L'Héritage des Ombres : Le Souffle de la Résistance

Chapitre 17 : Doutes

4455 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/07/2024 13:42

Frédérico humait l'odeur de la peinture fraîche et des boiseries dans l'atelier de Leonardo da Vinci. La pièce était un capharnaüm créatif, remplie d'esquisses, de modèles réduits et de diverses inventions en cours de construction. Il s'y sentait à l'aise, loin des complications de la vie familiale et des exigences de l'Ordre des Assassins.


« Frédérico, tiens cela stable pendant que j'ajuste ce levier », demanda Leonardo, les mains couvertes de graisse et de suie.


Ils travaillaient ensemble sur une machine volante, inspirée par le vol des oiseaux et les écrits anciens du Codex d'Altaïr. Frédérico tenait une pièce de bois tandis que Leonardo resserrait des boulons.


Avec un clic final, Leonardo recula pour admirer leur travail. « Allons-y, mon garçon. Libérons cette créature des cieux ! »


Frédérico activa le mécanisme. Pour un instant, la machine prit vie, ses ailes s'étendant avec un espoir presque palpable. Puis, avec un craquement sinistre, une pièce céda, et l'appareil s'effondra dans un amas de bois et de toile.


« Ah, la calamité ! » s'exclama Leonardo, mais il souriait, ses yeux brillant d'une curiosité insatiable. « Échouer, c'est simplement une autre manière d'accumuler des données, Frédérico. Chaque erreur nous rapproche de la vérité. »


Frédérico sentit une main chaleureuse se poser sur son épaule et regarda Leonardo. Le génie renaissance lui offrait une leçon inestimable, bien au-delà des machines et des mécanismes.


« Je comprends, Maestro », dit Frédérico, touché par la sagesse de l'homme.


Juste à ce moment, Antonio, un autre apprenti de Leonardo, entra dans l'atelier. Ses yeux rencontrèrent ceux de Frédérico, et un sourire secret passa entre eux. Leur relation était récente mais intense, une flamme discrète dans les ombres de la Renaissance.


Après le départ d'Antonio, Leonardo remarqua le visage tendu de Frédérico et posa ses outils. "Tu as l'air préoccupé, mon jeune ami. Quelque chose te pèse ?"


Frédérico hésita, puis s'assit sur un tabouret, la tension évidente sur son visage. "C'est mon père, Maestro. Depuis l'échec de sa dernière mission... ma mère a failli y perdre la vie. Et maintenant, elle est enceinte. Je ne sais plus comment voir mon père."


Leonardo s'approcha, une lueur de compréhension dans ses yeux. "Ah, le fardeau d'être un fils. Nous regardons nos pères comme des titans, invincibles. Et quand nous découvrons qu'ils sont humains, c'est comme si le sol se dérobait sous nos pieds."


"Exactement. Et maintenant, ma mère porte un autre enfant dans un monde déjà si dangereux. Il a mis en danger notre famille, notre mère... et la future vie qui grandit en elle."


"Les hommes comme ton père portent le poids du monde sur leurs épaules, mais cela ne les rend pas infaillibles," dit Leonardo. "Il lui arrive de fléchir sous le poids, tout comme n'importe qui. Il est crucial de se rappeler qu'il est un homme avant tout, avec ses failles et ses erreurs."


Frédérico baissa les yeux, les paroles de Leonardo résonnant en lui, mais une certaine colère s'éveillant également. "Mais comment puis-je concilier cela avec le héros que j'ai toujours imaginé ? Surtout quand je pense qu'il a abandonné ma mère alors qu'elle me portait moi, et maintenant il reste alors qu'elle en porte un autre ?"


Leonardo posa ses outils et le regarda, sérieux. "Le temps a un moyen de changer les gens, Frédérico, souvent pour le meilleur. Peut-être que ce nouveau chapitre dans la vie de tes parents est une chance pour eux de réécrire certaines des erreurs du passé."


Frédérico leva les yeux, plein d'émotion contenue. "Je souhaite que ce soit le cas, Maestro. Mais pour l'instant, je ne sais pas si je peux, ou si je veux, pardonner."


Leonardo hocha la tête, acceptant la complexité du sentiment de son jeune ami. "Et peut-être n'as-tu pas à le faire maintenant. Le pardon, comme l'art, ne peut pas être forcé. Il doit venir naturellement, en son propre temps."


"Je suppose," murmura Frédérico, incertain mais légèrement apaisé.


