Missing File - Timebomb
Chapitre 1 : Missing File
5340 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 07/12/2024 00:33
Lorsque Jinx inséra la bille d'Hextech dans sa bombe, elle ne ressentit ni doute ni peur. Elle était lasse de cette vie faite de pertes, d'abandons, et de fantômes qui la hantaient. Il fallait briser ce cycle. Après tout, le monde ne se porterait-il pas mieux sans elle ?
La mort d'Isha, l'enfant qu'elle considérait comme sa meilleure amie, comme une petite sœur, avait éteint la dernière étincelle de vie qui subsistait dans la coquille vide qu'elle était devenue.
Elle fit glisser son doigt dans le cercle, tira sur la goupille et ferma les yeux, prête à se laisser emporter par la vague noire qu'était la mort. Un nuage bleu s'échappa de la grenade.
- I know it's my fault that I'm here all alone -
- This world is a wasteland -
- Please let me go, go, go, go, go, go -
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Elle passa son doigt dans le cercle et, alors qu'elle allait tirer, une voix l'arrêta.
"Attends !" hurla une voix masculine.
Elle sursauta, ne s'attendant pas à trouver quelqu'un ici, encore moins maintenant. Elle tourna légèrement la tête pour le voir du coin de l'œil. Dans ses mains, la bombe continuait de clignoter.
"Je veux juste te parler," dit-il, les mains tendues dans un geste apaisant.
"Va-t'en, Ekko."
"Je veux juste..." commença-t-il, mais il ne put terminer sa phrase.
Jinx tira sur la goupille. Un nuage rose s'échappa de la grenade.
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Jinx fixa Ekko du coin de l'œil. La bombe clignotait toujours dans ses mains. Une plaie sur son arcade saignait légèrement.
"Je veux juste te parler, Pow..." Il s'interrompit brusquement et se corrigea : "Jinx."
Elle ne répondit pas, ses yeux froids fixant son visage. Sans un mot, elle tira sur la goupille. Un nuage rose s'échappa de la grenade.
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Jinx observa Ekko du coin de l'œil. Des gouttes de sang coulaient le long de son arcade, et il semblait à bout de souffle.
"Tu arrives trop tard, Ekko," murmura-t-elle d'une voix lasse.
"Attends !" cria-t-il en s'élançant vers elle.
Mais elle ne flancha pas. Jinx tira sur la goupille. Un nuage rose s'échappa de la grenade.
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Jinx fixa Ekko du coin de l'œil. Essoufflé, il s'appuyait sur une rambarde, le visage maculé de sang.
"C'est toujours une danse avec toi," dit-il, un sourire las sur les lèvres.
Ses mots l'intriguèrent. Il les avait prononcés avec une sincérité troublante, remuant une émotion qu'elle n'arrivait pas à nommer.
"Je vais m'asseoir une minute," reprit-il en se laissant tomber sur une des marches menant à l'hélice où elle se trouvait, "histoire de reprendre mon souffle. Et voir si je peux convaincre une vieille amie de ne pas nous faire sauter."
Il laissa échapper un rire faible, mais son regard était suppliant.
Jinx baissa les yeux vers la bombe, hésitant. Ses mains tremblaient. Elle réalisa qu'il ne méritait pas ça. D'un geste incertain, elle retira son doigt de la goupille.
"J'en ai marre de parler," murmura-t-elle avant de se laisser tomber en avant, plongeant dans l'immensité du vide qui semblait l'appeler.
Elle ferma les yeux, presque en paix avec elle-même.
"Non !" hurla Ekko, désespéré.
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"Tu sais, j'ai appris de quelqu'un..." commença Ekko, sa voix douce mais chargée d'émotion. Il s'était rapproché, n'étant plus qu'à une longueur de bras. Intriguée, elle releva les yeux vers lui.
Son visage semblait s'alourdir sous le poids du temps et des blessures, mais ses mots portaient une chaleur inattendue. "...de quelqu'un de très spécial..." ajouta-t-il, une tendresse évidente dans son regard. "Que peu importe notre passé, il n'est jamais trop tard pour créer quelque chose de nouveau."
Les yeux de Jinx glissèrent vers l'étrange machine qu'il portait en bandoulière. Des statuettes de singes se trouvait à l'intérieur.
