American Horror Story Forest

2015, Oregon, États-Unis.

         Descendant lentement les escaliers du hall, le sourire toujours présent sur son visage, Ethan lança un :

 -Maman ! Papa !

         Très exagéré, à la limite du non naturel. Gwendolyn avait l'air aussi étonné que ses parents, qui serrèrent leur fils dans leurs bras. Ethan regardait avec malice sa sœur. Le grand père ne se fit pas attendre longtemps. Il revint rapidement dans le hall, essayant de sourire tant bien que mal. Gwendolyn pouvait sentir que quelque chose n'allait pas. Même si elle n'avait vu son grand père que peu de fois, elle le connaissait, il était de la famille. Sans plus attendre, Gwendolyn attrapait le bras du domestique et l'emmenait vers la cuisine tandis qu'Henry s'occupait de montrer la chambre aux deux parents.

 -Qu'y a-t-il ? S'exclama Thomas, ne comprenant pas pourquoi elle l'avait entraîné dans cette pièce.

 -Quelque chose ne va pas, répondit-elle en fixant le vide.

         Un long silence s'en suivi. Les yeux de Thomas restaient ancrés dans ceux de l'adolescente, il attendait une vraie réponse.

 -Je crois qu'il est parti parler à Ethan et que ça ne s'est pas très bien passé, continua-t-elle.

 -Et alors ? Vous voulez me faire part de vos histoires familiales ? Continua-t'il.

 -Thomas, nous savons très bien tous les deux que  vous vous êtes immiscés dans les histoires de la famille Spicer depuis un bon moment. Vous êtes toujours là au bon endroit, au bon moment. Je sais que vous savez ce qu'il se passe ici et j'ai besoin de vous.

 -Besoin de moi ? Répéta Thomas en haussant les sourcils.

 -Mon frère agit bizarrement depuis le soir de la mort de Ryan ... J'ai l'impression qu'il a changé. Il agit un peu comme ... comme Ryan, déclara la jeune fille, surprise.

         Elle attrapait le bras du domestique, fixant maintenant son visage. Thomas fut étonné par la déclaration de l'adolescente..

- -Et s'il lui arrivait la même chose ? S'inquièta Gwendolyn. Et si... Et s'il mourrait tout comme lui ? ...

 -Gwen ..., commença Thomas calmement.

 -Non, non, non, le coupa-t-elle. C'est impossible. Il faut faire quelque chose. Retrouver le journal d'Ellen Spicer ou ...

 -Le journal ?! S'exclama Thomas à son tour. Vous l'avez lu ... ? Vous l'avez trouvé ?

 -Oui, mais je n'ai pas eu le temps de le lire. Ethan l'a brûlé.

         Les yeux de Thomas s'écarquillèrent. Ce fut son tour d'attraper le bras de la jeune fille.

 -Il l'a brûlé ? Demanda-t-il, la mine sévère, en approchant son visage de celui de la blonde.

         Elle acquiesça doucement.

 -Gwendolyn, pourquoi vous ne m'avez pas prévenu du comportement de votre frère plus tôt ?! Cria Thomas à voix basse pour ne pas que ça résonne dans l'immense pièce.

         Elle haussa les épaules avant de répondre :

 -Eh bien ... Au début je ne pensais pas que c'était grave. Je crois que ce coup qu'il m'a donné sur la tête m'a rendu plus naïve ...

 -Il vous a frappé ?!

         La jeune fille acquiesça une nouvelle fois, avalant difficilement sa salive.

 -Il faut que j'en parle à votre grand-père.

 -Je ne crois pas ! S'exclama derrière eux une voix bien trop familière à l'adolescente.

         Ils se retournèrent tous deux pour faire face au frère de Gwendolyn, un couteau de cuisine dans les mains et toujours le même sourire machiavélique sur le visage.

 -Pourquoi ne pas en parler avec le principal intéressé ? Continua avec le plus grand calme le garçon en jouant avec le couteau.

1948, Oregon, États-Unis.

