Noir comme Neige

Chapitre 3 : Elucubrations

2467 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 09/11/2016 16:18

ELUCUBRATIONS

 

 

Hermione termina de nouer l'écharpe de Hugo qui se tortillait comme un ver, puis le libéra.

- Allez, va jouer, dit-elle en lui donnant une petite tape sur le derrière.

Le petit garçon détala en criant de joie et rejoignit les autres au fond du jardin.

Ginny pouffa.

- Il tient à peu près autant en place que son père au même âge.

- Je m'en doutais, dit sa belle-sœur avec un soupir dramatique étudié, avant de se mettre à rire elle-aussi.

 Le soleil brillait haut dans le ciel bleu, scintillant sur les stalactites qui frangeaient le toit de la maison, la glace qui recouvrait la clôture en bois et la neige en crème immaculée sur les branches des arbres du jardin.

Les enfants se poursuivaient en se lançant des boules de neige qui éclataient en poudre brillante. Leurs piaillements excités et joyeux résonnaient dans l'air froid. Le petit dragon noir gambadait autour d'eux, les oreilles droites et les ailes à demi ouvertes, son poil épais moucheté de blanc. Sa minuscule langue rose apparaissait de temps à autre, quand il laissait échapper un cri rauque étrange qui ressemblait à un gloussement de rire.

Ginny enfonça son menton dans son col en fourrure et tapa ses mains gantées l'une contre l'autre pour les réchauffer.

- On dirait un chiot ou un chaton, commenta Hermione en imprimant un mouvement de balancier à leur siège capitonné. "Je me demande si c'est vraiment un dragon. Je veux dire, il n'a rien à voir avec les créatures monstrueuses d'Hagrid, à l'époque."

- C'est pour ça que j'aimerai en parler avec Charlie, dit Ginny en faisant la grimace. "Mais il est de nouveau en Roumanie et il ne reviendra pas avant la fin du mois."

- HUGO ! Si je te vois refaire ça, on rentre ! C'est compris ? cria férocement Hermione en se levant brusquement. Elle attendit que son fils hoche la tête d'un air penaud pour se rasseoir. "Et avec le mariage de Graup, ce n'est pas non plus comme si on pouvait poser la question à Hagrid, il est trop occupé", ajouta-t-elle.

Ginny eut un petit reniflement narquois.

- Et je connais déjà sa réponse, que cette bête soit dangereuse ou non : "oh, gardez-le !"

Les deux femmes rirent ensemble.

- Qu'est-ce qui est si drôle ? demanda M. Weasley en s'approchant derrière elle, marchant à petits pas avec le plateau de tasses remplies et fumantes.

Ginny sortit sa baguette et rapprocha la petite table de jardin en fer forgé. Hermione en fit disparaître la neige gelée d'un léger tour de poignet. Elles se poussèrent pour laisser une place pour le vieil homme sur la balancelle.

- Des souvenirs, dit la jeune femme rousse. "Qu'est-ce que tu penses du nouvel ami d'Albus, toi, papa ?"

- Qu'il ne faut rien décider avant d'avoir avalé une bonne tasse de thé, dit joyeusement son père en joignant le geste à la parole. "Rien de tel pour avoir les idées claires."

Il but quelques gorgées puis retroussa son bonnet sur son large front piqueté de taches de rousseur et considéra longuement les enfants qui bâtissaient maintenant un troll de neige. Ses yeux devinrent très sérieux.

- Je me demande si…

- Si ? répéta Ginny anxieusement.

- Est-ce que ce ne pourrait pas juste être une manifestation de la magie d'Albus ? suggéra lentement le vieil homme. "Dans le froid, sous l'émotion, la peur d'être seul dans le noir… peut-être que cette bestiole est Crocmou. Animé subitement par un enfant effrayé qui faisait face à un énorme chagrin."

Hermione se mordilla les lèvres et rangea derrière son oreille une mèche de chignon.

- J'y avais pensé aussi, mais… c'est juste trop. Même si Albus a vraiment de très grandes capacités, c'est quand même… un peu trop gros.

Les yeux de Ginny se remplirent de larmes.

- Quand James a manifesté sa magie pour la première fois, il s'est contenté de faire partir sa locomotive en fusée ! Je ne pensais pas que ce serait une si grande déchirure, ce n'était qu'un doudou et Albus a déjà six ans. …

Son père lui passa un bras autour des épaules.

