Avatar, le Maître du feu

Chapitre 5 : Une vision inattendue

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:30

La première chose que Zuko perçut, après un réveil difficile, fut le regard que lui lança Tarik. Un regard mêlé de pitié, d’incompréhension et de…gêne ?
Il ne fallut guère de temps au jeune prince pour comprendre que son camarade de chambrée avait entendu chacune des plaintes qui lui avaient échappé durant la nuit. Cette constatation suffit à couvrir de honte Zuko, qui s’obstina alors à éviter Tarik et les possibles questions qu’il pourrait lui poser. Ou il pourrait tout aussi bien le ridiculiser, se servir de ce moment de faiblesse contre lui…Etant donné la haine du petit moine envers les Maîtres du feu, cela n’aurait rien de très étonnant. Zuko s’arrangea donc pour être perpétuellement accompagné de son oncle ou d’Aang, sans bien évidemment les avertir de ses intentions. Il n’eut d’ailleurs pas à faire de grands efforts, étant donné que le Vénérable Aang semblait décidé à lui donner une leçon particulière, ce jour-ci.
Après un copieux petit-déjeuner, durant lequel le prince regretta quelque peu l’absence d’une quelconque viande, il fut littéralement traîné par Aang vers l’extérieur. Le moine semblait tout particulièrement se réjouir de la journée à venir, ce qui n’était pas le cas de Zuko, qui avait quelques appréhensions quant aux méthodes appliquées par son Maître. Il n’avait eu qu’une courte leçon pratique avec lui, en-dehors de la méditation, et ils s’étaient cantonnés à des exercices basiques auxquels Zuko estimait avoir lamentablement échoué.

« Un temps pareil, ce serait dommage ne pas en profiter, n’est-ce pas ?

-Si vous le dites… »

S’il avait réellement eu le choix, Zuko aurait préféré un entraînement en intérieur. Le soleil bronzait ou rougissait sa peau, ce qui n’avait rien de très noble ou distingué. Et il n’avait pas d’ombrelles à disposition…Le jeune homme soupira. Tant pis pour la dignité princière.
Aang cessa de traîner son élève derrière lui à l’abord de la falaise. Un vertige le prit lorsque le jeune homme laissa ses yeux s’égarer dans le vide qui s’étendait plus bas. Les paroles de Tarik lui revinrent en mémoire :

Je t’invite simplement à ne pas t’approcher des bords de la falaise. Un accident peut si vite arriver…

Zuko déglutit et, malgré lui, recula d’un pas. Il n’oserait tout de même pas…Pas en présence d’Aang…
Ce dernier semblait avoir perçu le malaise de l’Avatar, mais d’une façon quelque peu différente :

« Une vue impressionnante, n’est-ce pas ? Lorsque tu seras à même de voler, tu pourras la savourer sans la craindre. Mais il va te falloir du temps, beaucoup de temps…

-Je n’ai pas le temps ! Rétorqua Zuko d’un ton venimeux. Au cas où vous l’auriez oublié, mon père est sur le point de rassembler ses armées et de détruire l’ensemble des autres nations !

-Zuko, tout cela ne dépend que de toi. Ta réussite en méditation te permettrait d’accélérer considérablement les choses… »

Ou l’enseignement de Tarik…Si Aang n’y voit que du feu, je pourrais partir d’ici au plus vite.

« J’aimerais te proposer une leçon un peu spéciale, mon cher élève.

-Une leçon…spéciale ? »

Zuko redoutait déjà le pire. Et le pire fit son apparition.

« Une leçon ludique, placée sous le signe de l’amusement ! S’exclama le vieux moine en sortant de sous sa tunique une balle de cuir. »

Désespéré, le prince frappa son front du plat de sa main. Mais pourquoi, pourquoi, parmi tous les maîtres de l’air existant sur cette planète avait-il dû tomber sur ce vieux cinglé ?

