Avatar, le Maître du feu

Chapitre 3 : L'accord

Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:16

Chapitre 2 :  L’accord

Le vénérable Aang, après une discussion des plus passionnantes avec Iroh au sujet du thé et du Paï Sho, un jeu beaucoup trop compliqué aux yeux de Zuko qui préférait mille fois s'entraîner plutôt que de se creuser les méninges et de risquer une migraine persistante, avait décidé de leur faire visiter le temple.
Le temple de l'air Austral, ainsi était-il nommé. Zuko et Iroh avaient longuement débattu avant de finalement jeter leur dévolu sur ce lieu précis. Le temple de l’air Occidental, auxquels tous deux avaient de prime songés, était situé beaucoup trop près de la Nation du Feu et trop facilement accessible. Ils auraient été immédiatement débusqués…et les Nomades de ce temple exterminés.
Zuko priait pour que son enseignement se déroule suffisamment rapidement pour que ces moines-ci ne soient pas pris pour cible. Il avait déjà fait tant de mal…
Plongé dans ses pensées, Zuko ne put voir le sourire mesquin qui s’était étiré sur les lèvres de Tarik. Pas plus que son discret mouvement de main, qui déclencha un violent souffle de vent dans les jambes de l’Avatar et le fit rencontrer un peu trop brusquement le sol.
Alertés par le bruit de la chute, Iroh et Aang se retournèrent vers lui, tandis que Tarik affichait un air satisfait et méprisant.

« Zuko, tout va bien ? »

Hargneux, ce dernier ne répondit pas à son oncle, se contentant de bondir sur ses pieds et de se précipiter vers Tarik, pointant un doigt menaçant vers celui-ci.

« Qu’est-ce qui te prends de faire ça ?

-De faire quoi ? Tu ne vas quand même pas m’accuser de ta maladresse ! Non content de t’imposer chez nous et de nous mettre en danger, tu vas jusqu’à offenser tes invités ! Mais où sont donc tes manières princières, Zuko ? »

Tarik avait articulé son prénom en y déversant toute la haine du monde, un venin auquel l’Avatar ne pouvait que goûter sans parvenir à en comprendre les fondements.  

« Je sais très bien que tu es coupable, Tarik ! J’ai senti le vent qui m’a fait trébucher.

-Zuko, pauvre poupée de porcelaine, que le moindre souffle suffit à briser…Et c’est toi qui est censé restaurer l’équilibre de notre monde ? Quelle déception. »

Un élan de rage s’empara de Zuko et des flammes apparurent au bout de ses doigts. Tarik, le regard sombre, avait dégainé son bâton, prêt à attaquer. Cela n’arriva pas.
Avec autorité, Iroh et Aang s’interposèrent entre les deux adolescents au sang trop chaud.

« Prince Zuko, je te pensais suffisamment digne pour passer au-dessus de ces stupides querelles. Ai-je eu tort ? »

Sous la calme et noire réprimande de son oncle, Zuko baissa la tête, s’excusant auprès de ce dernier. Il refusa cependant d’en faire de même avec Tarik, trop furieux contre celui-ci et ses attaques qu’il jugeait gratuites.
Aang, à voix basse, s’entretenait lui-même avec le jeune homme qui, les poings serrés et l’expression furieuse, ne semblait pas vouloir accorder le dernier mot à son Maître. Ce qu’il fit malgré tout, après quelques paroles basses et un regard lourd de reproches. Lui non plus ne parvint pas à s’excuser, sans doute trop orgueilleux pour se le permettre.
De concert, Aang et Iroh soupirèrent. Le premier se décida finalement à déclarer :

« Je suis conscient que nous ne pouvons tous parfaitement nous entendre. Toutefois, ce lieu est un lieu de paix et de sérénité, où les conflits se règlent par le dialogue et non par la violence primaire. Je ne vous demande pas d’être amis, simplement de vous supporter l’un l’autre. Scellons cet accord par une virile poignée de main ! »

Zuko adressa un regard désabusé au vieux moine, qui paraissait tout à fait convaincu de la légitimité et de l’efficacité de sa démarche. Le monde dans lequel il vivait devait être bien doux et naïf…
Tarik fut le premier d’entre eux à tendre la main. Après une brève hésitation, Zuko se décida à la serrer.

