Triptique
Les personnages et tout l'univers de Being human ne m'appartiennent évidement pas. En revanche la fanfiction qui suit sort tout droit de mon esprit torturé et ne peut être exploitée sans mon autorisation. Merci.
Being human
Missing scene
TRIPTIQUE
Version George
Le début de notre nouvelle vie est devant moi. Un pas, deux marches et nous serons enfin chez nous. Voilà ce que je devrais ressentir, joie et excitation, mais à la place je ne perçois qu’un picotement dans le bas du dos. De ces signes qui traduisent l’imminence d’un danger. Je l’ai vue, j’en suis certain, mais évidemment Mitchell pense que c’est la peur, l’appréhension face au semblant de normalité que représente ce logement. J’ai peur, c’est indubitable. Je ne suis pas normal… enfin, moi si, mais Lui, la chose qui est en moi lorsque la nuit se fait jour, Lui, il est tout sauf normal. Dangereux, sanguinaire, nuisible et… Revoilà le rideau qui s’agite ! Je l’ai bien vue cette fois. Une chevelure brune et bouclée, un regard évanescent. Elle était là puis plus rien. Juste une fenêtre aux carreaux sales. Mitchell me fait signe. Il est excité et ne veut plus attendre. Je le vois pénétrer notre futur repère et disparaître dans ses murs qui subitement me dressent littéralement les poils sur l’échine.
-George, bon sang mais qu’est-ce que tu fais ? Tu attends la prochaine pleine lune ?
-Ah, ah, ah… très drôle Mitchell. J’ai vu quelque chose à la fenêtre. Il y a quelqu’un dans cet appart.
-Il n’y a rien d’autre qu’un superbe logement à l’abandon qui n’attend que nous pour prendre visage… humain ! Allez magne !
Je me résigne. Il a sans doute raison. Je suis trop nerveux. Cet appartement, c’est le commencement de quelque chose de nouveau. Je devrais plutôt dire que c’est un renouveau, la renaissance de ce que j’étais et que je ne suis plus. Mitchell connaît cette vie d’errance depuis si longtemps qu’elle fait partie intégrante de lui, mais moi, je subis cet être en moi depuis peu et je me languis de cette vie qui était la mienne… avant.
Je me glisse sur les deux marches qui me séparent de ma liberté et pourtant mon corps frémit comme en ces nuits fatidiques. J’ai peur, je tremble et sens l’angoisse suinter de chacun de mes pores. Encore un pas et la pénombre m’accueille. Je m’y accommode mais ce qui se dessine devant mes yeux me pétrifie plus que ne m’effraie. Mitchell est juste là devant moi, me décrivant à grand renfort de geste où poser la télé et où jeter les canettes qui s’amoncelleront les soirs de match et probablement les autres aussi… Mitchell me gratifie d’un sourire.
-Tu ne visualise pas ?
Ce que je visualise très bien c’est la jeune femme qui lui renifle le cou. C’est vrai qu’il émane de lui une odeur palpitante et enivrante comme un bon vin rouge qui embrouille l’esprit. Elle ne me prête aucune attention. Je suis inexistant pour elle, seul compte Mitchell. D’un coup je réalise que ma peur s’est muée en jalousie.
-Hum, je ne dérange pas ?
-Quoi ?
-Quand j’ai le malheur de renifler l’odeur d’un humain, tu me fustiges, mais là, tu laisses une inconnue te humer impunément, sans aucune retenue ! Et si je retrousse les babines, au moins, moi, je ne bave pas !
Son regard stupéfié en dit long sur son sentiment… Il me prend pour un fou, ou disons, pour un peu plus fou. Son regard à elle me glace. Elle a peur et est manifestement très en colère. Je ne devrai pas la voir. Ici, c’est son domaine, et ma sensibilité inhumaine la violente certainement plus qu’elle ne s’y attendait. Je serre les dents, me préparant mentalement à l’entendre hurler d’une voix d’outre-tombe comme dans les films d’horreur que ma future femme et moi regardions amoureusement enlacés. C’était une autre vie, c’était avant.
-Tu… Tu peux me voir ? Qui es-tu ?
Je me fige… dans le ridicule. Sa voix est chaude et douce, tout ce qu’elle n’est plus. Le ton est mielleux, presque implorant. Commence là, la plus surréaliste des discussions auxquelles il m’ait été donné de participer.
-Je m’appelle George.
