Quand souffle le vent d\'automne...
Sian plissa légèrement les yeux lorsque le soleil couchant pénétra dans son champ de mire en l’aveuglant. La morsure des rayons agonisants n’était rien à coté de la douleur qu’il ressentait encore au creux de l’estomac, comme s’il était toujours affamé malgré le massacre qu’il venait de perpétrer.
3 âmes. D’un seul coup. Trois ! Dont deux jeunes, presque des enfants, qui ne devaient pas être beaucoup plus vieux que Yuna. Sans doute des victimes d’un accident. Mais elles avaient payé le prix de sa précipitation à aller aider sa protégée.
Il avait prévu d’aller la voir et était à peine sorti du Garganta lorsque son cri lui était parvenu. Le Hollow se souvenait encore de la rage qui s’était emparée de lui à ce moment là. Ces sales petits déchets… Il les aurait volontiers écorchés vif, mais Yuna l’avait freiné dans son ardeur. Alors, il avait feint de s’être calmé pour éviter de lui faire du mal. Mais lorsque la colère était devenue trop importante, il avait fui.
Lâchement.
Et il n’en était pas fier, ça non. Sa fureur, c’était ces trois âmes qui avaient eu le malheur de croiser son chemin qui l’avaient subie, dans toute son horreur. Le Vasto Lorde était encore couvert d’écarlate, la couleur rouge couvrant la blancheur de sa peau.
Et cette couleur commençait à le gêner.
Dans sa main griffue, il tenait le reste de la chemise d’une de ses récentes victimes. Elle était déjà complètement souillée de pourpre et il restait encore beaucoup à essuyer. Sian se rendit soudain compte qu’il s’était d’abord toujours fiché de savoir s’il était plus rouge que blanc, mais qu’à présent, il cherchait à chaque fois à effacer les marques de son « repas »… Depuis qu’il avait rencontré Yuna.
Il se fuyait.
Le Hollow baissa la tête. Il ne cessait de se répéter qu’il devait abandonner l’idée d’aller voir Yuna, mais la tentation était si forte ! Ses visites espacées n’étaient que de vaines tentatives pour lui de tenter d’oublier la fillette et l’impression de manque qui en résultait lorsqu’il errait dans le Hueco Mundo, mais cela ne marchait plus. Au bout de quelques mois, le vide était trop fort et il devait retourner la voir.
Il en avait honte, mais son instinct avait, un temps, soufflé à son esprit de la tuer, pour se libérer de ces chaînes invisibles que la petite blonde lui avaient involontairement mises. Il s’était alors tellement détesté que dans sa rage, il s’était jeté sur un autre Vasto Lorde, dans l’espoir fou de pouvoir être tué pour avoir pensé une telle chose. Son instinct – encore lui – lui avait hurlé de se battre et Sian ne s’était sorti de ce combat à mort que de justesse. Le corps du Vasto Lorde lui avait permit de guérir rapidement ses blessures et d’oublier sa faim pour quelques heures, puis il s’était rué dans le Garganta pour rejoindre la fillette.
Mais il se sentait perdu. Perdu dans l’immensité de ce désert qu’il n’avait jusqu’alors pas remarqué, uniquement concentré sur sa faim jamais assouvie, perdu dans sa tête, perdu…
Perdu dans son cœur…
Non, ce n’était pas possible ! Il n’avait pas de cœur ! Il n’en avait plus ! Juste un trou.
Alors pourquoi tout ce chamboulement ?
Sian secoua la tête pour se changer les idées. Il fallait qu’il arrête !
Soudain, il se figea, sentant d’un coup derrière lui une pression spirituelle assez familière.
Un Shinigami.
- Tiens, un Hollow, ricana son adversaire, Allez ramène toi, saleté !
Sian tourna à peine la tête pour avoir une vue d’ensemble sur son ennemi, déjà peu impressionné par sa pression spirituelle. Ce n’était même pas un haut gradé.
Ce dieu de la mort s’était jeté dans la gueule du loup.
Quel idiot.