« Je ne vois pas en quoi jouer au ballon m’apprendra la maîtrise de l’air. »

Aang se contenta de sourire, avant de lui envoyer la balle. Nonchalamment, Zuko se prépara à l’attraper. Cependant, le ballon avait été envoyé avec plus de force qu’il ne l’avait prévu…
Zuko fut projeté en arrière et, si Aang n’avait pas usé de son pouvoir pour le maintenir en pesanteur, l’Avatar se serait écrasé des kilomètres plus bas. Cette pensée le rendit fou de rage :

« Mais qu’est-ce que vous avez, tous, à vouloir me tuer dans ce monastère de dingues ? C’est votre façon d’enseigner ? Combien d’élèves sont morts depuis que vous êtes Maître ? »

Aang posa Zuko à terre avant de faire mine de réfléchir :

« Je dois compter les morts accidentelles ou pas ? Parce que ça me permettrait de faire un chiffre rond ! »

Devant l’air horrifié du Prince, Aang s’empressa d’ajouter :

« C’est une plaisanterie. De l’humour. H-U-M-O-U-R. »

Les yeux de Zuko étincelèrent de colère, ce qui poussa le moine à déclarer :

« Visiblement, ça ne fait pas partie de l’apprentissage royal…Enfin...

-Votre humour est vraiment douteux.

-J’ai appris auprès d’un Maître de l’eau, un de mes amis. Un certain Hakoda, vraiment hilarant.

-Ravi de l’apprendre. Sinon, pour la leçon… ? 

-J’allais oublier. Revenons à nos bisons : je voudrais te proposer une petite partie d’Airball ! »

Zuko haussa un sourcil, intrigué.

« D’Airball ?

-Le sport favori des Maîtres de l’air. Il nécessite dextérité, précision et un certain sens de l’équipe. La maîtrise de l’air est essentielle aussi, bien qu’elle ne soit pas indispensable.

-Et qu’est-ce que vous espérez que j’apprenne durant ce stupide jeu ? Une vraie leçon serait plus productive !

-Tu en es sûr ? »

Zuko n’en démordit pas et hocha la tête. Un comportement auquel Aang semblait s’attendre, au vu du petit sourire qui s’était étiré sur ses lèvres.

« Tarik ! »

Le jeune moine sortit alors des fourrés dans lesquels il s’était dissimulé. Il n’y avait plus quelconque trace de compassion dans ses yeux. Seulement une lueur vicieuse, rehaussée par le sourire machiavélique affiché sur son visage. Donnait-il le change par rapport à Aang ou avait-il réellement recouvré toute sa haine à son égard ? Zuko n’aurait su le dire…

« Je vais réunir deux équipes pour une partie d’Airball. Mène Zuko jusqu’au terrain et explique-lui les règles en chemin. Les vraies règles, Tarik ! Ajouta-t-il devant l’expression particulière du moine. »

Celui-ci laissa transparaître une pointe de déception avant de se ressaisir. Il regarda Aang partir avec une vitalité impressionnante avant de se tourner vers Zuko :

« Tu n’as pas écouté mes avertissements. »

Prudemment, Zuko s’éloigna du bord de la falaise et adopta une posture de défense.

« Tu comptes m’attaquer ? Ne te gêne pas. Je meurs d’envie de te faire mordre la poussière. »

Tarik éclata de rire :

« De bonnes réactions, disciple. Tu as immédiatement fui le danger et cherché une situation qui serait à ton avantage. Ça pourrait te sauver la vie. En tout cas, tant que tu ne te mesureras pas à moi…Ajouta-t-il ensuite d’un ton mortellement sérieux. »

