Elle s'apellera Lily
Ma première impression se confirmait, les échographistes sont vraiment des sadiques. J’avais de plus en plus souvent des envies pressantes et les voila qui m’obligeaient encore à poireauter avec la vessie pleine. Nous avions l’autorisation de sécher la matinée pour ça. Plutôt cool la vie de femme enceinte quand même. Je passais une main sur mon ventre rebondi souriant encore en repensant à la remarque qu’Ethan m’avait fait au retour des vacances. « la vache ! il a grandi d’un seul coup ou quoi ? Je suis sur que c’est pas naturel ce qui pousse la dedans. » Il faut dire qu’avant les vacances, on voyait tout juste que j’étais enceinte et un T-shirt un peu ample suffisait pour le dissimuler. Maintenant, malgré tout mes efforts, je ne pourrais pas le cacher. Pour le coup, j’entrainais une Ambre boudeuse dans une session de shopping de grossesse. Elle avait beau ronchonner, ça ne l’empêchait pas de venir me voir plus souvent pour des prétextes futiles, en profitant pour demander si elle pouvait toucher mon ventre.
J’avais l’impression d’être devenu une espèce de gris-gris ou de porte-bonheur. Toutes les filles de terminale ou presque voulaient en apprendre plus. Youpi ! J’étais le puits de la sagesse et de la connaissance…. En matière de sexe en tout cas à leurs yeux… Non, je rigole, en fait, même si l’attention qu’on me porte peut sembler touchant, c’est en réalité étouffant. J’ai l’impression d’être une matrice, que seul ce qui gigote dans mon abdomen a de l’importance. On ne me demande pas la permission la plupart du temps pour toucher mon ventre. Les gens ne conçoivent plus ce ventre comme une partie de mon corps…
-Mlle Kaine ?
Enfin ! Je me lève et me dirige vers la salle d’examen suivit par Castiel. Encore le gel froid et la sonde étrange. Cette fois, le son est branché tout de suite et on entend le cœur du bébé dés le début. Une petite larmichette coule direct, c’est toujours aussi émouvant. Sur l’écran, le haricot a disparu pour laisser la place à un bébé bien formé avec une tête un peu grosse. Il a tellement grandi qu’on ne peut plus le voir en entier avec l’appareil !
L’échographiste prend les différends clichés dont il a besoin. Longueur de la colonne vertébrale, taille des membres, nombres de doigts aux mains et aux pieds, etc.…D’ailleurs, en parlant de main, le bébé vient de prendre son pouce.
-t’a vue ! Il vient de prendre son pouce !
Castiel a eu la même réaction que moi…
-Est-ce que vous voulez connaitre le sexe du bébé ?
Merde ! J’avais oublié que c’était à cette écho là qu’on pouvait le savoir…. Je jette un œil à Castiel, il me fait non de la tête. Parfait, moi non plus je ne veux pas le savoir, je préfère avoir la surprise.
-Non, merci Docteur.
-Vous êtes sure ?
-Oui.
-Très bien, dans ce cas je vais juste vous dire que le bébé se porte très bien. Je vous laisse retourner dans la salle d’attente pendant que je vous prépare le dossier.
Nous retournions donc dans la salle d’attente.
-ça ira si on ne connait pas le sexe du bébé ?
Je me tournais vers Castiel.
-Comment ça ?
-Bah pour acheter des trucs genre fringues et autre...
-On aura qu’à prendre des trucs de couleurs neutres… Rouge par exemple dis-je en lui jetant un regard canaille.
-Très drôle… Il va falloir qu’on s’y mette quand même.
Il posa une main sur mon ventre et sa tête sur mon épaule, assis à côté de moi dans la salle d’attente.
-A préparer son arrivé, 4 mois à peine, ça vas arriver super vite… Tu sais que ma mère a déjà commencé à retaper la chambre d’ami pour accueillir son premier petit-fils ?
-Ou petite-fille… Non, je n’avais pas remarqué.
-Je ne sais pas ce que tu en pense, mais on devrait commencer à se chercher un appartement ou une maison. J’ai pas trop envie d’avoir mes parents sur le dos tout le temps quand le bébé sera là.
-Tu veux dire que tu me demande si je veux vivre avec toi ?
-On peut dire les choses comme ça si tu préfères. On va pas toujours rester dans les pattes de mes parents de toute façon…
-J’aimerais avoir une maison à la campagne je crois…
-Moi aussi, et puis ce serait mieux pour démon.
-Avec une grande cuisine.
-Et un jardin.
-Et une salle de musique.
-et un studio d’enregistrement.
-Une piscine gigantesque.
-Non, trop dangereux pour un enfant.
-Oui c’est vrai. Un jacuzzi dans notre chambre comme à l’hôtel de la réunion ?
