BioShock Beyond – Tome 3 : Un océan de rêves

Chapitre 4 : Avec l'aide d'un vieil ami

3779 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/09/2021 15:11

Chapitre 4 : Avec l’aide d’un vieil ami


« Bien, mon cher Penseur… Je crois que c’est la fin. La police secrète de Ryan arrive. Ils ont inventé des preuves contre moi. Je serais “un traître”, apparemment. Je sais ce qui attend ceux qui disparaissent. Ils reviennent sous la forme de… Protecteurs en métal. Plus de mémoire, plus rien. Alors je te laisse de quoi réfléchir un peu en mon absence. Le problème le plus complexe que je t’ai présenté. Saisie du… protocole de départ de Rapture. Trouve un moyen de te faire sortir d’ici. Il faut que tu perdures, quel que soit ce qui m’attend. Tu y arriveras. »

Charles Milton Porter


****


Tenenbaum possédait une vieille maison pratiquement en ruine près de l’Escala, un ancien village de pêcheur devenu une station balnéaire très prisée en été. Mais à cette période, il n’y avait pas un chat. De plus, d’après les panneaux qui jalonnaient les routes, nous étions à plusieurs kilomètres de la ville et de la côte.

Eleanor me conduisit à l’intérieur de la maison située au beau milieu des champs. Un vieux tracteur rouillé lui tenait compagnie. De l’extérieur, elle paraissait totalement abandonnée : pas de lumières, des vitres brisées, des tuiles cassées. Elle dégageait pourtant par son architecture la chaleur des maisons espagnoles. A l’intérieur, tout devenait encore plus bizarre : il n’y avait absolument aucun meuble, comme si celui qui vivait là avait décidé de partir et de tout emmener avec lui.

« Où sont-elles ? demandai-je, un peu décontenancée par l’endroit.

— Attends. Je vais te montrer. »

Eleanor m’emmena dans ce qui devait être autrefois un merveilleux petit salon tout à fait convivial. Des rideaux d’un rouge délavé maintenant en lambeaux pendaient encore aux fenêtres, frétillant sous le souffle du vent. Au centre, un tapis sali par le temps et les fientes d’oiseaux recouvrait le sol. Sans attendre, Eleanor s’en empara et le tira d’un coup sec. Je m’attendais à ce qu’un nuage de poussière attaque mes poumons, mais il n’en fut rien. Je compris rapidement pourquoi. Le tapis cachait en effet une trappe en bois usée par les ans, qu’Eleanor ne tarda pas à ouvrir dans un grincement inquiétant. C’est là que se cachait Tenenbaum. Eleanor mena la marche pour descendre les escaliers. Je la suivis sans broncher.

Contrairement au reste de la maison, faite de stuc et de pierre, le couloir derrière la trappe et tous les murs du laboratoire était constitué de briques. Une fois entrée dans la pièce, je fus incapable de fermer la bouche et de me concentrer sur un seul élément, tant ce labo était une véritable caverne d’Ali Baba. J’avais un peu l’impression de revoir Rapture, mais condensée dans une grande cave à six pieds sous terre. Malgré le côté bas de plafond du laboratoire, il semblait s’étendre sous l’entièreté de la maison et du terrain alentour. Plusieurs tubes à essai et erlenmeyer pleins de substances colorées et brillantes s’étalaient sur les paillasses à gauche, adjacentes à de grandes étagères blindées de livres. Certains liquides chauffaient tranquillement dans des ballons en verre sous de petites flammes, dont des plasmides. Je n’avais pas le souvenir que Tenenbaum en ait ramené. Au fond de la pièce, des sortes de serveurs informatiques ultra-modernes vomissant de câbles et des fils en tous genres étaient positionnés tout le long du mur. Sur ma droite, plusieurs éléments étaient entreposés dans des caisses en bois : des morceaux d’armure de Protecteurs, des bouteilles de plasmides encore intactes, des bras et des jambes de Petites Sœurs robotisées. Il y avait aussi une sorte de console pleine de boutons un peu plus loin sur le mur de droite, sûrement un reliquat de l’Antre de Minerve. Le clou du spectacle restait cependant le socle d’une Vita-chambre, dont le tube en verre avait été démonté et déposé tout près.