« Vous promettez de ne plus vous battre ? Demanda Aang avec un grand sourire. »

Tarik et Zuko se jaugèrent un instant et comprirent en même temps que cette promesse qu’ils allaient faire ne serait pas tenue.

« Je le jure. Répondit Zuko. »

Du moins, tant qu’il ne m’attaque pas…Songea-t-il ensuite.

Zuko n’aimait pas mentir et c’était pour cette raison qu’il se refuserait à provoquer le jeune moine. Mais, après tout, il n’avait pas stipulé qu’il ne pouvait pas se défendre…Et il avait clairement vu Tarik croiser les doigts de son autre main, tandis qu’il déclarait lui-même qu’il ne se battrait pas.

Quelle puérilité…

La visite se poursuivit sans encombre. Tarik et Zuko marchèrent aussi loin que possible l’un de l’autre, le premier se perdant dans ses mystérieuses pensées, le second s’efforçant de calmer le feu enragé qui s’était allumé dans son âme en écoutant les explications de leur guide improvisé. Zuko ne retint pas grand-chose de la visite, excepté l’instant où ils parvinrent aux écuries. Des écuries qui abritaient l’une des créatures les plus étranges qu’il avait été donné à l’Avatar de voir.

« Ce sont des bisons volants. Indiqua Aang avec une douce expression. Les premiers Maîtres de l’air et des amis pour la vie. Le mien est ici. Il se nomme Appa. »

Il pointa son doigt vers une énorme créature blanche, qui, aux yeux de Zuko, ressemblait étrangement à son Maître. Une flèche bleue, semblable à celle qui trônait sur le front d’Aang, s’étalait sur le crâne de ce bison. Endormi, il ronflait de façon très bruyante et ne se réveilla pas lorsqu’Aang le caressa.

« Les années ont passé et Appa, tout comme moi, a beaucoup vieilli. Il ne peut presque plus voler. Mais le bison de Tarik le peut, lui. »

Zuko et Iroh se tournèrent vers ce dernier, qui les ignora superbement et se dirigea vers une autre partie de l’étable, vers une autre créature, qui aurait pu paraître en tous points semblable à Appa si elle n’avait pas été plus petite.

« Elle s’appelle Reya. Se contenta de dire Tarik avant de lui flatter l’encolure et de l’emmener à l’extérieur. »

Tous trois le regardèrent partir et un nouveau soupir s’échappa de la gorge d’Aang. Zuko, lui, fut plus expressif et son pied frappa avec violence une botte de foin, qui vola en morceaux.

« Pour qui il se prend ? Je ne lui ai rien fait, à ce que je sache ! Pourquoi m’agresse-t-il comme ça, aussi gratuitement ?

-Zuko, reste calme. Lui intima son oncle.

-Mais je suis calme ! S’époumona l’Avatar. »

Son courroux exprimé, ce dernier mit quelques instants à s’apaiser, son souffle ne daignant que difficilement à reprendre un rythme normal. Aang eut alors un rire :

« Maintenant, tu l’es. Mais, je t’en prie, n’en veux pas à Tarik. Je ne veux pas que tu le considères avec colère, animosité ou dédain.

-Ah bon ? Et je dois le traiter comment ? Lui donner du « Monseigneur » et le laisser me piétiner avec joie ?

-Zuko, pas d’insolence. 

-Pardon, mon oncle. Mais je ne vois pas…

-J’aimerais que tu songes à lui avec indulgence. »

Zuko s’interrompit dans son raisonnement à l’instant même où Aang prononça cette phrase. L’incompréhension le saisit et il ne sut que lui répondre. Le moine s’apercevant de ce fait, il continua :

« Avant d’arriver ici, Tarik a connu nombre d’épreuves qui ont chacune durci son cœur et noirci son âme.

