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Chapitre 7 : Je ne peux pas oublier

1605 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour il y a 5 mois

« Allez ! Tu veux pas être en retard à ton rencard quand même ! » s’écria Jinx, attendant que Vi sorte de sa chambre.


« Un rencard ? Y’a pas de rencard, c’est juste un concert. »


« Ouais ouais, c’est pas ce que dit ta tronche quand on parle de Cait. »


« Mais bien sûr… »


 


Quelle tête avait-elle du coup ? Adorait-elle à ce point la guitariste solo ? Non, c’était impossible. Elles se connaissaient à peine, alors comment était-ce possible ? Un coup de foudre ? Ces mots firent irruption dans l’esprit de la rouge. Non. Pas possible. Elle ne croyait pas en ce genre de contes de fées. Il n’y avait pas moyen que ça puisse arriver, on était dans la vraie vie, pas un film à l’eau de rose. Elle en soupira… Comme si sa vie romantique n’était pas assez compliquée comme ça. La dernière fois qu’elle était sortie avec quelqu’un, c’était au lycée. Elle ne se rappelait même plus de qui il s’agissait, elle n’était même pas sûre qu’elle avait eu des sentiments amoureux pour cette personne. Peut-être que oui. Peut-être que non. Elle n’en avait pas la moindre idée et de toute façon, elle n’avait aucune envie de le savoir. Elle avait d’autres chats à fouetter, des choses plus importantes à faire, comme son travail par exemple.


 


La plus âgée des sœurs se coiffait encore, pour être certaine qu’elle ait le style de chevelure qu’elle aimait : en bordel mais de manière cool. Après tout, c’était un concert, et Vi était une punk. Alors quelle meilleure occasion que celle-ci pour être elle-même ? Un dernier regard dans le miroir, et ouais, elle était totalement prête. Rock on ! comme on disait.


 


La musclée prit ses clés et les deux sœurs sortirent de l’appartement. Cependant, elles ne partirent pas plus loin que la porte d’entrée de l’immeuble, la rouge s’adossant au mur, les mains dans les poches de sa veste. Jinx basculait d’un pied à l’autre, ses doigts tressaillant à cause du manque de nicotine.


 


« Clag et My nous rejoignent ? »


« Ouais. My sera certainement en retard, comme d’hab. »


« Et moi qui pensais que tu étais celle qui était en retard, » gloussa la cyan.


« Apparemment je lui arrive pas à la cheville. »


« Ce qui est un putain de succès ! T’es difficile à battre sur ce terrain. »


« Oh la ferme. »


« Moi aussi je t’aime, sœurette. »


 


Vi ne put s’empêcher de sourire. C’était un amour vache adorable qui était établi entre les deux sœurs et elle n’aurait échangé cette relation pour rien au monde. Sa petite sœur était son monde, son univers même. Pendant les moments les plus sombres de la vie de la rouge, la seule qui avait toujours été présente à ses côtés était Jinx.


 


Un frisson parcourut sa colonne vertébrale en y songeant… Cela lui rappelait certaines de ces pensées. Elle ne s’en était jamais réellement débarrassée, en réalité. Elle les avait juste… enterrées. Elles la hantaient toujours… Comment pourrait-il en être autrement ? C’était un fardeau qu’elle traînait depuis tant d’années qu’elle en avait perdu le compte. Elle savait qu’elle devrait demander de l’aide, mais se disait qu’elle ne serait vue que comme une tarée, quelqu’un de dérangé, qui ne faisait que se plaindre et qui devrait peut-être bien même être enfermé. Les gens l’abandonneraient, se moqueraient d’elle. Après tout, c’était ce qu’il s’était passé.


 


Vi ne put s’empêcher de laisser son esprit vaguer au milieu de ses souvenirs. Quand elle n’était qu’une enfant, lorsqu’elle vivait encore avec sa famille. Il y avait cette fillette, plus âgée de quelques années à peine, sa cousine, Cassiopeia. Comment pourrait-elle l’oublier ? Elle était la source de ses cauchemars éveillés. Enfin… pas de tous, mais parmi les pires. La rouge avait toujours été une personne timide, même quand elle était petite, et ça n’avait pas changé au fil des années. Mais elle était plus extravertie, autrefois, plus bavarde et appréciait même la compagnie des autres. Elle était comme tout enfant… Pleine de joie de vivre, de rêves, de buts… Et tout avait été réduit en miettes à cause de Cassiopeia. Certains de ses mots étaient encore marqués au fer rouge dans son esprit, résonnant de temps en temps, notamment lorsqu’elle tentait quelque chose de nouveau. « Tu n’arriveras jamais à rien de bien, tu es si pathétique. Tu devrais essayer de m’imiter et m’obéir, de cette façon peut-être que tu réussiras à faire quelque chose de ta vie ». Elle se battait toujours contre cela, mais… faisait-elle quelque chose de bien ? Ouais, elle était devenue une web designer, comme elle en avait rêvé, mais… était-elle compétente ? Même juste correcte ? Est-ce que son travail était suffisant ? Elle en doutait… Il y avait tellement de gens autour d’elle, qui étaient bien meilleurs.


