[Castiel] Elle danse
Chapitre 1 : [Castiel] Elle danse
3951 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 10/11/2016 05:14
27 aout 2011
Même la douche froide que je venais de prendre n’arrivait pas à chasser cette sensation de moiteur désagréable qui recouvrait ma peau de gouttelettes tièdes. J’allumais ma cigarette puis allais ouvrir la fenêtre pour m’assoir sur le rebord. L’air chaud passant sur mon corps avait au moins le mérite de chasser pour un temps cette pesanteur qui pesait sur mes épaules à cause de cette chaleur accablante. J’exhalais la fumée dans la chaleur estivale, apportant ainsi ma contribution au mélange d’odeurs néfastes de cette ville putride.New York… Dire que c’était mon rêve. Quel gâchis !
Je m’étais imaginé des grattes ciels gigantesques baignés de lumières artificielles hypnotiques, je me retrouvais dans un cloaque sordide à l’horizon bouché. Les bruits familiers de la rue ne cessaient jamais, tapage incessant d’engueulades, de prises de bec, de klaxons, d’animaux qui se battent… Les racoleuses testaient la patiente des clients, se prenant une baigne de leur maque si elles ne tafaient pas assez.
Sordide.Je posais les yeux sur l’immeuble d’en face, les lumières de la salle de sport où je m’entretenais s’éteignaient pour la dernière fois. Ils avaient mis la clé sous la porte eux aussi, je n’avais plus qu’à trouver une autre salle pas trop loin.Ma cigarette finie, je balançais le mégot par la fenêtre puis me rendais dans le salon. J’attrapais la sangle de ma guitare, la passait par-dessus ma tête puis retrouvait avec délice la sensation familière de celle-ci sur ma peau nue. Mes doigts effleuraient les cordes, leur donnant vie malgré le simili de cri d’agonie qui en sortaient. Je souriais… Musique, emporte-moi !
11 septembre 2011
Accoudé sur le rebord de la fenêtre, je regardais la première pluie tomber après deux longs mois de sécheresse. La terre assoiffée exhalait un souffle putride à peine retenu par le bitume qui l’étouffait et qui y mêlait son parfum si particulier. Cette odeur de terre humide me donnait le vague à l’âme, comme si le souvenir de vies antérieures passées dans la nature souhaitait s’échapper de mon corps pour aller danser sous les perles translucides. Moi le citadin, j’avais la nostalgie de la campagne. Je souriais devant l’ironie de la chose. Par les fenêtres de l’immeuble d’en face, je voyais que les travaux avaient finis dans mon ancienne salle de sport. Sur les murs fraichement peints en teinte de gris, des miroirs et des barres horizontales laissaient entendre que des cours de danse auraient lieu ici.
Ça ne marcherait pas. Rien dans ce quartier malfamé ne pouvait aboutir à quelque chose de concret. Le rêve américain était une belle poudre aux yeux jetée au visage des naïfs et des rêveurs. L’illusion dissipée, il ne restait que l’absurdité d’une vie au jour le jour où la réalité te fracassait par à coup, impitoyable.
J’enfonçais le reste de ma cigarette dans le trou de ma bouteille de bière vide, détournait le regard de ce rêve bientôt brisé puis allait chercher ma guitare pour sombrer dans l’harmonie des notes…
3 Octobre 2011
L’ombre de la nuit enveloppait les immeubles d’un voile sombre troué par les milliers de lumières de la ville. Je balançais le sac qui contenait mes affaires de travail dans un coin de la pièce et oubliait bien vite ce job dont le seul but alimentaire en faisait un bouffeur de temps rébarbatif.Je choppais le paquet de clope qui trainait sur la table basse, en allumait une avant de me diriger vers mon poste d’observation favori. Les lumières principales s’éteignaient, les danseuses filiformes encore en tenue se disaient au revoir en discutant gaiement, comme d’habitudes. A mon plus grand étonnement, elles étaient de plus en plus nombreuses.La jeune femme qui donnait les cours ferma la porte sur ses élèves, comme à son habitude.
Une fois celle-ci fermée, et alors qu’il ne restait plus que les lumières tamisées, elle reprenait son rituel journalier. Assise sur le sol, elle délassait ses chaussons de satin puis les posait près du poste de musique. Puis elle enlevait les épingles qui retenaient ses longs cheveux ébènes en un chignon strict avant le les ébouriffer pour qu’ils retombent librement dans son dos.Elle lançait ensuite la musique puis se relevait avec grâce avant de se laisser emporter par celle-ci dans une danse libre toujours différente. Se mouvant avec grâce et légèreté comme seul l’entrainement des danseuses classiques le permettait.Je trouvais cette danse ridicule au départ, mais à force de les observer assis sur le rebord de la fenêtre, j’en venais peu à peu à trouver ça beau. Surtout quand elle se libérait ainsi de sa journée. Le carcan de travail des heures précédentes, la monotonie des mêmes mouvements répétés inlassablement laissaient la place à une danse à la fois maitrisée et sauvage.