Zuko hocha la tête, acceptant silencieusement le défi que lui proposait le garçon. Prochainement, ils s’affronteraient…Et l’Avatar n’était absolument pas prêt à céder la victoire.
Tarik lui fit signe de le suivre et Zuko s’exécuta. D’un ton peu amène, le jeune moine commença à expliquer les règles de l’airball. Cela n’avait pas l’air très compliqué : un gardien par équipe, les joueurs qui tenteront de marquer des buts à travers des anneaux de bois…Simple comme bonjour.
Zuko eut la nette sensation qu’il allait stupidement perdre son temps et cela l’agaçait prodigieusement. Tarik, lui, semblait plutôt joyeux, ce que Zuko ne trouvait pas très rassurant. Le bonheur de son jeune maître avait l’air de dépendre presque entièrement de son propre malheur…Avait-il préparé quelque chose ?
Finalement, ils arrivèrent devant le terrain d’airball. Et le prince déchu ne put que rester bouche bée devant le spectacle qui se présentait à lui : des centaines de piliers de bois, d’une taille et d’une largeur différentes, avaient été planté dans le sol. Une dizaine d’adolescents, dont deux arboraient la flèche caractéristique des Maîtres de l’air, virevoltaient entre les différents poteaux, usant de leurs pieds et mains pour se stabiliser et se projeter vers le pilier de leur choix. Les deux Maîtres de l’air semblaient parfaitement à leur aise. Ils volaient littéralement d’un bout à l’autre du terrain et marquaient des buts d’une force impressionnante.
Un coup de sifflet d’Aang, qui les observait à distance, suffit pour les arrêter. Tous les jeunes moines se dirigèrent vers Tarik et Zuko et s’inclinèrent religieusement devant ce dernier. Celui-ci ne broncha pas, se contentant de chercher le Vénérable Aang des yeux, un Aang tout feu tout flamme qui semblait impatient de commencer le match.

« Très bien, tout le monde est là ! Pour cette partie, nous avons exactement quatorze joueurs. Fyren et Kaïn seront tous deux capitaines et constitueront leur équipe. Déclara-t-il en désignant les deux Maîtres de l’air. Vous pouvez choisir vos partenaires. »

Kaïn fut le plus rapide des deux et s’exclama immédiatement qu’il voulait l’Avatar. Un geste que son homologue commenta avec un ricanement dédaigneux :

« Mauvais choix, Kaïn. L’Avatar n’est même pas capable d’entrer en méditation, comment voudrais-tu qu’il maîtrise suffisamment l’air pour faire un bon joueur d’airball ? Il va seulement t’handicaper. Moi, je prends Tarik.

-Avec plaisir, Fyren. Je suis enchanté de pouvoir me mesurer à l’Avatar lui-même. »

Le regard noir que lui lança Tarik indiqua à Zuko que ce match n’allait sans doute pas être de tout repos. Il allait devoir rester sur ses gardes…

« C’est un honneur que de jouer à vos côtés, Avatar. Déclara Kaïn après avoir choisi les membres qui constituaient son équipe. »

Zuko se contenta d’un hochement de tête pour toute réponse, peu désireux de s’étendre sur ce sujet délicat que constituait son rang, mais cela suffit visiblement à satisfaire le jeune Maître de l’air. Zuko le dévisagea longuement. Le crâne rasé surmonté de la flèche bleue des Maîtres, les yeux verts pétillants de bonté et le sourire calme et apaisé, Kaïn avait tout du moine parfait. Au regard protecteur et aimant qu’Aang lui adressait, l’Avatar devina qu’il avait vu en ce jeune homme son successeur. Fyren, lui, semblait plus impulsif. L’aura qui émanait de lui n’avait pas la troublante et néanmoins impressionnante sérénité que possédait celle de Kaïn. Zuko songea alors que Tarik et lui formaient une bonne paire, à l’exception près que Fyren semblait mépriser ceux qui n’étaient pas d’un niveau semblable ou supérieur au sien, catégories auxquelles Tarik ne pouvait se targuer d’appartenir.

« Avatar Zuko ? »

Ce dernier revient alors à la réalité et se tourna vers le capitaine de son équipe.

« Le match va commencer. Si vous voulez bien me suivre… »

Kaïn lui offrit son aide pour atteindre le sommet d’un pilier mais Zuko s’y refusa. Il grimpa jusqu’à atteindre son but, essoufflé mais persuadé d’avoir conservé un minimum de dignité.

« Très judicieux de votre part, Avatar. A présent, vous êtes épuisé ! S’exclama Fyren d’un ton narquois.

