La volte-face mélodramatique
« Mes condoléances, Régis. »
Je ne savais pas quoi répondre d’autre. Nul doute que la perte de sa sœur avait dû l’affecter d’une manière dont j’ignorais les conséquences et les aboutissants.
« Merci, Phoenix. Tu n’as pas à t’en faire, cela remonte à plusieurs années maintenant. Si Blake était là, il trouverait sûrement un jeu de mots pour détendre l’atmosphère. Mais ce n’est pas trop mon style…
— Je ne t’en demanderai pas plus, dans ce cas.
— C’est tout ce que je veux… Qu’on laisse Amy en paix ! A chaque fois que je m’améliore dans ce que je fais, j’ai l’impression de me rapprocher d’elle… Je serai le meilleur technicien qu’elle ait jamais connu.
— Je n’en doute pas, Régis. Je vais te laisser retourner au tournage !
— Oui, tu as raison, il faut que j’y aille… Bonne chance, Phoenix. »
Blake partit vers les studios tandis que je restais là, assis sur la table usée par le temps, au milieu des bois du parc. Je ne savais pas s’il s’agissait de stoïcisme ou d’habitude, mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser logiquement à cette histoire. Un décès dans la famille et, à présent, un décès dans la troupe… Ce qui est sûr, c’est que je n’avais pas encore réussi à lever le voile de mystères planant sur le théâtre. Blake, Hamburg, Régis… et Alice. Chacun avait sa version des faits. A force d’acharnement, Alice m’avait ouvert des pistes insoupçonnées. Pourtant, je n’avais guère obtenu d’informations de ses compères. Alors, il ne me restait plus qu’à faire mes propres recherches sur madame Stair… Et à les confronter à nouveau le moment venu. Nos chères forces de police allaient certainement pouvoir m’aider !
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12 mars, 13h15
Poste de police - division des affaires criminelles
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Quel endroit propice à une enquête… Il était temps de rentrer saluer le chef du département, qu’il ait tout de même un peu de travail en cette journée ensoleillée. Je pénétrai dans le bâtiment via les portes automatiques et m’approchai de son bureau surplombant tous les autres. Je le fixai un instant, sans un bruit, puis m’annonçai de la seule façon qui semblait fonctionner.
« Hm !
Mon raclement de gorge ne valait pas celui d’un certain avocat plus en chair mais, apparemment, il avait eu son effet. Le patron mit son… jeu en pause, par réflexe et m’accueillit.
— Ah ! Monsieur… Wright ? Vous nous rendez souvent visite en ce moment. Est-ce que je peux vous rendre un service ?...
— J’aurais besoin d’accéder aux archives des anciennes affaires, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.
Au culot ?
— Ah ! J’ai bien peur qu’il vous faille une autorisation. Vous le savez mieux que quiconque, n’est-ce pas ?
— Oh ! A ce propos, j’ai justement l’autorisation d’un inspecteur.
Périmée. Et pour la scène de crime du théâtre, pas pour les archives des affaires criminelles. Au culot !
— Hm, faites voir…
Le chef enfila ses lunettes et saisit d’une main le papier que je lui tendais en transpirant à petites gouttes.
— Attendez… Je vous l’ai signée avant-hier ?!
J’avais complètement oublié que c’était lui qui me l’avait faite. La bourde !
— Donc avant-hier… Elle est encore valable jusqu’à demain, vous pouvez y aller.
— Oh, euh… Merci, ah ah. »
Il me redonna le papier qu’il n’avait visiblement pas pris le temps de lire. Simultanément, le regard inquisiteur camouflé derrière ses lunettes me suivait, alors que je rejoignais la porte du sous-sol pour accéder aux archives.
« Eh monsieur l’avocat, dites !
— Euh… oui ? répondis-je sans me retourner.
— Pourquoi vous rigoliez ?!
— Oh, euh… C’est juste que… je pensais à la renégociation du salaire de Tektiv lorsque vous aurez mis cette autorisation sur son dos.
— Ah, bien sûr ! J’ai cru que vous vous moquiez de ma vue… Bon, vous pouvez y aller. »
Bravo, Phoenix ! Défense deux – Police zéro. Et désolé, Tektiv… Je longeai le mur du grand open space, vide, jusqu’à rejoindre la porte métallique de l’ascenseur. J’enfonçai le bouton pour l’ouvrir, puis pris place dans le transport, descendant directement au sous-sol dans une pluie de grincements peu rassurante.