Quand dans un élan elle sautait en avant les bras en l’air, elle avait l’air libre.Sa danse finie, elle éteignait tout, refermait sur elle les portes et quittait le studio puis la rue. Moi je rentrais dans mon salon, attrapais ma guitare et ressentais la liberté lorsque les cordes vibraient.
9 Décembre 2011
Le rituel était fini, je quittais ma fenêtre pour rejoindre ma bien-aimée. J’allais passer la sangle par dessus ma tête quand un cri dans la rue en bas titilla la curiosité morbide qu’on tout les humains. Se repaitre de notre autodestruction est une de nos caractéristiques les plus abjectes, et pourtant je cédais à celle-ci comme à chaque fois.Les esclandres dans le coin était monnaie courante, il valait mieux savoir se défendre si on ne voulait pas avoir d’ennui et une batte de base-ball était l’arsenal minimum recommandé dans son appartement.J’attrapais mon paquet de clope et mon briquet en passant, m’accoudant sur le rebord de la fenêtre en sortant de mes lèvres une clope que je m’apprêtais à allumer.
Celle-ci tomba, s’échappant alors que j’ouvrais la bouche en reconnaissant dans les longs cheveux bruns de la victime de l’agression la danseuse d’en face.Mon sang ne fit qu’un tour. Je quittais le rebord de la fenêtre, attrapais mes clés sur la table basse et les fourraient dans ma poche tout en me dirigeant vers la porte d’entrée. Je prenais au passage la batte de base-ball adossée le long du mur à côté de celle-ci puis franchit la porte avant de descendre les marches quatre à quatre. J’ouvrais la porte de l’immeuble, dirigeant mes pas vers le lieu de l’agression.La fille sanglotait nerveusement alors que l’homme la maintenait au sol, il était de dos et je ne voyais pas ce qu’il faisait.
-Lâche-là fils de pute ou je te défonce le crane.
Il se retournait vers moi surpris, mais son regard ainsi que l’éclat brillant un instant dans sa main me faisait penser qu’il ne serait pas du genre à plaisanter. Ça tombait bien, moi non plus. Avant qu’il n’ai le temps de faire quoique ce soit, j’armais mon bras puis frappais avec force dans l’épaule du côté où j’avais perçue la lame.Il roula sur le côté, projeté par la puissance de l’impact en beuglant comme un âne. Au bruit que le choque avait fait, j’avais dû lui casser quelque chose. Ça lui apprendra la vie…
Je me penchais vers la jeune femme, lui prenais le poignet puis la forçais à se relever en vitesse.
-Il faut pas qu’on reste là ! Bouge !
Lui ordonnais-je pour qu’elle reprenne ses esprits. Je récupérais son sac à dos que je balançais sur mon épaule puis l’entrainait à ma suite à travers ces rues sordides que je connaissais bien maintenant. Il fallait juste laisser passer un peu de temps, que l’autre abruti quitte les lieux, j’avais pas la moindre envie qu’il vienne se venger chez moi…Après dix bonnes minutes de marche, je rejoignais mon appart par des rues différentes. Arrivé près de celui-ci, je m’assurais que le sale type soit parti avant d’ouvrir la porte de l’immeuble, de monter les marches puis de refermer sur nous la porte de mon appartement.
La fille m’avait suivie comme un robot, silencieuse, les yeux vides. Elle était sous le choc.Je fermais bien la porte avec différents verrous, regardant au passage dans l’œil de bœuf histoire d’être vraiment sur qu’on n’était pas suivis, puis poussait un soupir de soulagement en me rendant compte que ce n’était pas le cas.Je guidais la fille qui n’avait pas bougée d’un pouce vers le canapé où je la forçais à s’assoir. Voyant qu’elle tremblait comme une perdue, je lui balançais sur le dos le plaid qui trainait là, dissimulant au passage ses vêtements en partis déchirés qui, je m’en rendais compte maintenant, laissaient voir plus de peau qu’il n’en fallait. Je dirigeais ensuite mes pas vers la cuisine où je lançais la cafetière puis n’y tenant plus, je retrouvais cigarette et briquet pour m’allumer une clope.J’avais besoin de reprendre mes esprits avant de m’occuper d’elle.