-Cela suffit, Fyren. Le réprimanda Aang. Le match va pouvoir commencer. Il ne manque plus que…Ah, le voilà ! »

Iroh, son éternelle tasse de thé à la main, était venu les rejoindre. Il adressa un geste enthousiaste à son neveu qui n’y répondit que mollement :

« N’oublie pas, Zuko, l’essentiel, c’est de participer ! La victoire n’importe pas !

-Des paroles de perdants…Siffla perfidement Fyren. »

Zuko vit rouge. Lui, un perdant ? Il ne laisserait pas passer cet affront !

« Je compte bien gagner ce match, Fyren !

-C’est beau, l’espoir, mais ça n’apporte rien d’autre.

-Restez fair-play et courtois. C’est un sport, cela n’a d’autre enjeu que le divertissement. Se mêla Aang devant cette querelle futile. »

Il demanda aux équipes de se placer chacune dans leur terrain. Puis il déposa le ballon sur le pilier central, s’éloigna et donna un coup de sifflet. Aussitôt, tous se précipitèrent. L’équipe de Fyren, les rouges, fut la première à obtenir la balle, grâce à l’impressionnant saut de son capitaine. Il ne la garda toutefois que très peu, Kaïn, capitaine de l’équipe bleue, s’étant interposé et ayant réussi à récupérer le ballon en utilisant sa maîtrise de l’air pour déséquilibrer son adversaire. Il lança la balle vers Zuko. Celui-ci, non sans difficultés, traversa une petite parcelle de terrain, évoluant entre les différents piliers du mieux qu’il le pouvait. Il finit cependant par passer la balle à un de ses coéquipiers, assailli qu’il était par la majorité de ses adversaires. Tandis que son partenaire faisait une passe à Kaïn et que ce dernier s’élançait dans les buts, Zuko profita de cette brève pause pour jeter un coup d’œil à Tarik. Celui-ci se déplaçait tranquillement entre les poteaux, sans la légèreté caractéristique aux autres moines mais avec toutefois suffisamment d’agilité et de vitesse pour rivaliser avec eux. Il ne le quittait pas du regard et son expression était d’une effrayante neutralité. Zuko n’était pas en mesure de deviner ses intentions…Mais il devinait qu’elles n’avaient rien de bonnes.
Des exclamations de joie lui indiquèrent que son équipe avait marqué le premier but. Fyren ruminait de rage tandis que Kaïn affichait le même sourire serein, masque paisible qui semblait perpétuellement accroché à son visage.

« Vous vous débrouillez très bien, continuez comme ça ! S’exclama-t-il alors que ses joueurs revenaient sur leurs positions. »

Ces derniers adressaient des sourires reconnaissants à Kaïn, visiblement très populaire auprès de ses camarades.
Zuko ne s’attarda pas là-dessus, préférant se concentrer sur le jeu. Certes, il avait déclaré que ce sport était stupide et qu’il préférait un enseignement normal…Mais une fois impliqué, il était intenable. Il devait gagner ! Peu importe ce que son oncle disait, seule la victoire comptait ! Et il la remporterait, il en était persuadé.
Aang siffla une nouvelle fois et le jeu reprit. Sous le commandement brutal et bruyant de Fyren, les rouges semblaient avoir regagné confiance et énergie et ils se déchaînèrent pour atteindre l’autre bout du terrain. Fort heureusement, l’équipe bleue réussit à les contenir et, par un étrange hasard, Zuko se retrouva en possession de la balle. Temporairement. Tarik se propulsa vers lui et saisit le ballon d’une seule main, lui murmurant rapidement à l’oreille :

« Tu ne sortiras pas vivant de ce match… »