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12 mars, 13h25
Poste de police - archives
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Une fois arrivé à destination, les coulisses de métal s’ouvrirent et dévoilèrent une pièce faiblement illuminée, à température constante : dix-huit degrés. Les luminaires blancs plongeaient sur les colonnes de tiroirs à archives. Je progressais dans les allées en me guidant des plaques accrochées au mur : « A-E », « F-J », « K-O », « P-T », S… Stair Amy. Au-dessus de l’étagère fermée trônait fièrement le « S » informatif. J’ouvris les tiroirs un par un à la recherche de l’alignement de lettres correct : Shu, Skye… Sugimori. Pas de Stair en vue ?... Mon intuition me trompait pourtant rarement. Deux décès dans le même groupe, était-ce véritablement une simple coïncidence ?... Par expérience, une étrangeté de ce genre ne se révélait souvent être qu’une vérité camouflée. Toutefois, les preuves sont tout dans un tribunal : s’il n’y avait rien pour étoffer ma thèse, elle ne valait pas plus qu’un repas de Tektiv.
Je refermai le tiroir puis rebroussai chemin, frustré. A présent, que faire ?... J’avais la sensation désagréable d’avoir épuisé mes pistes, sans pour autant être parvenu à en comprendre suffisamment sur l’affaire. Me plantant devant l’ascenseur, je tendais le bras vers le bouton d’appel lorsque le colosse de métal écarta ses mâchoires. Mais loin de lui l’idée de m’avaler : il recracha plutôt un homme du bureau aussi surpris que moi. Nous sursautâmes tous deux, ne nous attendant pas à croiser quelqu’un dans le silence absolu des archives. Une fois la première surprise passée, une autre vint finalement nous frapper à l’instant le plus inopportun.
« Bonjour Wright… Que fais-tu ici ? Je ne me rappelle pas avoir été consulté pour une autorisation d’enquête.
— Hunter ?! Toujours aussi à cheval sur le travail… Comment vas-tu ?
— En plein travail, justement. Et toi, toujours en train d’éluder les questions importantes.
Hé ! Celle-ci se paiera cher, Hunter.
— Je me suis simplement perdu dans le commissariat, voilà tout…
— A un autre ! Enfin bref, j’avais simplement besoin de déposer un dossier… Finalement, je vais peut-être le garder encore un peu. On se voit demain, au tribunal, Wright. »
Sur ces mots, il fit demi-tour et quitta la pièce aussi vite qu’il était arrivé. Je me perdis un moment dans mes pensées, oubliant même de lui dire que j’en avais terminé ici et qu’on aurait pu épargner à l’ascenseur un énième voyage inutile. Dès que le transport fut de nouveau disponible, je pris place à l’intérieur, puis me figeai dans l’attente interminable de la montée… Demain ?! Au tribunal ?! J’allais vraiment affronter Hunter sur une enquête comme celle-ci ?! Mon temps de réaction fut long, certainement car je refusais de l’admettre. En tout cas, j’en suais déjà à grosses gouttes. Ce procureur à la veste de costume rouge, bien connu du milieu judiciaire, était quasiment le meilleur du pays. Vu son talent, il accéderait tôt au tard au poste de procureur général ! Je ne pensais vraiment pas avoir à le confronter de sitôt... Le connaissant bien, s’il faisait déjà des allers-retours aux archives, il en savait peut-être déjà plus que moi sur toute cette affaire… Cette fois, je n’avais donc pas le droit à l’erreur. Quitte à me faire encore rembarrer, je devais à tout prix essayer d’accéder à la scène du crime, pour comprendre le modus operandi du tueur (s’il s’agissait bien d’un meurtre).
Je sortis de l’ascenseur, traversai le hall du poste de police, et pris le premier taxi vers le théâtre.
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12 mars, 14h06
Théâtre Wasabi
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Je me présentai directement à l’entrée du bâtiment. Cependant, je n’avais pas anticipé que l’inspecteur Tektiv se tiendrait là, gardant la scène. Je l’interpellai en premier.
« Tektiv ! J’aurais besoin d’investiguer l’arrière scène du théâtre !
— Eh beh mon gars ! Soyez pas pressé comme ça. Vous avez déjà un droit de passage, directive du procureur. Par contre, je doute que vous trouviez quoi que ce soit qui vous soit vraiment utile !