-Pourquoi pas….
-On s’emballe un peu là non ?!
-Complètement, mais j’aime bien.
-Moi aussi j’aime beaucoup.
C’était agréable de parler comme ça avec lui, de faire des projets, même si certains sont plus réalisables que d’autres…
-Faut que je passe mon permis auto.
-Moi aussi, on devrait s’inscrire assez vite. J’aimerais bien l’avoir avant l’arrivée du bébé.
-Oui ça serait bien qu’on l’ai avant… On va commencer par ça… On verra plus tard pour la maison !
à lancer pendant la lecture:http://www.youtube.com/watch?v=DHDCilyOWiI&feature=related
Les gens ne comprenaient pas pourquoi nous ne voulions pas connaitre le sexe du bébé Castiel et moi. En particulier nos proches qui voulaient eux le savoir presque plus que nous. Je m’en moquais. Depuis un certain temps, je me concentre uniquement sur ce qu’il se passe à l’intérieur de moi, focalisée sur mes sensations, sur mon nouveau centre de l’univers.Peu à peu, mon ventre s’alourdi, je dois bientôt basculer le bassin et marcher en me soutenant le dos des bras tellement mes reins me font mal parfois. Je laisse mes camarades compatissant porter mes affaires, moi qui étais si fière avant de mon indépendance, j’ai l’impression de ne plus être capable d’avancer sans soutien.
Castiel s’éloigne peu à peu de moi ses derniers temps. Surement chassé par mon humeur de chien. Il me regarde parfois avec un air étrange dans le regard que je n’arrive pas à analyser. Je ne lui en veux pas… J’ai parfois l’impression d’entendre ma mère quand je parle et ça me fait peur. Pourtant, chaque fois que j’ai besoin de lui, je le trouve près de moi.
Je fonds en pleure souvent. Fatiguée parce que la nuit je n’arrive plus à trouver de positions confortables pour dormir. La dernière échographie est passée, les médecins me disent de ne pas m’inquiéter, que tout se passera bien mais je ne peux pas m’empêcher d’angoisser. La perspective de cette naissance toute proche me terrifie. J’ai peur d’avoir mal, de souffrir, de mourir aussi puisqu’il y a des risques après tout. Je ne peux plus jouer de musique, mon ventre distendu m’empêche de manier correctement mes instruments et je manque même de souffle pour chanter.
Nick a donc mis fin à mon contrat, puisque je ne peux plus en remplir les termes. Les séances de préparation à l’accouchement ne suffisent pas à calmer mes angoisse, j’ai peur d’oublier comment respirer, comment me placer. La mère de Castiel m’assure que c’est normal, que les femmes souffrent vers la fin pour oublier leur peur afin d’être pressée d’en finir. Je n’arrive pas à savoir ce qui me terrifie le plus maintenant. Que cette grossesse soit sans fin ou qu’elle prenne fin.
Alix marche à côté de moi dans le couloir, elle m’accompagne vers la cours où j’espère pouvoir respirer un peu d’air frais pour me calmer. Depuis ce matin, je ne me sens pas très bien… Je cherche Castiel des yeux, il devrait être là quelque part, je sais qu’il n’a pas cours à cette heure là. Je le repère près d’Ambre. Depuis quelques temps, ni l’un ni l’autre ne me quitte vraiment.
Il se penche et dépose un baiser sur sa joue. Une douleur fulgurante me traverse le bas du dos. Je pose une main sur le mur pour me soutenir avant de tomber à genoux en larmes. Je regarde le sol où est apparue une mare de liquide gluant transparent. Je tourne un visage paniqué vers Alix, le bébé n’était prévue que pour dans deux semaines. Les gens autour de moi commencent à faire un cercle, tout le monde me connait ici, sait ce qu’il m’arrive, je me concentre sur ma respiration, grimace de douleur alors qu’une seconde contraction arrive. J’entends Alix, ma si gentille et timide Alix crier d’une voie tonitruante le nom de Castiel.
Je respire, il faut respirer c’est la clé. Je prends une grande inspiration que j’expire en douceur. Je me relève en faisant attention, le sol est glissant sous mes pieds. Un bras puissant vient me soutenir à gauche, je m’appui avec reconnaissance sur Ethan qui vient d’apparaitre à mes côtés. Je lui souris en grimaçant, je n’arrive pas à parler pour lui montrer ma gratitude.Castiel arrive vers moi en fendant la foule. Je sens de nouveaux du liquide tiède couler le long de mes jambes.
-Il arrive ?!
-Evidement idiot !