-Il pense être le seul à avoir eu une enfance difficile ? Contrairement aux apparences, la mienne ne fut pas idyllique et je n’agresse pourtant pas toutes les personnes qui croisent ma route ! »

Iroh toussota mais le cessa bien vite quand il croisa le regard noir de son neveu, préférant s’intéresser de près à Appa.

« Je ne peux et ne veux te raconter ce qui lui est arrivé. Je lui ai juré de garder le secret et je ne trahis jamais un serment. Sache simplement qu’il a ses raisons pour agir de cette façon, même s’il ne s’agit pas des meilleures. »

Zuko serra les poings mais abdiqua. Très bien. Ne pas le considérer avec colère, mais avec pitié…Avec indulgence…
Bon sang, Tarik lui sortait tellement par les yeux ! Ça lui était impossible !
Néanmoins, il réitéra sa promesse de ne pas le provoquer ou chercher la bagarre, promesse dont Aang décida de satisfaire.

« Vous devez être épuisés. Je vais vous préparer un repas et vous pourrez vous reposer. Nous commencerons ton entraînement cet après-midi, jeune Avatar. Ton apprentissage de la maîtrise de l’air ne fait que commencer… »

Zuko hocha la tête, déterminé à le réussir. Puis il suivit Aang, observant avec amusement la joie qui s’était peinte sur le visage de son oncle lorsque le moine avait annoncé le repas. Lui-même, à dire vrai, mourrait de faim…
Zuko ne fut pas vraiment surpris lorsqu’il constata que les autres moines, les enfants y compris, le dévoraient des yeux, le fixant d’un regard où se mêlaient respectueuse déférence et franche curiosité. En tant que Prince, il avait l’habitude de ce genre de traitement, bien que cela continuait à l’embarrasser. Sa peau, il en avait parfaitement conscience, devait avoir pris une intéressante teinte grenat. Il fut heureux et soulagé lorsqu’ils parvinrent tous trois aux appartements d’Aang. Pas très longtemps. Tarik les y attendait. Visiblement, il partageait la chambre du vieux moine et ne semblait pas apprécier que l’on tente de s’y immiscer. Il leur tourna résolument le dos, ne répondant que d’un bref « elle se dégourdit les pattes » lorsqu’Aang lui demanda ce qu’il avait fait de Reya.
En sifflotant, Aang prépara le repas, acceptant volontiers l’aide d’un Iroh enthousiaste, tandis que Zuko et Tarik évitaient consciencieusement de se regarder dans un silence des plus pesants.  Un silence que Tarik ne paraissait pas supporter et qu’il finit par briser en entraînant Zuko à l’extérieur, adressant un sourire rassurant au regard inquiet que lui avait lancé Aang.
Tarik mena Zuko jusqu’à un lieu tranquille, une cache fournie par un immense rocher derrière lequel tous deux s’adossèrent. Le jeune moine fut le premier des deux à parler :

« J’ai fait une promesse à Maître Aang, alors je ne la trahirais pas. Je t’invite simplement à ne pas t’approcher des bords de la falaise. Un accident peut si vite arriver…

-C’est une menace ?

-Un simple avertissement, Prince Zuko. Ce serait tout de même dommage qu’un bête coup de vent vienne à te précipiter en bas et mettre fin à ta quête.

-Je ne t’ai rien fait, Tarik ! Qu’est-ce qui te pousse à m’en vouloir de cette façon ? »

Tarik se tut et les remous de colère qui s’agitaient dans ses yeux noirs laissèrent place à une profonde tristesse. Il baissa la tête et Zuko aurait juré voir une larme rouler sur sa peau brune.