         Ellen fixait inlassablement le vide, assise sur son canapé. Elle avait pris l'habitude de faire ça quand elle ne savait pas ce que la vie lui réserverait et qu'elle se posait tout un tas de question, plus farfelues les unes que les autres. Elle n'aimait plus Victor, c'était certain. Il était devenu fou, ça aussi, c'était sûr. Quoiqu'en fait, il l'avait toujours été. Elle se rappelait de la première crise qu'il avait fait en pleine nuit. Il disait qu'il avait vu des gens se balader dans le couloir de leur appartement à New-York. Quand Ellen avait dit que c'était impossible, il avait répondu qu'il les voyait tout le temps et que ce n'était ni la première, ni la dernière fois qu'il les verraient, parce qu'il était maudit. Lorsqu'ils avaient eu Mary, Ellen avait commençé à se détacher de son mari et s'accrocher de plus en plus à sa fille. Alors qu'elle pensait étant petite qu'elle livrerait un amour sans conditions à ses enfants et à son mari, qu'elle les aimerait tout autant chacun, Victor la dégoutait. Ce fut un coup de massue quand elle découvrit un jour qu'il l'avait trompée.

         Elle avait voulu partir, mais c'était impossible. L'homme prenait toutes les décisions. Alors que Mary semblait développé la même chose que son père, la folie, Victor avait hérité de ce manoir de la part de sa mère. Et ils avaient essayé de prendre un nouveau départ. Même si pour Ellen, Victor ne serait jamais l'amour de sa vie. Puis il y avait eu Thomas. Elle le trouvait bizarre, au début du moins. Puis elle avait appris à le connaître, il pouvait parfois paraître morbide, mais il était charmant, drôle, serviable. Toutes les qualités qu'Ellen n'arrivait plus à retrouvé chez son mari. Elle passait plus de temps avec le domestique qu'avec son propre mari, et Thomas vouait certainement un amour plus fusionnelle avec Mary que Victor, son propre père.

         Alors oui, après l'incident de Victor dans les bois, Ellen avait voulu le tuer pour se libérer de son joug. Pouvoir être vraiment libre et vivre avec l'homme qu'elle aimait réellement et pouvoir aimé sa fille sans avoir peur de son mari.

         Thomas entrait dans la pièce, deux tasses fumantes dans les mains. Il les déposait sur la table basse et s'assit à côté d'Ellen.

 -Mary vient de s'endormir, dit-il doucement. Je lui ai lu « Le petit chaperon rouge ». Elle avait l'air d'adorer.

         Un sourire triste et rapide anima le visage d'Ellen.

 -Et Victor ? Demanda-t-elle en fixant la cheminée.

 -Eh bien ... J'ai préparé le verre. Il est dans la cuisine. Il ne reste plus qu'à le déposer dans sa chambre et à la première gorgée ... Victor ... enfin vous voyez, répondit difficilement Thomas, buvant une gorgée de sa boisson à la suite de sa phrase.

         Ellen haussa les épaules.

 -Je sais que c'est la meilleure chose à faire. Mais que c'est également horrible. Pourtant, je n'arrive pas à pleurer, déclara la femme en tournant son visage.

         Il haussai à son tour les épaules.

 -Peut-être qu'il vous a trop fait souffrir pour que vous ne pleuriez pour lui, répliqua le domestique.

 -Peut-être...

 -Une fois que ce sera fait Ellen, votre vie changera.

 -Dans cet endroit maudit ?

 -Victor est une plaie qu'il faut éliminer. Après sa mort, ce sera un véritable renouveau pour vous et pour Mary.

2015, Oregon, États-Unis.

         Gwendolyn restait figée sur place. Elle voulait fuir, courir, peut-être même retourner à New-York. Sans lui bien sûr, mais ça semblait impossible pour l'instant. Ses jambes étaient comme fixées au sol. Thomas semblait dans la même position qu'elle. Pourtant, il s'interposa en la sœur et le frère.