Ekko remarqua son regard, baissa brièvement les yeux vers l'appareil, puis les releva vers elle, un sourire triste sur les lèvres.
"Quelqu'un pour qui ça valait la peine."
- If it weren't for you, I'd be here all alone -
- This world is a wasteland -
- Don't let me go, go, go, go, go, go, go -
- Don't let me go -
Elle inspira profondément. Ses mains tremblaient de plus en plus. Finalement, elle recula d'un pas, puis d'un deuxième. Des larmes silencieuses glissèrent le long de ses joues.
Des bras l'entourèrent avec force, comme un naufragé s'agrippant à une bouée, comme si elle était son salut. La bombe glissa de ses mains et tomba à ses pieds. Elle fut secouée par des sanglots incontrôlables, et à son tour, elle serra Ekko, son ami d'enfance, contre elle.
"Je ne t'abandonnerai plus jamais, Jinx," lui murmura-t-il à l'oreille.
"Je ne veux pas de ta pitié," répondit-elle, sa voix brisée.
"Ce n'est pas de la pitié. Je veux juste aider ceux qui comptent pour moi."
Il passa une main dans ses cheveux courts, effleurant ses épaules. Elle les avait visiblement coupés elle-même, sans se soucier du résultat. Sa main s'arrêta entre ses omoplates. Elle semblait si frêle, si fatiguée. Tout en elle témoignait de la souffrance qu'elle avait traversée : les pertes, les trahisons, les morts qu'elle avait vues.
Ekko sentit une vague de culpabilité l'envahir. Il ne se pardonnerait jamais de l'avoir laissée seule si longtemps. Il savait qu'au fond d'elle, Jinx n'était pas mauvaise. Elle était simplement le produit de circonstances tragiques.
"Et c'est qui qui t'a dit tout ça ?" demanda-t-elle, la voix tremblotante.
"Tout ça ?"
"Ce que tu as appris sur créer de nouvelles choses." Elle recula légèrement, essuyant son visage d'un geste maladroit. Du maquillage noir tachait maintenant ses mains. Il la regarda comme si elle était une poupée de porcelaine, fragile et prête à se briser au moindre geste.
Ekko resserra son étreinte et posa sa tête dans le creux de son cou.
"C'est toi..." répondit-il après un moment de réflexion.
"Moi ?"
"J'ai fait un rêve..." Il releva la tête pour croiser son regard. Ce moment d'intimité était rare, précieux. "Un rêve où tout était différent. Où tu étais différente. C'était beau, un paradis, presque. Je voulais y rester pour toujours, mais tu m'as dit : 'Parfois, pour avancer, il faut laisser des choses derrière soi.' Et j'ai su. Peu importe ce qui s'est passé, peu importe ce qui se passera, tu ne seras jamais ce que je laisserai derrière. Je ne t'abandonnerai pas. Plus jamais."
Sa main effleura son visage, recueillant une larme qui roulait sur sa joue.
"Et dans ton rêve... J'aimais toujours les singes ?" demanda-t-elle en esquissant un léger sourire, désignant la machine qu'il portait.
"Toujours," répondit-il avec un sourire.
"Un drôle de rêve, hein ?"
Ekko lui rendit son sourire avant de relâcher son étreinte. Elle croisa ses bras autour d'elle-même tandis qu'il l'accompagnait doucement jusqu'à la plateforme principale. Elle se laissa tomber sur un fauteuil placé devant un miroir brisé. Son regard évita son reflet, mais les dessins d'Isha accrochèrent ses yeux. Impossible de s'en détourner. Le poids de son absence alourdissait son cœur.
"J'étais prête à le faire, tu sais," murmura-t-elle.
"Faire quoi ?" demanda Ekko en cherchant un endroit où poser son manteau. Il garda cependant la machine sur lui, incapable de s'en séparer.
"À me faire exploser."
"Oh, je sais."
Il s'arrêta un instant, perdu dans ses pensées. L'idée de ce qui aurait pu se passer – s'il était arrivé trop tard, si quatre secondes avaient suffi – lui était insupportable. L'image de Powder, de l'autre dimension, hantait son esprit. Cette jeune fille brillante, prête à tout pour ceux qu'elle considérait comme sa famille, était encore là, quelque part en Jinx.
"Mais je te l'ai dit, je ne te laisserai plus jamais seule."