« Tu ne peux pas comprendre. Sa Majesté le futur Seigneur du feu, le Prince Zuko, l’Avatar, vivant dans des sphères trop hautes pour percevoir la misère, tu es incapable de saisir ce que je peux ressentir. »

Une senteur agréable parvint jusqu’aux deux garçons, leur signalant que le repas était prêt. Tarik s’éloigna et Zuko le suivit, muet, ne sachant que répliquer à ce demi-aveu que le garçon avait concédé à lui faire.
Tarik s’arrêta dans sa marche. Puis il s’approcha de l’Avatar et, au creux de l’oreille, lui murmura :

« Je ne te pardonnerai jamais, ni aux tiens, ce que vous m’avez fait subir. Prends garde à toi, car à l’instant même où tu auras cessé d’être hébergé dans ce temple, je n’aurais cesse de te pourchasser. »

Sur ces paroles, Tarik rejoignit les appartements d’Aang, laissant un Zuko aussi médusé que furieux face à cette menace que le jeune moine n’avait même pas pris la peine de voiler. Il ne fut ramené à la réalité que lorsque son oncle l’appela et il s’efforça alors d’étouffer ses tourments en remplissant sa panse des délicieux mets que le vieux moine, aidé d’Iroh, leur avait concocté.

*

L’après-midi arriva bien vite et, avec elle, la première leçon de Zuko, à laquelle Iroh, une tasse de thé à la main, avait été convié à assister. Une leçon de méditation. Celle-ci était dispensée par Aang et ils étaient dix à la suivre, dix jeunes personnes. Parmi elles se trouvait Tarik, l’expression aigrie, qui montrait aussi peu d’enthousiasme que possible à l’idée de suivre ce cours.
De sa voix douce et calme, Aang les invita à s’asseoir en tailleur, ce que tous firent. Principalement concentré sur Tarik, Zuko remarqua que ce dernier semblait agité de nombreux tics nerveux et ne cessait de changer de position.

« Faites le vide dans vos esprits. Laissez à leurs places les souvenirs désagréables et les émotions les plus négatives et ne songez plus qu’à permettre à la sérénité la plus complète de vous pénétrer et de se diffuser dans chacune des parties de votre corps et de votre âme. Fermez les yeux. »

Zuko s’exécuta. Tant bien que mal, il s’efforça de suivre les indications précises et claires du vieux moine. Mais, s’il percevait parfaitement leur fonctionnement théorique, Zuko était bien incapable de les mettre en pratique. Ne pas songer aux mauvais souvenirs ? Oublier sa colère, son chagrin, le sentiment d’impuissance qui lui étreignait si douloureusement le cœur ? Comment pouvait-il seulement y parvenir ?
Bientôt, la simple obscurité dans laquelle ses paupières l’enfermaient fit s’insinuer dans son être une angoisse terrible. Devant ses yeux défilaient tour à tour chacun de ses pires souvenirs, chacun de ses regrets, chacune de ses erreurs passées. Ne tenant plus, Zuko ne put que rouvrir les yeux, le souffle court, le cœur battant à vive allure. Les autres enfants ne paraissaient avoir aucun problème à se plonger dans cet état. Tous, sauf Tarik. Ce dernier, les paupières frémissantes et les mains spasmodiques, luttait visiblement pour garder les paupières closes et tenter d’entrer en méditation. Sans surprise, il échoua et ce fut dans un état semblable à celui de Zuko qu’il sortit de son essai raté de méditation. Les yeux brillants, la lèvre tremblante, il paraissait presque plus atteint par cette expérience que ne l’était lui-même Zuko. Leurs regards se croisèrent. Puis se fuirent, à nouveau. Mais Zuko avait eu le temps de lire une nouvelle émotion dans les yeux de Tarik, qui avait remplacé un court instant la haine : l’interrogation.
Zuko, plusieurs fois, tenta de plonger à nouveau dans cet état de méditation, sous le regard encourageant de son oncle, mais ne cessa d’échouer. La leçon s’acheva sans qu’il eut seulement l’impression d’avoir appris quelque chose. Une sensation qui l’enrageait littéralement et qu’il confia, d’une voix emplie de contrariété, à son oncle et au vieux moine. Le premier se montra rassurant, tandis que le second, quoique toujours de cette même voix aimable, se montra un peu plus critique :

« Avatar Zuko, la méditation est le centre de la maîtrise de l’air. Si tu ne parviens pas à entrer dans cet état, la maîtrise dont tu disposeras ne sera que superficielle, bien éloignée du potentiel qui sommeille en toi.