Qu’est-ce qu’il m’avait pris d’intervenir ! J’aurais pû me faire buter ! Heureusement que le mec était seul… Le bruit familier des dernières gouttes d’eau aspirées me sortit de mes pensées. Je nous servais deux tasses de café bien noir et sans sucre puis m’avançais dans la pièce. Je m’asseyais sur la table basse devant mon « invitée », posait ensuite les tasses à côté de moi. Elle avait toujours les yeux vides…. J’aurais peut-être dû mettre du rhum dans son kawa.
- Hey ! Ça va ?
Demandais-je en claquant des doigts de la main droite devant son nez alors que la gauche tenait maintenant ma clope.Elle cligna des yeux, posant enfin le regard sur moi. Je la pensais plus âgée quand je la voyais danser, mais elle avait quoi… à peine 25 ans ? Et encore… Et elle était bien plus belle que ce que j’avais pût imaginer d’elle.
-Comment tu t’appelle ?
J’essayais d’obtenir d’elle une réaction quelconque, il fallait qu’elle sorte de sa léthargie, qu’elle réagisse. Cet immobilisme ne lui ressemblait pas.
-Crystal.
Je retenais un rire nerveux au fond de ma gorge. Ce n’est pas un nom ça, ou alors c’est celui d’une actrice porno. Les américains ont toujours des idées bizarres…
-Je m’appelle Castiel. Je t’ai fait du café, boit, ça te fera du bien.
Je lui fourrais de force la tasse encore chaude entre les mains. Je récupérais ensuite ma tasse puis me levais pour rejoindre mon poste d’observation favori histoire de voir si quelqu’un venait fouiner dans le coin. Je sirotais mon café, constatant comme d’habitude que tout c’était passé dans l’indifférence la plus totale, je ne devrais pas avoir de problèmes. Je tournais la tête puis observais la demoiselle, le regard plongé dans sa tasse. Elle avait besoin de faire le point sur ce qu’il s’était passé.
-Je… Je vais y aller…
Elle venait de poser la tasse et de se lever. Je ne faisais pas un geste dans sa direction, ça se voyait qu’elle était paumée, pas la peine de lui faire plus peur.
-J’ai posé ton sac près de l’entrée.
Lui dis-je en posant ma tasse désormais vide sur le rebord de la fenêtre.Elle n’osait pas me regarder, honteuse sans doute d’être reconnaissante vis-à-vis d’un inconnu.
-Merci.
Elle dirigea ses pas vers la porte, posa la main sur la poignée.
-Il faut défaire les verrous.
Lui dis-je, toujours immobile.Elle posa la main sur le premier, puis se mit de nouveau à trembler.
-Tu peux rester là pour cette nuit si ça te rassure.
-Non. Si je n’affronte pas la rue tout de suite, ça sera plus dur.
Elle était de nouveau pleine de résolution. Elle n’en était pas à sa première agression visiblement, c’était une fille du coin. Elle ouvrit les verrous puis la porte, balançant son sac sur son dos avant de franchir celle-ci en me remerciant une dernière fois.Je regardais la porte se refermer sur elle, puis laissais mon regard se diriger vers la rue où je la vis sortir de mon immeuble pour ensuite remonter celle-ci comme elle le faisait d’habitude. Cette fille était forte.Je poussais un soupir, me levais puis allais refermer les verrous de ma porte d’entrée avant de diriger mes pas vers ma guitare.
14 décembre 2011
Elle avait fait comme si rien ne c’était passé. Pas un seul jour d’absence, pas de retard, une danse peut-être plus furieuse le soir mais c’est tout. Elle venait de finir à genoux sa chorégraphie solitaire, elle se leva, appuya sur le bouton de sa chaine pour l’éteindre puis tourna le visage vers les fenêtres extérieur, vers moi en fait.Pour la première fois, j’échangeais mon regard avec le sien à travers la rue qui nous séparait l’un de l’autre. J’étais grillé.
Elle s’avança puis posa une main sur la vitre, elle avait l’air surprise de me voir là. Dans la confusion de la dernière fois, elle n’avait pas dût se rendre compte tout de suite que j’habitais juste en face. Elle pointa le doigt vers moi, puis vers elle, fit le chiffre cinq de ses doigts écartés avant de désigner la rue en bas. Voulait-elle que je la rejoigne en bas dans cinq minutes ?