Et moi qui croyais ne jamais en revoir, pensai-je avec un sourire au coin des lèvres, reconnaissante envers cette merveille qui m’avait sauvé la vie un an auparavant.

 Au centre, sur une grande table ronde, des dizaines de dossiers, de notes et de livres étaient empilés ou étalés sur toute sa surface. Mandy était assise devant, un sac rempli de glaçons posé sur sa tempe. Elle avait l’air mal en point, mais bien mieux que la dernière fois que je l’avais vu. Apparemment, Tenenbaum en avait profité pour soigner les quelques cicatrices qui recouvraient son visage après l’explosion.

Alors que je posai le pied dans le laboratoire en descendant la dernière marche des escaliers de la cave, une énorme grille s’abattit devant moi et une sorte de petite caméra de sécurité provenant du plafond s’abaissa, avant de poser son regard sur moi, m’éclairant tel un projecteur. Mon cœur fit un bond. Je stoppai net ma progression, attendant le sort qu’elle me réservait avec appréhension. Je me sentais comme un enfant pris en flagrant délit. Je lançai un regard vers Eleanor, tentant de trouver du réconfort, mais elle ne semblait pas inquiète pour moi. Elle croisa même les bras, tapant du pied sur le sol. Pourquoi est-ce qu’elle ne disait rien ? Soudain, la caméra elle-même commença à parler d’une voix masculine robotique et monotone, alors qu’elle m’analysait de la tête au pied.

« Initialisation du scanner biométrique terminée. Scan biométrique en cours. Identité génétique de l’intrus confirmée. Référence taxinomique : Petite Sœur. Nom : Zimmerman. Prénom : Sarah. Référence taxinomique du Protecteur assigné : Videur. Identité du Protecteur assigné : Inconnue. Statut de l’intrus : inconnu. Actualisation du statut. »

Durant quelques secondes, la caméra produisit des bruits mécaniques, sans me donner de réponses. Puis, elle se ralluma, m’exposant à nouveau sous le feu des projecteurs, qui ressemblaient plutôt à des rayons-x, tant cette caméra semblait en connaître sur moi.

« Statut actualisé. Statut : Actif. Identité génétique : Ancienne Petite Sœur. Nom : Weavers. Prénom : Sarah. Niveau de menace : zéro. Bienvenue Madame Weavers ! ».

Tout à coup, la grille se releva et la caméra remonta le long de la tige qui lui avait permis de descendre. J’avais le souffle coupé. J’avais arrêté de respirer tellement l’expérience désagréable que je venais de vivre était intense. J’adressai un regard perçant à Eleanor, persuadée qu’elle avait organisé toute cette mascarade. Elle leva les yeux au ciel.

« Ne t’inquiète pas, dit-elle en me donnant une tape à l’épaule, avant de pénétrer dans le labo. Il fait ça à tout le monde.

— Qui ça, il ?

— Le Penseur », me répondit Brigid Tenenbaum dans un calme absolu. 

Je la vis apparaître dans mon champ de vision. Elle se tenait debout, à côté de Mandy, une main posée sur son épaule. Elle s’était délestée de son trench-coat, dévoilant sa jupe à carreaux et son chemisier mal repassé. Eleanor se posta à côté d’elle, un léger sourire au coin des lèvres. La tête que je faisais lorsque les yeux de cette caméra se sont posés sur moi avait dû bien l’amuser. Lentement, j’entrai à mon tour dans le labo et m’approchai de la table avant d’y poser mes mains.

« Comment ça, le Penseur ? m’exclamai-je d’une voix plus aiguë que je ne l’aurais voulu. Je l’ai vu de mes propres yeux à Rapture, il n’y a même pas un an.

— Tu as raison, Sarah. Il était bien à Rapture. Mais il était également ici.

— C’est impossible.

— Charles a copié le code du Penseur avant notre départ de Rapture en 1968. Grâce à cela, j’ai été capable non seulement de rendre à Charles son état normal, mais aussi de continuer mes recherches avec les meilleurs instruments existants dans le monde. »

Charles m’avait déjà parlé de tout ça. Il m’avait dit comment le Penseur l’avait aidé à redevenir lui-même. Pour autant, jamais je n’avais pu me figurer que cette machine aurait pu encore exister auprès de Tenenbaum des années plus tard. Charles et elle avaient dû travailler d’arrache-pied pour remettre cette intelligence artificielle en état de marche.