Puis Tarik posa le pied sur un des piliers et se projeta vers les buts de l’équipe bleue. Hurlant avec rage et hargne, il jeta la balle, une balle si puissante qu’elle traversa le mur défensif et alla directement traverser le cercle de bois qui constituait le but de l’équipe bleue. Ses coéquipiers le félicitèrent, sous les regards désapprobateurs d’Aang et de Kaïn. Zuko, lui, était bien plus tourmenté par la déclaration de son adversaire que par l’égalisation soudaine. Tu ne sortiras pas vivant de ce match…
Qu’avait-il prévu ? Que comptait-il faire ? Comment pourrait-il s’en défendre ?
Perché en équilibre sur ces piliers, sans ses sabres qu’il avait dû laissés sous ordre de son oncle dans leur embarcadère à présent perdue dans les flots, Zuko se sentait affreusement vulnérable. Il ne voulait pas avoir à user de la maîtrise du feu contre Tarik. Ce n’était pas digne d’un Avatar…
La balle était dans leur camp. Avec l’accord de toute l’équipe, Kaïn la passa à Zuko, un geste qui déstabilisa ce dernier.

« Je risque de vous handicaper…

-Avatar Zuko, votre oncle a raison. L’important n’est pas la victoire. Cette partie s’est déroulée pour vous permettre d’entraîner votre maîtrise. Je ne peux que me plier à cela. »

Devant l’air un peu coupable de Zuko, Kaïn s’empressa de rajouter :

« Ne vous inquiétez pas pour moi. Je me fiche de l’issue de ce match. Le seul qui y accorde réellement de l’importance, c’est Fyren. Il s’imagine que Maître Aang l’estimera plus de cette manière… »

Kaïn soupira en observant son gesticulant adversaire :

« Il a reçu les marques, mais il a encore tellement à apprendre…Enfin, nous ne sommes pas là pour discutailler. Continuons à jouer ! »

Zuko opina du chef et, la balle en main, s’élança. Les défenseurs de l’équipe adverse firent alors de même, Tarik en tête. Celui-ci se projeta vers Zuko et lui prit le ballon d’un geste négligé. Un geste qui dissimulait une Maîtrise de l’air. Instantanément, Zuko, sous la force du vent qui s’était mis à souffler dans sa direction, perdit l’équilibre. Impuissant, il ne put que constater sa propre chute, incapable d’user de la moindre maîtrise pour l’en empêcher. Kaïn s’était précipité pour l’aider, de même qu’Aang, mais ils ne furent pas assez rapides. La tête de l’Avatar heurta le sol avec violence et ce dernier s’évanouit sous le choc.

*

Zuko ouvrit ses yeux qu’il avait fermés par réflexe. Il ne ressentait pas la moindre douleur. S’en était-il sorti ? C’était un miracle !
Il se remit rapidement sur pieds et se précipita vers les autres pour les rassurer. Mais aucun d’entre eux ne leva son regard vers lui. Aucun, si ce n’est son oncle, Iroh. Et ce fut un regard songeur et un peu triste, bien éloigné du soulagement qu’il s’attendait à lire dans ses yeux. Zuko en fut quelque peu vexé :

« Eh bien quoi, mon oncle ? Vous auriez préféré que je meure ? »

Iroh soupira. Puis, d’un signe discret, lui indiqua une direction que le jeune homme suivit du regard. Et ce fut avec stupéfaction qu’il observa son propre corps, étendu sur le sol. Un filet de sang perlait de ses lèvres et la blessure sur son crâne s’était ouverte à nouveau, couvrant son visage d’hémoglobine. Zuko déglutit. Une vue bien peu agréable…et surtout incompréhensible. Comment pouvait-il… ?

« Le monde spirituel ! Réalisa-t-il alors. »

Mais bien sûr ! L’Avatar était une passerelle entre les deux mondes. Son inconscience et le danger mêlés avaient dû provoquer cette incursion soudaine. Restait à savoir comment réintégrer son corps…Pour le moment, il n’en avait pas très envie. Blessé comme il l’était, cela ne lui apporterait que souffrance. Et, visiblement, son nouvel état le rendait invisible aux yeux des autres…excepté de son oncle. Pourquoi n’en profiterait-il pas ?
Iroh se précipita aux côtés de neveu, profitant de cette course pour murmurer au Zuko spirituel :

« N’agis pas stupidement. Le monde spirituel est bien trop sacré pour que tu te permettes un quelconque acte irréfléchi.