Je hochais la tête, quittais la fenêtre avant de la refermer sur le froid glacial. Enfilais ma veste de cuir par-dessus mon col roulé noir avant de prendre mon porte feuille et mes clés puis descendais dans la rue d’en bas. Je me félicitais d’avoir acheté des rangers au surplus militaire. La neige ici était épaisse et avait vite fait de former des plaques de glaces glissantes au possible. Les mains dans les poches, je l’attendais. Que me voulait-elle ?Emmitouflée dans son manteau avec une capuche en fourrure, elle donnait l’impression d’être tout droit sortie du pole nord. Elle me souriait d’un air gêné.
-Castiel, c’est ça ?
-Oui.-
Je t’offre un verre ? Je n’ai pas eu l’occasion de remercier correctement pour la dernière fois.
-D’accord.
Elle avait les joues rouges, mais je n’arrivais pas à savoir si c’était dût au froid ou si elle rougissait. Elle était la blanche neige des contes pour les mômes comme ceux que me lisait ma grand-mère quand j’étais petit. La peau très pale, les joues et les lèvres rouges, de grands yeux bleus frangés de cils noir comme une nuit sans lune. Aussi noir que ces cheveux dont des mèches s’égaraient autour de son visage, s’échappant par touche de sa capuche.Je marchais à ses côtés dans la rue, la suivait jusqu’à un bar que je connaissais bien. Elle enleva son manteau et le posa près d’elle sur la banquette. Je m’installais en face d’elle, mes gestes me semblaient brusques et gauches en comparaison des siens.On discutait de tout, de rien, de danse et de musique.
Le temps passait plus vite que ce que je ne pensais puisque c’est la fermeture du bar qui nous plongea dans la rue glacial, soufflée par un vent vif qui piquait la peau comme un millier d’aiguilles.
-Je te raccompagne.
Ce n’était pas une question, elle hocha néanmoins la tête et je la suivais, les mains toujours dans les poches jusqu’à ce qu’il glisse sur une plaque de glace. Je la rattrapais alors puis la laissait me tenir le bras pour conserver son équilibre. Elle s’arrêta devant une porte d’immeuble, sortie une clé de sa poche.
-Tu monte prendre un dernier café ?
Je me contentais d’hocher la tête, il faisait vraiment trop froid et j’étais gelé.Son appartement était très sobre, et infiniment plus propre que le mien. Après avoir déposé ma veste sur le porte manteau comme elle-même l’avait fait, je la suivais dans la cuisine où je m’adossais à un mur pendant qu’elle préparait le café en silence puis sortait deux tasses. En attendant que le café coule, elle s’approcha de moi, tendit la main pour attraper l’une de mes longues mèches de cheveux.
-Pourquoi cette couleur ?
-J’aime le rouge, c’est tout.
Elle était très proche de moi, je gardais les bras croisés pour ne pas la toucher, j’étais trop dévoré par le désir pour être en mesure de me contrôler si je venais à effleurer sa peau. J’étais la bête et elle la belle, je craignais de la briser en milles morceaux si je venais à toucher son image.
-Tu as un drôle d’accent, tu n’es pas d’ici, je me trompe.
-Je viens de Paris.
-ça doit être beau là bas non ? Ça ne te manque pas ?
-Pas plus que ça.
Mensonge. Mais qu’importe, avec elle en face de moi, j’oubliais ma ville natale et ses bâtiments usés chargés d’histoire.
-Il parait que les français embrassent bien…
Elle ne me quittait pas des yeux, ses doigts s’étaient attardés dans mes cheveux, je frissonnais. Une invite ?
-Un mythe, sans doute.
Elle s’approcha un peu plus de moi, je décroisais les bras pour poser les mains sur les siens, si elle s’approchait plus de moi encore, je ne répondrais plus de rien.
-Laisse-moi en juger par moi-même.
Ces bras qui me servaient à la repousser l’instant d’avant l’enserraient maintenant afin de plaquer plus étroitement son corps contre le mien alors que le contraste de ses lèvres chaudes sur les miennes glacée me faisait vibrer de plaisir. Je pivotais afin de la plaquer contre le mur, mes mains glacée glissèrent sur sa peau brulante, j’enlevais fébrilement les couches de vêtements qui nous protégeaient tout à l’heure de la rigueur de l’hiver. Le ballet de nos langues me rendait ivre, ma respiration s’accélérait. Je laissais mes lèvres suivre leur route le long de son cou, de sa gorge. Mes doigts se pressaient contre sa peau, tantôt caressant, tantôt palpant la chair offerte dans une chorégraphie qui ne nécessitait aucune répétition pour être parfaitement exécutée.
Elle m’avait invitée à danser mais cette danse là, c’est moi qui la mènerais.