"Même pour aller uriner ?" rétorqua-t-elle avec un sourire espiègle.
"Quoi ?" s'offusqua-t-il.
Elle éclata de rire, un son mélodieux qui allégea un peu son cœur alourdi.
Ekko l'observa, son sourire s'élargissant. Il l'avait vue mourir trop de fois. Cette fois, il s'était promis de ne plus jamais la perdre.
La nuit était tombée, et Ekko n'avait pas quitté Jinx. Elle était allongée sur un canapé orienté vers lui, sous une tente, le regard perdu dans le vide. De son côté, il était assis par terre, à côté d'elle. Dans le bazar qu'était sa cachette, il avait trouvé un morceau de bois et s'affairait à le tailler en un petit singe, semblable à ceux ornant sa machine. Il comptait lui offrir une fois terminé. Ce n'était pas grand-chose, mais il espérait lui faire plaisir.
"À quoi tu penses ?" demanda-t-il doucement.
"À ce qui va arriver," répondit-elle après un moment de silence. "La guerre, les morts..." Elle poussa un soupir et se tourna sur le dos, pressant ses paumes contre ses yeux. "J'aimerais que tout s'arrête. Je n'ai jamais demandé à être un héros pour eux."
Il réfléchit à ses paroles. Puis, sans un mot, il se leva avec une idée en tête. Il attrapa son manteau et l'épousseta rapidement. Jinx le regarda avec une lueur de panique dans les yeux.
"Tu vas où ?" demanda-t-elle, presque inquiète.
Il ne répondit pas immédiatement, tapota le manteau pour en chasser la poussière, puis se tourna vers elle et tendit une main.
"Viens," dit-il doucement.
Elle regarda sa main tendue quelques secondes, hésitante, puis posa la sienne dedans. Il la tira doucement pour l'aider à se relever.
"J'ai quelque chose à te montrer."
Emmitouflée dans le manteau d'Ekko, Jinx paraissait minuscule. Ses traits fatigués et son teint pâle ne faisaient que renforcer l'évidence : elle n'avait pas mangé correctement depuis trop longtemps. Ekko, pourtant, garda ses pensées pour lui. Elle le laissa enfiler une paire de chaussures à ses pieds nus, utilisant des rubans pour les attacher à ses chevilles. Elle s'appuya sur ses épaules pour garder l'équilibre pendant qu'il s'affairait.
"Pourquoi tu fais tout ça ?" murmura-t-elle.
"Parce que je tiens à toi, Jinx," répondit-il simplement, sans relever les yeux.
Elle hocha légèrement la tête et s'enfonça un peu plus dans le manteau, comme pour se cacher.
Une fois les rubans bien attachés, Ekko se redressa et prit sa main dans la sienne. Elle baissa les yeux, silencieuse, et le laissa faire.
Ekko la guida hors de sa cachette, traversant la ville par de petites ruelles désertes. Des jouets d'enfants et des vêtements abandonnés jonchaient le sol, témoins de départs précipités. Le silence pesait lourd, uniquement brisé par leurs pas.
Lorsqu'ils passèrent devant une affiche "Wanted" portant le visage de Jinx, Ekko la regarda du coin de l'œil. Elle semblait détachée, presque absente, se laissant guider sans protester. Sa main restait fermement dans la sienne, mais elle ne semblait ni troublée ni consciente des regards qu'on pourrait leur jeter.
Ils arrivèrent devant une grande porte en métal, cachée dans un recoin des bas-fonds. Ekko frappa trois fois, fort. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit, dévoilant Scar.
"Boss ? Putain, t'étais où ?" lança le Chirean, visiblement en colère. Ses yeux tombèrent sur Jinx, et son expression changea immédiatement. "Et qu'est-ce que tu fais avec elle ?"
"On en parlera plus tard," répliqua Ekko en passant devant lui, une tape amicale sur l'épaule. Jinx restait près de lui, presque collée à son côté.
À l'intérieur du refuge, de nombreux regards se tournèrent vers eux. Des murmures commencèrent à circuler. Certains étaient surpris de revoir Ekko après son absence, mais bien plus encore étaient stupéfaits de voir Jinx à ses côtés.