- Alors, t’as la trouille, le monstre ? Viens que je te mette ta pâtée !
Sian prit son temps pour se lever, ses griffes s’enfonçant désagréablement dans la pierre comme il le ferait dans du beurre. Lorsqu’il fut debout, il se retourna enfin pour faire face à cet adversaire risible. Il eut alors la satisfaction de voir son visage arrogant se décomposer quand il vit à qui il avait réellement affaire.
- De nous deux, qui est le véritable monstre ? , gronda le Vasto Lorde.
Puis il se jeta sur lui d’un Sonido sec et vif. Le Shinigami eut à peine le temps d’arrêter son coup de griffe destiné à le couper en deux qu’il chargeait déjà un Cero. Ses tirs se démarquaient des autres Menos, car si les Cero normaux étaient généralement rouges sang, les siens étaient d’un bleu nuit intense et vif, qui s’imprimait violemment dans la rétine de sa cible.
Le tir réduisit en cendres une grande partie du kimono noir du Dieu de la mort qui dût faire un Shunpo pour lui échapper. Crachant du sang, profondément brûlé, il cherchait une issue pour échapper à ce traquenard dans lequel il s’était fourré.
Mais quand Sian avait décidé de tuer quelqu’un, rien ni personne ne pouvait l’en empêcher.
Le Shinigami l’avait perdu de vue un centième de secondes, mais cela suffit largement au Vasto Lorde pour fondre sur lui en Sonido. Avant d’avoir comprit ce qui lui arrivait, l’imprudent se retrouva avec la gorge prise en étau entre les griffes de la main gauche du Hollow, ses doigts puissants lui écrasant lentement la gorge en pénétrant dans sa chair.
- Vous n’êtes que des imbéciles…, siffla Sian, Tous !
Le Dieu de la mort voulut dire quelque chose, mais n’émit qu’un gargouillement, la bouche pleine de sang. Alors qu’il mourait, le Shinigami vit soudain quelque chose qui le sidéra dans les yeux noyés par la haine et la fièvre de la chasse de son bourreau.
De la peine.
Et de la douleur.
Puis Sian poussa un soupir et serra les doigts d’un coup sec, ce qui broya les os de la nuque de sa victime. Cette dernière s’affaissa contre son bras contre lequel il se démenait encore quelques secondes auparavant.
Sans plus s’en préoccuper, le Hollow jeta le corps brûlé et sanguinolent par-dessus la balustrade du toit où il était. Le cadavre termina sa course sur le pavé, en bas, jonché de détritus et d’ordures.
Maintenant, les Shinigamis savaient qu’un Vasto Lorde était dans le coin. Il n’avait pas le choix, il devait retourner dans le Hueco Mundo…
Tournant le dos au soleil agonisant, le Vasto Lorde déchira l’air d’une de ses griffes et un passage qui vomissait noirceur et ténèbres s’ouvrit devant lui. Sian s’y engouffra sans hésitation et sentit le Garganta se refermer dans son dos. D’un pas calme malgré ses précédentes actions barbares, il chemina en silence en traçant son chemin avec l’énergie spirituelle, puis vit le Garganta s’ouvrir de nouveau devant lui, signe qu’il était arrivé dans son monde glacé et désertique.
Tous ses sens en alerte, il posa le pied sur le sable blanc qui crissa sous son poids tandis que le passage se refermait dans un bruit de déchirure. Il ne faisait pas bon d’être imprudent lorsqu’on sortait du Garganta…
Mais apparemment, il n’y avait aucun comité, armé de tout le joyeux tintouin de griffes, crocs, Cero, Bala et autres, occupé à l’attendre au tournant lorsqu’il arriva. Le Hollow haussa les épaules et partit en Sonido vers les amas rocheux que l’on discernait au loin, à peine visibles sous l’œil avare en lumière de la lune.
Il devait s’isoler.