— Hm… Je vois. Merci, Tektiv. »
Et merci, Hunter. Je prenais l’agent au mot et pénétrai dans le théâtre, montant sur scène. Aucun des policiers encore présents ne semblait enclin à m’arrêter. J’allais donc enfin pouvoir analyser de mes propres yeux le lieu de l’impact, une nouvelle fois. J’évitais minutieusement les éclats de verre tout en m’agenouillant sur le bois craquelé. L’escabeau écrasé ne présentait visiblement aucune trace significative… On pouvait à peine y apercevoir une minuscule tâche, sèche. Il s’agissait sûrement du résultat d’un mauvais coup de peinture, ou d’un frottement involontaire. En bref, rien de décisif.
Je jetai plutôt mon regard sur les restes du projecteur, car quelque chose clochait depuis le début. Si le schème d’Alice avait été révélé, une énigme subsistait : le tournevis qu’elle avait retrouvé devait avoir servi à dévisser le support… Alors pourquoi l’avait-elle retrouvé avant même le début de la représentation ? Quel était le tour derrière cette contradiction temporelle ? Les marques sur le support lui-même pouvaient peut-être répondre à cette question. En effet, les deux petits trous destinés à accueillir les vis, qui fixaient normalement le projecteur à la rampe métallique, étaient parsemés de traces d’éraillement. C’était comme si quelque chose avait attaqué le métal par frottements… Malheureusement, rien à proximité ne me permettait d’expliquer ce phénomène. Qui plus est, l’état de la scène rendait l’investigation difficile… Très bien. Cela me suffisait amplement : le reste se jouerait au tribunal. Je n’avais pas besoin d’en savoir plus immédiatement, j’en saurai plus le moment venu.
Mon enquête approchant de sa fin, je décidai de rendre visite à Maya afin de savoir comment elle allait. Et puis, elle avait un don pour créer de nouvelles pistes lorsque j’avais l’impression d’être coincé… Or, Amy était toujours entourée d’un voile de mystères. Je sortis du théâtre et filai à la prison.
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12 mars, 14h14
Centre de détention
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De retour dans ce bâtiment de béton obscur, le garde m’accueillit en requérant mes biens. Je lui laissai bien entendu mon badge et autres appareils électroniques, avant de me diriger vers la cellule de visite avec la même appréhension qu’à chaque fois.
« Nick ! Tu m’as apporté un goûter ? Un snack ? Des… nouvelles ?
Les deux mots prononcés firent grogner mon estomac. Le déjeuner qu’il n’avait pas englouti semblait particulièrement l’énerver…
— Ah, ah… J’aimerais bien. Pour te goinfrer, il faudra attendre.
— Tu n’as rien mangé à midi non plus ?! cria-t-elle en me regardant, les yeux exorbités, comme si elle lisait dans mes pensées.
— Hm non, mais ce n’est pas…
— Il faut que tu manges ! Tu reviendras après !
— Maya, ça ira. Promis. Et toi, comment te sens-tu ?
— Bon, d’accord… Ca… Ça va ! Je ne suis plus toute seule. As-tu avancé dans ton enquête ? »
Je lui racontai pas à pas ce que j’avais découvert en cette longue journée : les travails de Blake et Régis, sa sœur, Amy, ainsi que mon étrange entrevue avec Hamburg. Sans omettre mes découvertes à la scène du crime… Et notre adversaire de demain, Hunter. Le procès nous apparaissait de plus en plus clair, une étape après l’autre. Après ce résumé, une seule question me parut finalement essentielle.
« A ton avis, qui aurait pu tuer Ophélie, Maya ?
— Je ne sais pas… Blake a l’air de bien s’entendre avec elle. Régis et Hamburg n’avaient aucune raison de la tuer. Et si tout cela n’était finalement qu’un accident, Nick ?...
La main accrochée à sa veste indigo ne mentait pas. Et si… Maya était coupable ? Et si ses bras pendants, son regard détourné vers le sol étaient… justifiés ? Il ne s’agirait toujours que d’un accident, n’est-ce pas ?...
— Nick ? répéta-t-elle, dans le vague.
Néanmoins, je ne pouvais pas lui laisser porter ce fardeau. Je devais chercher une vérité annexe, une vérité dans laquelle elle n’aurait pas à souffrir. C’était mon rôle en tant qu’ami, certes, mais surtout en tant qu’avocat. C’était pour ça que je faisais ce métier. Douter de mon client était une faute professionnelle.
— Ce n’est pas un accident, Maya. Quelqu’un a voulu tuer Ophélie, et ce n’est pas toi. Malheureusement, je ne comprends pas comment Amy est liée à tout cela…
— Et… Si tu lui demandais, Nick ?
— Tu ne penses pas sérieusement à…
— Si c’est nécessaire, je peux toujours le faire.