Leonardo reprit ses outils. "Maintenant, au travail. Ce ciel ne se conquerra pas tout seul."


Frédérico se leva, les émotions toujours en ébullition à l'intérieur de lui. Alors qu'ils se remettaient au travail, il ne put s'empêcher de penser que, quelles que soient les batailles à venir, il était loin d'être prêt à les affronter avec une totale sérénité. Mais peut-être, avec le temps, il pourrait au moins trouver un chemin vers la compréhension.


-


La soirée avait quelque chose d'électrique, mêlant l'élite intellectuelle et artistique de Rome dans un ballet de conversations érudites et de rires contenus. Les lumières tamisées rendaient l'atmosphère presque magique, mais Frédérico était surtout concentré sur Antonio, qui se tenait à ses côtés.


"Tu as entendu parler du nouveau projet de Leonardo ?" chuchota Antonio en lui tendant un verre de vin.


"Une machine volante, n'est-ce pas ? Fascinant." Frédérico sourit, mais ses yeux étaient troublés. Antonio semblait le remarquer, mais ne dit rien, préférant partager un moment de proximité silencieuse. Ils savaient tous deux que leur relation devait rester dans l'ombre, en cette époque peu indulgente.


Soudain, un murmure traversa la salle, déplaçant l'air comme une bourrasque imprévue. La foule s'écarta pour laisser passer Cesare Borgia, dont la seule présence pouvait geler une pièce. À son bras, une femme voilée que Frédérico reconnut immédiatement, malgré le déguisement. Isabella. Sa sœur.


Il sentit un vertige le saisir, le sol semblant se dérober sous ses pieds. Ses mains se crispèrent sur son verre, à deux doigts de le briser.


Antonio sentit la tension et chuchota à son oreille : "Frédérico, tout va bien ?"


Frédérico força un sourire. "Je crois que je n'ai pas le choix."


Il voulait aller voir Isabella, lui demander ce qu'elle faisait avec un homme aussi dangereux que Cesare Borgia. Mais il ne pouvait pas. Elle était sous couverture, et dévoiler sa véritable identité la mettrait en danger.


Il se tourna plutôt vers un groupe voisin, qui murmurait à propos de la "nouvelle conquête" de Cesare Borgia.


"Vous avez vu sa nouvelle maîtresse ? Une beauté exotique, dit-on."


"Oui, mais quel est son jeu ? S'associer à Cesare n'est jamais sans risque."


Chaque mot était un coup de poignard dans le cœur de Frédérico. Il était hors de l'Ordre depuis un moment, éloigné des missions et des complots. Il n'avait aucune idée que sa propre sœur était maintenant impliquée à ce point, surtout avec un homme comme Cesare Borgia.


Frédérico sentait qu'il devait partir, avant de perdre complètement son sang-froid. "Je crois que j'ai besoin d'un peu d'air," murmura-t-il à Antonio.


"Je te comprends," répondit Antonio, jetant un dernier regard vers Cesare Borgia et la femme à son bras. "Rentrons, alors."


Après avoir quitté la soirée, Frédérico et Antonio se retrouvèrent dans la sécurité d'un appartement discret, éloigné des oreilles indiscrètes et des regards inquisiteurs. Antonio alluma quelques bougies, créant une atmosphère apaisante, et se tourna vers Frédérico. Mais l'image de sa sœur aux côtés de l'ennemi hantait Frédérico. Il savait que des décisions difficiles l'attendaient, des choix qui pourraient changer à jamais le destin de sa famille et peut-être même de Rome elle-même.


"Tu semblais ailleurs ce soir. Veux-tu en parler ?"


Frédérico hésita. Combien pouvait-il vraiment partager sans mettre en danger l'homme qu'il aimait ?


"Disons que j'ai vu quelqu'un que je n'espérais pas voir, surtout pas dans ces circonstances," dit-il enfin, choisissant ses mots avec soin.


Antonio s'approcha, les yeux pleins de compréhension et d'une certaine inquiétude. "Quelqu'un de ta famille ?"


"Peut-être," répondit Frédérico, son regard trahissant plus qu'il ne l'aurait voulu.


Antonio prit ses mains, les serrant doucement. "Tu sais, dans ce monde d'art et de politique, nous avons tous nos secrets. Certains plus lourds que d'autres. Tu n'as pas à tout me dire, mais sache que je suis là pour toi."


