Trop tard

Chapitre 1

1179 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/05/2018 21:21

Tina n'avait pas été difficile à retrouver. Elle s'était tant focalisée sur Caïn qu'elle avait fini par oublier la présence de Borel, qui veillait dans l'ombre. Dès qu'elle avait assez baissé sa garde le lieutenant l'avait pris en filature et était parvenu sans mal à la suivre jusqu'à sa planque. Elle se terrait dans une entrepôt sur les ports.


Borel s'y était rendu de nuit. Il avait repéré l'endroit, toutes les issues possibles et tous les passages. Il y avait beaucoup réfléchi mais avait finalement décidé de ne rien dire au capitaine. Il avait besoin de réponses. Tina allait les lui fournir de gré ou de force. Borel s'était préparé une semaine entière à ce face à face. Pourtant il savait qu'il n'était pas prêt, il ne le serait jamais.


La première partie de son plan avait parfaitement fonctionné. En moins de 5 minutes Borel était entré sans un bruit et Tina avait fini à genoux, menottée au radiateur avant qu'elle n'ait eu le temps de réagir. La seule lumière de la pièce était celle d'une lampe de chevet posée à même le sol. Elle étirait les ombres démesurément et donnait une lueur dramatique aux visages.


Tina regardait Borel droit dans les yeux comme si elle ne voyait pas le canon braqué sur son front. Le lieutenant ne percevait aucune peur dans ses yeux alors que lui ne pouvait empêcher sa main de trembler.


  • Pourquoi tu es venu Nassim ?
  • Tu l'as tué, hein ?
  • De qui tu parles ? Il se pourrait que je ne me sois pas débarrassée que d'une seule personne. Par exemple David Wilcker …
  • Je me fous de Wilcker. Dis moi, c'est toi qui a tué le commandant Moretti ?
  • Tu aimerais bien savoir. Mais ça t'apporterait quoi de savoir.
  • Je saurais si je dois te tuer ou pas.


Tina lui rit au nez. Borel serra un peu plus son pistolet mais cela ne fit qu'accentuer son tremblement. Il avait parlé sous le coup de la rage mais rien ne le terrifiait plus que l'idée d'appuyer sur cette gâchette. Elle le rendait fou mais la perspective de la tuer lui donnait un haut-le-cœur.


  • C'est moi qui ait tué Jacques et dès que j'aurais les mains libres j'irais tuer Fred.


Borel chancela et lui hurla de se taire. Elle continua de sourire.


  • Tu aurais dû voir la surprise dans ses yeux lorsque je suis rentrée et puis le choc au moment où j'ai pressé la détente. Il était hilarant.
  • Tais-toi ! Moretti t'aimait.
  • Jacques, tout comme David et Fred, est responsable du suicide de ma mère. J'ai ruminé ma vengeance et j'ai intégré le SRPJ dans l'unique but de les faire tomber, tous les deux. J'ai réussi à prendre ta place en un rien de temps. Tu l'adores tellement ton Caïn mais il m'a préféré à toi très rapidement. Tu n'es que le boulet de la bande.


Borel s'était tut. Il avait baissé les yeux sur le sol et son arme visait quelque part vers les jambes de Tina. Lorsqu'il releva le regard vers elle, Tina fut surprise de voir que quelque chose avait changé dans ses yeux. Borel était grave et sérieux mais surtout contenu malgré la colère qui brûlait au fond de lui.


  • La partie ne se joue plus entre toi et Caïn. Tu as tué Moretti, tu t'en ai pris à Caïn pour venger ta mère. Le capitaine n'est qu'une victime entre tes griffes. C'est moi qui le défendrait. Tu t'es trompé d'adversaire.
  • Et qu'est-ce que tu vas faire ? Me tuer ? Dommage, j'ai appris à te connaître. Tu es une petite chose aussi insignifiante qu’inoffensive. Même Fred, lorsqu'il en a eu l'occasion, n'a pas pressé la gâchette. Si lui ne l'as pas fait jamais tu ne …


Tina ne finit jamais sa phrase. Une détonation avait retenti dans le hangar vide et n'avait résonné pour d'autres oreilles que celles de Borel. Celui-ci hyperventilait avant même que le corps de Tina n'ait glissé jusqu'au sol. Il l'avait fait. Il avait tué.


Il avait bien sûr préparé cette éventualité, comme il avait conçu un plan pour la séquestrer et la torturer à long terme, sans jamais penser que cela lui serait utile. Face à l'évidence de ce qu'il avait fait une partie de sa conscience s'éteignit et il se mit en mouvement. Il transporta le corps jusque dans son coffre, qu'il avait entièrement plastifié. Avant de partir il effaça par le feu toute trace de sang en prenant soin de ne pas déclencher un incendie qui attirerait les pompiers.


Restait à trouver une cachette pour le corps. Borel n'avait été capable de penser qu'à un seul endroit et ce n'était pas ce soir qu'il pourrait trouver une nouvelle idée. Il conduisit donc jusqu'au cimetière.

Plus il creusait le trou, plus il avait l'impression de devenir fou. Il ne cessait de s'excuser. IL pleurait. Malgré cela une fois qu'il eut terminé, la pelouse était comme neuve et personne n'eut pu dire au matin que quelque chose avait changé. Borel ne put pas partir tout de suite.


  • Je suis désolé commandant. Je ne savais pas où l'emmener. Vous l'avez aimé, ça j'en suis sûr, le capitaine me l'a dit. Elle m'a provoqué. Je crois qu'au fond elle voulait que je la tue. Je crois l'avoir vu dans ses yeux lorsqu'elle s'est vantée de vous avoir tuer, le doute ou le regret. Maintenant je ne saurais jamais. Je suis rentré dans son jeu. C'est fini. Tout est fini. J'espère que vous pourrez l'interroger là-haut.
  • Ne t'inquiètes pas c'est ce que je ferais, lui répondit Moretti.


Borel crut que son cœur allait s'arrêter. Il se tourna et vit le commandant assis à côté de lui, face à sa propre tombe.


  • Vous êtes mort commandant.
  • Et toi tu es si troublé que tu vois les morts. Allons Borel ressaisis-toi.
  • Elle vous a tué pour le suicide de sa mère mais je crois qu'elle …
  • Tout le monde a ses démons Borel. Ne laisses pas Tina devenir l'un des tiens.


Quelqu'un vint tapoter l'épaule de Moretti qui se mit debout avec difficulté. Lorsqu'il leva les yeux Borel vit que cette personne n'était autre que Tina. Elle paraissait sereine et reposée. Malgré ce qui était arrivé Moretti la regardait toujours avec les mêmes yeux d'amoureux transi.


  • Tu m'excuseras auprès de Fred mais on m'attend.


Sans un bruit Jacques et Tina s'évaporèrent. Nassim se retrouva de nouveau seul. Le silence, la nuit, le froid le prirent d'assaut. Il se leva pour partir et salua le commandant avant de reprendre le chemin de sa voiture. Dans la pelouse, face à la tombe de Jacques Moretti, un seul cercle d'herbe était couché.  


Laisser un commentaire ?