 -Arrête Ethan, tu lui fais peur, lança Thomas en s'approchant doucement de l'adolescent.

 -Ethan ?! Ricana le jeune homme. Mais enfin, Ethan n'est plus là. J'ai pris sa place comme il m'était destiné de faire.

 -Tu as pris sa place ? S'exclama Gwendolyn.

         Surpris que la jeune fille prenne la parole, le jeune homme mit du temps avant de répondre.

 -Oui mais ne t'en fais pas, tu n'aurais rien pu faire, rétorqua le jeune qui tenait le couteau dans ses mains.

         Le domestique s'approcha de plus en plus de l'être possédé, contournant l'ilot central de la cuisine. Derrière celui-ci se trouvait le corps d'Ethan. Mais lorsqu'il fut un peu trop proche, l'être maléfique lança le couteau dans sa direction. Ce dernier vint directement se planter dans l'épaule de Thomas qui tomba à genoux, le visage devenant de plus en plus rouge. Gwendolyn se mit à hurler. Ethan, ou du moins son corps qui ne lui appartenanit plus vraiment, attrapa le couteau et l'enleva de l'épaule de Thomas qui restait à genoux avec une respiration saccadée.

 -Il va s'en remettre, souffla l'adolescent.

         Il s'approcha de Gwendolyn, le couteau dans les mains. La jeune fille était toujours glacée par la peur. Il se plaçait dans son dos et vint bientôt positionner le couteau de cuisine juste sur sa gorge. Elle pouvait sentir le métal froid mélangé au sang chaud du domestique contre sa peau. Son frère n'appuyait pas, il l'avait posé délicatement pour que sa sœur ne souffre pas, pas encore du moins. Thomas ne tarda pas à se relever, replaçant son épaule, sous la surprise de Gwendolyn.

 -Thomas, l'appela-t-elle choquée.

 -Tout va bien, répondit-il en levant les mains en guise de prosternation.

         Ethan acquiesça, content de la tournure que prenaient les événements.

 -Bien ! Nous allons donc faire une petite ballade en forêt, s'exclama le corps possédé.

 -Pour ? Questionna le domestique, méfiant.

 -J'ai besoin de trouver quelque chose. Et vous, Thomas, vous êtes la seule personne qui puisse m'indiquer la route puisque vous êtes le seul qui connaisse ces bois comme votre poche.

 -C'est tout ce que je dois faire pour que tu ne la tue pas ? Demanda Thomas en reprenant peu à peu son souffle.

 -C'est tout ce que tu dois faire, répondit le jeune homme en souriant.

 -Alors relâche-la !

 -Oh, non. Elle vient avec nous.

1948, Oregon, États-Unis.

         La petite fille de la famille Spicer était dans sa chambre. La pièce n'étant illuminée que par la faible lumière de la lune, elle tremblait. Elle pouvait voir les ombres des morts danser sur les murs de sa chambre. Elle était peut-être habituée, mais c'était toujours aussi effrayant. Elle était si fragile, si innocente. Le pire, c'était quand un mort venait lui susurrer à l'oreille la raison de sa présence dans l'outre-monde.

         Elle tentait de s'endormir, en vain. Elle ne pouvait fermer les yeux dix minutes sans qu'elle ne revoit le visage de son abominable père. Cette créature du démon qui l'avait rejoins tant de fois dans son lit de petite fille. Cet homme au regard pervers qui n'hésitait pas à la frapper à la moindre occasion. Il était véritablement terrifiant. Jamais elle ne l'oublierait, jamais elle ne pourrait effacer son horrible visage de sa mémoire. Elle avait souvent du mal à s'endormir le soir, tout simplement parce qu'elle avait peur qu'il vienne à nouveau s'en prendre à elle. Le pire, c'était que même les morts ne pouvaient pas l'aider. La plupart du temps, ils se moquaient d'elle.

         Un bruit soudain fit sursauter la petite fille. Elle se releva instantanément, parcourant du regard les moindres recoins de sa chambre.