Frédérico sentit une chaleur l'envahir, allégeant un peu le fardeau qu'il portait. Il leva les yeux vers Antonio et dit : "Je ne peux pas tout révéler, mais je peux dire ceci : ma vie, notre vie, pourrait être en danger si certaines vérités étaient découvertes."


Antonio l'attira dans une étreinte. "Alors nous garderons ces vérités pour nous, cachées dans l'ombre, comme notre amour."


Frédérico se laissa aller dans les bras de l'homme qu'il aimait, se sentant enfin en paix, même si ce n'était que pour un bref instant. Ce moment leur appartenait, un havre dans un monde de plus en plus complexe et dangereux.


"Merci, Antonio," murmura-t-il. "Ton amour est la lumière qui guide mon chemin, même dans les moments les plus sombres."


Et dans cette pièce éclairée à la lueur vacillante des bougies, leurs lèvres se rencontrèrent en un baiser doux mais passionné, comme pour sceller une promesse silencieuse de rester unis, quelles que soient les épreuves à venir.


-


Après avoir fermé la porte de l'appartement derrière lui, Frédérico se retrouva dans la rue obscurcie par la nuit, éclairée seulement par la lumière sporadique des lanternes suspendues. Son cœur était lourd. Antonio, son doux Antonio, ne savait rien des turbulences qui le traversaient en cet instant, et c'était peut-être mieux ainsi. Sa relation avec Antonio était le seul endroit où il trouvait la paix, et il ne voulait pas y importer le chaos qui s'agitait en lui. Il accéléra le pas, la brise nocturne frappant son visage alors qu'il s’engouffrait dans les ruelles labyrinthiques de Rome, se dirigeant vers le QG des Assassins.


Lorsqu'il atteignit les murs austères et les couloirs de pierre, il eut la sensation de pénétrer dans une forteresse. Sa marche se fit plus rapide, son souffle plus court. Les paroles entendues plus tôt lors de la soirée chez les artistes et les intellectuels retentissaient encore dans son esprit. Des rumeurs, des murmures, mais venant de bouches qu'il savait bien informées. Sa sœur, sa propre sœur Isabella, était la nouvelle maîtresse de Cesare Borgia, leur ennemi juré.


Il dévala les couloirs, esquivant habilement un novice qui portait une pile de parchemins, jusqu’à arriver aux jardins. Là, dans ce sanctuaire verdoyant où les Assassins trouvaient souvent un moment de quiétude, il la trouva. Isabella était assise sur un banc de pierre, le visage levé vers la lune, semblant chercher dans son éclat une forme de réconfort ou de guidance. Elle venait si souvent ici qu’il avait été sûr de la trouver. Mais cette fois, ce n’était pas pour un moment complice que le jeune homme marchait vers sa sœur. 


"Isabella," lâcha-t-il, sa voix serrée comme un poing.


Elle sursauta légèrement avant de tourner la tête vers lui. Son visage s'éclaira d'abord en reconnaissant son frère, mais ce sourire initial s'évanouit rapidement, remplacé par une expression d’inquiétude et de confusion.


"Qu'est-ce qui se passe, Frédérico ?" demanda-t-elle, percevant les vagues de tension qui émanaient de lui.


"Comment peux-tu ?" éclata-t-il, incapable de retenir plus longtemps la colère et la déception qui l'envahissaient. "Comment peux-tu devenir la putain d'un Borgia ?"


Isabella se leva d'un bond, ses yeux devenant durs comme l'acier. "Tu n'as pas le droit de me juger."


"Le droit ? J'ai tous les droits," hurla-t-il, sentant son propre visage s'enflammer sous le poids de ses émotions. "Nous sommes une famille, nous sommes des Assassins, et tu t’allies à notre ennemi le plus mortel !"


Isabella serra les poings, ses lèvres tremblantes. "Tu penses tout savoir, mais tu ignores tant de choses, Frédérico."


Tout était trop — les mots qu'il venait de dire, le poids des secrets, les barrières invisibles qui s'étaient érigées en quelques instants entre lui et sa sœur. C'était comme si un voile sombre avait été tiré sur leur relation, jetant une ombre sur tout ce qui était autrefois simple et clair. Dans cet instant précis, la trahison semblait éclater dans l'air, palpable, presque tangible.


C'est alors qu'Ezio fit son apparition, comme émergeant des ombres elles-mêmes. Ses yeux — ces yeux qui avaient vu tant d'années, tant de combats et tant de pertes — passèrent d'Isabella à Frédérico, évaluant la tension qui électrisait l'air.


