Plus de choses dans le ciel et sur la terre

Chapitre 1 : Plus de choses dans le ciel et sur la terre

Chapitre final

Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 23:44

7

Style

8

Scenario

8

Note globale

390 point(s)

Pour cette première review, j’ai été gâtée : véritable madeleine de Proust de la Terminale, cet OS de Jainas est ce que j’aurais aimé présenter à mon prof de philo sous l’œil éberlué et admiratif de l’ensemble de ma classe : un dialogue philosophique. Bon, pas tout à fait un dialogue, plutôt une conversation de groupe, en fait. Un débat. En trois actes, avec intervention de plusieurs protagonistes à certains moments clés. Et, dans cet exercice particulièrement délicat, l’auteur nous montre toute sa maîtrise de certains concepts que d’autres peinent encore à appréhender.

Je renâcle un peu sur le titre, qui est une citation de Shakespeare que j’ai trop trop souvent lue dans diverses œuvres de bit-lit, mais baste ! Shakespeare quand même…


Style/orthographe


Rien à redire, le style de l’auteur est un régal, fluide à souhait malgré la longueur et la syntaxe aguerrie des phrases, et extrêmement précis du fait de la richesse du vocabulaire employé. Chose rare d’ailleurs, Jainas est parvenue à enrichir mon lexique personnel d’un mot totalement inédit : hubris .

L’auteur a choisi le présent pour sa narration, et je ne peux qu’apprécier le rythme soutenu que cela donne au récit.

Ses dialogues sont fins, amusants, savamment tournés, les réparties percutantes, et l’emploi ciselé d’incises savoureuses, longues et explicites, donne à la conversation un aspect dynamique et définitivement maîtrisé.

Mes habitudes de correctrice étant tenaces, je n’ai pas pu m’empêcher de relever çà et là des oublis, maladresses et autres erreurs persistantes, venues me titiller les yeux comme autant de petits moustiques agaçants. Dans un texte de cette qualité, c’est presque dommage. De la même façon, les guillemets ne sont pas toujours employés à bon escient et j’ai noté une confusion des genres typographiques avec la littérature anglo-saxonne. Mais je pinaille et rien de tout ceci ne gâche véritablement la lecture.

Histoire/personnages

L’idée de base est simple, mais redoutablement efficace : amener, au détour d’une banale conversation sur la façon d’occuper son dimanche matin, un débat philosophico-théologique sur l’existence de Dieu et l’intérêt des religions. Dans la cuisine commune des Avengers, oui, oui. Ou comment Tony Stark, comme à son habitude, ne peut s’empêcher de taquiner son souffre-douleur préféré : notre bon Cap’tain Wahou.

Tout part d’une envie de prêche et l’intensité de la discussion monte, enfle, les arguments fusant de part et d’autre des différents camps, incarnés au départ par Steve Rogers, le croyant d’une autre ère, Tony Stark l’athée et Bruce Banner, l’agnostique dont nous suivons le point de vue tout le long du récit. Viennent se greffer au fur et à mesure les autres membres de l’équipe, Natasha, Barton et même JARVIS qui apportent à leur tour leur pierre à l’édifice.

Le tout se déroule sans heurt ni cri, et chacun semble libre de s’exprimer sur le sujet qui, sans être dramatique, aurait pu vite se révéler sensible. C’est peut-être avec une pointe de déception que je n’ai d’ailleurs assisté à aucun débordement. Même Tony Stark ne parvient pas à s’échauffer suffisamment sur le sujet pour faire sortir qui que ce soit de ses gonds. Cela étant, ce n’est pas forcément un reproche. Pourquoi une telle discussion entre personnes intelligentes, même de bords et de croyances différentes, ne se passerait-elle pas bien ?

Le débat est amené intelligemment, après un plantage de décor concis, et on part rapidement sur la question de l’existence Dieu et de l’impact des événements de New-York (notamment la découverte de vies extra-terrestres) sur la pertinence des dogmes humains. Je ne souhaite pas vous spoiler et vous priver du déroulé de l’argumentaire et de la façon dont Jainas nous emmène tout naturellement dans sa réflexion et je préfère vous laisser découvrir vous-même les thèmes abordés mais ils sont pertinents et soigneusement opportuns et chaque point de vue est amené adroitement, sans jamais donner l’impression d’idée sortie au forceps.

Entre chaque partie « philosophique », Bruce Banner y va de sa petite introspection personnelle et nous permet de souffler un peu tout en découvrant des pans de sa personnalité trouble et de son passé errant. Ainsi, même si le thème et l’intérêt principal de cet OS résident clairement dans la conversation elle-même et les différents arguments que chacun apporte pour construire un débat solide, l’auteur n’oublie pas de nous raconter une histoire derrière tout ça. On a l’impression, au-delà du sérieux du propos, d’assister à une tranche de la vie des Avengers. Une bande de potaches bienveillants qui refait le monde autour d’un café, dans une atmosphère bon enfant.

Réunion Tupperware autour du thème sacré, ou un petit-déjeuner normal à la Tour Stark…

En ce qui concerne les personnages, malgré un avertissement en début de fic nous apprenant qu’il s’agit d’une première tentative dans ce fandom, ils sont parfaitement respectés et l’auteur utilise leurs traits de caractère bien spécifiques pour mener le débat avec les arguments précis que chacun aurait très probablement envie de mettre en avant. Tony Stark l’athée, au point de vue rationnel et ultra-scientifique. Steve Rogers, en bon produit de son temps est fatalement un croyant fervent pour qui la question de l’existence de Dieu ne se pose même pas. Bruce Banner, le narrateur indirect, a, tout comme son personnage, le cul entre deux chaises et ne sait pas trop sur quel pied danser, se définissant du coup comme agnostique. Natasha Romanov joue comme toujours les mystérieuses et prône une tolérance envers la foi, quelle qu’elle puisse être et Barton, le discret Barton, n’a rien à dire. Reste JARVIS, l’entité non-humaine au point de vue forcément dépourvu de la moindre passion mais qui portant ne tarit pas de réflexions sur le sujet, me rappelant subtilement la quête de savoir et de sens de Spock ou de Data dans Star Trek.

Un bon tour de piste de chaque protagoniste, tous impeccables dans leur rôle respectif. On sent le soin apporté au respect des personnages. C’est tellement canon que ce débat aurait pu se dérouler dans la suite, lors de l’avènement d’Ultron.


En résumé


Un bon texte, intelligent et bien mené, avec de multiples lectures, sur la religion bien sûr mais aussi sur les doutes et les peurs de Banner, ses difficultés à s’accepter et son angoisse que l’Autre ne prenne le dessus et ne décime ses nouveaux amis. La fin nous apprend qu’il n’est pas le seul déraciné du clan et que ce n’est qu’ensemble qu’ils peuvent espérer grandir et évoluer pour passer outre leurs côtés obscurs.

Un pied de nez aux disserts de philo de ma jeunesse et, à n’en pas douter, un exercice qui pourrait servir d’exemple d’utilisation de l’art de la fanfiction dans la scolarité…