-Que dois-je faire, Maître ? Je n’y comprends rien…J’essaie de faire abstraction de mes sentiments, j’essaie sincèrement, mais…

-Je ne doute pas de ton zèle, Zuko, nullement. Je crains seulement que tes émotions ne finissent par dominer de façon permanente ta raison. Si cela venait à arriver, la maîtrise de l’air te resterait à jamais étrangère. »

Zuko serra les poings, aussi furieux contre lui-même que contre le vieux moine qui, bien que non coupable de son échec, l’énervait grandement de par sa tranquille assurance et ses conseils qui semblaient couler de source pour lui mais étaient en vérité totalement obscurs à ses propres yeux.

« Que voulez-vous que je fasse, alors ? Que j’oublie mon passé ? Ma famille ? Ce qui fut autrefois ma vie ? »

Aang secoua la tête.

« Notre enseignement ne dispense ni l’oubli ni la fuite. Il invite simplement ses adeptes à considérer les choses…d’une autre manière.

-De quelle manière ? Je ne comprends pas. »

Aang posa sa main sur l’épaule de Zuko, sous le regard complice d’Iroh.

« Tu dois apprendre à avoir une certaine distance face à tes souvenirs. Que ces derniers restent pour toi de simples souvenirs et ne nourrissent pas ton être de regrets, reproches ou culpabilité, ces sentiments qui ne feront que te freiner, sans jamais te permettre d’avancer. »

Iroh serra alors la main de Zuko dans la sienne et l’invita à observer le firmament :

« Comme le ciel se purifie de ses nuages pour nous offrir le soleil, tu dois savoir écarter tes pensées les plus noires pour entrer en méditation. Le ciel n’efface pas les nuages, il ne fait que les repousser…temporairement.

-Je n’aurais pas trouvé meilleure comparaison ! S’exclama Aang avec un petit sourire. Ni poétique, je n’ai pas vraiment une âme lyrique.

-C’est une chose qui s’apprend aisément avec le temps et quelques efforts, mon ami. D’ailleurs, vous ai-je déjà mentionné les travaux de… »

Sentant venir une conversation dans laquelle il n’aurait nullement sa place, Zuko préféra s’éloigner pour repenser à ce que le Maître et son oncle lui avaient suggéré.
Se purifier de ses mauvaises pensées…Il n’était pas certain d’y parvenir. Celles-ci étaient les seules qui daignaient se manifester en son esprit et il n’était pas sûr d’avoir eu la moindre pensée positive depuis bien longtemps. Comme pour le détromper, le souvenir de la nuit qu’il avait passé dans la grotte avec Iroh apparut dans sa mémoire. S’adossant contre un mur, Zuko fit naître entre ses doigts une nouvelle flamme et la contempla pensivement. L’espoir…Cette chose à la fois si fragile et si forte…
Comme le moindre coup de vent suffisait à faire vaciller ce feu, une seule de ses pensées était nécessaire pour que l’espérance s’éteigne. Le visage de son père, celui de sa mère ou encore celui d’Azula…
Il laissa la flamme mourir dans sa paume, réfléchissant à la manière qui lui permettrait d’écarter suffisamment ses pensées pour entrer en méditation.

« Se purifier… »

*

« Je suis vraiment idiot. »