"Assez, Frédérico," dit-il d'une voix qui portait la sagesse de l'expérience. "Tu n'es pas au courant de tout. Isabella a ses raisons."


"Des raisons ?" répliqua Frédérico, sa voix empreinte d'une colère indomptée. "Depuis quand trahir notre cause et notre famille a-t-il des 'raisons'?"


Ezio marcha vers Isabella et prit sa main comme s'il cherchait à construire un rempart physique autour d'elle. Puis, ses yeux fixèrent ceux de Frédérico avec une intensité déconcertante. "Si tu ne peux pas comprendre les complexités de ce monde, alors tu n'as pas ta place ici. Je ne laisserai pas ta colère mettre en péril ce que nous avons construit."


Cette déclaration d'Ezio agit comme une lame effilée transperçant la carapace de Frédérico. C'était comme si son père venait de remettre en question non seulement ses actions, mais aussi sa place au sein de cette lutte, de cette famille, de cet ordre ancestral. Les mots étaient tranchants, et ils avaient ouvert une plaie.


Il jeta un dernier regard vers sa sœur, une expression complexe où se mêlaient tristesse, déception, et une affection inconditionnelle. Puis, il se détourna brusquement et quitta les jardins. Il laissait derrière lui sa famille, mais aussi un poids — un fardeau composé de questions sans réponses, de doutes sans résolution.


Frédérico prit de la distance, s'enfonçant dans les recoins sombres du QG. Là, loin des regards, il se laissa consumer par ses pensées. Il avait toujours voulu protéger sa famille, servir la cause des Assassins avec honneur et fidélité. Mais ce soir, il sentait que sa foi en cette cause était ébranlée. Son cœur était lourd de questions auxquelles il n'avait pas de réponses, son esprit tourmenté par des doutes qu'il ne pouvait apaiser. Dans le silence de cette nuit romaine, sous un ciel obscurci par les ombres de la ville, Frédérico se tenait là, un homme déchiré, un Assassin en quête de sa véritable place dans un monde qui devenait de plus en plus complexe.


Restée seule avec son père, Isabella serra la main qui enlaçait ses doigts et murmura. "Tu es en colère contre moi, papa ?"


Ezio la considéra attentivement, ses yeux creusant profondément dans ceux de sa fille. "Je ne suis pas en colère, Isabella. Mais je suis préoccupé. Très préoccupé."


Elle détourna le regard, ses yeux se posant sur les feuilles vertes qui les entouraient. "Je suis en mission, tu le sais. Et cette mission m'a amenée près de Cesare Borgia. Je ne devrais rien ressentir pour lui, et pourtant..."


Ezio l'interrompit, sa voix douce mais sérieuse. "Cesare est un homme dangereux, Isabella. Pas seulement pour notre famille, mais pour le monde entier. Il est l'ennemi de tout ce que l'Ordre défend."


Isabella releva la tête, les yeux humides. "Je sais qui il est, papa. Et je sais qui nous sommes. Mais je n'ai pas choisi ce que je ressens. Je ne devrais rien ressentir, mais je ne peux pas m'en empêcher. C'est déroutant... et terrifiant."


Ezio s'approcha et la prit dans ses bras, comme s'il pouvait ainsi la protéger de ses propres émotions, de ses propres conflits. "L'amour ne choisit pas ses cibles, Isabella. Et parfois, il nous frappe quand et où on s'y attend le moins. Mais tu dois faire attention. Ces sentiments pourraient te rendre vulnérable, et en ces temps, c'est quelque chose que ni toi ni nous ne pouvons nous permettre."


Isabella serra les poings, ses ongles creusant dans la paume de ses mains. "Alors que suis-je censée faire ? Repousser ce que je ressens ? Pour le bien de la mission ? Pour le bien de l'Ordre ?"


Ezio se détacha d'elle, lui tenant les épaules et plongeant son regard dans le sien. "Je ne peux pas répondre à cette question pour toi. Tout ce que je peux te dire, c'est de faire attention. À toi-même, et à ce que cette mission signifie pour nous tous."


Isabella acquiesça, se sentant un peu plus ancrée. "Je t'aime, papa."


"Je t'aime aussi, Isabella," répondit Ezio, "et c'est parce que je t'aime que je dis ces mots. Sois forte, ma fille, mais ne te perds pas en chemin."


-


Ezio entra dans la salle d'entraînement, ses pas presque silencieux sur le sol de pierre. Il trouva Frédérico là, seul, déversant une violence concentrée sur un mannequin de bois usé. Chaque coup de sa lame était un éclair de fureur, chaque mouvement fluide une expression de sa colère rentrée. Les éclats de bois volaient, comme si chaque copeau était une manifestation physique de son ressentiment.