- Ne commence pas à culpabiliser. Rien ne nous dit que c'est vraiment le cas, de toute façon. Il s'agit peut-être d'un véritable dragon, mais je pencherais plutôt pour une créature magique que nous ne connaissons pas, ou même pour un sort jeté à un pauvre matou.

Ginny essuya ses joues d'un revers de poignet.

- Harry a essayé de le désenchanter avant de partir au Ministère de la Magie, mais ça n'a pas marché, bredouilla-t-elle. "Je…"

- GRAND-PERE, TU VIIIIIIEEEEENS ?

Rose et Lily s'égosillaient depuis le bout du jardin, debout sur la pointe des pieds. Hugo avait grimpé sur le dos de James qui courait en rond en hennissant, les joues rouges et ses cheveux bruns en désordre.

Arthur Weasley agita sa main pour répondre aux filles.

- J'arrive, j'arrive !

Il termina sa tasse de thé cul-sec et la reposa dans le plateau, juste à temps pour recevoir dans ses bras Albus qui accourait vers lui, suivi comme son ombre par le petit dragon noir qui bondissait.

- Grand-père, regarde ! Crocmou arrive presque à voler quand il saute haut.

Le vieil homme embrassa l'enfant qui se blottissait contre lui et tendit la main vers l'animal. Le dragon pencha la tête de côté et mâchouilla l'intérieur de sa bouche comme il le faisait souvent. Ses prunelles vertes fendues d'or sondèrent le regard de l'adulte, puis il s'approcha d'un pas dansant, sa queue d'as de pique balayant la neige en poudre brillante.

Il renifla les doigts, lécha le sucre tombé sur le pouce.

- Il t'aime bien, dit Albus fièrement.

- Je vois ça. Bonjour, Crocmou. Tu t'amuses bien ?

- Vouiiiii !

M. Weasley ébouriffa les boucles noires du petit garçon.

- Ce n'est pas à toi que je parlais ! Dis, Al. Tu veux bien que je fasse une photo de lui ?

Il échangea un coup d'œil avec sa fille et sa bru, au-dessus de la tête de l'enfant.

- Je voudrais l'envoyer à ton oncle Charlie.

Albus hocha la tête.

- D'accord. Mais est-ce que tu peux en faire une avec moi, aussi ?

- Bien sûr.

- GRAAAAAND-PEEEEERE !

Il se mit à rire et se leva en prenant la main d'Albus.

- On va aller faire cette photo au fond du jardin avant que ta sœur et ta cousine ne fassent fuir tous les oiseaux du voisinage.

Ginny les suivit des yeux, puis accepta la tasse fumante que lui tendait Hermione.

- Quand est-ce qu'Harry va rentrer ? soupira-t-elle. "Al s'est beaucoup trop attaché à cette chose, s'il faut l'en séparer, ça va être un drame encore pire…"

Hermione fit virevolter sa baguette pour se servir de lait et de sucre, puis pour tourner sa cuillère dans la tasse en porcelaine bleue.

- S'il conserve cette taille-là, tout ira bien, dit-elle pensivement. Il ne mord pas, il ne crache pas de feu…

- Et s'il devient énorme, qu'est-ce qu'il se passera le jour où Albus ira à Poudlard ? coupa Ginny d'un ton aiguë. "Charlie a dit une fois que certains dragons vivent jusqu'à cent ans ! Tu le vois, assis sur le toit du train, en train faire des ronds de fumée ? Tu crois franchement qu'on le laissera dormir dans un dortoir ou assister aux classes avec Al ? Même si les professeurs acceptaient, les élèves auront sûrement peur de lui. Je ne veux pas que mon fils soit mis à l'écart comme Hagrid ! Hermione, je pensais que toi, au moins, tu comprendrais !

Hermione posa sa main sur l'épaule de Ginny.

- On va trouver une solution, dit-elle fermement. "Une chose à la fois. Ne t'inquiète pas."

Au fond du jardin , M. Weasley s'était agenouillé sur un genou et cadrait les cinq enfants accrochés les uns aux autres par les épaules et le petit dragon assis dans la neige, ses ailes de jais pendantes de chaque côté de son bidon tout rond.