Ekko sentit sa main se crisper dans la sienne. Elle était tendue, ses épaules raides. Il suivit son regard et comprit rapidement : ses yeux étaient fixés sur la fresque murale au centre de la place. Une peinture où figuraient tous ceux qu'ils avaient perdus ou cru perdus. Ekko était aussi représenté, aux côtés d'Heimerdinger.
"Où est-ce qu'on est ?" demanda-t-elle d'une voix presque inaudible.
"Chez les Firelights."
Autour d'eux, le refuge était vibrant de vie. Des enfants insouciants jouaient, tandis que des adultes discutaient en petits groupes ou éclataient de rire à pleins poumons. Certains volaient dans le ciel sur leurs hoverboards, traçant des arcs lumineux dans l'obscurité. De nombreuses personnes arboraient des cheveux bleus, rappelant ceux de Jinx, comme un hommage silencieux. Des guirlandes illuminaient les branches de l'arbre central, et des lumières orangées s'échappaient des fenêtres des cabanes nichées dans ses hauteurs.
"Beaucoup sont arrivés récemment," commença Ekko, d'un ton calme. "Des réfugiés, des partisans. Ils sont fiers de te soutenir." Il lâcha doucement sa main et s'approcha de l'arbre, effleurant la peinture colorée à son pied. "Nous sommes fiers de leur offrir un refuge, un endroit où vivre, une maison." Il posa sa paume contre le métal qui renforçait les racines de l'arbre et poursuivit. "Quand j'ai découvert cet endroit, j'ai su qu'il était spécial. Cet arbre..." Il sourit doucement en levant les yeux vers les branches illuminées. "Si quelque chose d'aussi beau pouvait pousser ici, alors tout était possible. À l'époque, je n'étais qu'un gamin, essayant de guider d'autres enfants pour créer une communauté. Nous étions des orphelins, rejetés par un monde qui ne voulait pas de nous. Mais regarde-nous maintenant." Il étendit un bras, désignant l'ensemble du refuge. "Nous sommes les enfants oubliés de cette société. Pourtant, dans chacun d'entre eux brûle une volonté de vivre, une volonté de faire prospérer cet endroit. Et toi, Jinx..." Il tourna son regard vers elle. "Tu leur as donné de l'espoir. Tu n'es pas une malédiction. Tu as fait ce qu'il fallait pour survivre, et, sans le savoir, tu as inspiré beaucoup de personnes à ne pas abandonner."
Des acclamations enthousiastes s'élevèrent depuis la place centrale et les hauteurs de l'arbre. Ekko, visiblement gêné, se tourna vers les spectateurs.
"Vous pourriez ne pas écouter mes grandes déclarations, s'il vous plaît ?" lança-t-il, ce qui déclencha un éclat de rires général.
Jinx, prise par surprise, se mit à rire aussi. Le son cristallin illumina son visage, et Ekko sourit, apaisé.
"Allons-y," dit-il en tendant une nouvelle fois la main vers elle.
Ils passèrent plusieurs heures à parcourir le refuge, croisant de nombreux visages amicaux. Chaque personne les saluait avec chaleur, échangeant quelques mots avec Ekko ou lançant des regards bienveillants à Jinx. Elle restait silencieuse mais attentive, écoutant chaque conversation. L'accueil qu'elle recevait semblait la déstabiliser, mais elle ne s'éloigna pas d'un pas d'Ekko.
Soudain, un cri retentit, les faisant sursauter.
"Il est l'heure ! Allons-y !" hurla un Firelight perché à quelques mètres du sol.
"Aller où ?" demanda Ekko à un homme plus âgé avec qui il discutait.
"Il y a un rassemblement à la statue de Vander ce soir. Noxus essaie de prendre le contrôle de la ville, disent-ils. Certains veulent rejoindre les rangs."
L'homme se leva, suivant la foule qui commençait à se diriger vers la sortie. Ekko les regarda partir, songeur, tandis que le refuge se vidait peu à peu.
"Ekko ?" La voix de Jinx le tira de ses pensées.
"Oui ?" répondit-il, surpris. Cela faisait plusieurs heures qu'elle n'avait pas parlé.
"Rentrons, s'il te plaît." Dans ses yeux, il vit la fatigue accumulée depuis trop longtemps.