« Et qu’avez-vous découvert ?

— Un moyen d’atteindre la machine d’Elaine, répliqua Tenenbaum, avec détermination. »

Elle s’approcha des serveurs et appuya sur l’un des boutons de la console de commande que j’avais aperçue en rentrant. Tout à coup, comme la caméra, un écran se déploya hors du plafond et se positionna face à Tenenbaum. Il s’alluma, n’affichant d’abord que de la neige. Puis, une image se matérialisa, une image du cœur du noyau du Penseur, sûrement prise depuis une caméra de sécurité.

« En quoi puis-je vous aider, Dr Tenenbaum ? demanda la voix robotique du Penseur.

— Penseur, affiche le réseau de téléportation.

— Tout de suite, Madame. »

En un rien de temps, une carte du monde fit son apparition sur l’écran, un plan constellé de petits points répartis sur toute la surface, reliés entre eux par de grandes lignes. Parmi ces points, il y en avait un qui correspondait étrangement à notre situation actuelle sur le globe.

« Voici ce que Charles et moi avons conçu il y a quelques années, après plusieurs mois de recherches intensives. Un réseau de téléportation qui relie chaque abri, chaque planque, chaque refuge ou chaque laboratoire que je possède.

— C’est impossible ! La téléportation entre de si grandes distances serait fatal, répliquai-je.

— Désolée de bousculer tes convictions, mais il se trouve que j’ai découvert un moyen : en combinant les propriétés de la Vita-chambre imaginée par Suchong et en utilisant les recherches de développement lié au projet sur le plasmide Téléportation mis en place par Fontaine Futuristics, j’ai pu créer des plates-formes de téléportation comme celle-ci à travers le monde entier. »

Les yeux de Tenenbaum pétillaient de joie lorsqu’elle parlait de ses inventions et de ses découvertes. Elle me faisait penser à Stan à bien des égards. La science était définitivement sa passion. En y réfléchissant bien, c’était sûrement ce qui l’avait sauvé des camps au cours de la guerre. Pas étonnant qu’elle tienne une place aussi importante dans sa vie.

« Maintenant, ordonna Tenenbaum en parlant au Penseur, montre-nous le refuge alpin grâce à l’imagerie satellite.

— Bien, Docteur. »

Une autre représentation émergea de cet océan de pixels : c’était une image vue du ciel, une photo d’une sorte de chalet perdu au beau milieu des montagnes rocheuses.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? bougonna Mandy, encore brouillée par les évènements.

— Ça, Mandy, répliqua Eleanor sur un ton sarcastique, c’est le refuge relié au réseau qui va nous permettre de rejoindre la fortification dont tu nous as parlé.

— Avec un peu de chance, ajouta Tenenbaum, l’endroit ne sera pas sous bonne garde et y pénétrer sera un jeu d’enfant.

— Dans combien de temps peut-on y être ? l’interrogeai-je. »

Tenenbaum jeta un œil à la montre sur son poignet, en plissant les yeux. « Dans deux ou trois heures, tout au plus. Le temps de faire une petite randonnée à travers les Alpes.

— Eh bien, grommela Mandy, d’un ton goguenard, voilà qui devrait me libérer un peu l’esprit.

— Si tu as une meilleure idée, ne te gêne pas, railla Eleanor, avec amusement.

— J’aurais bien voulu utiliser le pick-up de ce pauvre Pedro pour crapahuter jusque là-haut, mais apparemment votre appareil à téléportation n’est pas de taille.

— La plate-forme ne sert qu’à transporter des personnes et ce qu’elles portent sur elles, pas leurs moyens de transport, expliqua Tenenbaum. Exactement comme le faisaient les Vita-chambres.

 — Bon, tant pis, on se contentera d’utiliser nos pieds, j’imagine. Ce que j’ignore en revanche, c’est ce que vous comptez faire de cette foutue machine une fois qu’on aura atteint la fortification. »

La transition entre les échanges sarcastiques et cette question à peine dissimulée fut rude. Pendant un court instant, on n’entendit plus que le bruit des liquides bouillonnants et le souffle des ventilateurs installés derrière les serveurs. Eleanor trouva la parade adéquate en éludant la question.

« Ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Nous verrons cela en temps voulu. Pour l’instant, concentrons-nous sur notre objectif. On pénètre au cœur de cette fortification et on s’en empare. Lorsque la machine sera entre nos mains, nos possibilités seront infinies ».

Mais Mandy ne fit qu’acquiescer. Malgré sa figure impassible, elle semblait bien consciente qu’il y avait anguille sous roche, bien qu’elle n’en souffla mot. Je n’osais imaginer sa réaction lorsqu’elle s’en rendrait enfin compte. Et si cela devait se produire, notre alliance n’aurait d’autre choix que de voler en éclats.

« Et si la machine n’y est pas ? » demandai-je.

Eleanor plongea son regard dans le mien, et je lus dans ces yeux la même expression que j’avais décelé sur son visage lors de notre conversation à l’arrière du pick-up. L’espoir la quitta pendant un court instant. Mais contrairement à la dernière fois, la lueur que je voulais voir apparaître au fond de son regard refit surface. Enfin, l’espoir fleurissait à nouveau en elle, comme il l’avait fait après son départ de Rapture en 1968. Et cet espoir était contagieux.

« On trouvera un autre moyen. On y arrivera. »

 

 

*

*            *

Tenenbaum paraissait préoccupée. Un mauvais pressentiment la rongeait de l’intérieur et il ne me fallut pas longtemps pour le remarquer.

Je restai avec elle tandis qu’elle laissa partir Eleanor et Mandy d’abord. Après s’être positionnées chacune leur tour sur la plate-forme, Tenenbaum appuya sur l’un des boutons de la console de commande. Le Penseur calcula les coordonnées de leur destination et elles disparurent une à une dans un éclair foudroyant et aveuglant qui sembla traverser tout leur corps, laissant flotter dans l’air un parfum ionisant. Bien que Brigid me rassura, cette soudaine transmutation du corps d’un endroit à un autre était assez impressionnante, pour ne pas dire choquante. J’avais confiance dans les travaux de Tenenbaum, mais il suffisait qu’un grain de sable s’immisce dans l’engrenage pour que les rouages cessent de fonctionner. Et personne ne voulait voir de grain de sable.

De mon côté, je m’appliquai à mettre le doigt sur ce qui la tracassait : en réalité, la vieille femme ne s’inquiétait pas pour la machine, mais pour sa fille. Elle n’avait aucune idée de la réaction qu’elle aurait à l’égard de sa chair et de son sang. Jusqu’à présent, je n’avais jamais osé lui dévoiler mon point de vue ouvertement sur la question. Mais au moment où le sujet revint sur la table, je pris mon courage à deux mains pour lui avouer ma vérité.

« Ce n’est plus votre fille, Brigid. Ce n’est plus celle que vous avez connu. Pas après tout ce qu’elle a fait.

— C’est bien le problème, Sarah. Je ne connais pas mon propre enfant. Une fille qui n’aura pour seul héritage que quelques laboratoires de fortune et une vie brisée à cause de moi.

— Vous oubliez ce que vous avez fait pour nous.

— Je vous ai transformé en monstres…

— Oui, et vous nous avez sauvé ! Je vous en prie, Brigid, ne soyez pas si dure avec vous-même. Vous ne méritez pas les tourments que vous vous infligez. Nous avons tous commis des erreurs.

— Certains plus que d’autres. Et ma plus grande erreur restera à jamais d’avoir découvert ces limaces visqueuses, qui n’ont apporté que des problèmes avec elles. Rien de tout ce qui s’est passé à Rapture ne serait arrivé si j’avais simplement laissé mes découvertes moisir au fond de l’eau.

— Rapture était vouée à échouer. Aucun effort n’aurait pu la sauver.

— Et je n’ai fait qu’envenimer les choses.

— Tout le monde a sa part de responsabilité : Ryan, Suchong ou Fontaine, par leurs actions, ils ont tous choisi leur funeste destinée. Vous, vous avez choisi la vôtre et vous vous êtes rachetée. Nous faisons tous des choix, mais à la fin, ce sont nos choix qui nous définissent. »

Ce que j’espérais depuis le début de cet échange se produisit enfin : un sourire illumina le visage de cette vieille femme qui avait tant vécu.

« Tu es devenue une jeune femme pleine de sagesse, ma petite protégée, dit-elle en me pinçant la joue.