 -C'est vous ? Demanda-t-elle d'une voix tremblante.

         Aucune réponses excepté le hululement des chouettes. Pressant son ours en peluche contre son coeur, elle se leva de son lit, s'aventurant dans cette vaste chambre, sinistre et plus sombre que les morts eux-mêmes.

         Au bout d'une dizaine de pas, elle finit par se dire qu'elle s'était faite une idée, qu'il n'y avait personne ici. Elle se tenta de regagner son lit a plus vite mais avant qu'elle n'ait pu l'atteindre, elle entendit la porte de sa chambre s'ouvrir dans un énorme grincement. Elle tourna machinalement la tête et aperçu le pire de ses cauchemars.

         Une silhouette sombre avait le visage rivé sur le sol, tenant fermant des béquilles dans ses mains.

 -Mary, prononça fermement l'homme en faisant un pas vers elle.

 -Papa, répondit-elle d'une voix tremblante en avalant difficilement sa salive.

 -Tu m'as menti ...

         Elle secoua négativement la tête. Elle avait de plus en plus peur et son visage la trahissait.

 -Je t'ai dit tout ce que je savais sur la forêt ... Je suis fatigué, ne viens pas ce soir s'il te plaît, dit la petite fille en reculant.

         Tandis que son père avançait à pas de loup, il déclara avec une voix dès plus graves :

 -Tu as ruiné ma vie ...

         Victor fut pris de sanglots.

 -C'est ta faute ! Hurla-t-il alors que son visage se déformait peu à peu  par la rage.

         Des larmes se mirent à submerger le visage de Mary.

 -Je vais te tuer, proclama son père avec un sourire triste, le visage encore humide à cause des larmes et les yeux injectés de sang. Tu vas mourir Mary, pour avoir souillé ton propre père.

 -Tu me fais peur, rétorqua la petite en enfouissant sa tête dans ses bras pour cacher son visage.

         Il s'approchait encore un peu plus.

 -J'ai toujours voulu que tu meurs. Je n'étais pas destiné à avoir des enfants. Ils ne sont pas bons pour moi. Ils sont beaucoup trop... attirants. Ils ruinent ta vie. Tu as ruiné ma vie, continua-t'il en insistant bien sur le « tu ». Parce que tu m'as menti, tu es comme ta mère.

 -Papa, la forêt est dangereuse ...

 -Tu crois que je ne l'ai pas remarqué, fit-il en montrant son pied arraché.

         Alors qu'il était de plus en plus proche, Mary s'empressa d'accourir vers la porte de sa chambre pour s'enfuir. Victor, handicapé par les béquilles, ne parvint pas à l'attraper. Il se mit alors à sa poursuite dans les vastes et sombres couloirs du manoir. C'était si grand que personne ne pouvait entendre ni les hurlements de la fillete, ni les injures de son père.

2015, Oregon, États-Unis.

 -Tu me fais mal, s'écria Gwendolyn en secouant son poignet coincé par la main d'Ethan.

 -La ferme, répondit son frère.

 -Eh ! Sermonna Thomas. Je pense que ce n'est pas le moment pour avoir une dispute entre frère et sœur.

 -Je vous ai déjà dit que je n'étais plus Ethan, soupira l'adolescent. Vous allez comprendre un jour ou non ?

 -Je suppose qu'on sera mort quand on voudra bien l'admettre, se plaignit Gwen.

         Ethan soupira de nouveau.

 -Bon, le domestique, il est où ce cimetière ?! Cracha Ethan en pointant son couteau vers Thomas.

         Ce dernier essayait tant bien que mal de se repérer dans l'immense forêt.

 -Ce n'est pas facile de se concentrer quand on est dans une forêt faisant plusieurs hectares et qu'un psychopathe nous suit juste derrière, armé d'un couteau.

 -Pas un psychopathe ! Un maître, s'exclama Ethan.

 -Ben voyons, continua Gwendolyn. Vous êtes juste un monstre qui se sert de mon frère comme corps parce que vous n'avez pas de couilles pour venir vous-même ...