De retour dans la cachette de Jinx, Ekko l'aida à s'allonger sur le canapé. Elle paraissait épuisée, ses paupières lourdes. La chaleur réconfortante du manteau d'Ekko et son odeur familière l'apaisèrent presque instantanément.
Quand il revint avec un verre d'eau, elle s'était déjà assoupie, ses traits enfin détendus.
Il fit un tour de l'endroit, cherchant désespérément quelque chose à manger. Tout ce qu'il trouva fut un tas de fruits pourris abandonnés sur une étagère. Soupirant, il retourna vers elle pour s'assurer qu'elle dormait toujours, puis sortit en silence, laissant une note pour la prévenir qu'il allait chercher des provisions.
Un cauchemar réveilla Jinx en sursaut. Elle revoyait Isha, les bras levés, son pistolet en main. L'image était gravée dans son esprit : le regard d'Isha avant de faire feu, l'explosion qui la propulsa sur plusieurs mètres, et la douleur sourde qui l'envahit quand elle reprit ses esprits. Vander gisait là, immobile, un trou béant perforant sa cage thoracique.
Mais d'Isha, il ne restait rien. Juste un tas de cendres.
Elle hurla. Un cri déchirant, empli de rage et de douleur, la sortit du sommeil. Ses yeux s'ouvrirent brusquement, son visage trempé de sueur et de larmes.
"Ekko ?" appela-t-elle, la voix tremblante. Mais aucune réponse ne lui parvint.
Un souffle de panique l'envahit.
"Ekko ?" cria-t-elle à nouveau, au centre de la plateforme principale, sa voix brisant le silence oppressant de la pièce. Elle se trouvait seule. Encore une fois.
Des voix s'insinuèrent dans son esprit, moqueuses et cruelles. Des rires, des visages flous qui tournaient autour d'elle. Ses démons s'étaient réveillés, hurlant leurs mensonges :
"Seule."
"Brise le cycle," chuchotait Silco.
Elle plaqua ses mains sur ses oreilles et hurla une nouvelle fois, ses genoux frappant durement le sol. Sa tête tournait. Sa vision se troublait. Sa gorge semblait se serrer, comme si un poison invisible l'étouffait. Elle tenta de respirer, mais seuls de faibles halètements désespérés parvenaient à passer. Des tâches noires envahirent ses yeux, et elle sentit le monde vaciller autour d'elle.
Une main se posa sur son dos, la faisant sursauter.
C'était Ekko. Accroupi devant elle, son regard inquiet plongea dans le sien. Il était là. Il ne l'avait pas abandonnée.
Ses lèvres bougèrent, mais le bourdonnement dans ses oreilles l'empêchait de comprendre ce qu'il disait. Dans un geste désespéré, elle agrippa son t-shirt et se jeta sur lui. Il perdit l'équilibre, tombant en arrière, et elle s'accrocha de toutes ses forces à lui, formant une boule humaine serrée entre ses bras. Son visage enfoui contre son torse, elle sentit la chaleur de son corps et son souffle calme.
Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'il l'entoure de ses bras et commence à caresser ses cheveux d'un geste apaisant. Peu à peu, elle retrouva ses sens. Le battement régulier de son cœur sous sa poitrine et le son de sa respiration l'apaisèrent, ramenant un semblant de sérénité.
"Qu'est-ce qu'il t'arrive, Jinx ?" murmura-t-il doucement.
"Je... Je ne te trouvais pas. J'ai cru que tu m'avais abandonnée... comme ils l'ont tous fait," sanglota-t-elle.
Ekko resserra son étreinte, posant doucement son manteau sur sa tête comme un cocon protecteur, avant de soupirer.
"Combien de fois devrais-je te dire que je ne t'abandonnerai jamais pour que tu me croies ?" demanda-t-il avec une infinie douceur.
"Essaye un million de fois... Peut-être que je finirai par te croire," répondit-elle entre deux sanglots, un sourire triste aux lèvres.
Il rit doucement.
"Tu étais où ?" demanda-t-elle, levant les yeux vers lui.
"Tu n'avais rien dans tes placards, et je me suis dit que tu devais avoir faim."
"Tu vas me préparer un repas ?" demanda-t-elle, incrédule.
"Je ne suis pas un grand cuisinier, mais je peux au moins essayer de te faire quelque chose de décent," répondit-il, visiblement gêné.