-Pour qui me prenez-vous, mon oncle ? S’exclama Zuko, agacé du manque de confiance d’Iroh. »

Celui-ci ne répondit pas, se contentant de s’asseoir auprès du corps de l’Avatar. Zuko préféra s’éloigner quelque peu de cette vision bizarre et s’approcha de Tarik. Celui-ci affichait une expression étrange, à mi-chemin entre la déception et l’inquiétude. Ce dernier sentiment étonna l’Avatar. Après avoir tenté de le tuer, s’enquerrait-il de son état ?
Puis il comprit. A l’instant même où Aang s’approcha de Tarik, chacun de ses gestes imprégnés d’une colère sévère et justifiée, il sut que la seule chose qui préoccupait Tarik était la réaction de son maître. Il avait trahi leur promesse…

*

Laissant son corps aux bons soins d’Iroh et de Kaïn, Zuko s’était empressé de suivre Aang et Tarik. Ceux-ci étaient retournés à la maison d’Aang, ce dernier tenant fermement la main d’un Tarik mi-honteux mi-furieux

« Vous pouvez me lâcher, je sais parfaitement marcher seul ! Je ne suis plus un enfant !

-Tes actes ne me prouvent pas le contraire, Tarik. Rétorqua Aang d’une voix glaciale. »

Zuko, bien que simple esprit, eut l’impression que des frissons le traversaient de part en part. Il n’aurait jamais imaginé que le moine puisse être aussi furieux…Mais il l’était. Cela n’était pas une explosion de colère ni même une violence quelconque. Non. C’était une déception terrible, matinée de peur et d’amertume.
Aang fit s’agenouiller son disciple, claquant la porte derrière lui. Zuko, non sans dégoût, n’eut aucun mal à la traverser et à se retrouver dans la pièce.

« J’imagine que tu es particulièrement fier de toi, Tarik. Fier d’avoir failli tuer l’Avatar.

-Je ne le suis pas. Murmura rageusement le jeune homme. »

Il remuait dans tous les sens, ne parvenant pas à garder la position que son maître lui avait imposée. Cependant, ce dernier se chargeait de le remettre à sa place chaque fois qu’il tentait de trouver une position plus confortable. Zuko comprit que l’agitation dont faisait preuve Tarik n’était pas simplement due à sa proximité ou à la haine qui semblait le tourmenter en permanence. Elle était maladive, incontrôlable…Et en le forçant à rester dans une seule et unique position, sans même pouvoir bouger un orteil, Aang lui faisait subir la plus terrible des punitions. D’ailleurs, Tarik commençait à ne plus se sentir très bien. Sa respiration s’accélérait progressivement et son teint bronzé pâlissait à vue d’œil…

« Si, tu l’es. Tu te congratules et tu te dénigres dans le même temps. Si l’Avatar n’avait pas manifesté cette chose que je ne peux appeler Maîtrise de l’air, il serait mort, tué par la violence du choc. »

Il avait usé de sa maîtrise ? Zuko ne s’en rappelait pas. Cela lui parut quelque peu ironique. Celui qui avait tant voulu le tuer avait involontairement sauvé sa vie…Il aurait presque eu pitié de Tarik pour cela.
Ce dernier, saisi de tremblements spasmodiques, ne semblait plus être très cohérent, comme en témoignaient ses propos :

« J’devais le tuer…Il m’a pris ma sœur, ma mère et mon père…Il leur a fait du mal…

-Tarik, il n’a rien fait à ta famille. Tu ne l’avais jamais rencontré jusqu’à il y a très peu de temps. Ce n’est pas lui qui t’a fait tant de mal.