Le channelling. Une technique du clan de médiums Fey, qui consiste à invoquer les esprits des défunts dans son propre corps. Cependant, ce n’est pas sans risque…
— Non, je refuse. La situation n’est pas si critique.
— Mais, si je peux t’aider !... étouffa-t-elle dans un appel plein d’amertume.
— La dernière fois, l’esprit s’est servi de toi pour assassiner quelqu’un et il a presque réussi… Je ne peux pas te laisser faire.
— Ce n’est pas comme si tu pouvais rendre visite à Amy, Nick !... Mais, je comprends. Je ne veux pas non plus te causer de problème…
— Attends Maya… Bien sûr ! Tu es géniale !
— Nick ?
— Je vais rendre visite à Amy, peut-être que j’apprendrais quelque chose !
— Tu… quoi ?
Elle me regardait béate, comme pour me signifier que j’étais fou. Je n’avais pas vraiment le temps de lui expliquer…
— Merci, Maya, tu es la meilleure assistante que j’ai jamais eue ! On se voit demain, au procès.
— Oh euh… merci. B… Bonne chance alors ! On se voit demain !
— Je te l’ai déjà dit : t’as pas à t’inquiéter, je vais te sortir de là. »
Je quittais Maya en hâte, pressé par le temps. Je récupérai mes affaires à l’entrée du centre de détention puis me pressai vers ma prochaine destination.
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12 mars, 15h58
Cimetière Hullère
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Et me voilà au plus proche d’Amy Stair… En tout cas, d’après Régis. Après une demi-heure de route, j’avais finalement rejoint le lieu mortuaire. A l’écart de la ville, l’ancienne construction faisait faible impression. Les pierres délimitant le sanctuaire étaient recouvertes de mousse, tandis que le portail en bois grinça sans hésitation dès que je me saisis de la poignée visqueuse. Malgré tout, l’intérieur suffisamment grand pouvait accueillir de nombreuses tombes et les allées de galets blancs, parfaitement géométriques, indiquaient un entretien quotidien. Sur une note plus rationnelle, ce cimetière me rappelait froidement les archives du commissariat… Je m’avançais sur les galets à la recherche d’Amy.
Elle risquait de ne pas m’apprendre grand-chose… Néanmoins, je devrais au moins apprendre ses dates de naissance et de décès, voire ses autres filiations familiales. A partir de là, même à partir de simples journaux (ou internet), je pourrais sûrement en découvrir plus. Les noms défilaient les uns après les autres, au rythme de mes pas. Soudain, à un énième croisement, les lettres tant espérées surgirent. « St… Air… A…my. » Amy ! Je fus immédiatement surpris par une seconde sépulture, qui accompagnait la sienne, dans ce qui était sans aucun doute un caveau familial. Si surpris que j’en oubliais de noter sa fameuse date de naissance. Au lieu de ça, je concentrai mon attention sur la tombe tout de suite à droite de la sienne alors que, par maladresse, mon corps vacilla. Je manquai de trébucher, me rattrapant sur une tombe située juste derrière moi. Finalement, jetant un autre regard au caveau, j’écrasai mon pantalon de costume bleu dans les galets. Les fesses désormais fixes et les pieds bien en place, assis stoïque dans l’allée comme je l’étais, je repris mes esprits. Je ne pouvais pas croire le nom porté définitivement dans la pierre, dans le futur emplacement réservé à l’époux d’Amy. J’aurais pourtant dû le deviner, bien avant de le voir en vrai…Mais cela me sembla si invraisemblable qu’il me fallut l’extraire à voix haute.
« Astrit… Hamburg. »
Amy était la femme de Hamburg ?! Cela expliquait certaines choses… et créait beaucoup d’autres questions dans la foulée. Si la sœur de Régis était également l’épouse de Hamburg, ils devenaient d’un coup beaucoup plus proches que je ne l’aurais jamais envisagé. Cela justifiait aussi le comportement de Hamburg... Il me restait donc un dernier voyage à faire. Je devais à tout prix lui parler avant d’aller consigner mes découvertes du jour. Tout devait finir là où tout avait commencé…
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12 mars, 17h01
Théâtre Wasabi
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Mon estomac grognait toujours autant… Même en sachant que les paroles d’Hamburg allaient être plus importantes que ses burgers, je ne pouvais pas m’empêcher d’avoir une May-envie de croquer dedans. Pour le moment, son camion n’était pas encore stationné devant le théâtre. En revanche, Tektiv n’avait pas encore quitté son poste. Vu le peu de travail que cela lui fournissait, il m’aborda dès que l’occasion se présenta.