Même s’il était toujours seul…
Sian ne s’arrêta qu’en sentant la pierre froide cliqueter sous ses pieds griffus. Passant de Sonido à la marche simple, il entreprit de chercher une caverne pour se couper de toute tentative malhonnête de la part des autres de son espèce. Les Vasto Lordes se respectaient entre eux, malgré leur bestialité, mais on trouvait toujours le vilain petit canard que l’on devait absolument faire disparaître, et ce statut pouvait changer du jour au lendemain…
- Tiens, mais qui reviens donc au bercail ? Sianadel Al Dalus !
En feulant, Sian fit volte face et se raidit en voyant à qui il avait affaire.
- Fatalidad…
Une des rares femelles Vasto Lordes se tenait fermement campée sur ses jambes devant lui, ses yeux jaunes pétillant de la joie malsaine apparente aux Hollows. Fatalidad Venenosa était l’un de ces Vasto Lordes qui n’avaient peur de rien, assurés par leur puissance largement au dessus de la moyenne, même pour un Vasto Lorde. Sian n’avait jamais eu à la combattre, mais l’avait déjà vu à l’œuvre et, bien qu’il ne l’aurait jamais avoué, le frisson qui s’était emparé de son échine à la vue de ce qui restait de son adversaire était bel et bien de la peur.
- Tu disparais beaucoup, ces temps ci, ricana-t-elle en s’approchant, Tu te lasses des Hollows de bas étages ?
- Qu’est ce que tu veux, Fatalidad ? , demanda Sian qui n’avait pas envie de perdre son temps avec elle.
- Juste te proposer un marché.
- Un marché ?
Elle s’arrêta à quelques centimètres de son masque et effleura d’une griffe les traces de sang qui restaient sur son armure, les yeux étincelants de la fureur des Hollows.
- Je voudrais rassembler sous mes ordres tous les Vasto Lordes des environs, pour être plus forts, pour s’assurer que l’un d’entre nous ne tombera pas dans un piège tendu par ces… déchets…, expliqua-t-elle, Les Hollows inférieurs ne méritent qu’une chose : s’incliner devant notre puissance !
- Nous sommes déjà les seigneurs du Hueco Mundo, Fatalidad, répliqua sèchement Sian, La puissance spirituelle d’un seul d’entre nous équivaut à cent d’entre eux ! Cela ne te suffit pas ?
- Non. Je veux plus.
Elle voulait surtout les autres Vasto Lordes sous ses ordres, d’après ce que comprit Sian en lisant entre les lignes de sa tirade. Décidément, même en étant des monstres guidés par les instincts les plus primaires, certains trouvaient le moyen de faire ressortir les pires cotés de leur ancienne vie.
Il secoua la tête.
- Les Vasto Lordes sont des solitaires depuis toujours, Fatalidad, déclara-t-il, Quoi que tu fasses, je ne me joindrais pas à toi.
La Vasto Lorde plissa méchamment les yeux et siffla :
- Tu as bien changé depuis quelques temps… Aurais-tu peur, Sian ?
La colère embrasa les yeux bleus de son interlocuteur et d’un mouvement vif, il la plaqua en l’attrapant par la gorge contre la paroi qui, sous le choc, se craquela et se fissura.
- N’insinue plus jamais, tu m’entends, plus JAMAIS que la peur m’habite, espèce de vicieuse ! , gronda-t-il tandis que sa queue donnait des coups puissants et rageurs contre les pierres alentours, A présent, laisse moi en paix, et va-t-en !
La haine embrasa les yeux de celle qu’il menaçait, mais pour la faire taire, il lui creva un œil sans le moindre état d’âme et ignora son hurlement tant de douleur que de colère tandis que le sang noir éclaboussait ses griffes. Sian savait qu’il avait frappé là où cela faisait mal. Fatalidad était, en effet, très fière de ses yeux, encore plus perçants que la moyenne. D’un geste brusque, il la relâcha et s’éloigna tandis que Fatalidad crachait avec fureur, une main griffue plaquée contre son œil mort :
- Tu me le payeras, Sianadel ! Je te jure que tu payeras cette humiliation ! Tu la sentiras jusqu’au plus profond de tes tripes lorsque ma vengeance te réduiras à l’état d’un moins que rien !