-Les Maîtres du feu…Ils devraient crever…Je leur ferais ce qu’ils m’ont fait…Ils méritent pas de vivre…Vous pouvez pas les laisser vivre… »

Tarik s’agitait de plus en plus, mais la Maîtrise d’Aang suffisait à le maintenir dans sa position. Incapable d’expulser son trop-plein d’excitation, Tarik devenait pitoyable. Ses yeux s’exorbitaient et arboraient une folle lueur, un filet de salive coulait le long de sa bouche et son corps tout entier se secouait de tremblements…A cette vue, Zuko comprit enfin qu’il n’aurait jamais dû assister à cette scène. Qu’il ne pourrait plus jamais regarder Tarik de la même façon.
Aang avait raison. Il ne devait pas le considérer avec haine. Il ne pouvait pas.
Le vénérable Aang prit la main de Tarik et le libéra de son emprise. Celui-ci s’empressa de quitter sa position et enlaça de toutes ses forces son maître, secoué de sanglots et de tremblements.

« Tarik, je veux que tu comprennes que tu as fait une chose grave. Très grave. Tuer quelqu’un n’est pas anodin. Tuer l’Avatar aurait condamné tous les peuples de ce monde à vivre sous la coupe de la Nation du feu. Tu ne peux pas te donner le droit de dispenser vie et mort de cette façon.

-Mais eux l’ont fait…

-Tu n’as pas à te rabaisser à leur rang, Tarik. Tu leur est infiniment supérieur. Prouve-le-leur. »

Tarik ne s’apaisait pas. Ses sanglots étaient de plus en plus déchirants. Zuko ne voulait pas voir ça mais il ne pouvait détacher ses yeux de ce spectacle ni boucher ses oreilles, fasciné par ce qui se jouait devant lui.

« Tarik, je sais que tu as appris à Zuko ta Maîtrise de l’air. »

Ces paroles parvinrent à calmer quelque peu Tarik, qui se détacha promptement de son Maître et baissa les yeux, refusant de croiser son regard :

« Je me suis dit que plus vite il partirait, plus vite je pourrais m’occuper de lui…Une fois sorti du Monastère, j’aurais pris sa vie. Comme eux ont pris celle de ma famille !

-Tarik, tous les Maîtres du feu ne sont pas comme ceux auxquels tu as dû te confronter. Certains sont bons, meilleurs que tu ne l’es ou que je ne le suis. Zuko est quelqu’un de bien.

-Il est le seigneur de ces dégénérés. Je ne lui ferais jamais confiance, jamais ! »

Aang soupira à cette réponse et Zuko fit de même. Si ça continuait comme ça, il risquait d’avoir ce malade à ses trousses durant le reste de son apprentissage. Ça ne lui faciliterait pas la vie, pour sûr.

« Tu n’avais pas à te mêler de mon enseignement. Je sais ce qui est le meilleur pour lui. Et les techniques que tu lui enseignes n’ont rien de bonnes. Absolument rien.

-Sans elles, il n’aurait pas survécu à ce qui est arrivé aujourd’hui ! Lança perfidement Tarik. »

Tiens, il l’avait compris lui aussi ? Cela n’avait pas l’air de l’atteindre autant que Zuko le pensait…
Aang ignora dédaigneusement son argument, se contentant de déclarer :

« Tu t’imaginais peut-être que je n’y verrais que du feu, que je songerais seulement que mes leçons avaient portées leur fruit ? Tu me déçois, Tarik. Tu m’as trahi et m’a considérablement méprisé. Tu me déçois tellement… »

A l’instant où de nouvelles larmes perlèrent sur les joues du jeune moine, Zuko sut qu’il était maintenant temps pour lui de retourner à son corps. Il n’aimait pas ce qu’il avait découvert. Il n’aimait pas avoir de la compassion pour son ennemi. C’était…anormal. Il n’avait pas à avoir pitié de lui ! Tarik voulait le tuer, il se défendrait, voilà tout ! Mais…Mais il était malade. Malade et désespéré.
Zuko, tourmenté comme jamais, retourna à son corps. La dernière vision qu’il eut du monde spirituel le troubla davantage. Les contours irréguliers d’une silhouette, visiblement celle d’un garçonnet, chevauchant un dragon et déclarant d’une voix enfantine :

« C’est pas bien d’espionner les gens, Avatar ! »

*

Zuko se réveilla en sursaut, couvert de sueur et endolori de partout. Il ne laissa pas le temps à son oncle de s’inquiéter de son sort et régurgita le contenu de son estomac dans la bassine située à ses côtés. Iroh ne parut pas s’étonner de cette réaction.