Vêtu en tout et pour tout d’un pantalon de toile, immergé jusqu’au torse dans une eau tiède et claire, Zuko se baignait, ses longs cheveux noirs détachés, tombant sur ses épaules et s’égarant jusqu’à la courbure de ses reins. Il avait décidé de prendre la parole du moine à la lettre et d’emprunter leurs bains naturels pour se vider l’esprit ou, tout du moins, se changer les idées. L’Avatar plongea et surgit de l’eau dans un mouvement gracieux, sa chevelure imprimant ses mouvements avant de reprendre de façon brouillonne sa place initiale, quelque peu emmêlée.
Puis Zuko nagea sur le dos, laissant ses pensées dériver, invité à la somnolence par le silence apaisant qui régnait dans cette eau que lui seul habitait. Il ferma les yeux. Pour les rouvrir aussitôt. Ces images s’étaient à nouveau imposées à lui, sans qu’il ne parvienne à s’en débarrasser. Zuko poussa un soupir. Visiblement, ça ne fonctionnait pas.
Le jeune homme tenta de relativiser. Peu après que la discussion d’Iroh et d’Aang se soit terminée, ce dernier avait commencé à lui enseigner les rudiments de la maîtrise de l’air. Ses manifestations restaient très peu puissantes et complètement hors de contrôle, mais elles avaient le mérite d’exister. Aang avait assuré qu’une fois qu’il serait parvenu à entrer en méditation, son pouvoir se stabiliserait et, par la même occasion, deviendrait plus fort. Qu’il ne lui faudrait que peu de temps pour y arriver. Restait seulement à réussir cette fichue méditation…
Soudainement, Zuko sentit une force terrible l’écraser. Malgré lui, son corps plongea dans l’eau et il fut incapable de remonter à la surface, entraîné dans le fond par cette puissance de source inconnue. Zuko but la tasse et s’étouffa, tentant vainement de se débattre contre cette attaque inattendue. Alors que sa vue commençait à se troubler et son souffle à sérieusement lui manquer, un tourbillon se créa dans l’eau, dissipant la force écrasante et permettant à Zuko de remonter immédiatement et extrêmement rapidement à la surface.
Les jambes flageolantes, toussant et crachant, ce ne fut qu’avec une demi-surprise que le Prince vit Tarik, son bâton pointé vers lui, une expression indéchiffrable dessinée sur son visage.

« Mais…t’es complètement…cinglé !

-Toi qui réussissais à peine à faire vaciller une feuille par ta maîtrise, voilà que tu es parvenu à créer un tourbillon et à t’élever dans les airs. Tu ne me remercies pas ? »

Pour toute réponse, Zuko lui adressa un regard noir. A son étonnement le plus total, Tarik lui tendit une main pour l’aider à rejoindre le bord. Il la refusa et y parvint par ses propres forces. Il ne put toutefois s’empêcher de lui demander la raison de ce revirement.

« Ne te fais pas d’illusions, Prince Zuko, je te déteste toujours autant. Seulement, j’ai constaté que ton cœur avait connu trop de tourments pour se laisser aller au repos. Tu es le premier que je rencontre qui a une réaction pareille à la méditation…Une réaction semblable à la mienne. »

Tarik poussa un soupir et finit par tendre une serviette à Zuko, qui se décida à l’accepter, plus par nécessité que par bonté d’âme.

« Maître Aang se trompe en jugeant que la maîtrise de l’air s’acquière en faisant fi de ses émotions. J’en suis la preuve vivante. »

Tarik se tut, comme s’il attendait que Zuko fasse une quelconque remarque. Ce que ce dernier ne fit pas, plus préoccupé par le fait qu’il avait manqué de mourir par la noyade que par l’idée de tenir une conversation correcte et polie. Le jeune moine finit par reprendre :

« La première fois que ma maîtrise s’est manifestée, j’étais dominé par la peur. Mon âme était un véritable bouillonnement d’émotions diverses et terribles. J’ai alors manipulé l’air. Je n’y étais jamais parvenu auparavant, je n’avais pas connaissance de ce potentiel.

-Pourquoi tu me dis ça ? »

Tarik se tourna vers Zuko, profondément déterminé :

« Je n’ai rien d’un nomade de l’air, si ce n’est la maîtrise. Je ne parviendrais jamais à devenir un véritable Maître de l’air et à obtenir le tatouage fléché qui découle de cet état de fait. Je ne le veux pas, de toute façon. »

Il passa une langue gourmande sur ses lèvres tandis que ses yeux se mirent à briller d’une lueur friande :

« Le goût de la chair animale m’est trop précieux pour y renoncer éternellement. Les Maîtres de l’air ne sont pas carnivores. »

Tarik parut manifester une certaine déception face au manque de réaction de Zuko, allergique au sens de l’humour, en particulier s’il venait de son ennemi. Tarik toussota.