 


« Aïe ! » brailla la musclée, sentant sa joue se faire pincer. « Pourquoi t’as fais ça ? »


« J’ai vu des larmes. »


« Quoi ? Je ne… »


« Je connais ta tête. Je connais ton regard. Tu étais en train de penser à cette garce, pas vrai ? »


« Je… »


« Ecoute. Je suis pas thérapeute, j’ai aussi mes propres problèmes alors je ne prétends pas être capable de t’aider avec les tiens. Mais ! Tu n’es pas comme elle dit. Tu vaux mieux que ce qu’elle veut tu t’imagines. »


« Je suis pas sûre… »


 


Jinx frappa sa sœur aînée à l’arrière de sa tête.


 


« Arrête de me cogner, bordel de merde ! »


« Jamais ! » répliqua la cyan. « Hors de question que je laisse son venin t’atteindre ! Cassiopeia n’est rien de plus qu’une vipère sournoise ! »


« Peut-être mais… »


« Elle l’est. Point barre. »


« Certes, mais elle a réussi tout ce qu’elle a entreprit. »


« Donc tu veux être comme cette harpie ? »


« Une harpie ? T’as récemment joué à The Witcher 3 ou… » gloussa Vi.


« Je t’ai regardée, idiote… » soupira Jinx, roulant des yeux. « Mais c’est pas le sujet. Réponds-moi. Tu veux être comme elle ? »


« Je… Non. » Ce n’était absolument pas une vie dont la rouge rêvait.


« Bien. Tu m’as fais peur pendant un moment. J’ai cru que t’allais me dire que tu voulais te trouver un putain de job emmerdant, te marier au mec le plus friqué que tu puisses trouver, et pondre des gosses. Juste pour satisfaire le putain d’égo de la famille et de la société. »


« Tu jures beaucoup aujourd’hui. »


« Pas plus que d’habitude. »


« … quand on parle de Cassiopeia. C’est vrai. »


« Exactement. Maintenant arrête de penser à cette sale pétasse. On va à un concert, voir un groupe que t’adores. Et si ça suffit pas, je te cognerai encore plus ou j’t’emmènerai manger des brochettes de poulet de boire de l’alcool. »


 


Vi se mit à rire sincèrement en entendant ça. Aller dans un boui-boui était un de ses moments préférés lorsqu’elles étaient ensemble… Rester là, manger et boire tout en discutant, jusqu’à ce qu’elles soient épuisées. Bordel, elle pourrait tuer pour refaire ce genre d’activités avec sa petite sœur.


 


« Merci… »


« Je préfère te voir comme ça, Vi. »


« Ouais… Je sais… Je dois… bosser sur ça. »


« Je peux te faire un câlin ? »


« Quoi ? »


« Je sais que t’es pas le genre câline. Mais je sais aussi quand t’en as besoin. Alors… Je peux ? »


 


La rouge sourit, hochant la tête. Elle savait ce que Jinx voulait réellement dire… Le câlin n’était pas seulement pour donner à sa sœur du réconfort, mais aussi pour aider la plus jeune. Vi avait remarqué que sa petite sœur était triste lorsque ce genre de choses arrivait… Elle ne savait que trop bien à quel point cela affectait la musclée, et faisait alors de son mieux pour chasser ces pensées noires. La rouge n’oublierait jamais le regarde de la cyan quand elle lui avait dit qu’elle avait tenté de…


 


« Oh ! Voyez-vous çaaaaaaaaa ! La fameuse Vi qui se fait câliner ! Quelle vue ! »


 


Mylo et Claggor venaient vers eux, celui aux cheveux en pics ricanant de la plus âgée des sœurs. Elle en devint toute rouge et gênée, mais ne mit fin à l’accolade, jusqu’à ce que Jinx le décida. La cyan tira la langue à son meilleur ennemi, faisant sourire les deux autres. Jinx et Mylo se cherchaient toujours des crosses, mais ça n’allait jamais plus loin que des doigts d’honneur et de la provocation.


 


« Allons-y avant que vous ne commenciez à vous battre, vous deux, » dit Claggor, commençant déjà à s’éloigner.


« Je me demande qui gagnerait d’ailleurs… ça ressemblerait sûrement à un crêpage de chignon, » se moqua Vi, se retenant de rire.


 


Les trois autres suivirent peu après. Ils devaient se rendre à la salle de concert et ne pouvaient pas se permettre d’arriver en retard.

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