"Frédérico."


À l'instant où il entendit son prénom, Frédérico stoppa son assaut comme s'il avait été électrocuté. Il se tourna vers Ezio, son regard voilant à peine l'orage émotionnel qui grondait en lui. "Ezio."


"Nous avons besoin de parler. À propos d'Isabella," déclara Ezio, sa voix portant le poids de l'autorité et du souci parental.


"Ah, la 'putain des Borgia'?" rétorqua Frédérico, chaque mot chargé d'une amertume venimeuse.


Ezio avança, ses bottes martelant le sol avec une gravité qui reflétait l'expression de pierre sur son visage. "Tu ne parles pas de ta sœur de cette manière. Tu ne comprends rien à la situation."


"Je ne comprends rien?" Le regard de Frédérico était incandescent. "C'est moi qui ne comprends rien? Elle se couche avec l'ennemi, papa!"


Ezio s'arrêta à quelques centimètres de lui, saisissant ses épaules avec une force calculée. Il le secoua doucement, mais il n'y avait rien de doux dans la tension de ses muscles. "Tu penses que je ne suis pas conscient des enjeux? Je connais les risques, Frédérico, mieux que quiconque. Ta sœur est en mission, elle fait ce qu'elle pense être nécessaire."


"Et si ce qu'elle pense être 'nécessaire' nous met tous en danger?" Le jeune homme se dégagea violemment, sa voix montant d'un octave sous le coup de l'émotion.


Le visage d'Ezio se radoucit, ses yeux fixant ceux de son fils avec une intensité presque douloureuse. "Alors c'est à nous de la guider, de l'aider. Pas de la condamner. Nous sommes une famille, Frédérico. Et la famille se soutient, dans les bons et les mauvais moments."


Il y eut un moment de silence. Frédérico baissa les yeux, comme si la gravité des mots de son père l'avait enfin atteint. "Je ne veux pas qu'elle souffre à cause de ses erreurs. À cause de nos erreurs."


"Et elle ne le fera pas, si nous sommes là pour elle," répliqua Ezio, son propre corps semblant se relâcher, comme si un poids lui avait été ôté. "Réfléchis à tes actes, Frédérico. Réfléchis à ce que tu veux vraiment pour cette famille."


Sans ajouter un mot, Ezio se retourna et quitta la salle, laissant Frédérico seul dans la pénombre, en proie à un tourbillon d'émotions et de réflexions. Il restait là, son esprit en ébullition, mais sa lame enfin au repos.


-


Frédérico se trouvait sur un des toits de Rome, sa silhouette éclipsée par la lueur timide de la lune. De là, il avait une vue panoramique sur une ville en pleine ébullition, une métropole vivante et vibrante où se jouaient des intrigues qu'il avait du mal à déchiffrer. Sa cape flottait doucement dans le vent, ses pensées plus agitées que les rafales qui le caressaient.


Il pensait à sa sœur, à son père, à cette cause qui était la sienne mais qui semblait, à chaque instant, s'éloigner de lui. Était-ce le monde qui avait changé, ou était-ce lui? Frédérico se sentait à la croisée des chemins, déchiré entre son désir d'être fidèle à l'héritage de sa famille et cette impulsion presque irrésistible de questionner tout ce en quoi il avait toujours cru.


"Tu sembles perdu dans tes pensées."


La voix de Machiavel rompit le silence, claire et calme, à peine un murmure porté par le vent. Frédérico ne sursauta pas ; il avait senti sa présence bien avant qu'il ne parle.


"Machiavel," dit-il, son regard se posant sur l'homme qui venait de rejoindre son perchoir. "Je suis surpris de te voir ici."


"Les toits offrent la meilleure vue, non seulement sur la ville mais aussi sur soi-même," répondit Machiavel, s'approchant pour se tenir à côté de lui. "Alors, qu'est-ce qui trouble l'esprit de Frédérico Auditore ce soir?"


Frédérico soupira, cherchant les mots justes. "Je me demande si tout ce que nous faisons... tout ce sang versé, ces vies brisées... valent vraiment la peine."


Machiavel le regarda attentivement, ses yeux scrutant les profondeurs de l'âme du jeune homme. "Tu as des doutes. C'est humain. Mais souviens-toi que la cause est plus grande que n'importe lequel d'entre nous. Elle est même plus grande que nos erreurs et nos faiblesses."