 -C'est plus compliqué que ça, expliqua le jeune homme. Mais ce n'est pas vraiment la question pour le moment ...

 -Expliquez-nous, allez-y. On a tout notre temps vous savez, soupira la blonde toujours en secouant son poignet, manquant de se prendre une branche d'arbre.

 -Si je ne veux pas que tu découvres ce qui se passe ici Gwendolyn, c'est que je ne veux pas que tu saches pourquoi j'ai pris possession du corps de ton frère.

***

 -Ok, commença Henry. On va tester la décharge une dernière fois.

         Ryan se tortillait sur lui-même. Il était trempé. Il ne savait pas s'il supporterait encore une décharge.

 -Henry, essaya d'articuler le garçon.

         Le vieil homme de répondit pas.

 -Henry, appela-t-il un peu plus fort.

         Le grand père se retourna, deux pinces dans les mains.

 -Arrêtez, supplia Ryan. Ça sert à rien. Vous avez tout essayé ... L'exorcisme, les décharges, la torture... J'en peux plus... Je sature.

 -Ben voyons, lança le grand père en configurant sa machine.

 -Je rigole pas, dit le jeune homme, essouflé.

         Henry écarquilla les yeux. Il se dirigea à toute vitesse sur le garçon, le fixant.

 -Je t'interdis de te laisser submerger par ce Victor. Il est mort, tu es vivant, tu dois vivre. Point barre, prononça Henry Spicer sévèrement.

         Ryan soupira.

 -Je veux avancer, et mon unique recours est d'en finir.

 -Hors de question.

         Henry retourna vers sa machine, marmonnant des choses incompréhensibles.

 -Je vous remercie d'avoir tout essayé Henry, vraiment. Si je dois hanter quelqu'un, ça ne sera pas vous. Vous avez sûrement été plus gentil que mes parents en dix sept ans.

 -Alors que je t'ai donné un coup sur la tête quand je t'ai vu la première fois, ricana le vieil homme.

         Ryan se mit à sourire.

 -Le début d'une belle amitié, en conclut le jeune garçon. Au moins je serais mort avec quelqu'un que j'apprécie, même si j'aurais aimé que Gwen soit là ...

 -Tu n'es pas mort, dit Henry en s'approchant du garçon, les deux pinces toujours dans les mains. Et je vais te le prouver.

         Il accrocha les deux pinces au torse de Ryan et appuya sur le bouton « marche » de son appareil.

1948, Oregon, États-Unis.

         Courant à toute allure dans la forêt, Mary trébucha sur tous les troncs d'arbres qu'elle ne pouvait pas voir à cause de la nuit. C'était compliqué de s'orienter dans le noir dans un endroit aussi vaste que celui-ci. Elle pouvait entendre son père hurler son nom à pleins poumons, au loin. Il était à sa poursuite, prêt à l'étrangler à la première occasion, peut-être même prêt à la manger. C'était une idée plausible au fond. Il était tellement cinglé.

         La petite fille s'arrêta bientôt dans un cimetière. Une grange s'y trouvait. Elle accourut vers cette dernière. Elle aurait peut-être dû prévenir sa mère, elle aurait fait quelque chose, c'était sûr. Se réfugiant à l'intérieur de la bicoque, Mary transpirait. Elle respirait fortement de manière irrégulière. Ses genoux étaient sales et écorchés. Elle avait presque l'impression d'attendre le loup qui viendrait manger le pauvre petit cochon, comme dans les contes pour enfants qu'elle avait tant entendus à l'école. Elle était terrifiée. Comment son père en était-il arrivé là ? Comment avait-il perdu la raison à un tel point qu'il voulait tuer sa propre petite fille ? Il l'avait déjà violée, alors la tuer n'était peut-être pas bien différent, pensa-t'elle.