"Tu es un petit sauveur, après tout, non ?" lança-t-elle avec un sourire moqueur.
"J'imagine que je le suis," répondit-il en haussant les épaules.
Ekko posa une assiette devant Jinx, qui était assise sur un petit tabouret, ses jambes repliées contre sa poitrine. Son regard fatigué fixait le plat, mais il ne lâcha pas l'affaire. Il savait combien il était difficile de la sortir de ses pensées noires, mais il était là, et il ne comptait pas partir.
"Allez, mange," dit-il en s'asseyant face à elle.
"Tu as un problème avec les quantités," fit-elle remarquer, levant un sourcil. L'assiette débordait presque, remplie au-delà de toute raison.
"Mange tout," rétorqua-t-il avec sérieux. Il s'était donné pour mission de lui faire reprendre des forces, et il ne comptait pas la laisser échapper à ce repas.
Jinx observa l'assiette un instant avant de soupirer, un faible sourire étirant ses lèvres. Elle attrapa sa fourchette. "J'espère que c'est comestible, au moins."
"Tu verras," répondit Ekko, un éclat amusé dans les yeux.
Ils mangèrent en silence. Ekko observait Jinx jouer distraitement avec les légumes dans son assiette. Pourtant, elle finit par tout manger, ce qui le rassura. Elle semblait avoir repris un peu de couleur, signe encourageant.
"Retourne te coucher," dit-il en se levant, emportant les deux plats.
Elle ne répondit pas, mais le suivit silencieusement jusqu'au lavabo. Tandis qu'il commençait à laver les assiettes, il sentit Jinx s'approcher dans son dos. Ses bras s'enroulèrent doucement autour de lui, et elle posa sa tête contre son dos. Ce contact entre eux devenait étrangement naturel, presque réconfortant.
"Dors avec moi ce soir."
Une assiette lui glissa des mains, se brisant au fond du lavabo. Une quinte de toux maladroite explosa de sa poitrine, et il sentit son visage s'empourprer.
"Tu pourrais faire attention," dit-elle en jetant un regard par-dessus son épaule, amusée.
Sa voix douce et son souffle effleurèrent la nuque d'Ekko, le faisant se crisper légèrement. Il se força à se concentrer sur l'évier, s'agrippant au bord pour masquer son trouble.
"Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée," répondit-il finalement, sans oser se retourner.
"S'il te plaît."
Il ferma les yeux, tentant de calmer son cœur affolé. Après un instant, il souffla doucement :
"Tout ce que tu veux."
Il abandonna la vaisselle et la suivit jusqu'à la partie nuit de la cache. Un grand lit protégé par une tente orange occupait un coin de la pièce. Le lit était recouvert d'oreillers dépareillés et d'une couverture rapiécée. Jinx se glissa sous le drap et, sans un mot, tira sur la main d'Ekko pour l'inviter à la rejoindre.
Il retira ses bottes et posa au sol sa machine, qu'il portait toujours en bandoulière. Puis il s'allongea à côté d'elle, restant sur la couverture. Pendant de longues minutes, ils fixèrent la toile de la tente en silence, perdus dans leurs pensées.
Jinx finit par se tourner sur le côté, faisant face à Ekko. Il tourna la tête vers elle. Ils étaient proches. Trop proches. Une envie fugace, mais puissante, traversa Ekko : l'embrasser. Mais il refoula ce désir aussi vite qu'il était apparu.
"J'ai peur de dormir," murmura-t-elle.
"Pourquoi ?" demanda-t-il doucement.
"Parce que dormir nous rapproche du combat qui nous attend. Et je ne me sens pas prête."
"Tu n'as pas besoin de l'être si tu n'en as pas la force," répondit-il. "Tu as le droit de refuser."
"Je ne peux pas faire ça."
"Pourquoi ?"
"Il y a des gens qui comptent sur moi. Je veux qu'ils se souviennent de moi pour ce que je suis maintenant. Pas pour ce que j'étais."
Ekko resta silencieux. Il voulait lui dire qu'elle avait le droit de penser à elle-même, de rester en retrait. Mais il savait qu'elle avait raison. Il ne pouvait pas lui demander de fuir ce qu'elle estimait être son devoir.
Alors, il prit sa main dans la sienne et la serra doucement.
"Je serai avec toi. Il ne t'arrivera rien," promit-il.
"Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, Ekko. Je ne le supporterais pas."
"Il ne m'arrivera rien. Je suis bien équipé, ne t'inquiète pas pour moi."
Jinx se rapprocha, posant sa tête au creux de son bras, son visage contre sa poitrine. Ses yeux se fermèrent lentement.
"Ton cœur bat vite," murmura-t-elle, un faible sourire aux lèvres.
"Tais-toi," répondit-il, un sourire gêné traversant son visage alors qu'il fermait les yeux à son tour.
Il resta éveillé encore un moment, écoutant la respiration régulière de Jinx. Peu à peu, la fatigue l'emporta, et il sombra à son tour dans un sommeil étrangement paisible.
Lorsque Ekko se réveilla, Jinx dormait encore, ronflant légèrement. Elle s'était retournée pendant la nuit, agrippée à son bras comme si sa vie en dépendait.
Avec des mouvements lents et calculés, il finit par se dégager. Il s'assit au bord du lit et remit ses bottes, avant d'aller vérifier l'heure sur la grosse horloge de Jinx — horloge qu'elle avait probablement volée.
Près de douze heures s'étaient écoulées. Cette nuit leur avait été nécessaire.
Ekko s'assit face au miroir. Il était brisé, et de petits pansements y avaient été collés ici et là. Des dessins d'enfants étaient accrochés tout autour. En observant la pièce, il remarqua aussi des jouets et des vêtements de petite taille. Tant de choses s'étaient passées depuis qu'il avait été aspiré par l'Arcane.
Comme invoquée par ses pensées, Jinx apparut derrière lui dans le reflet du miroir. Il se retourna vers elle. Elle avait l'air... plus vivante. Les veines sombres sous ses yeux s'étaient estompées, et son visage était plus coloré.
"Allez ! Coupe !" dit-elle en bondissant légèrement sur sa chaise.
"Arrête de bouger, je ne veux pas te rater !" Ses ciseaux tremblaient dans sa main.
Ekko avait l'habitude de couper les cheveux des enfants du refuge des Firelights, mais cette fois, c'était différent. Il avait aidé Jinx à teindre une mèche, et le résultat était plutôt concluant. Mais lui couper les cheveux le terrifiait pour une raison qu'il ne comprenait pas.
Après quelques coups de ciseaux hésitants, il posa l'instrument et tourna la chaise vers le miroir pour qu'elle se découvre. Il avait coupé très court — à sa demande — et redoutait maintenant qu'elle regrette.
Lorsqu'elle se vit, un grand sourire éclaira son visage. Elle se leva pour s'observer de plus près.
"J'ai l'air tellement badass," souffla-t-elle pour elle-même. Puis elle se retourna brusquement. "À ton tour !" lança-t-elle en poussant Ekko sur la chaise.
"Quoi ? Non !" s'offusqua-t-il.
"S'il te plaît ! Juste le bout !"
"Certainement pas !"
"Allez ! Il faut qu'on soit classe pour notre grande entrée !"
"Rappelle-moi pourquoi ?" demanda-t-il en réprimant un rire.
"Pour le spectacle ! J'ai hâte de voir leur tête quand ils nous verront. Toi, moi, les Firelights."
"Tu... tu veux qu'on combatte ensemble ? Avec les Firelights ?"
Elle hésita un instant. "Je pensais, oui. Je les ai rencontrés après tout. Ils comptent sur moi."
Il lui sourit à travers le miroir.
"Attache-moi juste les cheveux alors. Mais surtout, pas de teinture."
Elle rit. "D'accord, mais tu me laisses choisir ta tenue après."
Quand il sortit du dressing de Jinx, Ekko se sentait ridicule. Elle lui avait coupé un haut dans ce qui ressemblait à un déguisement de squelette, mais il était trop court. Le tissu s'arrêtait au-dessus de son nombril, avec une seule manche intacte, tandis que l'autre avait été coupée jusqu'à l'épaule. Une grosse ceinture ornait son pantalon, et son masque des Firelights avait été transformé en genouillère. Elle avait ajouté une grande écharpe rouge, qui portait son odeur, ainsi que ses lunettes. Il ressemblait à un clown.
Quand Jinx le vit sortir, elle sourit, hochant la tête d'un air satisfait.