« Eh, mon gars ! J’espère que votre enquête a avancée ! Je suis sûr que Hunter va vous aider à sortir Maya du trou.
— J’aimerais en être aussi sûr que vous, inspecteur…
— A ce propos !... Il m’a donné ça pour vous.
Il attrapa un dossier parfaitement conservé dans la poche de son manteau crasseux, puis me le tendis.
— Oh euh… Merci.
Je le pris entre mes mains et lus l’entête : « affaire SA-8 – Stair Amy ».
— Le… Le dossier de Amy ! Je savais que quelque chose clochait !
— Il a dit que ça vous serait utile, pour demain.
— Je vois… Sacré Hunter.
— Oh, au fait ! Vous oubliez pas mon burger, hein.
— Votre… burger ?
— Eh oui, vous croyez pas que j’ai sacrifié un sachet de nouilles pour rien récupérer en retour. C’était l’équivalent de deux jours de repas, mon gars !
— Attendez inspecteur, moi aussi je… Deux jours ?!
— Un donné, c’est un rendu !
— Oui, bien sûr… Je n’y manquerai pas.
Il me faisait de la peine, le pauvre bougre.
— Bon allez, c’est l’heure de la débauche, je vous laisse. Sortez Maya du trou !... Et dites pas au chef que j’ai dit ça, hein. A plus tard, mon gars.
— A plus tard, Tektiv. »
Sacré inspecteur. Quant à moi, je me plantai devant les portes du théâtre, épuisé. J’allais attendre Hamburg, qui ne manquerait pas d’arriver pour son service du soir. Je posai mon fessier sur l’un des grands plots sortant du trottoir et…
« Oh, mon p’tit Phoenix ! Phoenix !
Hung. Qu’est-ce que…
— Niiick !
— Maya ?!
— Ah ah, alors on pense à Maya en se réveillant, mon p’tit Phoenix ? En tout cas, pas commode de s’endormir assis dans la rue !
— Oh, Hamburg, c’est vous…
Le côté clos du camion se tenait juste devant moi. Le cuisinier avait dû descendre pour me réveiller.
— Alors, je peux faire quelque chose pour toi ?! s’exclama le bonhomme bourru.
— Oh, oui, faites-moi un burger, n’importe lequel…
— Et une commande, une ! »
L’homme au tablier remonta dans son lieu de travail et commença à préparer le délicieux repas. Les senteurs faisaient le tour de l’habitacle pour venir chatouiller mon nez affamé… Amy ! Reste concentré, Phoenix. Mais peut-être que tu pourrais manger avant… Je me levai, révélant une douleur aigüe passagère dans le bas de mon dos, puis m’avançai du bon côté du camion, sous le volet déplié.
« Dites, monsieur Astrit…
— Qu’est-ce que je peux faire pour toi, « Nick » ?!
— monsieur Astrit… Ah, laissez tomber. Est-ce que vous pourriez me parler de… Amy ?
— Eh allez, un steak saignant ! annonça-t-il le corps tourné vers la plaque de cuisson.
— Hamburg !
Je l’entendis soupirer, pour la première fois depuis que je le connaissais. Un long soupir, porté par ses énormes poumons.
— Mon petit Phoenix… Il y a certaines choses desquelles on ne parle pas. Tiens, voilà ton burger.
Il saisit un papier et l’enroula autour du morceau prêt à être englouti, tandis que je salivais.
— Je te le fais gratuit… Mais je t’en prie, ne me parle plus d’Amy.
— Je… C’est pour Maya !
— Que ce soit pour Maya ou qui que ce soit… Ne me parle pas d’elle. Ou je m’assurerais que tu ne m’en parles plus… Est-ce clair ?
Je déglutis.
— Très clair… Merci pour le burger, monsieur Astrit. On se voit demain…
— Oui, à demain, Phoenix. »
A demain, Hamburg… Je ne pouvais pas rivaliser contre vos muscles. En revanche, au tribunal, c’était moi qui donnais le tempo (enfin, quand ce n’était pas le juge. Ou Hunter. Bref !)… Si vous ne souhaitiez pas que cela se règle pendant l’enquête… Alors cela se règlerait au procès, Hamburg. Et Régis et Blake également… Je ferai la lumière sur toute cette affaire. L’entracte était terminé. Il était temps de prendre le repos qui m’était dû. De réaliser les derniers préparatifs… pour le clou du spectacle !