser et même si la température continuait de baisser, aucun d'eux ne ressentait le froid.


À un moment Caïn fonça sur Lucie pour tenter de lui prendre la balle. En l'évitant au dernier moment sa roue accrocha la chaussure de la commandante qui tomba à terre en attirant Caïn dans sa chute qui s'étala, en arrière, sur elle. Lucie toussa un peu mais il n'y eu aucun mal. Sacha s'approcha d'eux visiblement inquiet car la chute avait été bien plus impressionnante que douloureuse.


  • Ça va ?
  • Pour moi tout est OK. Vous Delambre ?
  • RAS.


Caïn essaya alors de se relever mais n'en retomba que plus durement sur sa supérieure. Cette dernière émit un bruit étrange mais avant qu'ils aient eu le temps e lui demander quoi que ce soit elle partait dans un fou rire qui rapidement gagna les deux autres. Bientôt ils riaient tous les trois aux éclats. Si quelqu'un était passé à ce moment-là il aurait eu le droit à un spectacle bien singulier.

Sacha avait le ballon sous le coude et se balançait légèrement d'avant en arrière. Fred et Lucie étaient toujours au sol et se tordaient de rire. Le tout était noyé dans un terrain de basket à la lumière crépusculaire. Même après qu'ils aient fini de s'égosiller, ils restèrent dans les mêmes positions, en silence, récupérant leur souffle.


  • Alors ça fait quoi de se faire remettre à sa place par deux para commandant ?
  • J'ai toujours préféré le foot.


Caïn et Sacha rient de bon cœur et Delambre eut besoin d'une seconde pour comprendre pourquoi. Sacha aida le capitaine à se relever et elle fut libérée d'un poids, littéralement. Caïn se réinstalla confortablement sur son fauteuil pendant que Delambre se redressait et s'époussetait.


  • Ça fait combien de temps que vous vous connaissez ?
  • Près de 6 ans maintenant, répondit Delambre.
  • Et vous avez déjà … ?
  • Pas de ça malheureux ! C'est ma patronne. Je suis sûr qu'elle me couperait tout ce qu'il me reste si je mettais une main là où il ne faut pas.
  • Ah ouais ?, Sacha paraissait vraiment surpris.
  • Et pourquoi ? Juste parce qu'on travaille tous les deux on devrait avoir couché ensemble ?, s'énerva Delambre.
  • Non, non. C'est juste que …


Mais Sacha n'eut pas à s'embarrasser plus car une sirène de police retentir tout près. Caïn attrapa son téléphone et répondit à l'appel. Il écouta quelques secondes en regardant Lucie puis raccrocha.


  • On file à l'hôpital. Borel veut nous parler.


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