Frédérico hocha la tête, mais ses yeux trahissaient toujours une certaine incertitude. "Et si nos erreurs causent plus de dommages que de bien?"


"C'est dans ces moments que nous devons nous soutenir, nous conseiller, et apprendre de nos actions," dit Machiavel, sa voix portant un ton de sagesse acquis au prix fort. "La cause des Assassins est comme une lame à double tranchant. Elle peut libérer mais aussi blesser. C'est à nous de veiller à ce qu'elle fasse plus de bien que de mal."


Frédérico le regarda, les mots de Machiavel résonnant dans le silence de la nuit, apaisant quelque peu les tempêtes intérieures qui le tourmentaient. Peut-être qu'il ne trouverait pas toutes les réponses ce soir, mais au moins, il savait qu'il n'était pas seul dans cette quête de vérité.


"Merci, Machiavel. Ton conseil m'est précieux," dit-il finalement, une nouvelle détermination naissant lentement en lui.


"Le doute est la première étape vers la sagesse," dit Machiavel, un sourire énigmatique sur son visage. "Mais il ne doit pas te paralyser. Tu as une famille, une cause, et toi-même à qui être fidèle. Ne l'oublie jamais."


Avec ces mots, Machiavel s'éloigna, disparaissant dans l'obscurité comme une ombre. Frédérico demeura sur le toit un moment encore, son regard fixé sur l'horizon, où le premier éclat de l'aube commençait à naître. Oui, il avait des doutes, mais il avait aussi une direction, et c'était plus que suffisant pour l'instant.


-


Dans la pénombre de sa chambre, entouré de parchemins et de livres, Machiavel se tenait devant un échiquier. Les pièces, sculptées avec précision, représentaient les différentes figures du jeu : les pions, les tours, les cavaliers, les fous, la reine et le roi. Chaque pièce, pensa-t-il, avait son propre rôle à jouer, sa propre importance, tout comme les membres de la famille Valentini-Auditore.


Il réfléchissait à la manière dont Arianna, la reine de cet échiquier particulier, manœuvrait avec soin et précision. Élégante mais redoutable, elle était le cœur et l'âme de la famille, sa puissance discrète mais indéniable irradiant à travers chaque décision, chaque mouvement. Elle était celle qui, malgré les épreuves et les tribulations, gardait l'unité de la famille, tout en étant prête à sacrifier pour le bien de tous.


Ezio, le roi. Moins mobile, mais crucial. Son rôle était de diriger, de donner un sens à la cause des Assassins, de maintenir la structure et l'ordre. Mais il était aussi vulnérable, sa force tirée non seulement de lui-même mais aussi de ceux qui l'entouraient. Sa relation compliquée avec Arianna ajoutait une couche d'incertitude, un enjeu émotionnel à la stratégie globale.


Puis il y avait Frédérico et Isabella, les tours de cet échiquier. Puissants, mobiles, capables de changer le cours du jeu avec un seul mouvement. Mais leur jeunesse et leur impulsivité pourraient aussi être leur faiblesse, leur incapacité à voir le tableau dans son ensemble pouvant conduire à des erreurs fatales.


Léonardo et Claudia, les fous, agissant en diagonale, imprévisibles, leurs mouvements étant souvent sous-estimés mais pouvant changer la donne lorsqu'on s'y attendait le moins.


"Mais qu'en est-il de moi dans tout cela ?" se demanda Machiavel. Était-il le joueur, manipulant les pièces pour un but plus grand ? Ou n'était-il qu'une autre pièce sur l'échiquier, son rôle déterminé par des forces qu'il ne pouvait ni voir ni comprendre ?


Machiavel déplaça une pièce sur l'échiquier, méditant sur le fragile équilibre de pouvoir, de loyauté et d'émotion qui constituait cette famille. Les Valentini-Auditore étaient comme ce jeu d'échecs, un ensemble complexe de mouvements et de contre-mouvements, chaque membre jouant son rôle dans une guerre plus grande que lui-même.


Et pourtant, le véritable défi, pensa Machiavel, n'était pas de jouer le jeu, mais de le comprendre. De savoir quand sacrifier et quand conserver, quand attaquer et quand défendre. La famille Valentini-Auditore, dans toute sa complexité, était une représentation en miniature de la lutte éternelle entre les Assassins et les Templiers, un échiquier sur lequel se jouait non seulement le destin d'une famille, mais peut-être même celui du monde.

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