- Dites "cheeeeese"… James, arrête. Hugo, on ne bouge plus…

Le flash craqua avec des étincelles quand il appuya sur le bouton.

Les prunelles vert et or de Crocmou s'écarquillèrent et il fit une cabriole en ouvrant grand la bouche.

Il y eut un bruit vif et étouffé, une lueur orangée comme un éclair, puis l'appareil photo prit feu.

Arthur le lâcha aussitôt et le recouvrit de neige en la poussant avec ses chaussures, très vite imité par James et Hugo. Les fillettes avaient couvert leurs visages avec leurs gants et tremblaient un peu dans leurs paletots.

Rosie finit par sortir un œil sous sa toque de fourrure rose.

- Qu'est-ce c'était, Grand-père ? demanda-t-elle nerveusement.

Lily tira sur les tresses rousses qui dépassaient de son bonnet en laine pistache.

- BAOUM ! ça a tout pété, dit-elle, ravie d'utiliser son mot favori.

M. Weasley ôta son bonnet et gratta son crâne presque chauve.

- Je me demande…

- C'est ton appareil, c'est un vieux machin de la guerre, dit James en haussant les épaules. "Tu devrais en acheter un autre à…"

- Elle est où, la photo ? intervint Hugo qui s'était débrouillé pour mettre de la neige mélangée de suie sur son visage piqueté de taches de rousseur.

- Qu'est-ce que vous faites ? C'était quoi, cette fumée ? appelèrent les mères depuis la balancelle.

Comme elles n'obtenaient pas de réponse, elles se levèrent et se dirigèrent vers le groupe.

- Crocmou…

Le ton plaintif d'Albus fit tourner la tête au vieil homme. Le petit garçon était accroupi et leur tournait le dos.

- Crocmou, ça va ?

M. Weasley s'approcha et se pencha au-dessus de la tête de son petit-fils. Il réprima un sourire et posa sa main sur l'épaule de l'enfant.

- Je crois qu'il va bien, tu sais, dit-il gentiment.

Dans la neige blanche, la tête du petit dragon stupéfait et immobile ressortait parfaitement, hérissée comme celle d'un personnage de cartoon, les poils noirs dressés raides et le museau recouvert de poudre sombre.

James et Hugo prirent le fou-rire, mais les filles s'agenouillèrent avec inquiétude.

- Pauvre Crocmou, dit Rosie en lui caressant la tête.

- Tiens, Crocmou, ajouta Lily avec compassion, en lui tendant un chocolat enveloppé de papier argenté.

- Ne lui donne pas ça, il va être malade, protesta Albus, les yeux pleins de larmes.

Il se pencha et prit l'animal dans ses bras, épousseta les oreilles et brossa du plat de la main l'échine bosselée par un grondement sourd.

- Attention… murmura M. Weasley, un peu inquiet. "S'il a eu peur, il risque de te griffer sans faire exprès."

Le petit dragon éternua et se tortilla pour échapper à l'enfant. Il grimpa sur son épaule, renifla et pencha la tête de côté.

- Qu'est-ce qui s'est passé, papa ? demanda Ginny.

- C'était un pétard du nouvel an ? Un feu d'artifice qui a raté ? interrogea Hermione. Tout va bien, les enfants, vous n'êtes pas blessés ?

- Crocmou a fait pshiiit et – boum, les informa Lily.

Sa tante leva un sourcil.

- Hein ?

- James, qu'est-ce que tu as encore traficoté ? lança Ginny en se tournant vers son fils.

- Mais rien, maman ! protesta le garçon, offusqué. "C'est Grand-père !"

- Eh ben, c'est du propre ! s'exclama une voix gouailleuse derrière eux. "Si c'est le patriarche qui mène les bêtises, maintenant, où va-t-on ?"

Tout le monde se retourna.

Ron était là, les mains sur les hanches, ses cheveux roux étincelants dans le soleil d'hiver, un large sourire sur le visage.

Derrière lui arrivaient Harry, avec une pile de livres si haute qu'elle l'empêchait de voir où il marchait, et Neville qui avait enfilé sa blouse blanche d'herboriste sur son pardessus.

 

 

A SUIVRE...

Prochain chapitre : "La théorie de Neville"

 

 

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