— Oh, j’ai simplement eu de bons professeurs.

— Et pourtant, j’aurais préféré ne pas en faire partie. J’aurais tellement voulu te laisser vivre une existence paisible auprès de tes parents. Malheureusement, les choses ont pris une autre tournure.

— Vous avez raison. La vie est ainsi faite et je pense que c’est mieux ainsi. Ceux qui tirent les ficelles savent ce qu’ils font. Si nous sommes là, aujourd’hui, sur la piste de cette machine, c’est pour une bonne raison. »

J’avais fini par me persuader que chacun d’entre nous suivait une ligne, un chemin. Mais aussi que cette ligne pouvait être infléchie. Je ne pouvais rester impassible face aux indices dont j’avais été témoin et Alan en était la preuve vivante. Un être surhumain, pourvu du pouvoir d’omniscience, qui n’avait qu’à donner une pichenette pour changer la face du monde. En repensant à cet homme qui avait côtoyé mon père, mais dont j’ignorais toujours les véritables desseins, une vision de cette femme qui hantait mes songes me revint en tête comme un souvenir lointain. Tandis que je m’apprêtais à poser les pieds sur la plate-forme, je fis volte-face.

« Brigid, avant de partir, je dois vous parler d’autre chose. 

— Qu’y a-t-il ? répondit la scientifique en lâchant soudainement les commandes.

— J’ai fait un cauchemar, tout à l’heure. J’ai rêvé d’Eleanor. Mais elle était… différente.

— Comment cela ?

— Je ne saurais trop vous la décrire. Elle avait l’air vidée de toute son énergie, comme un fantôme. Elle voulait me prévenir. Elle disait que les Utopiens étaient sur le point de débarquer et qu’il fallait détruire toutes les machines pour empêcher cela.

— Est-ce qu’elle t’a dit autre chose ?

— Elle a dit qu’une femme nous aiderait. Elle a dit qu’elle n’était plus une enfant. Mais je ne sais pas de qui elle peut bien parler. »

Tenenbaum se tut et se mit à se frotter le menton, en proie au doute.

« Croyez-vous qu’elle puisse se retourner contre nous ? demandai-je.

— Non, je ne pense pas. Je pense que tes rêves ne te montrent pas l’avenir. Ils ne font que te montrer un avenir possible.

— Que voulez-vous dire ? Vous pensez à un monde parallèle ? »

Tenenbaum se mit à faire les cent pas dans le laboratoire, l’index posé contre sa joue, comme si cela l’aidait à stimuler son cerveau.

« C’est probable, oui. Peut-être que les failles qui sont apparues à Rapture à la fin des années 50 ont affecté ton esprit au point de te faire miroiter des images au milieu de tes rêves. Ah ! Si seulement le Dr Suchong était encore là, il aurait pu nous éclairer sur toute cette affaire. Lui seul connaissait les failles et leurs effets dans Rapture. Le Dr Alexandre et moi avons récupéré plusieurs dizaines de ses documents, certes. Mais très peu d’éléments existaient sur ces failles.

— Nous avons toujours les plans de la machine, lui rappelai-je.

— Certes, mais ces plans sont au-delà de ma compréhension. Je suis généticienne, pas physicienne.

— Au moins, une chose est sûre : ils ne sont pas entre les mains d’Elaine, à l’heure qu’il est.

— Oui, ce qui soulève une question autrement plus préoccupante : comment a-t-elle pu ramener tous ces chrosômes sans eux ? »

Je ne savais pas quoi répondre. Nous avions si peu d’éléments sur Elaine, ce qui me faisait craindre le pire pour la rencontre qui nous attendait. Elle avait une longueur d’avance sur tout. Elle nous avait trouvé au El Narval, et ce n’était qu’une question d’heures avant qu’elle ne nous trouve ici.

« Bien, termina Tenenbaum, tandis qu’elle discerna mon expression de déroute. Nous verrons bien ce qui nous attend. 

— Que comptez-vous faire face à elle ? l’interrogeai-je une dernière fois avant d’entrer sur la plate-forme.

— Ce que j’aurais dû faire depuis le début : je la sauverai, quoi qu’il m’en coûte. Je la sauverai d’elle-même, car je sais qu’il y a du bon en elle. Comme je l’ai toujours dit, sauver une vie c’est sauver le monde. » 

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