« Quoi qu’il en soit, la méthode de Maître Aang est, à mes yeux, beaucoup trop longue. Sans compter qu’elle dépend entièrement du fait que tu parviendras à entrer en état de méditation, ce à quoi, j’en suis persuadé, tu n’arriveras jamais. »

Zuko se leva brusquement, toisant Tarik de toute sa hauteur. Pas très longtemps. Car Tarik lui-même se releva et l’Avatar ne put que constater que celui-ci le dépassait d’au moins deux têtes. Un état de fait qui renforça d’autant plus sa colère.

« Ne cherche pas à protester, Prince Zuko. Je n’y arrive pas, tu n’y arriveras pas. Nous sommes plus semblables que nous ne le croyions.

-Je ne suis pas comme toi.

-À ta guise. J’ai moi-même du mal à me comparer à un nabot enflammé dans ton genre, mais je suis capable de faire taire mon ego, de temps en temps.

-Espèce de…

-Chut. La promesse. »

Bien que l’envie d’étriper ce fichu moine envahissait violemment Zuko, celui-ci réussit difficilement à la réprimer, songeant à la déception de son oncle s’il venait à manquer à sa parole :

« Très bien. Ça ne m’explique pas pourquoi tu as essayé de me tuer.

-Je n’ai pas essayé de te tuer. Si je l’avais fait, tu ne serais plus de ce monde depuis longtemps. J’ai fait en sorte que tes mécanismes de défense s’activent.

-Mes mécanismes de défense ?

-Ta maîtrise. Lorsque tu te trouves en danger, elle se manifeste. Elle se fie à tes émotions, perçoit la peur, l’impuissance, la colère…et réagit. Tu avais maîtrisé l’air, dernièrement, ce qui explique que ce soit ce pouvoir-là qui soit apparu. Ce n’en est que mieux pour nous.

-Pour nous ? Qu’est-ce que tu racontes ? »

Tarik prit le menton de Zuko entre ses doigts et lui susurra d’une voix perfide, tout en l’observant d’un regard destructeur et mortel :

« Il y a longtemps que je souhaite détruire les gens de ton espèce, Prince Zuko. Ton oncle et toi serez les premiers et certainement pas les derniers. Mais, pour cela, vous devez partir d’ici, afin que je puisse moi-même me détacher de Maître Aang, renoncer à la voie moniale et rompre mon serment. Je vais accélérer ton apprentissage. Ta maîtrise de l’air ne sera pas aussi puissante qu’elle pourrait l’être grâce à la méditation, mais elle sera suffisante pour justifier ton départ et me permettre d’arriver à mes fins. »

D’un geste violent, Zuko repoussa la main de Tarik, cachant derrière un masque hargneux le doute qui s’était emparé de son esprit. Il n’était pas certain de pouvoir entrer en méditation. Baser la restauration de l’équilibre du monde entier sur une supposition…Il ne pouvait se le permettre. Bien que cela lui déplaise singulièrement, il n’avait pas le choix. Il devait apprendre auprès de Tarik. Apprendre cette maîtrise de l’air peu orthodoxe…

« Très bien. Je te suis sur ce coup-là. Mais sois sûr que je ne te laisserai pas me défaire, une fois l’apprentissage terminé. »

Tarik hocha la tête.

« Ça tombe bien. J’ai horreur de la facilité. »

Une nouvelle fois, ils se serrèrent la main. Un accord, un véritable accord cette fois-ci, était conclu.
Tandis que Tarik commençait à lui expliquer les modalités de sa propre maîtrise de l’air, Zuko ne put s’empêcher de se demander s’il avait fait le bon choix. Mais cette pensée-là, contrairement à d’autres, fut bien aisée à écarter.
Ainsi débuta l’apprentissage de Zuko, sa première journée au sein des nomades de l’air.

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