"À moi !" s'exclama-t-elle.
Il s'assit, enfila son manteau et tira dessus machinalement. Un journal tomba au sol. Sur la couverture, il lut "Powder," barré de nombreuses fois, et réécrit en plus gros : "Jinx."
À l'intérieur, d'innombrables caricatures illustraient son enfance avec Silco, les crimes qu'il l'avait aidée à commettre, et des dessins "familiaux."
Un dessin en particulier le fit s'arrêter. Il se reconnut adolescent, représenté avec des cornes et un visage triste. C'était le jour où il l'avait retrouvée dans le repaire de Silco, et où elle l'avait repoussé. Un coup au cœur le saisit. Il pensa à ce qui aurait pu être, s'il ne l'avait pas laissée là-bas.
"Me voilà !"
Ekko leva les yeux et ce qu'il vit lui fit lâcher le carnet.
"Est-ce que..." Il hésita. "Tu portes ta ceinture comme seul haut ?"
"Oui ! Et c'est assez serré pour ne pas me gêner."
Il ne répondit rien, mais se leva, ôta son manteau et le posa sur les épaules de Jinx, le serrant devant elle.
"S'il te plaît, change-toi," dit-il en regardant partout sauf dans sa direction.
"Au pire, laisse-moi ton manteau ! Ça fera plus de place pour mes bombes," plaisanta-t-elle avec un sourire espiègle.
"Il n'est pas fait pour ça," protesta-t-il, outré.
"Bon, d'accord, je vais me changer," dit-elle finalement.
Son regard se posa sur le journal tombé aux pieds d'Ekko, mais elle ne fit aucun commentaire et se retourna pour aller se préparer.
Lorsqu'elle sortit, elle portait un simple haut blanc court avec une capuche ornée de dents, et un pantalon noir ouvert sur les hanches. Elle rendit son manteau à Ekko avant de se diriger vers une caisse d'où elle sortit de petits pots de peinture.
"Et tout ça, c'est pour quoi ?" demanda Ekko.
"Nos peintures de guerre. Et puis, j'aimerais décorer un peu le laboratoire avant qu'on fasse gonfler ce ballon."
"Peintures de guerre ?" Il se pencha à côté d'elle. "Avec du bleu et du rose ? J'ai connu plus menaçant."
"Pourtant, Piltover avait adoré mes bombes colorées la dernière fois," répliqua-t-elle avec un sourire. "Viens."
Elle posa les pots de peinture au sol et s'assit à côté. Ekko s'assit en face d'elle. Trempant ses doigts dans le rose, Jinx traça une croix sur sa propre poitrine avant de se pencher pour en dessiner une sur celle d'Ekko.
"À ton tour," dit-elle en souriant.
Ekko trempa son doigt dans le jaune et dessina une couronne sur le bras de Jinx.
Le moment était empreint d'intimité. Ils passèrent de longues minutes à peindre sur l'autre, explorant leurs corps avec douceur et retenue, leurs gestes remplis de complicité.
Le soleil était haut dans le ciel lorsqu'Ekko revint du refuge. Il était pâle, visiblement préoccupé.
Jinx, occupée à peaufiner l'installation de l'atelier dans le ballon géant, le remarqua immédiatement.
"C'est l'heure," dit-il simplement.
Il s'approcha de la structure.
"Je suis prête," répondit-elle avec assurance.
"Pas moi."
Il attrapa le visage de Jinx entre ses mains et posa son front contre le sien, les yeux fermés.
"Ça va aller." Sa main glissa doucement sur sa joue.
Il ouvrit les yeux, plongeant son regard dans celui de Jinx, avant que ses yeux ne descendent brièvement sur ses lèvres, puis remontent vers les siens. Il se rapprocha légèrement, lui laissant l'espace pour reculer, mais elle ne le fit pas.
Elle combla la distance, posant ses lèvres contre les siennes. Les bras d'Ekko entourèrent ses épaules tandis qu'il approfondissait leur baiser, comme si c'était le dernier.
Lorsqu'ils se séparèrent, ils étaient essoufflés. Ekko posa une dernière fois ses lèvres sur les siennes avant de reculer doucement.
"Allons-y," dit-il, tendant la main vers elle.
Elle saisit sa main, la serrant fort, comme si elle s'accrochait à une ligne de vie.