-Ton ami ressemble à mon Owen, brun, ténébreux, sexy, mais il sent étrangement. Il est comme imprégné de musc, de fer et de tanin. Et toi …
Elle s’approche mais recule brutalement comme si un champ magnétique m’enveloppait et me protégeait. Comme j’aimerais que cela puisse être vrai.
… toi, tu sens la bête apeurée, le jeune chiot qui se recroqueville dans les pattes de sa mère.
Je me sens vexé, bien qu’il y ait du vrai là-dedans.
-Je suis plus féroce que j’en ai l’air.
-Qu’est-ce que tu racontes. Bien sûr que tu es féroce, fort et tout ce que tu voudras, mais je ne vois pas le rapport avec le fait que tu renifles un peu trop les femmes… et si, parfois tu baves aussi.
Voila ma dignité achevée pour de bon !
-Je ne renifle pas que les femmes et c’est vrai que tu sens le tanin !
Mon petit poltergeist semble s’amuser de la situation et se poste volontairement juste devant Mitchell. J’ai vraiment l’air d’un ahuri mais après tout, ce ne sera ni la première fois ni certainement la dernière.
-Qui êtes-vous et… qu’est-ce que vous êtes ?
-Je m’appelle Annie. Je suis la précédente locataire… enfin, je ne compte pas tous ceux qui ont transité quelques jours avant de se sauver en courant. Comment se fait-il que tu me vois ?
-Qu’est-ce que tu racontes George. Tu n’es pas drôle, vraiment. Arrête ton délire et aide-moi au lieu de faire l’imbécile.
-En fait, je vous vois de plus en plus nettement. Quand je suis entré, c’était davantage comme si se dessinait l’odeur qui émane de vous. Une odeur de mort qui vous donne corps, comme au travers d’une visée infrarouge. Vous êtes très jolie.
-Ah, ah… très amusant. J’apprécie surtout « l’odeur de mort ». Cela fait plusieurs semaines que je ne me suis pas sustenté et… heu… quoi ?... je suis quoi ? Jolie ?!!
Visiblement ma conversion à trois voix trouble et énerve mon futur, devenu probable, ex-colocataire. Mitchell commence à montrer les dents. J’aimerai dans ces moments là être comme lui, lucide, directe, adulte. Il a une grande maturité face au monde qui nous entoure et moi je suis comme un gamin aux mains moites qui tremble devant le premier obstacle, surtout si celui-ci fleure l’œstrogène à plein nez. Mais voilà, cette donzelle-là ne sent rien d’autre que le néant et la solitude. La solitude… un sentiment que j’ai fait mien depuis peu, un sentiment qui est un petit bout de moi et sans doute le seul que je comprends vraiment. D’un coup, aussi brutalement qu’il était apparu, l’étau qui enserrait mon cœur s’est dissipé. Je me sens plus léger et plus présent dans cet univers, comme si à trois nous étions plus forts qu’à deux, comme si à trois nous existions enfin. Un, c’est une curiosité, deux c’est un hasard, trois c’est avoir le droit d’exister au milieu des autres. D’un geste un tantinet ridicule et guindé, souvenir d’une époque révolue qui fut celle de mon ami, je me décide à faire les présentations.
-Mitchell, je te présente Annie. Annie, voici mon ami et colocataire, Mitchell.
-Enchantée.
Mitchell bondit comme si je lui plantais mes puissants crocs dans le cœur. Soudain Annie est là devant nous, resplendissante dans sa tenue décontractée à la Flashdance. Démodée, certes, mais quand on vit avec un gars qui à fait la guerre, et je ne parle pas de la dernière, on relativise les gouts.
Pourquoi là et maintenant, je crois qu’on ne le saura jamais mais peut-être fallait-il simplement qu’elle se sente exister dans le regard d’autrui pour devenir quelqu’un ou plutôt quelque chose de plus consistant.
Nous voilà maintenant trois êtres hors-normes, nous tenant chaud en toutes circonstances. Trois paires d’épaules sur lesquelles s’appuyer quand la lune est trop ronde ou quand le sang palpite et titille les sens un peu trop violemment.
-Les garçons, la pizza est là et vous savez quoi ?!! Le livreur, il me voit, il me voit !!
Mouais, bon… disons que cet appartement sera enfin notre refuge dès que notre fantôme en jupon aura fini ses crises de petits bruits aigus à chaque fois qu’un mortel pose ses yeux sur elle.