         Mary avait des cicatrices, elle était si jeune et pourtant, elles étaient bien présentes. Elle ne montrait pas son traumatisme, parce qu'elle se trouvait déjà trop bizarre pour parler de ses problèmes familiaux. Elle savait qu'elle n'aurait jamais le droit à une vie normale. Une vie remplie d'amour, de bonheur, comme avaient les autres petites filles de son âge. Dès qu'elle était née, on lui avait retiré ça en l'envoyant dans cette pitoyable famille. Elle voulait plus que tout affronter son père pour montré au monde qu'elle était plus forte. Qu'elle aussi, avait le droit à une fin heureuse. Comme dans les contes.

         Lorsque Victor entendit la respiration saccadée de sa fille dans la grange, il ne perdit pas ne minute pour donner d'énormes coups sur la porte. Lorsque cette dernière s'ouvrit, elle lui donna directement une vue sur sa petite fille, assise dans un coin, recroquevillée sur elle-même, son nounours dans les mains. Elle le fixait de ses innocents yeux bleus. Lui, ressemblait à une bête sauvage. Il agissait comme telle, alors rien d'étonnant. Il était le monstre, elle était la petite fille morte de peur qui n'osait pas regarder sous son lit s'il s'y cachait le soir. Il ne voyait plus que la rage et la colère. Cet endroit l'avait changé. Il essaya de repenser à tous les bons moments qu'il avait vécu, mais au final, il n'y en avait pas tant que ça. Le fait de voir des morts partout n'aidait pas.

         Mary profita de ce moment d'absence de la part de son père pour se défiler encore une fois et partir. Courir à nouveau, seule, dans la forêt.

         Victor se tourna vers elle, criant des insultes en tout genre. Quand soudain, une vive douleur à la poitrine le prit. Elle s'agrandit dans tout son corps. Comme un virus. C'était un virus. Il tomba à même le sol, fixant le plafond de la grange. Il sentait que quelque chose d'horrible s'y cacher, et c'était ici sa véritable source de malheur. C'était cet endroit le responsable de tout ses maux.

         Alors qu'il commençait à hurler à la mort parce qu'une arachnide venait de sortir de sa plaie à la cheville, il pensait. Il ne voulait pas souffrir. Mais il y fut contraint. Sa plaie s'agrandit de plus en plus, laissant s'échapper des dizaines d'araignées poilues.

         Alors que la douleur gagnait bientôt son crâne, de nouveaux insectes sortirent de sa bouche, puis bientôt de ses oreilles. Il hurlait, mais personne ne l'entendait. Non, personne. Il mourrait en souffrant. Ce qui l'acheva, ce furent les arachnides sortant de ses yeux, effaçant la dernière lueur de vie qui restait en Victor.

         Puis plus rien, le calme plat, laissant les araignées vagabondercomme bon leur semblait.

***

         Mary courait, encore et toujours. Elle voulait retrouver le manoir. Mais ce qu'elle trouva  fut d'abord une racine s'échappant du sol. Son pied s'accrocha dans cette dernière et la fit trébucher. À côté d'elle se trouvait une pente assez raide. Elle roula le long de cette pente pendant de longue seconde, se cognant contre des bracnhes et des cailloux, revoyant le peu d'images de sa vie. On disait qu'on voyait toujours les images de sa vie défiler avant de mourir.  Allait-elle vraiment mourir ? Si l'on voyait vraiment les images de sa vie avant de mourir, alors celles de Mary était vraiment trop courtes, puisque tout lui paru se passer beaucoup trop vite.

         Elle s'échoua en bas de la pente, son crâne frappant violemment contre un énorme rocher. Les yeux encore ouverts et la bouche béante, laissant d'abord un petit filet de sang couler, la petite fille avait lâché son ours en peluche dans sa chute mortelle. Ce dernier atterrit juste à côté d'elle. Il ne fallut que quelque seconde avant qu'il ne se relève, regardant tout autour de lui. Il baissa la tête en voyant sa propriétaire morte mais ne s'éternisa pas ici pour autant. Il se mit à vagabonder.