Réplique Ethan à côté de moi, Castiel sort son téléphone, appel sa mère pour qu’elle nous conduise à l’hôpital. Je laisse les autres gérer ce genre de chose, j’ai trop peur pour penser correctement. Je prends une autre inspiration qui est aussitôt coupée par une contraction, je gémis en serrant mes doigts sur le bras du pauvre Ethan qui grimace de douleur. Ma respiration devient hachée, j’ai du mal à la contrôler.
Castiel apparait devant mon visage. Je suis en larmes, je ne sais pas quoi faire, je sens mes yeux rouler dans mes orbites, je cherche une échappatoire à la souffrance mais on ne peut pas fuir son propre corps. Pourquoi ça fait si mal ?!
-Thèm ! Calme-toi ! Respire ! Regarde-moi !
Je le regarde, suis les mouvements de sa cage thoracique, l’imite. J’arrive à me calmer un peu. Il se place de l’autre côté, prenant mon bras. A deux, ils me portent plus que je ne marche vers la sortie du lycée, je me contente de rester concentré sur la respiration de Castiel que j’imite autant que possible.
-Mon sac, j’ai ma carte vitale et mes papiers dans mon sac…
Première pensée intelligente et cohérente depuis tout à l’heure. Alix qui nous avait suivis passe mon sac à dos à Castiel. J’ai l’impression que la mère de Castiel n’arrivera jamais. Je me concentre de nouveau sur ma concentration, les garçons eux peuvent bien supporter mes ongles qui pénètrent dans leur chair. La voiture se gare enfin devant le portail, Ethan m’ouvre la porte, je m’installe comme je peux sur le siège arrière, Castiel à côté de moi.
-C’est bon vas-y !
Dit-il à sa mère alors que je lui écrase la main pendant une nouvelle contraction. J’ai beaucoup de mal à contrôler ma respiration.
-Met de la musique s’il te plait Maman, ça la calmera peut-être un peu…
Les premières notes de « U-turn Lili » s’élèvent dans l’habitacle de la voiture. Je laisse la musique m’atteindre, apaiser mes nerfs tendus. En plus j’aime beaucoup cette chanson. J’arrive de nouveaux à contrôler ma respiration, lors de la contraction suivante, j’expire en douceur. Celle-ci m’a fait moins mal. J’arrive à grimacer un sourire à Castiel pour tenter d’effacer cette inquiétude qui noie son regard acier.
J’entre dans l’hôpital, des infirmières nous prennent en charge, nous laissons la mère de Castiel s’occuper des papiers administratifs. On me conduit dans une pièce où on m’examine. Le bébé arrive plus vite que prévu pour une première naissance. La sage-femme que j’avais consultée m’avait dit qu’il fallait en moyenne 10 heures de travail avant la délivrance. On me fait enfiler une chemise qui dissimule à peine ma nudité, on me conduit ensuite en salle d’anesthésie puisque je hurle à la péridurale.
Je frémis lorsque l’aiguille se plante dans mon dos pour l’anesthésier. Encore plus lorsque je sens le drain râper ma colonne vertébrale durant la contraction. On m’allonge ensuite sur la table, me faisant mettre les pieds sur les étriers. Castiel à mes côtés porte la si seyante chemise bleue jetable. La péridurale commence à faire effet, j’ai moins mal. Je dis à l’anesthésiste que je l’aime rien que pour ça, mais Castiel ne semble pas s’en formaliser. Je remarque qu’il porte aussi une protection jetable en tissus sur la tête.
-Je regrette de pas pouvoir te prendre en photo, tu es ridicule.
-Je m’en doute. Alors ça y’est ?
-ça y est.
-Prête ?
-Pas plus que toi…
-Je t’aime.
-C’est moi je t’aime !
Je grimaçais. Une autre contraction un peu plus violente venait de franchir la barrière de l’anesthésie. Les infirmières et les sages-femmes s’agitaient autour de moi. Un tourbillon de rose, de blanc, j’ai l’impression d’avoir la vision floue, je ne me sens pas très bien et la douleur revient, de plus en plus intense. Je tourne le regard vers Castiel.
-Thémis ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Elle a pas l’air bien….
Il tourne son visage vers une des blouses bleu, comme au ralentit
-Merde, il vient d’où ce sang ?
Une voie d'homme, je crois qu'il s'agit de l'infirmier...
- Sortez-le d’ici !
-THEMIS !!!
Dans le brouillard de ma vision, je vois qu’on emmène Castiel loin de moi alors qu’il se débat. J’ai du mal à comprendre ce qu’il se passe. Les voies sont assourdies, seule la douleur reste une constante dans mon univers. Je ferme les yeux pour essayer de comprendre ce qu’il se passe, essayer de faire en sorte de retrouver ma cohérence. Mais je me dispache dans la lumière aveuglante des lampes qui m’entourent.