« Je t’avais prévenu, mon neveu. Il y a des choses qu’il vaut mieux ignorer…

-Mon oncle…Vous saviez ? »

Sa vue était trouble et ses mouvements maladroits. Ce choc au crâne avait eu bien plus de conséquences qu’il ne le pensait…
Iroh offrit une gorgée d’eau à son neveu et l’invita à s’allonger à nouveau, ce que Zuko accepta sans discuter. Il avait la tête si lourde…Et le reste de son corps criait sa souffrance à un point presque insupportable.

« Je ne sais rien de l’histoire de ce jeune garçon. Mais j’ai vu, au premier coup d’œil, qu’il souffrait terriblement et qu’il valait mieux ne pas s’interroger davantage à son sujet. Du moins, tant qu’il ne nous aurait pas invité à le faire…

-Il ne l’aurait jamais fait.

-Et alors ? Ne regrettes-tu pas le savoir que tu as acquis si indiscrètement ? »

Zuko ne répondit pas. Bien sûr qu’il le regrettait. C’était bien plus aisé de haïr quelqu’un quand il n’avait pour nous ni passé ni faiblesses…A présent, il ne pouvait guère plus le considérer qu’avec une certaine miséricorde.

« Tu aurais voulu qu’il sache tout de ton passé ? Tu n’aurais pas dû lui faire subir ce que tu ne voulais pas toi-même connaître, Zuko.

-Je sais. Cette leçon, vous me l’avez répété un nombre inca…incalculable d’fois. Bredouilla-t-il, agacé. »

Le choc qu’il avait subi influait également sur son élocution. Zuko espérait que cela ne durerait pas. Quel prince, quel Avatar serait-il s’il était incapable de s’exprimer convenablement ?

« Pas assez pour que tu la retiennes visiblement. Enfin…Repose-toi. Tu en as besoin. Il va te falloir du temps pour guérir complètement.

-Encore du temps d’perdu…Gémit Zuko, désespéré.

-Pas si tu l’exploites à bon escient. »

La voix qui avait déclaré celle-là appartenait Aang. Derrière lui se trouvaient un Kaïn pour le moins préoccupé et un Tarik penaud, qui cherchait le regard de Zuko. Celui-ci le refusa. C’était au-dessus de ses moyens…

« Ta convalescence te permettra d’entraîner ta méditation. J’ai eu tort de croire que je pouvais t’enseigner quelques mouvements basiques sans que tu ne réussisses la première étape. Désormais, tu te consacreras entièrement à la méditation. Kaïn te guidera et te soignera. »

Celui-ci s’inclina, se confondant en excuses :

« J’aurais dû être plus prompt à la réaction…J’aurais pu empêcher votre chute ou prévenir le geste de Tarik, rien de tout cela ne serait arrivé…

-C’est bon. Se contenta de murmurer Zuko, épuisé. »

Il n’était pas en état de contredire le moine culpabilisant. Il voulait juste dormir…Il était épuisé…

« Tarik a quelque chose à te dire. »

Aang poussa ce dernier vers Zuko, qui peinait à garder les yeux ouverts. Tarik se dandina quelques instants, ouvrit la bouche…puis la referma. Puis il profita d’une occasion pour s’enfuir à toutes jambes de l’infirmerie dans laquelle Zuko avait été amené, sous les regards consternés d’Aang et Kaïn.

« Ce n’est pas encore gagné…Constata le dernier en soupirant. »

Zuko cessa alors de lutter. Il ferma les yeux, se laissait emporter par les vagues de l’inconscience. Cette fois-ci, son esprit ne rejoignit pas le monde spirituel. Il en avait déjà assez vu…

 

 

 

 

Laisser un commentaire ?